Bien sur, les personnages de Saint Seiya ne m'appartiennent pas.
Je me permet juste de rajouter quelques personnages secondaires.
Fausse donne
Huit sur douze ! Seuls huit sur les douze d'entre eux étaient revenus ! Et depuis les soucis et les mystères s'accumulaient au Sanctuaire.
chapitre 1 : Retour
Le vent se levait.
Comme chaque printemps, la brise venue de la mer, répandait sur le Sanctuaire un mélange d'embruns et de parfums de fleur et d'herbe coupée.
Le jour aussi se levait et le spectacle qui s'offrait aux gardes de nuit qui finissaient leur ronde et retournaient à leurs lits, était une ode à la contemplation.
Le ciel se parait de nuages roses et incandescents alors qu'à l'horizon se détachait la ligne bleue du point du jour. Tout était sujet au calme et à l'apaisement.
Les chevaliers et les habitants s'éveillaient doucement et allaient prendre leurs postes.
Depuis la fin de la dernière guerre sainte, l'activité du Sanctuaire était réduite et cette matinée commençait aussi paisiblement que d'habitude.
Une telle quiétude était incongrue en cet endroit où moins d'un an auparavant, les échos des entrainements retentaient toute la journée, dans les arènes. Les corps qui se cognent, les halètements dans l'effort, les pieds qui tapent les dalles, les pleurs, les encouragements, tous ces bruits répétés encore et encore, composaient la musique propre du Sanctuaire.
Le calme n'était ni reposant ni apaisant, c'était juste le souvenir d'une tragédie, c'était le manque de vie et l'incarnation des peurs des chevaliers face à leur manque d'effectifs.
La bataille contre les forces d'Hadès, quelques mois plus tôt, avait laissé le monde de la chevalerie dans un bien piètre état. Déjà le conflit interne que représentait la prise de pouvoir de Saga, avait décimé les troupes des chevaliers d'argent.
Et à présent, l'ordre des chevaliers d'or, les plus puissants protecteurs d'Athéna, était anéanti.
Ne restaient que des chevaliers de bronze et quelques rares chevaliers d'argent pour gérer et protéger le Sanctuaire. A peine une trentaine sur quatre-vingt-huit. Le moral était bien bas.
La présence des cinq bronzes victorieux des enfers, relançait l'optimisme des troupes mais leur jeunesse et leur inexpérience ne pouvaient combler le manque de chevaliers aguerris, formés à la gestion des hommes, des subordonnés, de la cohésion de groupe et de la formation d'apprentis. (Sans parler de toute la gestion matérielle tel que le ravitaillement, l'entretient, le jardinage, la gestion des stocks, l'infirmerie, la restauration des temples…)
Les survivants se contentaient pour l'instant, de gérer les problèmes au jour le jour, en priant pour qu'aucun conflit armé ne se déclare.
Et pourtant, un événement inattendu survint et le calme se brisa.
Ce matin là, alors que le vent et l'aube se levaient, six mois après la chute d'Hadès, ce fut la Seconde Résurrection.
Agapios se réveilla en sursaut. Par la fenêtre de sa chambre, le soleil s'infiltrait entre les deux rideaux et dessinait une ligne blanche et aveuglante. Les rayons s'étaient insinués, impitoyables, sous les paupières de l'inconscient qui par paresse, n'avait pas fermé les volets la veille. Agapios bondit hors du lit, enfila ses sandales, passa sa tunique, boucla sa ceinture et sortit précipitamment, le casque à la main. Tant pis pour sa toilette ou son petit-déjeuner !
Ce n'était pas la première fois qu'il avait une panne de réveil et Pyrrhus, son sergent, devait sûrement l'attendre en râlant. En tournant à l'angle de la caserne des gardes, il marqua une pause et contrôla son état. Encore chaud du lit, il sentait la sueur, sa tunique était froissée, ses yeux bouffis. La trace des draps incrustée dans sa joue et ses cheveux dressés à la verticale sur la gauche de son crâne, ne laissaient aucun mystère sur quel côté il préférait dormir. Il avait faim, son ventre grognait et il bailla à s'en décrocher la mâchoire. Ainsi, il put réaliser l'ampleur de son haleine, à faire fuir au galop, une veille mule trop têtue pour avancer, malgré la promesse d'une carotte fraîche et la menace d'un bâton pointu. Pour couronner le tout, ses muscles ankylosés le faisaient souffrir et lui donnaient une démarche saccadée.
