Voici ma dernière fic en date, qui devait être initialement un OS, mais comme souvent j'ai été dépassé par le nombre de mots, du coup je la posterai en trois chapitres. Pas d'intrigue très élaborée pour autant, c'est pas à proprement parlé une fic à chapitres. La suite arrivera dans les jours à venir.

Pour les photos citées, il s'agit de très beaux montages sur lesquels j'étais tombé au hasard de mes pérégrinations sur le net, même si je serais bien incapable de dire où. Certaines d'entre vous les connaisse ;)

Petite fic dédiée à vous les copines de facebook, qui êtes une immense source d'inspiration, d'encouragements... D'ailleurs à tous les autres je vous conseille de faire un tour sur le page de "YAOI sans interdits", on s'y retrouve pour échanger des photos, des conseils de lecture de fics... le tout dans la bonne humeur :)

Ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture, en espérant que vous apprécierez ceci.

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L'image était passée, le papier corné, mais le modèle représenté n'avait rien perdu de sa splendeur. Holmes, dans ses moments d'inactivité, passait bien des heures à contempler la photographie jaunie et cet après-midi de solitude ne faisait pas exception. Watson était parti, s'était marié, presque trois ans plus tôt et lorsqu'il ne lui rendait pas visite, ne restait de lui que ce portrait ainsi que les quelques vêtements qu'il avait oublié et que le logicien ne lui aurait rendu pour rien au monde. Toutes ces années la vie avait perdu de sa saveur. Bien sûr le médecin venait souvent, l'assistait même occasionnellement dans quelques aventures parfois dangereuses, réinvestissait même parfois son ancienne chambre quand son épouse quittait la ville pour des visites. Leur amitié n'avait donc guère pâti de ces épousailles que Holmes continuait à voir d'un mauvais œil, pourtant tout avait quand même douloureusement changé. Le détective s'était habitué à la présence de ce compagnon qui ne jugeait pas, ne se plaignait jamais. Désormais enfumer ou empuantir l'appartement à coup d'expériences chimiques douteuses, torturer son pauvre violon au beau milieu de la nuit ou se plaindre à tout bout de champ de Mrs. Hudson n'avait plus guère de sens puisqu'il était seul. Ainsi les jours, voir les semaines lorsqu'il était en déveine, d'inaction entre deux enquêtes n'était rien de plus qu'une lente agonie. Fidèle à sa promesse faite à son ami il n'usait presque plus de sa fidèle solution à sept pourcent, se forçait à se nourrir quoiqu'avec parcimonie et à dormir quelques heures à l'occasion… Rien de follement excitant tandis qu'il lui semblait dépérir bel et bien. Contempler cette photographie était sa seule distraction et par là même il se plongeait dans les souvenirs de conversations stimulantes, de parties de poker endiablées, de baisers tendres et d'étreintes charnelles passionnées. Etre parvenu à force de patience et de persévérance à mettre l'ancien soldat dans son lit tenait du miracle et désormais que celui-ci se tenait toujours à une distance convenable de sa chambre et par là même de toute tentation ces étreintes passées n'étaient rien d'autre qu'un souvenir douloureux. Quand son manque de John s'imprimait jusque dans sa chair, Holmes doutait même parfois l'avoir vraiment tenu dans ses bras ou fait gémir de plaisir. Cela semblait désormais tout à fait irréel tant Watson représentait l'image du gentleman parfait. Ainsi cette photographie de lui, sur laquelle il ne vieillirait ni ne changerait, était tout ce qui restait de ce passé sulfureux et tant chéri. Alors Sherlock savourait ce cadeau inattendu et aurait admis bien volontiers qu'il s'agissait là de sa possession la plus précieuse.

Sur le cliché Watson était nu, offert, avait l'attitude lascive tandis qu'une main dissimulait pudiquement son intimité, détail que Holmes n'avait certes pas besoin de voir tant il connaissait ce membre qui plus d'une fois avait pris possession de son corps. Tout dans l'attitude à jamais figée sur le papier du médecin était un appel à la luxure. C'était un crime que de ne pouvoir désormais que regarder ce corps qu'il connaissait pourtant aussi bien que le sien. Pourtant maintenant il n'avait plus que cela et il pouvait s'estimer heureux encore.

