Qu'est-ce que je déteste le lundi matin… Et qu'est-ce que je déteste ce foutu mois de novembre où tout est froid, noir et même pas l'ombre d'un foutu flocon de neige à l'horizon. J'aurais mieux fait de rester au lit, au chaud, à la limite hiberner le temps que le soleil revienne. Même le café me semble moins bon le lundi matin… Et pourtant je sais que Granny y met toujours un soin particulier, que nous soyons lundi ou vendredi. Rhaaaaa ! Si seulement on pouvait déjà être vendredi ! Je serais déjà en train d'aller chercher Henry… Comme d'habitude, il se moquerait de ma pauvre voiture jaune mais je sais qu'au fond il l'adore, surtout depuis que je lui ai raconté ce qu'elle signifiait pour son père et moi. Enfin bon, va bien falloir attendre 5 foutus jours avant de le retrouver, Regina ne me laissera jamais aller lui faire une visite surprise pendant la semaine et honnêtement, je suis ne suis pas sûre de vouloir me battre avec elle encore une fois.
Les lundi matins n'étaient vraiment pas l'idéal pour mon moral bien qu'ils soient totalement inévitables. Je me rendis compte qu'il était temps de partir au poste pour prendre la relève. « Et évidemment, les appels vont commencer à pleuvoir dès que j'aurai posé mes fesses derrière mon bureau. A croire que les gens veulent absolument que ce soit moi qui me déplace pour régler leurs conflits de voisinage… ». Je laissai ma tête rencontrer la fraîcheur de la table qui s'insinua petit à petit sous ma peau, me rappelant la saison, inlassablement. Je me décidai alors à me secouer et à me rendre au poste le plus rapidement possible afin esquiver les températures déjà polaires pour moi, créature au sang chaud.
Au moment de pousser la porte, elle s'ouvrir brusquement à la volée et je failli la recevoir sur l'arête du nez ce qui n'aurait pas manqué de me donner l'air d'un demi raton-laveur le lendemain. M'apprêtant à maugréer contre l'habitant peu attentif ayant failli m'arracher le tarin, il faut bien le dire, je fus prise de court par la femme se tenant devant moi qui se lança avec son amabilité habituelle dans une diatribe à mon encontre.
- Mais enfin shérif ! Regardez un peu où vous mettez les pieds nom d'un chien ! On ne reste pas derrière une porte à rien faire, je vous paie déjà à ne rien faire en tant que représentant de l'ordre de cette ville. Vous pourriez avoir l'obligeance d'au moins vous rendre derrière votre bureau pour faire semblant d'être utile et justifier votre salaire !
- Non alors Madame le Maire pas aujourd'hui je vous prie, je ne suis pas d'humeur. Je vais gentiment passer la porte et vous allez me lâcher les basques avant que je ne lâche Ruby à vos fesses, charmantes au demeurant mais là je m'égare.
J'eus un léger sourire en entendant Ruby faisant mine de grogner derrière le bar.
- Je vous souhaite une aussi agréable journée que possible, même si je doute que vous soyez du genre à apprécier une journée sans torture ou manipulation.
Je ne demandai pas mon reste et passai la porte aussi vite que je le pus, hâtant encore plus le pas une fois à l'extérieur. Je croisai les doigts pour que Regina n'ait pas l'idée de me poursuivre pour continuer la joute. Je ne me sentais vraiment pas d'humeur joueuse.
Mercredi après-midi, 15h tapantes. La pile de dossiers sur mon bureau avait enfin diminué ce qui me prodigua un peu de baume au cœur, je n'aurai pas à passer chez Madame le Maire pour la paperasse aujourd'hui. Mon humeur maussade du début de semaine s'était confirmée. A tel point que même ma mère, Blanche, devait me prendre avec des pinces à la maison. Novembre allait être dur, très dur.
Un bruit de pas dans le couloir me tira de mon spleen et attira mon attention. Pas de talons, donc pas de Regina. Les pas semblaient légers, beaucoup trop légers pour un adulte… Se pourrait-il que…
- Coucou Emma ! me lança mon fils en pénétrant dans mon bureau.
