Le trottoir d'en face

Partie 1/2

Depuis trois mois à peine, une nouvelle librairie avait ouvert dans le centre ville de Magdebourg. Elle se trouvait être bien placée dans la rue principale regroupant un bon petit nombre de commerces. Le jeune propriétaire âgé de vingt huit ans avait économisé longuement avant de pouvoir ouvrir sa boutique et lorsque l'occasion s'était proposée il avait sauté dessus.

De ce fait, il n'avait pas vraiment pu s'organiser et se retrouvait avec tout un tas de paperasses à renvoyer, des livres et autres fournitures arrivant chaque jour qui devaient être rangés et une clientèle de plus en plus affluente. Ca n'était pas pour déplaire à notre libraire, au contraire c'était plutôt encourageant de voir le monde se presser dans sa boutique, mais il était seul pour s'occuper de tout ce petit monde et se trouvait un peu débordé.

Un mardi en fin de matinée, alors qu'il rangeait une nouvelle collection de livres sur les étagères, son estomac le rappela à l'ordre et le jeune homme décida de prendre sa pause. Il déjeunait tous les jours dans la petite brasserie à l'autre bout de la rue et connaissait très bien la patronne puisqu'elle l'avait embauché pendant plus de cinq ans, le temps qu'il puisse réunir l'argent pour ouvrir son propre commerce. Il prit sa veste et son porte feuille, ferma la porte de sa boutique.

Alors qu'il descendait les trois petites marches de sa librairie, il regarda sur le trottoir d'en face où se trouvait une boulangerie le regard un peu triste le trouvant bien vide pour la première fois depuis trois mois, mais se reprit rapidement et descendit la rue d'un pas assuré.

« Bonjour Carmen ! » S'exclama-t-il en approchant du comptoir où se trouvait une femme d'une cinquantaine d'années.

« Oh Bill, tu vas bien aujourd'hui ? »

« Toujours aussi débordé mais ça va plutôt bien et toi ? »

« Bien bien merci, alors qu'est-ce que je te sers ? Croque madame, frites et bière pression ? » Demanda Carmen en souriant.

« Pourquoi tu me poses toujours la question alors que tu sais déjà ? » Rit le jeune homme.

« Peut être parce que j'espère qu'un jour tu voudras goûter à autre chose au lieu de te cantonner à un seul et unique plat. Le croque madame est devenu banal. »

« Oh ! Mais tant que moi je ne le deviens pas tout va bien. » S'offusqua faussement Bill.

« Toi banal ? A part ton repas du midi en semaine, en effet je ne vois pas. »

Ils échangèrent un sourire, Carmen partit prendre d'autres commandes et Bill s'assit sur un des tabouret près du bar attendant son plat qu'il préférait manger là plutôt que sur une table tout seul dans un coin. Là au moins il pouvait parler avec Carmen et son neveu Jo qui avait depuis peu prit sa relève. Il aimait vraiment cet endroit s'y sentant un peu comme chez lui et toujours bien accueillit malgré son originalité bien visible loin de toutes les banalités comme l'avait très bien dit la patronne.

En effet Bill n'avait rien de commun. C'était un grand, mince et beau jeune homme aux allures quelques peu androgynes portant des vêtements près du corps mettant en valeur ses formes discrètes mais agréables. Ses cheveux longs et noirs corbeau dont il prenait particulièrement soin restaient la plupart du temps lisses mais le jeune homme s'aventurait parfois dans des coiffures extravagantes dont seul lui avait le secret.

A cela s'ajoutait une touche peu commune pour un homme : le khôl noir entourant ses yeux bruns lui donnant cet air mystérieux qu'il tentait de préserver dans ses attitudes. Non, Bill n'avait rien d'un jeune homme ordinaire. Il avait toujours eu un style particulier et malgré ses vingt huit ans il était resté presque le même depuis des années.

Jo s'approcha pour servir la bière de Bill et le salua rapidement avant de continuer à servir les autres clients du bar. Une dizaine de minute passa et Carmen arriva avec le croque madame de Bill. Le brun la remercia et dévora son assiette en quelques minutes à peine complètement affamé par sa matinée de travail. Il bu la fin de sa bière laissant un peu de mousse dans le fond et parla d'un peu de tout avec Jo qui lavait les verres à soda jusqu'à treize heures trente environ. Il paya et quitta la brasserie pour aller retrouver sa librairie avant l'heure d'ouverture de l'après midi afin de continuer le rangement des nouveaux livres.