Agapios donnait une belle image de la garde d'Athéna ! Si son ancien maître était encore vivant et l'avait aperçut ce matin, il se serait senti soulagé et réconforté dans ses capacités pédagogiques. Comment vouliez vous apprendre à un zigoto pareil, la maîtrise du cosmos ? Il avait échoué à en faire un chevalier, mais personne ne pouvait lui jeter la pierre ! Agapios avait survécu à ses années d'entrainement, à force d'endurance, ce n'était déjà pas si mal !
Le jeune garde, lécha sa main pour tenter de lisser avec sa salive, ses mèches en épi. Il essaya deux fois, puis devant le manque de résultat, préféra enfiler son casque pour cacher la misère. Avec un sourire qui se voulait désolé mais dont ne ressortait qu'une grimace imbécile, il se dirigea vers Pyrrhus qui l'attendait, les mains sur les hanches, la pointe du pied gauche tapant le sol, signe de mauvaise humeur.
— C'est pas possible ! Non mais, t'as vu l'heure ?! cria, non, hurla Pyrrhus. Les autres sont déjà tous partis depuis longtemps !
Il était vraiment furieux. Les dents et les poings serrés, il se retenait de coller une torgnole à cet abruti.
— Ha ! Ça doit bien faire trois quarts d'heure que l'équipe de nuit est revenue pour la relève ! Et qu'est ce qu'ils ont trouvé devant la caserne ? Toutes les équipes de jour prêtes, sauf une ! Et laquelle ? Hein ? La notre, comme d'habitude ! Parce que t'es pas fichu de respecter un seul horaire …
Quand il était en colère, les yeux de Pyrrhus se désynchronisaient. La pupille droite filait au coin de l'œil et s'y nichait sans suivre les mouvements de la pupille gauche. De temps en temps, elle avait un soubresaut, se baladait dans le blanc de l'œil, puis revenait bien vite, immobile, dans son coin. L'air niais, Agapios n'écoutait déjà plus son chef, il était subjugué par cette bille noire qui semblait obéir à des lois propres à elle-même, bien éloignées des règles de la vision binoculaire. Il ne s'était même pas aperçu que Pyrrhus avait cessé de parler et attendait une réponse.
— Quoi ? balbutia-t-il.
La bille noire roula encore plus vite dans son orbite. Pyrrhus inspira profondément et souffla lentement par la bouche, en fermant les paupières.
— Rien, rien, rien ! Tu me désespères ! Va prendre ta lance qu'on décolle au plus vite !
Agapios prit la seule lance qui restait posée contre le mur puis se dirigea vers le bureau.
— Et tu vas où là ?
— Bin… Signer le registre.
— Je l'ai fait pour toi tout à l'heure. Manquerait plus qu'on te file encore un blâme pour retard ! lui expliqua Pyrrhus, en attrapant son arme et en s'engageant sur le chemin qui menait aux falaises.
— Merci, c'est sympa. Agapios courut trois pas pour rattraper son collègue.
— Tu me fatigues ! Dès le matin, tu me fatigues…
…..
La vue était toujours aussi époustouflante. La Méditerranée, au printemps, dévoilait ses charmes et laissait apparaître les nombreuses petites îles qui côtoyaient le Sanctuaire.
Des monticules de rochers noirs et rouges surgissaient des flots tels les dos de formidables animaux marins, paisibles et immobiles.
Rien de nouveau, le ciel était ciel, la mer était mer et la seule trace de civilisation alentours était le petit village de Rodorio dont on pouvait apercevoir, depuis les hauteurs des falaises, les toits des maisons et l'agitation sur la place centrale. On était jour de marché et quelques barques de pêcheurs se dirigeaient vers le petit port, pour y vendre leurs produits.
