Bonjour à ceux qui passeraient par là ! Voici la première fic qui je publie, mais qui n'est certes pas la première que j'écris (sauf que vous pouvez toujours courir pour voir les autres… ) ). Elle est un peu glauque, voire même très je pense, mais je voulais essayer de mettre en scène des caractères assez particuliers. J'espère que ça sera concluant. En tout cas, bonne lecture !

Edit : Bon, à ce qu'il semblerait, n'accepte pas les points virgules, et mon clavier seul sait combien je les utilise. Donc si des phrases vous paraissent bizarres, c'est qu'il manque un point virgule… Et comme je ne vais pas y renoncer, vous pouvez toujours me contacter pour avoir la version normale.

Les mains rouges

Chapitre un : Les rumeurs de Poudlard et leurs conséquences sur un professeur et son élève

« Nous étudierons aujourd'hui la caractérisation de certaines espèces chimiques. Je vous prierai d'ouvrir vos livres à la page soixante-huit et de vous mettre en binôme pour suivre les instructions du manuel. »

Ces consignes, lancées par le professeur Severus Rogue entre le moment où il entrait dans sa salle de classe par la porte située derrière l'estrade, et celui où il en sortait par une autre porte du mur opposé, soulevèrent de veules protestations qui se fondirent rapidement dans la vague bruyante des raclements de chaises et des conversations reprises. Le professeur Rogue savait néanmoins que quand il reparaîtrait, chargé de bocaux, tout ceci s'apaiserait de nouveau. Il avait appris depuis longtemps à se faire craindre de ses élèves, ce qui constituait, à son avis, le seul moyen de s'en faire respecter. Car ce n'était pas une mince affaire de travailler à Poudlard, et d'enseigner aux fils et aux filles de chômeurs, prisonniers, et autres laissé-pour-compte de la société.

Il revint dans sa classe, et avec lui s'installa le silence. Il disposa les éléments qu'il tenait en main sur sa paillasse, les alignant soigneusement, puis inspecta ses élèves du regard. De tous ces adolescents en douzième année, à peine la moitié n'avait pas encore atteint la majorité. Les autres multipliaient les redoublements avec plus de facilité qu'ils ne multipliaient les chiffres.

« Vous savez comme moi que le matériel coûte cher et que nous n'avons pas les moyens de nous permettre de le saccager. C'est pourquoi au premier qui brisera le moindre agitateur de verre, je lui garantis qu'il ne connaîtra pas suffisamment de mots pour se faire pardonner », claqua-t-il sèchement.

Il ajouta, après une dernière œillade dissuasive : « Mettez-vous au travail ! »

Ayant rejoint sa place, le professeur Rogue commença à observer le défilé des visages et des mains qui manipulaient les flacons, tantôt habilement, tantôt avec plus de maladresse. Il se disait, comme à chaque année, comme à chaque cours, que jamais le niveau des élèves n'avait été si bas. Lui-même, alors qu'il n'avait rien eu d'un fort en thème, s'était montré bien meilleur qu'eux lors de sa propre scolarité à Poudlard. Il s'était même plutôt brillamment distingué en français et en chimie. Le professeur Slughorn n'était pourtant pas tendre.

Des doigts particulièrement maladroits le sortirent de sa rêverie. Il rattrapa le flacon de chlorure de zinc juste avant que celui-ci ne se renverse et répande son contenu sur la table et le plancher. Déjà prêt à foudroyer le petit incapable, ses yeux se durcirent davantage en reconnaissant Harry Potter, qui avait baissé la tête et plié l'échine. Severus n'aimait pas être confronté à ce garçon-là. Toujours courbé et toujours craintif il agissait comme s'il risquait d'être sauvagement frappé à tout moment. Severus s'en disait prodigieusement agacé, mais en vérité, cette attitude le mettait juste mal à l'aise.

« Que croyez-vous faire là, monsieur Potter ? siffla Severus. Retournez à votre place ! »

Malgré toute sa bonne volonté, il n'avait pu empêcher sa voix de dérailler sur la fin. Tout cela parce que le garçon avait glissé un œil à la fenêtre, et que Severus avait alors perçu l'éclat de son grand regard vert qui lui asséchait la gorge. Il détourna la tête. Harry Potter regagna sa table, où il était seul, le corps parcourut de violents tremblements.

C'était l'autre raison pour laquelle, plus que tout autre, Severus se sentait dérangé par la présence de Harry Potter. Il y avait dans son physique, sa démarche, son allure, quelque chose qui tourmentait le professeur et lui broyait les entrailles. Harry, pourtant, ne ressemblait pas à ces canons de beauté, forts et musclés, que l'époque imposait : il était petit, il était maigre. Mais il avait un visage tel que Severus le considérait comme miraculeux. Cette figure l'avait hanté dès les premiers jours de cours, de l'instant où il l'avait aperçu, puis le champ de vision s'était élargi et petit à petit, ce fut tout son corps, de la pointe de ses cheveux hirsutes et noirs comme de la suie, aux bouts de ses orteils qu'il devinait mignons sous les baskets usées, tout son corps qui le préoccupa des heures et des heures durant. Parfois, Severus le trouvait si désirable qu'il lui devenait douloureux de poser les yeux sur lui, ou tout simplement de penser à lui. Et le professeur, qui plaçait tant d'orgueil dans son maintien, ne supportait pas de perdre ainsi le contrôle.