Sur le chemin Bill essaya de se fixer une liste de choses à faire avant la fin de la journée et les nota sur son téléphone dans message brouillon. Il manquait parfois d'organisation alors il préférait noter plutôt que d'oublier et de se retrouver le lendemain avec les tâches passées aux oubliettes additionnées à celle du jour.

Approchant de son commerce il releva la tête et croisa ce regard triste qu'il aimait tant et qu'il souhaitait voir rieur un jour prochain avant de rentrer dans la librairie. C'était ce même regard qu'il avait cherché en partant de la librairie pour aller manger mais qu'il n'avait pas trouvé froissant un peu son humeur. C'était le regard de ce sans domicile fixe qu'il essayait de capter tous les jours au moins en allant manger. Bill ne connaissait rien de cet homme assis sur son morceau de carton entre la boulangerie et la mercerie tous les jours de la semaine, pourtant il ne pouvait empêcher son cœur de se serrer fortement chaque fois qu'il l'apercevait.

Le sans abris avait une allure miséreuse. Il était maigre, sale et dans le besoin. Mais derrière cette apparence Bill voyait une beauté inimitable. Il n'avait encore jamais osé aborder cet homme qui semblait jeune, peut être même plus que lui. Bill avait sans doute peur que ce blond dreadé qui lui plaisait indéniablement l'envoie promener en moins de temps qu'il ne faut pour le dire s'il essayait de lui parler.

Le sans abris s'était fabriqué une carapace pour empêcher les gens d'approcher de trop, il semblait simplement ne plus croire en rien. Il remerciait d'un signe de tête les gens qui lui donnaient parfois une pièce alors qu'il n'en demandait pas forcément. Il ne voulait pas donner de lui l'image d'un homme réclamant la pitié des passants. Il acceptait parfois un croissant fraichement acheté par un tiers dans la boulangerie ou un euro afin de manger quelque chose mais ne réclamait rien. Il attendait simplement que sa fin vienne d'elle-même. Cela faisait longtemps qu'il avait oublié ce que voulait dire le mot « espoir ». Il n'avait plus d'amis, plus de famille, alors qu'attendait-il exactement à part la mort ? Rien.

Et si Bill allait le voir, ce serait pour lui dire quoi ? Comment entamer la conversation ? Cela rendait le brun vraiment très nerveux et dans le même temps il avait déjà réfléchit à des solutions pour aider cet homme alors qu'il ne connaissait même pas son nom. La seule chose qu'il savait était que malgré l'état du jeune homme assis sur le trottoir d'en face il ne pouvait nier que ses sens lui lançaient une alarme chaque fois qu'il parvenait à croiser les yeux du beau dreadé. Bill s'en voulait de n'avoir encore rien fait mais il était timide et apeuré à l'idée d'être déçu parce qu'il n'aura pas pu l'aider pour cause de refus ou bien parce qu'il n'en n'aura pas été capable.

Le brun soupira en posant sa veste sur une chaise dans la réserve et alla retrouver ses cartons remplis de romans en tout genre attendant de trouver leur place dans la boutique. Bill tomba sur des romans policiers mais aussi fantastiques. Plus tard il s'occupa de trouver un endroit où mettre les livres pour enfants et sous les coups de quatorze heures trente il rouvrit la librairie au public jetant un œil au dreadé qui dormait profondément sur son bout de carton. Il avait encore dû passer une nuit blanche à chercher le sommeil au travers du froid automnal.

L'après midi se passa sans encombre et finalement Bill parvint à terminer de remplir quelques papiers important à renvoyer et à ranger tous les livres en attente en plus de s'occuper de ses clients. Il avait déjà quelques habitués mordus de lecture qui parlèrent un peu avec lui de livres récemment parus et le soir venu il rentra dans son petit appartement situé juste au dessus de son commerce.

Pour une fois l'heure était raisonnable. Il lui était arrivé de rester très tard, pour tout terminer correctement traînant parfois jusqu'à vingt deux heures dans sa librairie. Il travaillait dur pour y arriver et ça avait l'air de payer.

[…]

Le mardi suivant arriva rapidement et Bill reçu les nouveaux livres des éditeurs en plus de ceux commandés par ses clients à la recherche d'exemplaires précis. Il rangea le tout en peu de temps le nombre de livre arrivant chaque semaine diminuant un peu vu que la librairie était à présent bien achalandée. Une petite fille vint avec sa mère pour acheter la suite de sa série de livres basés sur une histoire de fées et un homme plutôt âgé fut plutôt intéressé par les romans policiers. D'autres personnes vinrent aussi acheter divers choses, aussi bien des livres que des fournitures scolaires ou un simple stylo.