Rien de nouveau.
Les deux gardes s'arrêtèrent un instant, au bord du vide, pour contempler le village. Agapios réalisa qu'il n'avait pas rempli son frigo et qu'un petit détour au marché aurait bien arrangé ses affaires. Peut être que Pyrrhus aurait accepté, mais après son retard de ce matin il n'osait pas le lui demander. A cette heure ci, le soleil était bien au dessus de l'horizon et les ombres qui obscurcissaient la petite plage en contre-bas, s'évanouissaient doucement. Le sable jaune apparaissait entre le noir des rochers. Agapios connaissait le paysage par cœur, alors il remarqua tout de suite, la tache blanche au milieu du sable.
— C'est quoi ça ? demanda t-il en la pointant du doigt.
Pyrrhus se pencha en plissant les yeux.
— Je vois mal, une bâche ? Une bouée échouée ? Faut aller voir.
Le seul passage vers la petite crique était un escalier très étroit, taillé dans la roche, qui serpentait en boucles compliquées. Plus ils descendaient, plus la forme blanche devenait nette. Ils distinguèrent d'abord un buste puis des bras, des jambes. Ils se mirent à courir et déboulèrent sur le sable.
— Un noyé ? s'interrogea tout haut Pyrrhus.
C'était bien un corps mais la position semblait étrange pour un noyé : sur le dos, les bras le long du corps, les jambes étendues et serrées, les cheveux en auréole autour de la tête.
Les deux gardes s'approchèrent. Penchés au dessus de lui, ils le reconnurent.
— Bin ça alors ! C'est Misty !
C'était Misty ! Misty, le chevalier du Lézard !
Pas d'erreur possible ! C'était bien lui ! Pyrrhus et Misty avaient été condisciples pendant leur enfance. C'était bien son visage, sa silhouette et ses longs cheveux blonds et bouclés. Mais Misty était mort un an auparavant, au bout du monde, tué par le chevalier Pégase ! C'était du moins, ce que Pyrrhus avait compris.
Il se souvenait bien de ce jour là, où l'annonce de sa mort était arrivée jusqu'à ses oreilles. Sans surprise, ça l'avait peu chagriné car la jalousie et l'amertume qu'il éprouvait, après avoir perdu contre lui pour l'armure du Lézard, étaient encore bien trop présentes. Face à Misty, il n'avait même pas tenu deux minutes : toutes ces années d'efforts et d'entrainement, tous ses rêves avaient été anéantis dans cet unique combat !
Il avait longtemps gardé au fond du cœur, une certaine satisfaction revancharde de la défaite du Lézard contre Pégase. Il s'était alors félicité de n'être devenu qu'un simple garde, car même si c'était moins prestigieux que chevalier d'Athéna, il avait mille fois plus de chance, de faire de vieux os. Et le prestige de finir massacrer par un petit chevalier de bronze lui avait paru soudain bien discutable.
Mais aujourd'hui devant le corps de Misty, la réalité l'emporta sur les ressentiments et il n'éprouvait plus que de la peine, en constatant l'immense gâchis d'une vie fauchée si jeune.
Néanmoins, il lui semblait que son ancien rival avait été enterré quelque part en Asie. Que faisait donc son cadavre sur cette plage ?
En y regardant bien, c'était tout de même, un drôle de cadavre ! Bien blanc, mais bien frais, même un peu rose. Pyrrhus s'accroupit et lui toucha le bras. Il était chaud ! Vite, il prit son pouls ! Il était là et bien régulier. En faisant bien attention, on pouvait constater aussi que sa poitrine se soulevait doucement au rythme de sa respiration.
— Il est vivant !
— Il semble juste inconscient. précisa Agapios, en lui soulevant le poigné qui retomba sans résistance en un bruit mat. Il a l'air de n'avoir aucune blessure.