Le garçon s'était rassis, tout au fond de la salle, près de la fenêtre. De son bureau, Severus le voyait mesurer, peser, verser, avec des mains si tremblantes qu'il croyait entendre les tubes à essais tintinnabuler entre ses doigts. Pressentant la catastrophe, il fut à ses côtés en un rien de temps. Il saisit sa petite main dans la sienne, et la tint fermement pour l'empêcher de sursauter davantage c'était la première fois qu'il osait le toucher, ou même rester si près de lui. L'odeur de sa sueur lui picotait délicieusement les narines sous sa paume, les tremblements se muèrent doucement en légers frissons. Bientôt, Harry se calma tout à fait, mais Severus ne se résolut pas à le lâcher pour autant. Il guida sa main et le tube à essais qu'elle empoignait vers les supports, où il glissa la verrerie. Quand cela fut fait, Severus chercha quelques secondes encore un prétexte pour conserver la main d'Harry dans la sienne, mais en vain. Enfin, ne voulant pas risquer d'attirer l'attention, il s'éloigna vivement, sans un mot, aussi étonné de lui-même que l'était Harry qui le suivit timidement du regard. Severus rejoignit son siège en titubant, l'air un peu gris. Son cœur tambourinait toujours anormalement dans sa poitrine lorsque la cloche sonna, une heure plus tard.

oOoOoOoOoOo

Severus ne connaissait en la personne de Harry qu'un adolescent solitaire, introverti à l'extrême. D'ailleurs, il ne lui savait pas d'amis. Au début, cela l'avait surpris : il lui avait semblé impossible, inimaginable, qu'un si joli garçon ne trouvât pas d'amis, ou tout au moins, d'admirateurs. Puis Severus s'était penché sur une explication : la beauté de Harry était si inhabituelle qu'elle devait déranger plus qu'attirer. Enfin, ses tenues vestimentaires ne l'aidaient pas non plus. Chaque matin, en effet, il arrivait accoutré d'espèces de guenilles grises, larges comme des toiles de parachutes, qui retombaient sur sa fragile silhouette aussi improprement que du fumier sur une fleur des champs. Il portait aussi de grandes lunettes rondes qui mangeaient la moitié de son visage, dont la monture chancelait sur son nez mince et délicieux. A vrai dire, tout paraissait trop grand autour de lui, qui était si menu. Severus avait entendu toutes sortes de choses à son propos, des choses plus ou moins mesquines. Il y avait d'abord ces réflexions sur sa constante rêverie qui le coupait du monde, et que, du reste, le professeur ne pouvait qu'affirmer ensuite des racontars sur sa négligence, et ses mauvaises notes. Certains le traitaient de chien galeux, ce qui révoltait souvent Severus. Quelquefois, il avait la solide impression d'être le seul à percevoir les richesses de la beauté deHarry, derrière son rideau de crasse et de misère.

Lui l'avait remarqué dès le début. Ses yeux d'un vert merveilleux, grands et humides comme le Pacifique, qui fixaient le vide plus souvent que les êtres humains ses cheveux d'encre noire sales et emmêlés sa peau diaphane et son front pur et ses cils longs, longs, qui laissaient des traînées d'ombre sur ses pommettes et sa bouche de pétale de rose et son cou fin, gracile tout cela, Severus l'avait remarqué. Et qu'importait, alors, que ses joues soient creuses, ou ses bras sans chair ni muscles, ou ses os horriblement saillants. Une sorte de charme allait envoûter ceux qui posaient le regard sur le garçon, et ils n'en percevaient après plus les défauts, rien qu'une harmonie incommode, affreuse.