Ce midi là comme tous les autres Bill alla manger à la petite brasserie du bas de la rue et revint rassasié par un croque madame accompagné de frite et sa bière quotidienne. Il croisa le jeune dreadé qui ne releva la tête que lorsque le brun fut rentré dans sa librairie.

L'après midi se passa sans encombre son affaire marchait bien et il était plus détendu ces derniers jours cependant il avait encore un peu de mal à tout gérer. Vendre, ranger, nettoyer, conseiller et autres devoirs de commerçant devaient être menés à bien par sa seule personne et c'était épuisant.

Vers seize heures Bill qui était en train de regarder au travers de la vitrine en buvant son café posa ses yeux sur le sans abris. Il faisait parti du paysage et cela rendait triste le brun qui aurait voulu que ça change mais il ne savait toujours pas comment l'aborder. Il était terriblement beau, ses yeux habillés de longs cils étaient perçants et sa bouche pas moins attirante était ornée d'un piercing argenté. Son visage à la peau terne et aux joues creusées n'en était pas moins fin et joli. Il avait beau avoir l'air fatigué, sale et maigrichon, Bill le trouvait à son goût, parfaitement même.

Le brun soupira après avoir terminé son café et partit nettoyer la tasse dans le petit évier présent dans la réserve. Il revint s'asseoir derrière la caisse n'ayant plus rien à faire pour le moment et ses yeux tombèrent sur un livre qu'il était en train de lire. C'était un peu à l'eau de rose mais Bill aimait les choses un peu fleur bleue tant que ça n'était pas poussé à l'extrême et que ça restait agréable à lire. Il détestait les histoires longues et ennuyante et celle là n'en était pas une. Il prit le livre et l'ouvrit, il ne lui restait qu'une vingtaine de pages à lire ce qu'il fit coupant sa lecture deux fois pour aider des clients et encaisser leur paiement.

Une fois terminé il se sentit plus léger et heureux d'avoir su le fin mot de l'histoire. Une histoire d'amour qui fini bien c'est toujours plaisant, tant que ça ne tombe pas dans le superficiel. Ce livre avait beaucoup plu à Bill et lorsqu'il relu le titre, instantanément sa tête se tourna vers la droite de façon à voir le jeune dreadé toujours à la même place, allongé sur son morceau de carton, endormi.

Le titre n'était autre que « Le trottoir d'en face » et l'histoire parlait d'une relation entre un homme et une femme tous les deux prostitués travaillant dans la même rue mais se trouvant toujours l'un en face de l'autre, chacun d'un côté de la rue. Au début ils ne se connaissent pas, n'osent pas s'approcher puis lorsque l'un des deux fait un pas vers l'autre ils deviennent amis puis rapidement amants et arrivent finalement à s'en sortir à la fin de l'histoire, quittant la prostitution chacun leur tour pour tenter de trouver un métier plus décent.

Evidemment Bill fit le rapport entre lui et le jeune sans abris et une idée lui vint à l'esprit. Peut être qu'il avait trouvé une façon de l'approcher un peu. Cela restait de la supposition mais le brun ne pouvait plus rester les bras croisés à voir cet homme se laisser détruire par le froid et la faim.

Il prit un crayon dans le pot tout près de lui et rouvrit le livre à la dernière page. Il chercha ses mots, il ne savait pas trop quoi écrire finalement, il releva les yeux et regarda de nouveau le jeune homme assis dehors. C'est alors qu'il se mit à poser quelques mots sur le papier.

« Si quelqu'un vous offrait une vraie aide, l'accepteriez-vous ? »

Bill hésita à signer mais le fit tout de même mettant simplement son prénom, il n'ajouta rien d'autre et referma le livre. Il reposa le crayon et regarda de nouveau celui qui faisait battre son cœur anormalement vite alors qu'il ne le connaissait même pas. Il se leva et sorti de la librairie en simple t-shirt dans le froid du mois d'octobre. Lui avait la chance d'être toujours au chaud et cela lui fit un drôle d'effet de sentir son corps frissonner au contact de l'air. Il traversa la rue rapidement et se posta près du sans abris toujours endormi auprès duquel il déposa le livre et repartit aussitôt.