- Nom d'un chien, Henry, qu'est-ce que tu fais là ? Ta mère ne sera pas très cont…
- Laisse tomber avec ma mère, elle n'est pas obligée de savoir que je suis venu ici après l'école. Même grand-mère a été d'accord pour que je vienne !
C'était donc ça, Blanche s'en était mêlée. Ma foi, elle ne lui en voulait pas le moins du monde, voir son fils lui réchauffait le cœur qui semblait frigorifié par les températures en constante baisse.
- D'accord bonhomme. Bon, est-ce qu'une bonne gaufre au chocolat de chez Granny's te ferait plaisir pour le goûter ?
C'était comme si j'avais mentionné une chasse au dragon mais au niveau de la nourriture. Je vis les yeux de mon adorable fils s'agrandir et un léger pétillement se propager sur ses rétines. J'avais réussi mon effet.
- Inutile de me répondre, ta tête de gnome le fait pour toi ! dis-je en le taquinant.
- Hey c'est moche les gnomes ! Je préfère une tête de nain, quitte à choisir. Leroy est pas si laid quand on le regarde sous un certain angle…
Je ne pus m'empêcher de penser que c'était mon sens de l'humour qui se manifestait de plus en plus chez Henry. Ce n'est certainement pas en côtoyant Regina qu'il aurait pu s'aguerrir en la matière.
Nous partîmes donc en riant pour rallier le Granny's où Ruby nous accueillit avec sa verve habituelle. J'eus à peine le temps de passer commande qu'elle était déjà en train de monologuer sur son nouveau petit ami qui lui promettait monts et merveilles. Je ne pus m'empêcher de lui faire remarquer qu'elle devrait songer à sélectionner avec plus d'attention ses prétendants qui finissaient souvent par la laisser en plan, seule avec ses sentiments.
- Ouais t'as pas forcément tort, Em', mais bon au moins je me laisse vivre, moi ! lança-t-elle avec un regard appuyé à mon encontre.
- Et qu'est-ce que je dois comprendre, s'il te plaît chère spécialiste des relations amoureuses ? rétorquai-je, déjà vexée de la remarque.
- Que tu arriverais à te réchauffer plus efficacement si ton cœur remontait de quelques degrés et sortait de sa cryogénisation.
Heureusement, Henry était extrêmement occupé à entamer sa gaufre par le meilleur angle pour ne pas entendre cette conversation pour le moins gênante que moi, sa mère, entretenait avec la serveuse du Granny's.
- Et je suppose que tu as tout un panel de jeunes mâles à me proposer, je me trompe ? ironisai-je.
- Me prends pas pour un louveteau de trois jours, je sais bien que les mâles ne t'intéressent pas et d'ailleurs c'est un secret pour personne dans cette toute petite, petite ville de Storybrooke.
J'ai dû me déconfire à la vitesse de la lumière car Henry leva la tête de son assiette, sa bouche encore entourée de chocolat et attendit ma réaction. Sauf que là, je ne savais plus comment réagir… Ruby m'avait totalement prise au dépourvu. J'avais toujours naïvement pensé que le fait que j'aie eu un fils avec un homme suffisait à faire ma réputation. Il faut croire que je me suis plantée, et dans les grandes largeurs.
- Je te remercie pour cet outing très délicat en présence de mon fils, Ruby. J'ose encore te demander le fond de ta pensée histoire que je sois habillée pour l'hiver ? Comme ça je serai réchauffée, m'voyez.
Je sentis une main se poser sur mon avant-bras avant que Ruby n'ait eu le temps de formuler sa réponse. C'était celle de Henry qui regardait tendrement.
- Emma… C'est quoi un « outing » ? demanda-t-il innocemment.