Le logicien se souvenait parfaitement du jour où son amant lui avait offert cette photographie. Cela remontait à bien des années déjà. Les deux hommes vivaient alors une passion dévorante que nulle dispute n'était encore venue entacher, que la désespérément lisse Mary n'avait encore détruite. C'était la bonne époque, quand entre deux enquêtes il n'y avait que le sexe, la tendresse, l'ennui alors n'existait plus. Un mari jaloux avait engagé le détective et son fidèle assistant pour découvrir les activités inavouables d'une épouse qu'il soupçonnait volage. Leurs investigations menèrent les deux hommes dans un milieu confidentiel fait de pornographie, de chantage… La femme était tout sauf infidèle, se contentant de prêter son corps pour des photos de charmes monnayées au prix fort. Le photographe était un artiste davantage passionné par sa technique que les corps et les poses sulfureuses qu'il immortalisait. Il avait ainsi parlé de son activité avec passion aux deux enquêteurs, qui avaient bien vite compris qu'il n'y avait nul crime derrière cette affaire.

Fin de l'histoire pour Holmes, artiste n'ayant rien à se reprocher, n'agissant qu'auprès d'adultes consentants, et l'épouse aux mœurs légères ayant préféré se supprimer plutôt qu'affronter l'humiliation. Les choses auraient pu en rester là mais Watson avait alors fait preuve d'une audace insoupçonnée. Sans un mot pour son amant il s'était rendu chez le photographe quelques jours plus tard et lui avait demandé de prendre de lui un cliché des plus osés avant de l'offrir le soir même à un Holmes agréablement surpris. A la vérité c'était à cet instant, recevant ce présent aussi original qu'excitant, que l'aîné avait compris qu'il était irrémédiablement amoureux de ce petit médecin de famille qui, s'il ne brillait pas par son esprit était bien moins sage qu'il n'y paraissait. Cette nuit-là, la photographie posée sur la table de chevet, Sherlock lui avait fait l'amour avec une fougue plus inhabituelle que jamais avant de se prendre à souhaiter ensuite, tandis qu'il caressait le beau visage endormi contre lui, ne jamais être séparé de cet être plus exceptionnel que prévu. Quelques années plus tard pourtant ses craintes secrètes étaient devenues réalité. Heureusement le cliché lui était toujours là.

Holmes caressa du bout des doigts le papier défraîchi tandis qu'un mince sourire naissait sur ses lèvres. La vie sans Watson avait perdu tout son piquant, mais il commençait à entrevoir la possibilité de le réattirer dans ses filets. A la vérité ce n'était pas un challenge bien difficile à relever. Avec le mariage le médecin s'était assagi, mais avait perdu du même coup son éclat auprès d'une femme sans réelle saveur. Il n'était clairement pas aussi heureux qu'il le répétait, nul besoin d'être un génie de la déduction pour s'en rendre compte. Dans ces conditions il ne lui fallait guère qu'un coup de pouce pour qu'il franchisse la ligne et revienne à cette existence qui l'avait comblé si longtemps et qui lui convenait bien mieux. Holmes savait désormais comment lui donner ce coup de pouce et n'allait certainement pas se priver d'agir. Quittant la peau de tigre sur laquelle il était lascivement allongé, il sauta sur ses pieds avant de se diriger vers sa chambre en se débarrassant de sa veste d'intérieur. Première fois qu'il allait se vêtir convenablement depuis des jours mais c'était nécessaire pour sortir. Or cette petite course avait déjà bien assez attendu.

