Tes yeux, si noirs.

Tes joues, pas assez roses.

Ta bouche, un peu trop rouge.

Ta peau, tellement pâle.

Tes cheveux, très bruns.

J'en suis malade. Trop d'amour. Je me demande si on peut en mourir. Je frissonne. Il fait si froid ici, parce que tu n'es pas dans mes bras. Je suis fiévreux, je crois : tes mains gelées ne peuvent désormais rien faire pour moi. Si tu savais comme tu me rends dingue. Je sens ton parfum comme une seconde peau, et le souvenir de tes lèvres sur les miennes me fait sourire. Les détraqueurs ne peuvent pas m'atteindre. Ils peuvent me voler mes souvenirs, me faire frémir, mais tu es gravée dans ma peau. Je sens tes doigts qui parcourent mon torse, tes cheveux qui caressent mon visage, et ton odeur de réglisse. Je sens ton corps contre le mien, ta quête de chaleur pour réchauffer ta peau d'albâtre, froide comme un cadavre. Tes yeux fous sont plongés dans les miens, et me transpercent.

J'aimerais tellement que tu sois là. Je t'aime presqu'autant que je te hais. Tu es tout ce que je ne serais jamais. Tu es la pire part de moi, comme je suis la meilleure de toi. La seule chose qui te rachète à mes yeux est l'intérêt que tu me portes. Et ça me donne parfois l'illusion que tu as un coeur. Mais qu'en ferais-tu ? Il est évident que tu n'en as pas.

La passion n'a besoin que de haine pour grandir, de colère. Tu ne m'aimes pas. Je te fascine, c'est tout. Tu joues avec moi, comme un prédateur avec sa proie. Je t'intrigue. Tu es prête à me disséquer lentement, et je n'ai pas peur de te laisser faire. Je te surprends, parfois. Tu te demandes ce que cela veut dire, aimer. Tes questions se lisent sur ton visage quand tu t'aperçois que je te regarde. On ne te l'a jamais appris comment aimer. J'essaie de te montrer, quelquefois. Peine perdue. Tu ne comprends pas ce qu'est l'amitié, l'amour filial et tant d'autres choses. L'amour filial, je reconnais que moi non plus. Le problème n'est pas que tu n'aimes pas comme les autres. Il parait que ça arrive même à des gens très bien. Le problème c'est que tu te délectes de la souffrance.

Tu adorerais voir ma souffrance, ici. Tu ne connais que ça, la douleur. Et ça t'excite. C'est ta seule vraie passion. Comme si tu étudiais ces effets sur ton entourage. C'est la chose que tu comprends. Faire mal, c'est ce qui te fait du bien. C'est dans le cours des choses, tu es née pour ça. Infliger la souffrance. Tu es une déesse du chaos. Magnifique par bien des aspects, mais ô combien létale. Tout ce que tu touches se métamorphoses en poussière. La mort est ton enfant, attendant patiemment tes instructions.

Tu es abominable. J'ai cherché un remède. Tu n'as pas toujours été aussi insensible. La cruauté grandit un toi comme une flamme que l'on ne cesse d'arroser d'essence. Mais je me souviens de l'époque où tu étais encore enfant, et où la douleur des autres n'était pas un jeu. Tu avais une vague once d'empathie. Rien de grandiose, mais le nécessaire. Tu t'intéressais un peu aux autres.

Maintenant il n'y a plus que ce monstre qui grandit en toi.

Je ne peux pas te sauver de toi même, mais j'ai honnêtement essayé. J'espère que tu sais ça au fond de toi. J'en doute fortement.

Tu me tueras un jour, quand tu seras fatiguée de jouer. Mais pour le moment je ressens encore la souffrance, alors j'imagine que le jeu n'est pas terminé et que l'on se retrouvera bientôt. Tu n'aimes pas qu'on éloigne tes jouets de toi, après tout.