L'image du garçon avait surgi dans son esprit, et il n'arrivait plus à l'en chasser. Elle était comme une marionnette que ses pensées faisaient bouger à leur guise. Devant l'écran de ses paupières closes, comme sur un écran de cinéma, Severus voyait Harry assis à sa paillasse, comme tout à l'heure, dans la salle de cours, les mains tremblantes, prêt à provoquer une catastrophe avec l'acide chlorhydrique. Et lui était dans son dos et lui tenait les mains, pour les guider doucement. Cette fois-ci, il ne les lâchait pas après que le tube à essais eut été mis en sûreté. Il ouvrait de son pouce les poings crispés de l'adolescent et lui caressait tendrement les paumes avec, ses paumes qui étaient un peu moites, et un peu calleuses. Il imaginait la sensation que cela devait procurer de frotter contre les mains calleuses de Harry ses doigts également rugueux. Puis il remontait lentement le long de ses bras fluets, les câlinant au passage, avant de l'encercler de ses deux bras et de le presser contre sa poitrine. Il penchait le visage et l'enfouissait dans le cou du garçon qui sentait le pain chaud, un parfum fragile et ténu, à peine perceptible et il respirait à grandes bouffées cette odeur exquise. Ils restaient longtemps ainsi enlacés, jusqu'à ce que Harry se mette à fredonner un air qui lui semblait familier alors il commençait à balancer les hanches d'avant en arrière, à les appuyer contre le dos de son élève. Un brasier lui enflammait les reins, qui voulait déferler entre les cuisses de Harry, gémissant. Il ondulait de plus en plus vite la chanson de Harry s'étranglait dans sa gorge, d'où coulait désormais un flot de soupirs. Tout à coup, leurs pantalons furent à leurs chevilles, sans qu'ils n'y touchent. Severus avait vaguement conscience d'être encore dans la classe, et ne se souciait pas de savoir si les autres élèves avaient aussi mystérieusement disparus que leurs vêtements. Il se pencha, entraînant Harry à faire de même. Harry avait les bras tendus devant lui, les mains fermement accrochées à la table. Ses yeux étaient fermés, sa bouche était ouverte – il s'en échappait d'ailleurs de ravissants bruits de plaisir. Le nez de Severus était toujours planté dans sa gorge, mais sa langue s'était mise à laper amoureusement la chair de sa nuque. Ses doigts s'aventuraient maintenant sous le tee-shirt trop grand de l'adolescent, et caressaient avec dévotion chaque carré de peau qu'ils rencontraient. Elle était lisse et douce, un peu collante à cause de la chaleur traînante d'octobre. Le professeur devinait ainsi chaque contour du corps du garçon, l'apprenait avec ses mains, et il perdait la tête un peu plus chaque seconde. Il bougeait contre lui avec de plus en plus d'insistance. Il sentait avec extase son sexe gonflé et brûlant buter contre les hanches de Harry. Au bout d'un moment, sans qu'il comprît comment, il n'atterrit plus sur ses fesses, mais entre elles. En éprouvant la chaleur du garçon tout autour de lui, il crut mourir. Il n'y avait rien pour décrire ou comparer cette sensation. Sa verge comprimée dans cet étau tiède, humide, était douloureuse, mais il ne s'en serait dégagé pour rien au monde. L'impression d'être imbriqué au plus profond de Harry, de s'être fondu en lui, comme s'il ne devait plus jamais ressortir de cet abri inaccessible à tout autre, faisait chanceler son cœur et ses jambes, pulser son sexe, et lui coupait le souffle. Harry était à lui, tout à lui, avec sa beauté incompréhensible et ses yeux si tristes.

Severus esquissa un mouvement, un tout petit mouvement, dans l'intimité du garçon, mais sa poitrine durement oppressée sous l'effet de la jouissance l'arrêta. C'était si bon… Tant, qu'il s'éveilla en inspirant bruyamment, le cœur en panique. Il s'était endormi, sur une chaise dans la salle des professeurs, et avait cessé de respirer sous la puissance du rêve le manque d'air l'avait propulsé hors du sommeil.

Le professeur eut besoin de quelques secondes pour reprendre pied avec la réalité. Son souffle toujours haletant, il dissipait les dernières brumes de son rêve qui lui apparut lentement dans toute son horrible signification. Il avait dépassé toutes les limites. Il se trouvait terriblement méprisable, en cet instant. Puis, en voyant sa hampe turgescente tendre le tissu de son pantalon, il faillit fondre en larmes.

oOoOoOoOoOo

La rumeur s'était propagée deux jours après l'incident du cours de chimie. Elle avait éclaté comme une bombe : sur le miroir des toilettes pour filles des deuxième, troisième et quatrième étages du lycée, avait été rédigée, avec du rouge à lèvre, une large inscription, qui disait en lettres rageuses « Harry Potter est une grosse pute ». Il était assez insolite que ce genre d'insultes visât un garçon, car ces morsures de vipères ne dépassaient jamais un cercle essentiellement féminin. Ceci, donc, étonna, et en deux heures, les trois quarts de l'établissement étaient au courant, et plus de la moitié avait visité au moins l'un des étages. On se renseigna ensuite sur l'identité du garçon dont il était question, et en l'espace d'une journée, Harry était devenu tristement populaire. On gloussait sur son passage, on jugeait qu'il ressemblait effectivement à une fille, et que finalement, c'était peut-être vrai ce que racontaient les murs de toilettes pour fille, et qu'il se faisait sans aucun doute enfiler pour de l'argent, c'était même évident.

Le principal intéressé ne comprit pas tout de suite qu'il était le sujet de toutes les moqueries. En vérité, il ne savait même pas ce qui se disait à son sujet : il n'avait pas d'amis pour l'informer, n'allait pas dans les toilettes pour femmes, et n'écoutait pas les conversations des autres. Il ne l'apprit que le lendemain, lorsqu'une personne plus clémente ou plus cruelle que les autres s'avança et lui expliqua que partout, on le traitait de sale pute. Que c'était écrit sur les miroirs des toilettes pour filles des deuxième, troisième, et quatrième étages. Harry blêmit considérablement, ce qui eut pour effet, comme il avait naturellement une peau très pâle, de le rendre plus cadavérique encore on eut presque dit qu'il était sur le point de mourir. Des tremblements le prirent, et il commença à courir vers les latrines du deuxième étage. Dans sa cavalcade, il bouscula, sans s'en apercevoir, son professeur de sciences physiques, Severus Rogue.