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Watson ouvrait son courrier tout en écoutant distraitement son épouse qui lui décrivait la toilette qu'elle avait prévu de s'acheter l'après-midi même en vue de le réception à laquelle ils étaient tous les deux conviés le vendredi suivant. Le médecin n'avait aucun intérêt pour ce genre de frivolité, pas davantage qu'il ne se réjouissait pour cette sortie à venir. Il n'aurait pourtant interrompu Mary pour rien au monde. Tout comme il savait combien cette joie de vivre qu'elle affichait était feinte. Trois ans qu'ils étaient mariés mais la jeune femme n'avait toujours pas connu les joies de la maternité. Leur médecin demeurait positif et encourageant, Watson également, mais chaque mois qui passait, apportant avec lui son moment de déconvenue, pesait un peu plus sur le moral de la blonde. Elle qui, comme toute femme de son rang, se rêvait mère depuis sa prime jeunesse, commençait à douter de son utilité. Culpabilisant auprès de son mari, elle remettait souvent en question ses capacités à être une bonne épouse, comme si la maternité était le seul enjeu de leur union. John tentait de la rassurer bien souvent, lui affirmant que fonder une famille n'était pas son plus grand rêve, elle ne le croyait pas. C'était pourtant la vérité. Comme tout un chacun longtemps, y compris alors qu'il était l'amant de Sherlock Holmes, il pensait au mariage, aux enfants. Il avait rompu avec celui qu'il considérait pourtant comme son âme sœur pour cela. Son union légitime auprès de cette femme fraîche et si facile à vivre l'avait comblé un temps. Pourtant il commençait à comprendre qu'il avait peut-être fait une erreur. Néanmoins le divorce demeurait inenvisageable, il respectait bien trop Mary pour lui infliger cela. Il avait fait son choix trois ans plus tôt en l'épousant, que cela s'avère une mauvaise décision ne l'empêcherait pas d'assumer ses responsabilités. A cet égard pourtant la perspective d'un enfant avait désormais tendance à l'effrayer. A cet égard il ne souffrait pas réellement de leur situation actuelle, du manque d'enfant, cela lui faisait clairement un souci de moins à gérer à mesure qu'il s'interrogeait sur le sens de sa vie, mais demeurait tout de même attristé pour son épouse.

Lorsqu'elle fit une brève pause dans son discours inspiré, il leva la tête vers elle et lui sourit tendrement avant de se replonger dans sa correspondance tandis qu'elle reprenait. Elle n'avait jamais rien soupçonné de ses tourments et c'était aussi bien. De cette façon il parvenait à s'accommoder de son mieux à sa situation. Qui n'était pas si mauvaise à la réflexion. Il avait une épouse douce et patiente, même s'il n'éprouvait plus guère autre chose que de la tendresse à son égard. Pour le reste il chérissait son amitié avec Holmes, aussi frustrante soit-elle. Comme elles lui manquaient leurs étreintes passionnées, leurs habitudes sans responsabilité… Mais là encore il avait fait un choix, il n'y reviendrait pas. Son existence à Baker Street avait été une belle parenthèse, désormais il était passé à autre chose. A bien des égards c'était aussi bien, tout du moins essayait-il de s'en convaincre. Las il parcourut en diagonale la lettre d'un ancien frère d'armes désormais établi aux Indes, avec qui il correspondait régulièrement. Puis ne jeta qu'un rapide coup d'œil à la brève missive d'un confrère auquel il avait adressé un patient. Rien de bien intéressant, surtout étant donné son état d'esprit actuel. Il retrouva néanmoins le sourire en découvrant l'enveloppe suivante, qu'il s'empressa de décacheter d'un geste nerveux. Il avait reconnu sans difficulté l'écriture de Holmes et brûlait de découvrir ce que celui-ci lui réservait.

Lorsqu'il eut sous les yeux le contenu de l'enveloppe, le médecin eut une exclamation joyeuse, la première depuis une éternité, tandis que son cœur s'accélérait. Il réalisait du même coup combien lui manquait la vie tellement faite d'imprévus qui avait été la sienne auprès de ce personnage d'exception. Il avait à présent entre les mains une photographie de Holmes, ce qui en soit n'aurait rien eu d'exceptionnel, si son ami n'avait été pratiquement nu sur le cliché. Et pas que nu d'ailleurs, il y avait derrière sa pose toute une mise en scène qui ne pouvait laisser le médecin de marbre. Son ancien amant était alangui sur un fauteuil, jambes écartées, une main nonchalamment posée sur son sexe, sans tout à fait le dissimuler. Il ne portait qu'une chemise ouverte qui n'en rendait sa position que plus émoustillante et sur son visage cet air canaille que Watson aimait tant. Cette expression qui semblait dire que rien n'avait d'importance en dehors de leur lien au demeurant si fort. Cette expression qu'il ne lui avait plus vue depuis qu'il l'avait quitté. A ce constat il sentit une bouffée de culpabilité l'envahir. Holmes avait beau le nier à cor et à cri, il avait souffert de cette séparation, son air perpétuellement blasé quand il allait le voir en était le meilleur indicateur. Dans ces conditions cette photographie, même si elle était clairement d'un goût douteux étant donné sa situation maritale, était un excellent signe. La preuve qu'enfin le logicien acceptait leur situation, recommençant à vouloir le faire tourner en bourrique comme au bon vieux temps. C'était parfait. L'ancien soldat était près à supporter toutes les moqueries, tous les mauvais tours, si seulement il pouvait revoir son camarade sourire.