Ruby pouffa de rire, ce qui eut le don de m'énerver un tantinet. Il ne faut pas énerver le shérif même un tantinet, parce qu'un tantinet dans la face, tout autant louve-garou qu'on soit, ça peut laisser des marques. Je lançai un regard glaçant à Ruby qui sembla enfin comprendre et retourna à son poste.
- Juste pour dire, Em', je pense que tu devrais réfléchir au truc bien connu de l'amour/haine hein, je suis sûre que ça pourrait aider à faire monter la température.
Je restai foudroyée sur place quelques minutes, ne prononçant pas un mot, laissant Henry terminer son goûter. J'avais on ne peut mieux saisi l'allusion de Ruby et me sentais à présent comme si on m'avait fait monter deux litres de sang au visage. Je me sentais furieusement rougir sans que mon corps ne veuille obtempérer à mes injonctions de cesser immédiatement tout incendie volontaire sur mon faciès. Je sentis cependant le regard de Henry me scruter attentivement.
- Dis, c'est pour te moquer de Ruby que t'as pris une teinte aussi cramoisie ? Parce que je crois que même son manteau est moins rouge que tes joues…
- Silence, fils d'andouille, il faut que tu rentres chez toi. Je te ramène.
- Oui et c'est le meilleur moyen pour que maman se mette en colère, en voyant ta splendide voiture jaune devant chez nous.
- Tant pis, je prends le risque pour toi, fils bien aimé.
Je finis en lui mimant un preux chevalier allant faire preuve d'un courage des plus héroïque en le ramenant à la tanière du dragon.
- Le dragon est plutôt bien fait de sa personne, si je puis me permettre, me souffla Ruby. Même s'il a tendance à cracher du feu, ce qui finalement pourrait convenir pour te réchauffer.
- Ruby… l'implorai-je, tais-toi s'il te plaît, sinon je vais vraiment finir par aller m'enterrer quelque part et ne plus jamais en ressortir.
La remarque avait cependant fait mouche, je devais le reconnaître. Ainsi, je me vis installer Henry dans la voiture et partir en direction du manoir de Madame le Maire, dragon en chef de mon fils et possible radiateur à combustion de ma petite personne. Je me mis mentalement une claque lorsque mon esprit s'aventura trop loin à mon goût alors que j'étais au volant avec mon fils sur le siège passager… Bon, on verra bien comme cela se passe. J'espère que le service des grands brûlés de l'hôpital est efficace…
Comme je le redoutais, Regina sortit à la volée de la demeure lorsqu'elle entendit mon moteur dans la rue. Elle vint se planter sur le seuil de la porte, le regard lançant déjà des éclairs. Ca promettait niveau ambiance… Je descendis prudemment de ma voiture, attendant qu'Henry me rejoigne et nous nous dirigeâmes ensemble vers notre mort probable par écartèlement ou éviscération. Enfin ça c'était dans le meilleur des cas bien entendu, j'étais persuadée que Regina en connaissait un rayon en torture en tous genres. Je glissai quelques mots à Henry avant que nous n'arrivions à portée de voix :
- Dis-lui que je suis venue te chercher, que t'as pas eu le choix.
- Mais c'est pas vrai, je voulais te voir, moi ! protesta-t-il.
- Discute pas Henry s'il te plaît et dis-lui exactement ça ! rétorquai-je sèchement.
Il se renfrogna mais sembla comprendre que je disais ça pour son bien. Enfin je l'espérais car nous étions enfin arrivés sur le porche du manoir.
- Et bien jeune homme, je peux savoir pourquoi tu rentres à cette heure-ci et accompagné du shérif Swan ? interrogea Regina.
- Elle est venue me chercher après les cours pour que nous allions prendre le goûter ensemble, c'est tout. Il ne s'est rien passé, je vais bien, bougonna Henry.
Regina jaugea son fils quelques secondes puis lui demanda d'aller se changer pour le dîner et de mettre la table. Son regard se reporta ensuite sur moi, qui attendait que ça finisse par exploser. D'un mouvement de tête, elle m'invita à entrer. Je restai interdite sur le pas de la porte.