« Des clients m'attendent. » Se trouva-t-il immédiatement comme excuse.

L'heure de fermer la librairie arriva lentement pour Bill qui observait le dreadé du coin de l'œil. Ce dernier était toujours endormi et le livre n'avait pas bougé de place. Les premières pages tournaient toutes seules de temps en temps à cause des quelques coups de vent légers. Bill se mordait nerveusement la lèvre inférieur se demandant comment réagirait le jeune sans abris dont il était éprit.

Vers dix neuf heures le dernier client repartit content de sa nouvelle acquisition et Bill ferma la porte à double tour à sa suite. Il retourna près de la caisse qu'il vida dans une petite sacoche de cuir noir. Il éteignit toutes les lumières se retrouvant dans la pénombre. Seuls les réverbères de la rue permettaient à Bill de ne pas être totalement dans le noir et alors qu'il jetait un dernier regard dans la rue au travers de la vitrine, son cœur rata un battement lorsqu'il vit le beau dreadé le livre entre les mains regardant dans sa direction une lueur étrangement reconnaissante dans les yeux.

Bill sentit ses mains devenir moites et sa gorge se serrer, et même si l'homme au dehors ne pouvait le voir, il s'enfuit à l'arrière du magasin porté par sa timidité afin de monter dans son appartement rejoindre sa solitude.

Le brun mangea tranquillement un plat de pâtes au parmesan devant le journal télévisé et après avoir tout rangé il ouvrit la fenêtre donnant sur la rue pour fermer les volets. C'est là qu'il vit le jeune homme assit près du réverbère en train de lire le livre déposé plus tôt près de son corps endormi. Assis en tailleur, le livre entre ses mains gantées, le dreadé n'entendit pas le brun ouvrir la fenêtre mais lorsque Bill verrouilla les volets, il releva la tête laissant un début de sourire s'inviter sur ses lèvres gercées. Que deviendrait cette esquisse lorsqu'il arriverait à la dernière page ?

[…]

Le jeune libraire avait passé une nuit agitée à penser au dreadé en train de lire le livre. Il s'était dit qu'au moins il avait accepté le cadeau, que c'était déjà quelque chose d'important pour lui. Pour une fois, la nuit aura été peut être moins pénible pour le sans abris et lorsqu'il ouvrit ses volets, la tête cotonneuse d'avoir si peu dormi, Bill sourit en apercevant son futur petit protégé en train de dormir dans sa maison de fortune faite de carton.

En réalité le jeune homme ne dormait presque jamais. Le froid, le bruit et le sol dur ne lui permettaient de dormir que lorsqu'il était vraiment à bout. Alors il parvenait à fermer les yeux puis à somnoler, mais rares étaient les nuits où il arrivait à dormir vraiment plus de vingt minutes. Il avait prit l'habitude de ne pas dormir depuis plus de deux ans qu'il s'était retrouvé à la rue et de toute façon il ne se dépensait pas beaucoup. Il se levait uniquement pour aller aux toilettes publiques dans le parc avoisinant le quartier et pour se dégourdir un peu les jambes cachant ses précieux morceaux de cartons dans le minuscule passage entre la boulangerie et la mercerie.

Bill passa sa main dans ses cheveux et soupira avant de refermer sa fenêtre. Il se prépara, prit son petit déjeuner et un peu avant neuf heures trente il descendit dans sa librairie. Il alluma les lumières, passa un rapide coup de balai ayant oublié de le faire la veille puis remit quelques euros dans la caisse pour rendre la monnaie.

Après cela, il prit son trousseau de clé et ouvrit la porte de la boutique laissant l'air frais pénétrer quelques minutes alors qu'il retournait derrière la caisse.

Lorsqu'il revint pour fermer la porte, ses yeux tombèrent sur un objet posé sur la deuxième marche. Il se baissa pour le ramasser, c'était le livre qu'il avait donné au dreadé la veille. Bill ne l'avait pas remarqué en venant ouvrir la boutique et à présent il se retrouvait comme un idiot avec le livre dans les mains à ne pas savoir quoi faire. Le jeune sans abris avait deviné sans difficulté que le cadeau venait du libraire. Bill leva les yeux et vit le dreadé toujours somnolant puis se souvint de son petit mot à la fin de l'ouvrage.