Devant se mordre la lèvre pour ne pas se mettre tout bonnement à rire, et du même coup prendre le risque d'attirer l'attention de Mary, au souvenir d'une autre photographie, celle-là de son fait, il se concentra plutôt sur le corps élégamment exposé. Et l'envie de rire, même seulement de sourire, lui passa complètement, ne laissant à la place que le plus profond abattement. Ce corps encore parfait pour ce qu'il pouvait en juger lui manqua tout à coup cruellement. Il l'avait si bien connu durant les années que les deux hommes avaient passées ensemble. L'emplacement de chaque grain de beauté, la teinte unique de sa peau, chaque cicatrice… les yeux fermés il savait où caresser, où embrasser, pour faire monter le plaisir. Plus que son amant, Holmes lui avait fait bien souvent l'impression d'être la continuité de lui-même tant ils étaient en phase. John avait perdu cette proximité si agréable en quittant cet être et n'avait jamais su la retrouver auprès de Mary. Longtemps il avait réussi à se convaincre que cela ne lui manquait guère, mais devant ce cliché qui lui rappelait tant de souvenirs il n'avait plus la force de se mentir. Sherlock lui manquait, la relation qui était la leur à l'époque lui manquait tout autant, et cette amitié qui était la leur, aussi intense soit-elle, ne parvenait à effacer les souvenirs qui en étaient désormais douloureux.

Fermant les yeux un bref instant, le médecin n'eut aucun mal à imaginer ses doigts glisser sur la peau douce qui savait si bien frissonner sous ses caresses. Sans s'en rendre compte, il avait levé la main pour mimer le geste, ce qui n'échappa en revanche nullement à Mary. Celle-ci s'interrompit et fixa son époux avec curiosité.

« John ? » s'enquit-elle en se rapprochant de lui.

L'interpellé se redressa en sursautant et rabaissa vivement sa main.

« Tout va bien ? » insista la jeune femme.

Le médecin eut un hochement d'épaules tandis qu'il esquissait un sourire pitoyable.

« Ce n'est rien, dit-il. Je pensais à… »

Il s'interrompit, craignant que Mary ne se doute de quelque chose. Mais la connaissant il aurait dû savoir que c'était déjà trop tard, elle était bien trop perspicace.

« Holmes », conclut-elle donc pour lui avec un sourire bienveillant.

Cette réaction amicale concernant le détective était bien trop récente pour que l'ancien soldat arrive à s'y faire. Longtemps Sherlock avait effectivement été un sujet de discorde au sein de leur couple, Mary lui reprochant souvent le temps qu'il lui consacrait, les risques qu'ils prenaient encore et toujours à ses côtés… Mais depuis quelques mois il n'y avait plus la moindre anicroche. La jeune femme parlait d'un ton léger de celui qu'elle avait longtemps considéré comme un rival, poussant même John à se rendre à Baker Street dès lors qu'il en ressentait le besoin… C'était incompréhensible et le médecin, plus pessimiste qu'il n'aurait voulu, s'attendait en permanence à voir le vent tourner.

Il eut un hochement de tête en rangeant le cliché dans son enveloppe. Qu'elle soit plus tolérante concernant la place de Holmes dans leur vie ne signifiait pas qu'elle supportait de voir une telle chose.

« Je songeais que je ne l'avais pas vu depuis un moment », dit-il ensuite en rougissant légèrement.

A présent qu'il se souvenait plus que jamais du lien unique qui l'avait uni à son colocataire, il n'était pas certain d'être capable de se présenter à lui sereinement.

« Vous travaillez trop en ce moment, confirma la blonde. J'imagine qu'il le comprend.

- Par particulièrement », souffla le médecin, blasé, tout en jetant un coup d'œil distrait à la nouvelle lettre qu'il venait d'ouvrir.