En effet, le corps nu était propre et ne présentait pas même une égratignure. Les cheveux étaient secs et coiffés, les boucles bien faites et brillantes. Pas de traces de sables, de sel ou d'algues.
— Qu'est ce que c'est que cette histoire ? marmonna Pyrrhus. Il ne vient pas de la mer, c'est certain.
— Misty n'était donc pas mort ? s'étonna son collègue. Le Pégase, il a dû foiré quelque part.
— Ça n'explique pas ce qu'il fait là.
— Tout nu en plus.
— Bah ! Ça, c'est pas le plus surprenant !
Agapios ricana. Son sergent se senti obligé d'expliquer.
— Te fais pas de fausses idées ! Contrairement aux apparences, Misty n'est pas un exhibitionniste, c'est un maniaque ! Le genre à se laver cinq fois par jour et à jeter sa tunique pour un tout petit accroc.
Pyrrhus avait souvent vu Misty se promener dans son plus simple appareil. Pendant leurs formations, il passait son temps à se déshabiller pour aller se purifier aux thermes ou dans la rivière.
—Une fois, gamin, continua-t-il, j'ai mis les pieds sur son lit, il m'a fait une de ces crises ! Alors, pour une petite tache, il a très bien pu choisir de retirer ses vêtements.
— Ça devait être une sacrée tache quand même, pour ne même pas garder son slip ! C'est pas crédible.
Pyrrhus n'y croyait pas non plus. D'ailleurs, il n'y avait aucun habit à proximité. Son regard balaya les environs. Pas de vêtement sur la plage, et exceptées leurs propres empreintes de pieds, aucune trace de pas non plus. La marée ne montait jamais jusqu'ici et n'avait donc pas effacé d'indices. Alors d'où pouvait bien venir Misty ? Tout portait à croire qu'il s'était tout bonnement matérialisé sur le sable. Pyrrhus reporta son attention sur son subalterne qui secouait le Lézard comme un prunier. Obstinément, Misty refusait de reprendre connaissance.
— Il faut l'emmener à l'infirmerie.
— Euh … Ouais... souffla Agapios en zieutant l'escalier bien raide et interminable, seule issue de la crique. Sinon, on pourrait attendre qu'il se réveille.
— Allez ! Aide moi ! Prends les jambes. lui ordonna Pyrrhus en attrapant le chevalier sous les aisselles.
— Et nos lances ?
— On reviendra les chercher plus tard. Cherche pas d'excuse pour ne rien faire et viens m'aider !
Agapios, voyant le visage de son chef rougir et son œil droit qui commençait à se désolidariser de son voisin, obtempéra et agrippa du bout des doigts, les genoux du chevalier d'argent.
— Mais c'est qu'il pèse lourd l'animal !
En effet, tout en muscle, Misty était bien plus lourd qu'il n'y paraissait. Ils n'avaient même pas encore atteint les premières marches de l'escalier, qu'Agapios soufflait et râlait.
Il répugnait à attraper franchement le corps nu du Lézard. La nudité et le naturisme, n'étaient pas du tout sa tasse de thé. Gêné, il regardait en l'air pour éviter de poser les yeux sur son entrejambe. Le pénis de Misty qui se baladait de façon, certes un peu ridicule mais surtout totalement impudique de gauche à droite à chaque enjambée des deux gardes et de haut en bas à chaque fois que Pyrrhus le soulevait un peu plus fort, le mettait très mal à l'aise. Alors forcement, Agapios trébuchait à chaque pas et manqua de s'écrouler dans le sable avec le chevalier et son sergent.
— Mais arrête de faire l'enfant et tiens le bien ! Bordel ! Mais quel boulet !
Pyrrhus avait l'air assez énervé comme ça et le garde qui avait, tout de même, un minimum d'instinct de survie, ne se risqua pas à lui demander l'autorisation d'aller chercher un slip ou un pagne, enfin n'importe quoi qui cacherait un pénis.
La montée jusqu'en haut des falaises allait être folklorique.
…..