- Il vous faut une invitation en chanson pour que vous ne daignez passer cette porte, Miss Swan ?
Mes jambes finirent par bouger contre l'avis de la moitié de mon cerveau. Je me voyais mal conduire une dispute sonore avec la présence de Henry dans la maison. Je finis cependant par passer du vestibule au bureau de Madame le Maire qui m'indiqua de prendre place dans le fauteuil en face de son bureau.
- Dois-je aller chercher mon bouclier ignifugé ? risquai-je.
- Euh, je vous demande pardon ?
Ma blague ne fit rire que moi, Regina ne semblait pas consciente de sa réputation de dragon. Tant pis, j'aurais essayé ! Je décidai alors de la devancer, espérant ainsi écourter l'entrevue.
- Ecoutez Regina, je n'ai à aucun moment voulu kidnapper de quelques manières que ce soit Henry. Je voulais juste passer deux petites heures avec lui en milieu de semaine. J'estime que ne le voir que le vendredi soir est une bien maigre consolation pour les semaines que je passe au poste ou à vous faire signer des papiers. D'ailleurs j'aimerais que vous considériez la possibilité que je puisse voir Henry après les cours, quitte à ce qu'on fasse ses devoirs ensemble afin qu'il ne prenne aucun retard.
Je vis Regina croiser les mains sous son menton et me sourire. Cette réaction me déstabilisa complètement et me coupa dans mon élan. Elle aussi devait trouver étrange que je ne lui ai pas sauté à la gorge à coups d'insultes et autres joyeusetés. J'en profitai pour admirer la beauté de la Maire, un franc sourire dessiné sur son visage, ce qui faisait rire ses yeux.
- Je vais certainement vous surprendre, Miss Swan, mais je suis d'accord avec vous. J'ai fini par prendre conscience que vous permettre de voir un peu plus Henry ne serait que bénéfique pour lui et donc pour moi. J'en ai marre qu'il me réclame de vous voir tous les jours et de passer pour une méchante sans cœur à systématiquement lui refuser.
- Vous avez pourtant l'habitude, glissai-je.
- Chassez le naturel, il revient au galop ! N'est-ce pas, Emma ? me répondit Regina.
Je notai l'absence de ton menaçant, d'insultes à peine voilée et de répartie. Je notai également qu'elle venait d'utiliser mon prénom au lieu de ce froid « Miss Swan » que je détestais tant venant d'elle. Une pointe de chaleur se répandit dans ma poitrine mais mourut quelques secondes plus tard. J'aurais souhaité qu'elle demeure, j'avais froid, encore et toujours. Je finis donc par demander les termes du contrat. Ils étaient simples : je pouvais voir Henry quand bon me semblait du moment que Regina donnait son accord et que cela ne le pénalisait pas à l'école.
- Je pense également que nous devrions calmer le jeu entre nous, je pense qu'Henry en a marre de voir ses mères se déchirer ainsi à tout bout de champ, continua la jolie brune assise derrière son bureau de femme du monde.
- Si je puis me permettre, c'est quand-même vous qui cherchez la plupart du temps, hein. Moi je ne fais que me défendre même si j'avoue, j'aime bien vous asticoter parfois, contrai-je.
- Faites un effort Emma… sembla-t-elle me supplier.
Je finis par acquiescer, les mains en l'air en signe de reddition. Nous allions donc enterrer la hache de guerre, à défaut de ma personne. Perspective réjouissante, il est vrai mais j'attendais de voir vraiment. En me levant pour partir, je constatai que Regina semblait plus détendue et sereine que d'ordinaire. Je ne sais pas ce qu'il me prit alors de demander :
- Accepteriez-vous de nous accompagner au cinéma la semaine prochaine ?