Severus non plus n'était pas au courant de ce qui se murmurait à propos de Harry. Ce n'était pas son genre de prêter attention aux bavardages d'adolescents. Mais quand Harry le percuta dans le couloir du deuxième étage, il se lança à sa poursuite, prétextant le besoin de lui infliger une retenue pour violation du règlement intérieur - bien qu'il sût pertinemment que la seule et vraie raison le poussant à faire cela était qu'il se trouvait bien incapable de détacher ses yeux de sa silhouette souple. Il le suivit donc, et ne le rattrapa qu'au moment où ils parvenaient devant la porte des toilettes pour filles. Son poing, en voulant saisir le coude du garçon, se referma sur du vide. Harry venait de passer la porte des toilettes. Severus le talonna, réellement fâché cette fois-ci. Néanmoins, le spectacle qui s'étalait devant ses yeux à l'intérieur le figea net.

Harry fixait le miroir accroché au mur, pâle comme un mort, tous ses membres secoués de spasmes. A ses pieds, une fille était agenouillée, qui pleurait et se tordait les mains en sanglotant. Severus la reconnut comme étant l'une de ses élèves de dernière année. Elle levait vers le garçon son regard mouillé et répétait « Je suis désolée, je ne voulais pas que tu vois ça, j'ai essayé de l'effacer avant que tu le vois, je suis désolée, c'est vraiment affreux ce qu'ils disent, pardon, j'aurais due être plus rapide. » En effet, à terre traînait un chiffon tâché de rouge, qui avait manifestement servi à nettoyer le large miroir. Severus tourna ses yeux dessus. L'inscription avait en grande partie disparue, mais la graisse du rouge à lèvres s'était comme incrustée sur la surface réfléchissante, et les mots demeuraient déchiffrables. En les lisant, le professeur se sentit bouleversé. Il regarda à nouveau son élève, à la recherche d'une explication. Mais ce dernier s'échappa tout d'un coup, forçant le barrage que constituait le corps de Severus.

« Attends ! », s'écria le professeur. Harry, cependant, était déjà loin.

Severus passa l'heure suivante à fouiller les bâtiments à sa recherche. Il avait l'intuition que quelque chose de grave était en train de se produire. Les mots du miroir tournaient et retournaient dans son esprit, gonflant sa tête d'interrogations qu'il avait repoussées jusque-là, mais auxquelles il ne semblait plus pouvoir échapper.

Il retrouva le garçon dans les vestiaires du gymnase, assis sur l'un des bancs, le regard vitreux et perdu sur le mur en face de lui. Severus demeura immobile quelques minutes, le contemplant baigné de la lumière blanche d'un midi d'octobre. Les rayons passaient à travers sa peau translucide, allumaient des brasiers rouges sur les contours de son profil. En sentant ses yeux descendre sur la ligne gracieuse de sa nuque, le professeur se secoua. Mais à l'instant où il s'apprêtait à faire un pas, Harry se redressa brutalement et poussa un cri horrible, une sorte de long sanglot déchirant, jaillissant du fond de son ventre. Puis, il se mit à frapper sur les murs en béton de toutes ses forces, à coups de pied et de poing, tout en hurlant, et la violence de ses gestes croissait de secondes en secondes. A la fin, il en vint à se projeter littéralement sur les cloisons, sans plus de soucis pour les bleus qui apparaissaient déjà sur tout son corps. Severus était pétrifié. Il ne comprenait rien à ce qui se déroulait devant lui, et n'osait pas plus intervenir que prendre la fuite. Harry, d'ordinaire si calme, si tranquille, semblait pris d'une telle frénésie de rage et de violence qu'il était parvenu à effrayer l'impassible professeur. Cependant, le garçon s'apaisa de lui-même, lorsque, ayant vu du sang couler de sa main blessée, il se laissa glisser au sol et s'y recroquevilla en pleurant. De nouveau, Severus voulut s'approcher, le prendre dans ses bras, le consoler. Mais au même moment, la fille qui nettoyait tout à l'heure le rouge à lèvres des toilettes apparut et le dépassa sans lui accorder un regard. Elle s'assit par terre, près de la boule minuscule qu'était à présent Harry, sans toutefois le toucher. Elle tenait un sandwich à la main, dont la vue rappela à Severus qu'il n'avait pas déjeuné. Il jeta un dernier regard aux deux adolescents sur le carrelage, avant de se résigner à faire demi-tour. Il éprouvait le sentiment amer de s'être fait doublé par cette fille, qui gagnait ainsi le droit de prendre soin à sa place du jeune garçon.

oOoOoOoOoOo

La fille resta silencieuse de longues minutes. Elle ne bougeait pas, et seule sa respiration élevait sa poitrine à un rythme léger et régulier. Le bruit de son souffle se perdait dans celui des hoquets agités de Harry. Lui ne faisait pas un geste non plus il était étendu là, essoufflé par ses larmes, comme anéanti de fatigue. Ce n'est que lorsque ses sanglots s'éteignirent, après un temps infini, qu'il releva insensiblement la tête et parut remarquer la présence de la jeune fille. Il n'eut l'air ni surpris, ni fâché. Ses yeux étaient tout à fait vides, sans éclat. La fille avança une main timide et lui toucha doucement les cheveux – et si elle fut répugnée de constater à quel point ils étaient sales, elle ne le montra pas. Elle dit juste : « Je ne t'ai pas vu à la cafétéria. Je t'ai apporté un sandwich. Peut-être que tu n'as pas très faim, mais mange-le quand même. Il ne faut pas rester sans manger, c'est dangereux. »