Un confrère qui lui demandait son avis sur un traitement pour un patient jugé sensible, voilà qui aurait l'avantage de monopoliser son attention pour quelques instants. Il adressa un sourire qui se voulait rassurant à son épouse puis se saisit de sa plume. Comprenant qu'elle était désormais de trop, Mary s'éclipsa sur un "A ce soir" timide. Décidément elle était loin la proximité qui les avait unis au début de leur relation. Watson avait à présent l'impression qu'ils étaient deux étrangers l'un pour l'autre, qui ne se fréquentaient plus que par habitude, sortaient ensemble pour préserver les apparences et copulaient occasionnellement dans le but de plus en plus incertain de fonder une famille. Ils ne se détestaient certes pas, étaient cordiaux l'un envers l'autre, mais il n'y avait plus de tendresse, ni même plus d'amour en étant tout à fait honnête. Pourtant à cet instant ce simulacre de mariage n'était pas la préoccupation première du médecin. Il avait désormais un autre souci, qui s'était posé bien souvent mais qu'il avait su maintenir à distance jusqu'à présent : Holmes, et les sentiments qu'il continuait à nourrir à son égard. John avait su héroïquement maintenir ceux-ci à distance, mais aujourd'hui cette photographie toute simple, ce corps comme en attente du sien, avait ravivé bien trop de souvenirs. Pourtant il se devait de tenir bon ! Il était un homme marié, qu'il n'éprouve plus grand-chose pour l'épouse en question n'y changeait rien, il lui devait tout de même fidélité. Dans ce tableau son ami était définitivement de trop. Quelque soit son envie de lui actuelle.

Bravement le médecin repoussa l'enveloppe et son contenu fallacieux le plus loin possible de lui sur son bureau encombré, résistant à l'envie de regarder une fois de plus cette photographie tentatrice, puis il se mit à rédiger une réponse soignée pour le collègue qui l'avait sollicité, ravi de pouvoir songer à autre chose. Ayant ensuite deux visites à domicile à effectuer, il s'en acquitta avec le même professionnalisme qu'habituellement, se surprenant simplement parfois à songer à Holmes un peu plus qu'il n'aurait dû, mais il parvenait chaque fois à se reprendre. Fier d'avoir su résister à la tentation de s'isoler en se perdant dans ses pensées, ce fut cependant une autre histoire lorsqu'il fut de retour chez lui alors que la nuit tombait. Lorsque Mary vint l'accueillir tandis qu'il retirait son manteau il la pria de patienter encore un peu pour passer à table, arguant qu'il avait encore une dernière chose à faire. Et il fila dans son bureau sans plus attendre. Il aimait cette pièce décorée et organisée par ses soins seuls, il s'y sentait toujours bien. En fin de journée à la lumière faible et tremblante de sa lampe à pétrole c'était encore plus agréable. Pourtant ce soir, lorsqu'il s'assit dans son fauteuil confortable, l'ambiance était étrangement différente. Peut-être parce qu'il s'était senti sous tension tout l'après-midi et que le poids pesant désagréablement sur ses épaules ne l'avait pas quitté un instant.

Se sentant abandonné de toute bonne volonté, las, fatigué et frustré, il ne résista pas cette fois à son désir. Il ouvrit le tiroir de sa table de travail et en récupéra l'enveloppe qu'il y avait cachée avec soin avant de partir. Lorsqu'il eut enfin l'indécent cliché sous les yeux, ce fut d'abord la tristesse qui l'envahit. Il n'en pouvait plus de cette solitude qui était la sienne depuis si longtemps et que même les efforts de Mary n'avaient jamais pu combler. Il était las de se réveiller plusieurs fois chaque nuit avec l'espoir de trouver Holmes allongé près de lui, avant de se rendormir avec difficulté, le cœur lourd. Las de prétendre en permanence, quoi que certainement bien inutilement le connaissant, quand il voyait son ami que tout était pour le mieux dans sa vie. Mais c'était ainsi. Il avait fait le choix d'épouser Mary, qu'il se soit trompé n'y changerait rien, il devait désormais assumer ses responsabilités. Il s'en accommodait aussi bien que possible généralement, mais aujourd'hui c'était plus improbable que jamais et il ne se sentait plus la force de se mentir. Sans pour autant savoir comment agir pour préserver tous les partis concernés, lui compris.