Je regrettai instantanément ce que je venais de dire mais il était trop tard, l'idée était lancée. Une fois de plus, Regina me prit au dépourvu en acceptant avec chaleur l'invitation. Couvait-elle un mauvais rhume qui annihilait sa véhémence habituelle ? Etait-ce moi qui rechignais à lui donner sa chance ? Ou plutôt, avais-je peur de la lui donner…
Quoi qu'il en soit, elle me reconduisit à la porte et me souhaita une bonne soirée, posant une main sur mon épaule. Y'a pas, je devais aussi couver quelque chose pour me faire autant d'idées.
Je passai la semaine suivante d'excellente humeur, voyant Henry au moins quelques minutes tous les jours. Le vendredi arriva donc très vite et ma proposition de cinéma trouva un créneau : Henry voulait absolument aller voir « How to train your dragon » dans la grande ville la plus proche, ce qui évidemment ne manqua pas de me faire rire. J'informai donc Regina, m'attendant à un désistement de dernière minute. Mais elle confirma sa présence, ajoutant même que c'est elle qui viendrait nous chercher tous les deux, chez moi, pour nous emmener. Décidément, il allait pleuvoir des grenouilles dans la soirée. Je restai cependant sur mes gardes, une femme avertie en vaut deux.
Je me rendis donc chercher mon fils à l'école le vendredi et embarqua Blanche au passage pour nous ramener à l'appartement. Lui fila droit sur le canapé pour allumer la TV, Blanche s'affaira à nous préparer un chocolat chaud pendant que j'allai me doucher à l'étage. A mon retour, Henry et sa grand-mère riait aux éclats devant une quelconque émission. Je les trouvai mignons ainsi enlacés, à rire de concert. Une pensée parasite vint alors me troubler. Regina prenait la place de Blanche sur le sofa et je les rejoignais tous les deux pour une soirée paisible. Je crois qu'il était temps de me rendre à l'évidence. Ruby avait raison, Regina m'attirait terriblement. De là à ce que ce soit réciproque, il pouvait geler en enfer. Il allait donc falloir gérer ça avec panache sans rien laisser paraître auprès des deux principaux intéressés.
Je sentis mon téléphone vibrer. C'était Regina – mon cœur fit un bond, allez savoir pourquoi – qui me disait être arrivée et nous attendait. Je demandai nerveusement à Henry de se préparer pour que nous puissions partir. Ma chère mère sembla saisir mon trouble :
- Ma chérie ? Est-ce que tout va bien ?
- Oui maman ne t'en fais pas, c'est juste la soirée à venir qui me tend un peu, lui répondis-je aussi calmement que possible.
Elle me sourit bizarrement et reporta son attention sur la TV. Je n'eus pas le temps de la questionner, Henry venait de dévaler les escaliers à toute vitesse et se planter devant moi pour me signifier qu'il était temps de partir. Nous descendîmes donc les escaliers et nous retrouvâmes devant la berline noire de Regina qui installa Henry sur la banquette arrière.
- Passez à la place du mort je vous prie, Emma.
Je me raidis immédiatement et lui lançai un regard mauvais. Je me sentis tout aussi instantanément stupide d'avoir réagi ainsi. Regina me montrait son plus beau sourire, signe que sa boutade avait fonctionné. L'effet fut immédiat : pour la première fois depuis que j'étais arrivée à Storybrooke, je n'étais plus nerveuse en présence de Regina Mills, Maire de la ville, Reine malfaisante et manipulatrice au pays des contes de fées. Ce seul sourire avait suffi à me rendre mon allégresse et mon entrain habituel. C'est dingue ce que de petites choses, venant des bonnes personnes, peuvent vous faire du bien.
Je m'installai donc sur le siège passager et nota le confort de la voiture – allemande – de la belle brune. Mon esprit vagabonda sur la banquette arrière avant que je ne parvienne à refixer mon attention sur la route. Regina menait la conversation avec aisance, comme si nous n'avions pas passé des mois à nous déchirer. Je lui répondais avec plaisir et notre fils de même, il semblait heureux de voir ses mamans enfin réussir à s'entendre. Il finit par plonger dans sa console pour le reste du trajet, ce qui sembla être l'occasion que Regina attendait pour parler ouvertement.