Harry l'examina attentivement, comme s'il cherchait à déceler un piège. Il avait reconnu la fille qui effaçait le message sur le miroir des toilettes, un peu plus tôt, et qui s'excusait aussi véhémentement que si c'était elle-même qui l'avait inscrit. Elle n'était pas très jolie, mais elle n'était pas laide non plus. Elle avait des yeux tombants, aux iris noirs, et d'épais cheveux châtains coupés au carré, encadrant son visage pointu. Son expression était celle d'une mère triste de voir son enfant maltraité par ses camarades elle respirait la compassion. Harry n'était jamais entré dans une église, mais il se dit à cet instant qu'une sainte devait posséder ce visage-là. Toujours étendu sur le sol, il tendit le bras vers le sandwich qu'elle lui proposait, s'en empara puis il y mordit à pleine dent, et mâcha lentement. Le pain de mie était moelleux, la salade croquante, le jambon goûteux. Jamais il ne lui semblait avoir mangé quelque chose d'aussi délicieux, à cet instant. Le morceau glissa dans son estomac, et Harry lutta pour l'y garder. La faim ne lui était plus aussi douloureuse, mais son ventre supportait mal l'intrusion d'aliments. Il termina le sandwich en quelques bouchées, qu'il mastiquait avec soin et avalait avec tout autant de précautions. La fille en sortit un deuxième, qu'il prit également, mais ne mangea pas. Au lieu de cela, il le cacha dans la poche de son pantalon élimé et trois fois trop large. Il sentait déjà les bouts du premier sandwich remonter le long de son œsophage et macérer au fond de sa gorge. L'autre ne fit aucun commentaire.

« Comment tu t'appelles ? demanda Harry après un long silence.

Sa voix était faible et cassée.

- Anita Parks, répondit-elle. Mais tu peux m'appeler Annie.

Harry renifla, et se tut.

- Merci, Annie », fit-il néanmoins au bout d'un certain temps.

Tous deux se relevèrent quand résonna la sonnerie, et gagnèrent sans un mot de plus leurs salles respectives.

Harry constata dans l'après-midi que tous les miroirs avaient été soigneusement lavés ce qui n'empêcha pas les mêmes mots de réapparaître le lendemain, marqués au rouge à lèvres sur les emplacements de la veille. Et tandis qu'une main acharnée s'obstina plusieurs jours de suite à réécrire encore et encore la même féroce inscription, il s'en trouva une autre qui, inlassablement, l'effaçait le jour suivant.

oOoOoOoOoOo

Le quatrième jour de cette malveillante mise en scène, Severus rencontra Anita Parks dans les latrines du quatrième étage, en train d'astiquer la grande glace. Il était midi. Anita Parks eut l'air un instant surprise de le voir, puis elle esquissa un doux sourire, et retourna à sa tâche. Il la regarda faire, appuyé contre la porte d'un cabinet chacun des deux se jaugeait de temps à autres à travers la surface glacée du miroir. Aucun des deux ne prononça une parole.

« Pourquoi faites-vous ça ? fit le professeur quand il comprit qu'Anita Parks ne se déciderait pas à entamer la conversation.

- Ca, quoi ?, demanda-t-elle innocemment.

- Vous savez très bien de quoi je veux parler.

Elle laissa le silence perdurer un long moment, si bien que Severus crut qu'elle ne lui répondrait pas. Puis elle lança tout à coup :

- J'ai de la peine pour lui, professeur.

Severus parut interloqué.

- Je ne suis pas sûr que ça lui plairait de vous entendre dire ça.

- Mais j'ai de la peine pour tout le monde, continua la fille. J'ai de la peine pour la fille qui s'est sentie obligée de faire autant de mal, dit-elle en désignant la glace souillée de rouge à lèvres, j'ai de la peine pour ceux qui se sont moqué de Harry, j'ai de la peine pour vous aussi, professeur…

Et disant cela, elle leva vers lui un regard vague qui le dérangea profondément. Elle ajouta, cette fois faisant face au reflet de son propre visage :

- Et j'ai peur aussi.

Severus attendit une explication, qui ne vint pas tout de suite. Elle consentit à poursuivre, enfin, après cinq minutes de silence.

- Professeur, je me demande, et si c'était à prendre au premier degré ? Pas comme une insulte, vous savez, mais comme un… un secret… qu'on dévoilerait…

- Quoi donc ?

- Et bien le message…

- Ce… Cette immondice ?

Anita Parks hocha la tête. Severus s'indigna aussitôt.

- Allons, c'est n'importe quoi ! Potter n'est pas… une pute ou quelque chose comme ça !

- En êtes-vous certain ? répliqua doucement Anita Parks.

Le professeur pâlit.

- Et bien… Non, je… C'est très grave ce que vous insinuez là, mademoiselle, dit-il d'une voix blanche. Qu'est-ce qui vous permet de penser ça ?

Il la vit se mordre l'intérieur des joues, et s'empourprer.

- Rien… Rien de particulier, je me posais juste la question…

- Mademoiselle Parks, la coupa-t-il, si vous possédez une quelconque information, vous devez nous la dire. Je vous répète que c'est très grave.

- Ce ne sont… Ce ne sont que des soupçons. Je n'ai pas de preuves. Mais vous… Enfin, vous, vous pourriez peut-être l'aider. Demander à ce qu'on voit ce qui se passe chez lui, et tout ça.

Severus sentait une angoisse sourde grossir et gronder dans son ventre.