Le docteur Harmen se prélassait dans son fauteuil, une tasse de café dans la main gauche et le journal dans la droite. Ses yeux suivaient une ligne et arrivés à la marge, revenaient automatiquement à gauche de la ligne suivante, tels une vieille machine à écrire, manipulée par une secrétaire efficace n'oubliant jamais le retour chariot. Mais le sens des mots ne rentrait pas dans son cerveau. Il était encore très tôt et son esprit n'était pas très alerte de si bon matin. Il avait toujours besoin de son café et de son petit quart d'heure de rodage avant de démarrer la journée.
Ce fut le moment que choisirent, nos deux gardes pour entrer en fanfare dans l'infirmerie.
— Docteur, docteur ! On a un problème. s'égosilla Agapios en ouvrant la porte d'un grand coup de pied à casser les gonds et les charnières.
Autant dire que Harmen ne fut pas d'humeur à les recevoir.
— Ah ! Et ça me concerne ?
Le docteur n'appréciait pas qu'on abime le matériel quand bien même il s'agissait de la porte et non d'un appareil médical coûteux. Pyrrhus entra à la suite d'Agapios en portant Misty sur son dos et le déposa sans douceur, sur le premier lit venu.
— Bonjour à vous aussi. Et faites comme chez vous, bien sur ! grogna le médecin.
— Oui euh… Bonjour docteur. Pyrrhus avait le sens du tact et senti qu'il vallait mieux ne pas énervé le médecin. Nous avons trouvé cet homme sur la crique.
Harmen n'avait pas l'air de réagir.
— Et alors ? demanda Agapios pressé.
— Et alors quoi ? gronda le médecin.
— Alors on voudrait savoir si il est mort ou vivant.
Harmen regarda à peine le patient.
— Alors il est vivant.
— Oui, mais il devrait être mort.
— Il est vivant.
— Oui, mais on se demande si il devrait pas être mort ?
— C'est quoi ces conneries ?
Harmen en avait vu des morts. Vétéran du Vietnam, ancien chirurgien de guerre, c'était une bonne recrue pour le Sanctuaire. Il avait l'habitude des blessures sanguinolentes, des mutilations, des brulures, des écrabouillements, des empoisonnements, des infections, des fractures, bref ! de la violence sous toutes ses formes plus ou moins créatives. Un météore de Pégase ou une rafale de mitraillette, pour lui c'était du pareil au même. Harmen était un bon médecin avec de l'expérience à qui on ne la faisait pas alors ce n'était pas aujourd'hui qu'un petit péteux allait lui apprendre à différencier un mort d'un vivant. Il croisa les bras et se contenta de regarder Agapios d'un œil mauvais.
Pyrrhus essaya de tempérer.
— Docteur, depuis tout à l'heure, nous n'arrivons pas à lui faire reprendre conscience. Pouvez vous nous donner votre diagnostique ?
Sans répondre Harmen prit le poult de Misty, lui souleva les paupières et testa les reflexes oculaires avec une petite lampe de poche.
— Il dort.
— C'est tout ?
Harmen souffla bruyamment et refit quelques tests.
— Il dort bien.
— C'est pas un évanouissement ?
— Non, sommeil paradoxal.
— Même pas un petit coma ? tenta Agapios.
— Non ! Ça n'existe pas un « petit coma » ! Il dort et c'est tout !
— Comment, on le réveille ?
Harmen se retourna et colla une baffe magistrale à Misty. Rien. Une deuxième puis une troisième. Toujours rien.
— Ah c'est marrant ça !
L'humeur du docteur venait de changer du tout au tout ! Intrigué par le cas du Lézard, ses yeux brillaient et il souriait presque. Il s'activa d'un coup, comme monté sur ressort et commença une batterie de tests, ne se préoccupant plus des deux gardes dans la pièce.
Il venait de finir une prise de sang quand Shina entra, portant un autre corps.
— Oh oh un deuxième ! Voyons, voyons !
Excité comme un môme, Harmen fit signe à Shina d'allonger le patient sur le deuxième lit et lui souleva tout de suite les paupières, puis lui assena une grosse gifle.