- Je ne sais pas vous mais moi j'ai un mal fou à tenir une discussion normale avec vous, me dit-elle.
- Sentiment partagé quoique normal après avoir passé tant de temps à me pourrir la vie, répondis-je honnêtement.
- Dites, vous vous rendez compte que ce n'est pas facile de voir la mère biologique de son enfant se pointer dix ans plus tard en ville et réclamer un droit de visite ? Que c'est encore moins facile à gérer lorsque ladite mère vient briser le sort que vous aviez mis tant de temps à élaborer et tant de soin à maintenir ?
Elle avait détourné les yeux de la route pour se plonger dans les miens. Je lui fis remarquer qu'elle devrait éventuellement faire attention aux virages mais elle ne sembla pas en tenir compte.
- Ecoutez Regina… Je ne suis vraiment pas là pour vous voler votre fils, vous savez. Je m'étais fait une raison depuis toutes ces années, me disant qu'il était heureux dans la famille où il se trouvait et que j'avais bien fait de le laisser aux services sociaux. Alors oui c'était une façon de me protéger et me rassurer mais je ne crois pas m'être trompée et je suis heureuse de le savoir à présent. Henry a tout ce qu'il lui faut et c'est grâce à vous qui êtes une mère aimante et responsable. Bien plus responsable que je ne le serai jamais. Et si vous répétez ça à quiconque, je vous tue sur le champ et sans recours à la magie ! Mais tout ceci n'enlève pas que vous m'ayez traité comme un chien sans me donner la moindre chance de prouver que je veux juste faire partie de la vie de mon fils comme vous l'aurez jugé approprié. Mon comportement n'a fait que découler du votre et malheureusement pour vous, j'ai la répartie facile.
Je vis une larme perler et lentement s'écouler le long de la joue de mon chauffeur d'un soir, je ne pus retenir le geste stupide de vouloir la lui ôter. Elle saisit ma main à la volée et secoua la tête de droite à gauche pour me signifier que j'étais allée trop loin. Sans un mot supplémentaire, elle reposa ma main sur ma cuisse mais ne la lâcha pas. Outre la sensation plus si familière de chaleur irradiante depuis le contact de nos peaux, je me sentis stupide d'avoir tenté le diable. Cependant, elle n'avait toujours pas lâché prise… Que devais-je comprendre ? Ce qui était sûr, c'est que Regina était l'être le plus complexe qu'il m'ait jamais été donné de côtoyer. A cet instant, en la regardant laisser couler ses larmes silencieusement, dignement, je pris de plein fouet les sentiments que j'avais enfoui depuis quelques temps. Ma plus redoutable antagoniste venait de faire lourdement pencher la fameuse balance de Ruby. Je me rendis compte à quel point je l'aimais. Ce sentiment fut soudainement tellement puissant devant mes yeux, sur mes lèvres, dans mes oreilles, sur ma peau, qu'il me coupa le souffle quelques secondes. Sans m'en rendre compte, je serrai la main de la méchante reine comme si elle était le seul fil m'empêchant de tomber dans l'abîme, de tomber dans un lieu qui m'était resté totalement inconnu jusqu'alors. Lorsque je sentis ses doigts me rendre mon étreinte, je revins à la réalité brutalement, me retrouvant à nouveau assise dans la voiture de Regina en direction du cinéma que Henry avait demandé. Ma respiration reprit à un rythme plus régulier. Mon amantagoniste finit par desserrer son étreinte et lâcher complètement mes doigts. Je levai les yeux vers elle qui me regardait aussi et compris que la sensation de chute vers l'abîme avait été tirée de l'âme de Regina par je ne sais quel procédé magique. Voilà donc ce que la Méchante Reine de Storybrooke ressentait au fond d'elle.
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Bonjour tout le monde ! Merci d'être arrivé au bout de ce premier chapitre dont je serais heureuse de recueillir les critiques. Souhaitez-vous voir la suite publiée ?