- J'irai en parler au principal. »

Ce qu'il fit dès que le temps le lui permit, c'est-à-dire à la fin de la dernière heure de classe. Il pénétra en trombe dans le bureau d'Albus Dumbledore, qui était assis derrière sa grande table de travail, la mine harassée, noyé sous les papiers. Severus et Albus Dumbledore étaient amis de longue date, depuis que le principal avait tiré son ancien élève d'un bien mauvais pas. Il advint ensuite que Severus, par reconnaissance, et malgré ses nombreuses qualifications qui auraient pu le mener dans les locaux des plus prestigieuses universités, choisit d'enseigner dans ce lycée de seconde zone, où travaillait Albus. Il était mis face, chaque jour, à tout ce que l'Angleterre avait d'exclus et de marginaux, mais le supportait tant bien que mal, et essayait d'accompagner Albus dans son rêve fou d'instruction et d'égalité. Son autre motivation, beaucoup plus secrète, était que tous ces élèves lui renvoyaient l'image de celui qu'il était quand il avait leur âge. Il espérait intimement, quoiqu'il ne l'avouerait pour rien au monde, qu'il pourrait les aider comme lui-même avait été secouru.

« Je voudrais faire un signalement, déclara-t-il sans ambages.

Le principal leva vers lui de petits yeux fatigués.

- A quel propos ?

- C'est au sujet de Harry Potter. Vous êtes au courant de ce qui se passe autour de lui, ces derniers temps et bien nous sommes plusieurs personnes à penser que ce n'est pas innocent. On pense que certaines choses ne devraient pas être comme il faut dans sa vie.

Ce n'était pas à proprement parler un mensonge plutôt une façon habile de tourner la vérité pour gagner son interlocuteur. Cependant, Albus ne répondit absolument pas comme il s'y attendait.

- Je ne peux rien faire pour vous, pour le moment, mon garçon.

Il avait énoncé ceci d'une voix abominablement lasse, qui laissa perplexe l'enseignant.

- Albus, je crois que vous ne comprenez pas. Il y a peut-être prostitution, voire proxénétisme derrière ça !

- Non, Severus, c'est vous qui ne comprenez pas : on en est déjà au onzième signalement pour maltraitance depuis le début de l'année. Avec le vôtre, on atteint le douzième. Et nous ne sommes même pas en novembre, bon sang !

Albus avait élevé le ton d'une manière tout à fait inhabituelle, désespérée. Severus sentit le malaise le prendre, et le parcourir en un long frisson qui remonta le long de son dos.

-Albus, que se passe-t-il ?

- Le ministère vient encore de réduire nos subventions, dit le principal d'une voix sans timbre. Nous n'avons que trois assistantes sociales pour pas moins de quatre mille élèves qui ne semblent jamais avoir eu plus besoin d'aide. Et il y a… Il y a cette affaire de meurtre, dans laquelle Andrea Hupkins est impliqué. Il a tué son beau-père d'un coup de revolver. Nos élèves commettent des parricides, désormais ! termina-t-il, apparemment bouleversé.

Severus demeura coi. Il n'avait aucune idée de la façon dont il pouvait empêcher le vieil homme de baisser les bras. Il n'avait jamais vu son ami abandonner ses grandes utopies et sa foi en un monde meilleur. Albus connaissait pourtant l'étendu de la misère humaine, dans laquelle il pataugeait jour après jour, et il ne s'était jamais découragé mais cette histoire de meurtre paraissait l'avoir anéanti. C'était une goutte d'eau qui faisait déborder un grand vase. Le professeur gigota sur sa chaise inconfortable. Il savait que sans le soutien d'Albus, sans sa confiance intrépide, lui aussi laisserait tout tomber. Mais il n'était pas sûr d'en être satisfait.

- Albus… Je ne sais pas quoi vous dire. Juste… N'abandonnez pas. Tous ces gosses ont besoin de personnes comme vous, et je vous assure que ça ne courre pas les rues. Je suis là pour vous épauler même si ça devient dur.

Le principal eut un maigre sourire. La lumière qui habitait coutumièrement ses yeux reparut quelques brèves secondes.

- Vous êtes un ami précieux, murmura-il. Vous pensez que c'est grave, pour Harry Potter ? demanda-t-il après une pause.

- Je ne sais pas, répondit honnêtement Severus. Mais ça pourrait. Et je ne souhaite pas spécialement le retrouver dans une morgue trop prématurément.

- Je verrais ce que je peux faire, conclut pensivement le principal.

Severus le remercia et se redressa pour sortir.

- Ha, j'oubliais, s'exclama Albus. Puisqu'on parle de lui, le professeur Quirell m'a averti que monsieur Potter ne venait plus en cours de maths depuis trois semaines. Puis-je compter sur vous pour le faire revenir ?

- D'accord », accepta Severus.

Puis, sur ces dernières paroles, il passa la porte.

oOoOoOoOoOo

Deux semaines plus tard, quand il vit qu'aucune disposition n'avait été mise en place pour Harry, Severus commença à s'agiter. En classe, il ne quittait plus Harry des yeux ailleurs, il avait toujours son image en tête. La fille au rouge à lèvres qui avait persévéré pendant dix jours, s'était finalement lassée de devoir recommencer tous les matins son fastidieux travail. Cependant, Harry paraissait changé. Il y avait plus de mélancolie et de tristesse dans ses yeux que jamais auparavant. Son regard rêveur passait à travers les personnes comme si elles n'étaient que des ombres.