— Lui aussi, il dort ! Intéressant …
Pyrrhus s'approcha, il lui semblait reconnaître cette personne.
— Mais c'est…
— Piotr oui. Lui confirma Shina. Je l'ai trouvé dans la petite arène, je le croyais mort.
— Intéressant, intéressant… continuait le médecin, en malmenant ses deux patients.
Piotr était un serviteur du palais du Grand Pope, il avait été blessé pendant l'attaque des spectres et n'avait pas survécu à ses blessures. Shina posa ses yeux sur le premier lit et poussa un couinement de surprise en reconnaissant Misty.
La porte s'ouvrit à nouveau et un garde, ramena encore un corps, lui aussi nu comme un ver.
— Ça alors c'est Justin ! s'émerveilla le docteur Harmen. Mon infirmier ! Il est mort l'année dernière.
Et à lui aussi, il lui ficha une grosse baffe.
Shina, étant la plus haut-gradée, prit le commandement des opérations.
— Vous trois ! ordonnât- elle en s'adressant aux gardes. Faites le tour du domaine et vérifiez si il n'y en a pas d'autres ! Docteur, essayez de me pondre un rapport le plus vite possible ! Moi, je file au palais prévenir Athéna.
Elle sortit de la pièce telle une tornade.
…..
Pyrrhus et Agapios marchaient dans les broussailles. Avec des bâtons, ils sondaient sous les ronces et la bruyère, le terrain derrière les maisonnettes des serviteurs. Le soleil allait bientôt se coucher, les nuages s'étiraient dans le ciel en filaments cotonneux, les oiseaux rentraient au nid et les grillons cessaient de crisser. La nature se préparait pour la nuit.
— On n'aura jamais fini avant qu'il fasse noir. se plaignait le plus jeune.
— Alors on ira chercher des torches.
— J'ai même pas eu le temps de manger…
Son ventre vide depuis la veille, criait famine avec des borborygmes peu discrets.
La journée avait été longue.
Ils avaient aperçu un quatrième corps juste à côté de l'infirmerie, puis un cinquième, trois cent mètres plus loin. On se serait crû un lundi de Pâques à la chasse aux œufs, de nombreux corps avaient été trouvés ça et là, éparpillés sur tout le domaine. Tous avaient le point commun d'être décédés durant l'année précédente, pendant le règne de Saga et la bataille du Sanctuaire ou pendant l'attaque des spectres.
Des équipes de recherche furent organisées pour tous les trouver et les emmener à l'infirmerie qui, ne comptant que huit places, fut très vite remplie. Puis ils furent installés dans les dortoirs des apprentis où il y a avait beaucoup plus de lits disponibles. Les apprentis qui n'étaient guère nombreux durent se débrouiller comme ils purent et dormir à la belle étoile. Pauvres gamins ! Dont les ambitions venaient d'être réduites à néant ! Maintenant qu'avaient été retrouvé plein de chevaliers, il n'y aurait plus d'armure libre. C'était bien partit pour une nouvelle génération de gardes aigris qui n'auront même pas eu leur chance.
Harmen s'arrachaient les cheveux, tous ses patients avaient l'air serein et sans blessures apparentes mais il était impossible de les réveiller. Lui que les effectifs réduits du Sanctuaire arrangeait plutôt, se retrouva surchargé de travail. Quelques gardes furent transformés en aides soignants mais ils manquaient d'expérience. Il aurait dû embaucher six mois plus tôt un nouvel infirmier pour remplacer Justin.
— Celui là dès qu'il se réveille, je te le flanque au boulot, fissa !
Le docteur multipliait les examens et tentait de mille façons de faire reprendre connaissance à tous ces revenants mais rien n'y faisait. Dépassé, il allait devoir appeler des spécialistes de l'hôpital d'Athènes.
Un flash dans la demi pénombre du soir.
Un cosmos pulsa un instant.