Pourtant il savait qu'il n'avait pas à agir immédiatement, que la réflexion aurait forcément du bon. Dans ces conditions il aurait dû aller rejoindre son épouse dans la salle à manger et feindre la plus parfaite indifférence là où il aurait pourtant préféré hurler sa frustration. Mais il lui fallait du temps pour ravaler sa peine, se composer ce visage neutre qu'il offrait en permanence à autrui, se redonner cette contenance qui lui faisait tellement défaut depuis qu'il avait vu la photographie du détective. Ne pouvant détacher les yeux du cliché ô combien envoûtant, il passa les doigts sur le visage figé du détective et put presque sentir la douceur de cette peau qu'il avait si bien connue. C'est là que tout s'enchaîna. Le médecin aurait pu en jurer, ce ne pouvait être que le fruit de son imagination. Il avait le goût de Holmes sur sa langue, son odeur emplissait ses narines, le son de sa voix tour à tour tendre ou plus moqueuse raisonnait à ses oreilles… C'était comme si son amant était bel et bien à ses côtés, partageant son envie de lui, savourant les compliments murmurés avec douceur. Dans ces conditions que l'excitation aille crescendo semblait naturel et rapidement le médecin se sentit bien trop à l'étroit dans son pantalon.

Il savait que c'était mal, que c'était sale et que quelque part il était infidèle à sa femme par la pensée mais il ne put se retenir. D'une main tremblante il dégrafa son vêtement, glissant les doigts dans son dessous. C'était quelque chose qu'il ne faisait jamais, plus depuis longtemps en tout cas. Se donner du plaisir tout seul était bien trop dégradant. Du temps de sa relation avec Holmes c'était une autre histoire en revanche. Il arrivait alors au médecin de se caresser quand son compagnon le mettait au défi ou lorsque celui-ci l'abandonnait, excité, au beau milieu des préliminaires et qu'il était obligé de se finir tout seul. Le détective était effectivement un amant des plus original quoi pouvait passer en une seconde de la plus intense des envies à la plus parfaite froideur. Watson avait su composer avec cela et n'en n'avait éprouvé que rarement de la frustration. Revenir à se genre de plaisir en solitaire ce soir était une preuve de plus que le limier avait toujours une grande place dans sa vie.

Il commença par se caresser lentement, sans quitter un instant le cliché des yeux, sentant un désir comme il n'en avait pas connu depuis une éternité monter en lui. Il avait oublié jusqu'à la sensation de son érection lourde dans sa paume, ne se rappelait même pas qu'il était capable d'être aussi dur… Comme si sa vie depuis Holmes n'avait été qu'une déception, une semi-vie qui n'en valait guère la peine. Sentant se mêler la rage de s'être perdu en cours de route au milieu d'une existence qui ne lui correspondait pas et le désir impérieux de la libération qu'il savait proche, il accéléra ses mouvements en grognant. Et toujours Holmes semblait le narguer de son expression figée, comme pour le mettre au défi d'aller jusqu'au bout de ce qu'il avait commencé. Ses jambes se crispant convulsivement, son cœur cognant douloureusement dans sa poitrine... Et sa main allant toujours plus vite autour de sa hampe gorgée d'envie… John n'aurait pu s'interrompre désormais, Mary eut-elle débarqué sur ces entrefaites. Enfin il jouit en se mordant la lèvre, l'extase le cueillant avec une intensité qu'il n'avait plus connu depuis bien longtemps, le laissant pantelant, la respiration haletante.

Lorsqu'il eut reprit ses esprits, il retourna vivement la photographie face à la table tandis que la honte le gagnait. Non content de s'être prêté à cette activité pour le moins honteuse, il avait pris bien plus de plaisir avec sa seule main et ses fantasmes que ce que Mary était parvenu à lui donner même à l'époque où elle était pourtant motivée. Voilà qui en disait long sur l'état de son mariage et de son existence toute entière. Il allait devoir arranger tout cela au plus vite parce que ce genre d'écart ne devait plus avoir lieu. Fier de cette bonne résolution, même s'il n'était pas sûr de savoir comment agir, il quitta son fauteuil, utilisant son mouchoir pour nettoyer les traces de son "méfait" puis rajusta ses vêtements. Se sentant plus perdu qu'avant, il quitta finalement la pièce, sans songer à la photographie abandonnée qui pouvait être aisément consultable par quiconque entrerait ici.

A suivre…