Cette attente mettait le professeur dans un état d'énervement anxieux. Un soir, il rentra chez lui, il était seul, il but un verre de gin pour s'apaiser. Puis un deuxième. Lorsqu'au bout du cinquième, il s'aperçut que la tension dans ses membres ne s'était pas évanouie, il prit une décision. S'emparant des clés de sa voiture, il s'enfonça dans la nuit, en direction de Little Whinging.

Il se gara devant une maison de briques blanches entourée d'un jardin impeccablement entretenu, où fleurissaient des gardénias, des hortensias et des bégonias. Sa tête était lourde et légèrement embrumée, du fait de l'alcool et de l'audace de ce qu'il allait faire. Il sonna à la porte avec l'impression de ne pas agir de lui-même, et d'assister passivement à ce qui allait se produire à travers la vitre de ses yeux. Un homme lui ouvrit, aussi large que haut, des petits yeux humides et malsains fendant le milieu de son visage, et une abominable moustache poisseuse frémissant au-dessus de sa bouche.

« C'est pour quoi ? cracha-t-il, exhalant une haleine puante et avinée.

Severus fut pris au dépourvu. Il n'avait rien prévu, rien prévu du tout, ignorait comment réagir, quoi répondre. Finalement, il opta pour quelque chose de sincère.

- Je… Je voudrais voir Harry Potter, dit-il avec un ton égaré.

L'homme parut sourire, mais sur sa figure, cela ressemblait davantage à une grimace ses yeux luirent plus intensément, donnant la chair de poule au professeur.

- C'est cent livres, déclara-t-il.

Et il tendit sa large main bouffie de graisse.

La bouche de Severus s'ouvrit. Il essaya de parler mais n'y parvint pas. Sa langue lui semblait toute sèche, pâteuse, lourde comme du plomb. Un nœud se forma dans son ventre, et il prit sur lui de ne pas vomir sur le perron tout ce qu'il avait avalé ces dernières heures. Voir se concrétiser toutes ses craintes, tous ses soupçons à propos de Harry le mettait dans un état atroce d'horreur et d'incrédulité. Néanmoins, il tira d'une poche de sa veste un porte monnaie, où il trouva un billet de cinquante livre, deux billets de vingt livres et deux autres de dix, et tremblant, il tendit l'argent nécessaire à celui qu'il supposait être Vernon Dursley, l'oncle de Harry.

Ce dernier s'écarta alors pour le laisser entrer. Si Severus y avait prêté attention, il aurait noté que la maison était aussi propre et nette que le jardin. Mais ses yeux restèrent fixés devant lui, presque inconscient de ce qui se déroulait, pendant que Vernon Dursley le conduisait à l'étage supérieur, dans une petite buanderie où, en dépit de l'heure tardive, un jeune garçon s'activait à repasser du linge. Une pleine bassine de vêtements entassés attendait derrière lui de passer sous son fer chaud. Lorsqu'ils pénétrèrent tous deux dans le réduit, les immenses yeux verts de Harry se levèrent dans leur direction. La fatigue les voilait, et deux cernes alourdissaient ses paupières. En reconnaissant son professeur de sciences physiques aux côtés de son oncle, cependant, son regard perdit, pour la première fois depuis que Severus le connaissait, son habituelle ternissure. Un éclat dans ses pupilles s'alluma, puis s'intensifia mais c'était une lueur de peur, d'accusation, et dans le même temps, d'absolue résignation.

- J'ai un client, le môme. Tâche d'être gentil avec lui, ricana Dursley.

Harry s'était mis à trembler si fort que Severus pouvait entendre ses dents claquer. Il secouait la tête compulsivement, mais à part cela, il ne bougeait pas de l'endroit où il se trouvait. Voyant ceci, son oncle se fâcha : sa face prit une violente couleur rouge, et d'une main lourde, il attrapa le garçon par les cheveux, et sous le regard horrifié de Severus, le balança sur le sol du corridor. Le fer à repasser chuta sur le carrelage de la buanderie sous la brusquerie du geste. Harry, qui ne se relevait pas suffisamment vite au goût de Dursley, reçut une gifle de sa part, qui envoya sa tête frapper contre le mur. Un peu de sang était apparu sur le papier peint quand l'énorme bonhomme releva son neveu d'une poigne douloureuse sur son bras. Ceci parut agacer l'homme, qui cria :

- Regarde ce que tu as fait, espèce de bon à rien ! Tu nettoieras ça quand tu auras fini !

Puis, il jeta le garçon à l'intérieur d'une pièce sombre avec un coup de pied dans le dos, en ajoutant :

- Après tu finiras le repassage. Pas question pour toi de dormir avant ! Pétunia veut que tout soit prêt demain. Sinon, gare à toi !

Durant tout le temps de ce sordide échange, Severus ne fit qu'observer la scène, trop choqué pour intervenir. Il crut pendant un instant que Harry allait se briser sous la violence des coups, lui qui était si petit et si maigre face à cet homme trop imposant. Mais hormis les tremblements, Harry ne broncha pas.

Dursley se tourna ensuite vers lui :

- Bon, vous venez ? J'ai pas que ça à faire !