Les deux gardes avaient échoué à devenir des chevaliers mais ils étaient en capacité de ressentir le cosmos. Et sur leur gauche sous un gros buisson, un cosmos avait brillé. Pas très à l'aise car il s'agissait tout de même d'un cosmos assez impressionnant, ils se dirigèrent vers le buisson en question. Agapios dans sa grande mansuétude, laissa son chef prendre les devants. Derrière les branches entremêlées, une silhouette était discernable.
Doucement, avec méfiance, prêt à faire marche arrière Pyrrhus écarta les branches.
Sur le sol, un homme poussa un râle.
— Agapios, parla le sergent d'une voix étouffée, je crois bien que c'est le chevalier du Lion.
Vite, ils le dégagèrent.
— Allez, donne ta tunique !
— Euh... pourquoi ?
— On va pas le laisser la tête dans les ronces, donne moi ta tunique, on va lui faire un oreiller.
Agapios s'exécuta de mauvaise grâce et râlait déjà dans sa barbe, (assez bas pour que son chef ne l'entendit pas) que la tunique du sergent ferait aussi bien l'affaire et qu'il y avait pas de raison pour que ce soit lui qui attrape une pneumonie.
Tout en philosophant dans leurs pensées, l'un sur les nombreux abus de pouvoirs des puissants à l'encontre de leurs subordonnés de l'antiquité à nos jours et des nombreuses révoltes héroïques qui s'en suivirent, l'autre sur les effets désastreux de la lenteur d'esprit et de la paresse, mère de tous les vices, sur la nouvelle génération de gardiens du Sanctuaire, ils allongèrent Aiolia confortablement à l'écart du buisson et placèrent la tunique roulée en boule sous sa tête. Il avait l'air sain et sauf, mais un méchant coup de soleil s'étendait sur tout le devant du corps, la conséquence sûrement d'être rester exposé toute la journée.
Le cosmos brulait à nouveau, cette fois régulièrement, comme des pulsations cardiaques.
— Il ne réagit pas comme les autres.
En effet, loin d'être serein, Aiolia semblait prit de soubresauts et ses paupières tremblaient.
Ça dura un bon petit moment, les deux gardes ne savaient comment réagir. Leur première idée fut de l'emmener aux baraquements mais à chaque fois qu'ils essayaient de le saisir sous les bras et les jambes, soit une pulsion de cosmos surgissait et leur brulait les doigts, soit par reflexe, Aiolia leur envoyait des coups de pieds et des coups de poings. Au bout du deuxième cocard sur le visage de Pyrrhus et d'une belle brulure violette en travers du torse nu d'Agapios, ils jugèrent plus opportun de laisser le chevalier ici et d'aller plutôt chercher le médecin.
Ils n'avaient pas fait trois pas, qu'Aiolia se redressa d'un coup, les bras croisés sur la poitrine, le buste à la perpendiculaire des jambes. Les deux gardes sursautèrent, il y avait un certain effet dramatique dans ce grand mouvement du torse exécuté sans élan, lent et régulier, tout à la force des abdos, à faire pâlir de jalousie (autant que se soit possible) un vampire s'extirpant d'un cercueil dans les vieux films hollywoodiens en noir et blanc.
Aiolia resta un trop long moment figé, en équilibre. Agapios et Pyrrhus commençaient à paniquer, sa face toute rouge couverte de poussière, ses lèvres desséchées griffées par les ronces, ses cheveux en bataille, sa respiration sifflante et son immobilité parfaite lui donnait un aspect monstrueux et grotesque qui aurait effrayé bien des hommes cent fois plus valeureux que ces deux gardes.
— Oh, j'aime pas ça, oh j'aime pas ça. J'aime pas ça du tout. Pas de mouvement brusque. Ne bouge surtout pas Pyrrhus ou il va nous attaquez. Il va nous trucider.
— Mais tais-toi ! Tu n'arranges rien avec tes bêtises !
— Chhhhhut ! Il va t'entendre.