Severus s'avança et pénétra dans la pièce que lui indiquait l'oncle de Harry, en faisant de son mieux pour masquer ses propres frémissements. La porte de la chambre retomba sur lui et les plongea dans l'obscurité. Il actionna l'interrupteur, ce qui eut pour effet d'allumer une ampoule qui pendait nue au plafond, révélant une chambre d'une indigence à pleurer. Il n'y avait là qu'un lit de fer blanc, rouillé, branlant, et une armoire rongée par les mites le papier peint était sale, déchiré par endroit, la moquette était moisie. Il se dégageait de la toute petite pièce une odeur âcre, fétide, oppressante, d'humidité, de renfermé et de quelque d'autre que Severus ne parvenait pas à déterminer. L'unique fenêtre, constata-t-il, avait été murée et ne laissait plus filtrer un seul courant d'air. Mais au milieu de tout cela –et c'était certainement le plus odieux aux yeux du professeur -, il y avait Harry tapi dans un coin, dont les soubresauts devenaient presque convulsifs. Il grattait la cloison contre laquelle il s'était collé, comme s'il cherchait à y percer un passage pour s'y cacher il murmurait tout en secouant la tête :

- Non, non, non, oh non, non…

Les larmes qu'il se refusait à laisser s'échouer sur ses joues rendaient ses yeux incroyablement brillants. Il offrait ainsi une telle image du désespoir que le cœur de Severus se compressa. Le dernier voile que l'alcool avait posé sur sa vision des choses se déchira en un instant, et il embrassait pleinement maintenant toute l'horreur de la situation dans laquelle se trouvait Harry. Il manqua de peu de s'effondrer à son tour.

En deux enjambées, il s'était accroupi en face de lui. Il entendit Harry pousser un petit cri d'angoisse lorsqu'il l'enserra de ses deux bras il haleta lui-même en sentant ses mains se refermer, à travers les vieilles hardes, sur un corps bien plus maigre que tout ce à quoi il s'était imaginé. Il n'eut pas même la force d'être un tant soit peu ému de recueillir enfin contre son torse le garçon qui l'avait tenu éveillé des nuits entières. Il chuchota à son oreille :

- Tout va bien, Harry, ne t'en fais pas, je ne suis pas ici pour te faire du mal ou quoique ce soit, on va partir tout les deux, tu verras, ma voiture est dehors, on va partir, et tout rentrera dans l'ordre, fais-moi confiance, plus personne ne te fera du mal, viens, lève-toi.

Harry était désemparé. Il ne parvenait pas à croire que quelqu'un soit réellement là pour lui venir en aide, et qu'il s'agisse avec ça du professeur qui paraissait le moins lui porter d'affection. Sa méfiance l'alertait, criait au traquenard. Mais il l'attendait si impatiemment, sa chance de s'échapper, de toute façon que pouvait-il lui arriver de pire ? Il était tellement épuisé... De plus, la voix inquiète et précipitée du professeur le rassurait et Harry s'autorisa à penser que ce n'était pas là un nouveau piège. Il obtempéra, cependant ses jambes ne le soutenaient plus et il s'affala contre Severus. Son professeur le prit alors tendrement dans ses bras, et le garçon ne put contenir ses larmes plus longtemps. Elles roulaient silencieusement sur ses joues lui était devenu tout à fait incapable d'esquisser le moindre geste. Son regard s'était bloqué sur le visage de Severus, et malgré sa tête ballottant de tous côtés, il y resta fixé Harry ne cessa pas un instant de le contempler, comme de très loin. Il se sentait malade, dans un état second, peut-être était-ce la fatigue, ou la faim, ou encore le soulagement d'avoir enfin une personne que l'emmènerait loin de cette maison. Ses membres n'étaient plus que du coton. Son cœur frappait terriblement vite dans sa poitrine. Il ferma les yeux.

Severus descendit l'escalier, son élève inconscient dans les bras. Le sang battait dans ses tempes, une détermination et un courage qu'il n'avait jamais éprouvés irrigant tout son corps. Il traversa le hall d'entrée, duquel il put apercevoir le monstrueux Dursley assis dans un canapé, lui faisant dos, braillant avec la télévision il lui décocha, quoique l'autre ne pût rien remarquer, un regard de dégoût immonde. Severus fut étonné de constater à quel point il lui fut facile de s'éclipser sans alerter personne, en enlevant un garçon - ou plutôt en l'arrachant à l'enfer.

A suivre.

Voilà pour le premier chapitre d'une histoire qui devrait en compter environ cinq. Ce n'est pas beaucoup, mais ça sera jamais plus que tout ce que j'ai pu écrire avant disons que ça va me servir d'entraînement pour des projets de plus grande envergure. Je ne promets pas de poster rapidement, ni même régulièrement, je tenterai juste de boucler tout ceci avant la fin des vacances (et même ça, ce n'est pas dit…).

A part ça, vous avez entrevu ici deux personnages de mon crû, Anita Parks et Andrea Hupkins, qui me plaisent bien. Ils sont issus du même « clan », autrement dit, quand ils apparaissent dans une histoire, d'autres personnages ne sont pas loin… Si ça vous intéresse, je pourrais faire la description détaillée de l'histoire de cette « famille » assez peu banale, à la fin. A bientôt !