Pyrrhus essayait de conserver son calme mais en vérité, il était loin d'être fier. Evidemment, c'était cet instant que son cerveau avait choisit pour lui rappeler qu'un chevalier d'or pouvait les écraser comme des mouches d'un simple revers de la main, avant même qu'ils n'aient le temps de réagir, eux, pauvres mortels incapables de voir à la vitesse de la lumière. En temps normal, il aurait eut toute confiance en Aiolia qu'il connaissait depuis longtemps, mais la dernière fois que des chevaliers étaient revenus à la vie ça s'était très mal fini. Le sergent se dirigea doucement vers son bâton qui trainait au sol.
Il y eut un râle, des paupières qui papillonnèrent, une toux sèche et enfin les yeux s'ouvrirent.
Le chevalier d'or du Lion venait de se réveiller.
Pyrrhus à moitié courbé vers son bâton et Agapios qui essayait de disparaître derrière une touffe d'ortie, se figèrent.
L'air hagard, Aiolia regardait autour de lui, ses yeux trouvèrent les deux gardes pétrifiés de terreur. Il ouvrit la bouche, des sons roques en sortirent :
— Mais…. Qu'est ce qui se passe ?
L'un après l'autre, les ressuscités reprenaient conscience.
Certains se réveillèrent très vite en quelques heures et d'autres en plusieurs jours.
Déboussolés, hébétés et choqués mais bien vivants.
Les civils et les gardes se réveillaient comme au sortir du lit après un long sommeil réparateur. Quant aux chevaliers, leurs cosmos brulaient et pulsaient puis ils se réveillaient épuisés, avec la sensation d'avoir couru deux marathons.
Le docteur Harmen leur fit passer à tous un check-up complet mais ne détecta aucune anomalie. Tous sans exception eurent la permission de reprendre leur poste.
Harmen refusa même des jours de congés maladie aux deux, trois serviteurs et gardes qui le lui demandèrent.
—Je ne suis pas psychiatre, si vous avez un choc émotionnel ou une baisse de moral, c'est pas moi qu'il faut venir voir. Physiquement vous êtes apte à travailler, alors sortez de mon infirmerie ! Du balai !
Et hop hop hop ! Il signait à la chaine tous les bons de sortie.
— Que diable ! On est au Sanctuaire ici, pas chez le généraliste de Rodorio.
Harmen s'énervait sous la charge de travail tout en lançant des coups d'œil rageurs à Justin qui dormait comme un bienheureux sur le brancard à côté de son bureau. Pour le restant de sa carrière, le docteur soupçonnera toujours son infirmier d'avoir prit un malin plaisir à être le tout dernier des ressuscités à reprendre conscience.
Il fallut deux jours pour rassembler tout le monde et faire un inventaire des cachettes possibles du Sanctuaire. Certains s'étaient retrouvés dans les grottes, les buissons ou dans une cave du domaine.
A chaque réveil le cosmos d'un chevalier brillait et attirait les équipes de recherche. Trouver les gardes et les quelques domestiques ressuscités s'était avéré plus difficile, il fallait être attentif au moindre bruit ou appel au secours. En effet, un serviteur mort sous un éboulement pendant l'attaque des spectres s'était réveillé dans une niche sous un tas de gravas, incapable de bouger ni même de se faire entendre, il n'avait eu la vie sauve que par chance. Les ouvriers voulant déblayer le passage vers le palais l'avait retrouvé inconscient et déshydraté.
Le troisième jour, tous les gravas avaient été déblayés, les grottes dégagées, les puits sondés, les greniers fouillés, les cales des bateaux inspectées, …
Un ratissage complet de tout le domaine avait également été effectué.
Le quatrième jour, grâce aux archives du palais, un recensement de tous les hommes et femmes du Sanctuaire fut relevé.
Tous les domestiques et servantes étaient présents.
Tous les gardes répondaient à l'appel.
Mais cinq chevaliers demeuraient introuvables.
Et pas des moindres, un chevalier d'argent et quatre chevaliers d'or :
Le chevalier de Persée, le chevalier de la Vierge, le chevalier des Poissons, le chevalier des Gémeaux et le chevalier du Verseau.