Bill trembla un peu et l'appréhension s'empara de lui lentement. Il hésitait à ouvrir le livre. Il avait peur que son petit mot soit resté sans réponse. Mais après quelques secondes il ne put résister à la curiosité et trouva bien vite la dernière page. Il relu son mot et descendit plus bas : il avait répondu.

Le brun parcourut la courte phrase qui avait été apposée à la suite de la sienne et sourit franchement en relevant la tête vers le sans abris qui était à présent assis sur son carton replié frottant ses yeux, tout n'était pas vain.

« Je ne sais pas, je ne crois plus au Père Noël depuis longtemps mais qui sait ?

Tom.

Ps : Merci. »

Alors il s'appelait Tom… Le brun se dit que ça lui allait vraiment bien. Un prénom aussi mignon que son propriétaire pensa également Bill qui traversa la rue après avoir refermé la porte de la boutique à clé. Ca prendrait peu de temps, il était tôt et puis dans le pire des cas les clients patienteraient bien deux minutes.

Il se posta près de Tom qui semblait avoir réussi à dormir un peu et se baissa à sa hauteur. Bill essaya de ne pas rougir même si c'était la première fois qu'il était aussi près du sans abris et qu'il le trouvait carrément magnifique. Le brun se para d'un sourire franc qui lui fut à peine rendu mais l'intention était là et tendit le livre.

« Euh, il est pour vous, vous pouvez le garder. » Balbutia le libraire un peu intimidé.

« Oh euh, merci alors. » Répondit Tom doucement en saisissant le livre qu'il glissa dans un sac en plastique à l'intérieur d'un sac à dos qu'il avait toujours près de lui. Ainsi le papier serait protégé.

« Et puis tu…Euh vous savez »

« C'est bon tu peux me tutoyer hein… » Coupa le dreadé.

« Tu sais, moi non plus je ne crois plus au père noël depuis longtemps mais j'ai cru en moi et j'ai réussi à faire quelque chose de ma vie. » Continua Bill.

« Je ne crois plus en rien. »

Bill perdit son sourire et son visage devint aussi grave et triste que celui de Tom. Ils avaient baissés les yeux tous les deux et un blanc s'était installé. Bill ne sut quoi dire de plus alors il se leva et lança :

« Bon et bien, je vais y aller, les clients vont se retrouver à la porte. »

« Oui. » Dit simplement Tom.

« Je…A bientôt. »

Bill se retourna et traversa la rue lentement jusqu'à ce que Tom l'interpelle :

« Bill ! »

« Oui ? »

« Merci… » Ajouta le dreadé avec des yeux exprimant la reconnaissance.

Bill se contenta de sourire, rouvrit sa boutique et retrouva sa place derrière la caisse. La journée s'écoula normalement et le travail ne manquait pas, Bill avait reçu des cartons supplémentaires en fin d'après midi qui n'étaient pas prévu pour ce jour là et se retrouva à ranger des livres, à les étiqueter jusqu'à plus de vingt et une heures. De plus, la météo allait bientôt faire des siennes. Le froid arrivait à grands pas, la nuit promettait d'être pénible pour un certain dreadé.

[…]

Le soleil s'était couché et Bill monta dans son appartement après avoir fermé sa librairie exténué. Il mangea tranquillement devant la télé et comme tous les soirs il ferma ses volets. Il commença par ceux donnant sur la petite cours derrière le bâtiment puis ouvrit la fenêtre du côté de la rue. C'est à ce moment qu'il remarqua la pluie fine qui s'abattait sur la ville et surtout sur Tom. Les cartons dreadé allaient être trempés et il passerait une nuit horrible. Cependant Bill referma la fenêtre après voir accroché les volets et essaya de penser à autre chose.

Oui il se trouvait cruel d'essayer d'ignorer l'état de Tom mais il ne le connaissait pas. En voyant le jeune sans abris sous la pluie à peine protégé sous son carton il avait pensé à descendre le chercher pour qu'il passe la nuit dans son appartement, au chaud. Cependant, il s'était dit que peut être cet homme qu'il trouvait si beau était en fait quelqu'un de dangereux même si ça ne se voyait pas au premier coup d'œil. C'était certainement stupide et justement Bill était à présent assis sur son canapé, le dos droit et les sourcils froncés. Il pesait le pour et le contre tandis que la pluie devenait de plus en plus forte sans qu'il le sache. Quelques minutes passèrent et un coup de tonnerre fit sursauter Bill qui se leva promptement et ne réfléchit plus une seule seconde avant de prendre ses clefs et de descendre dans la rue.

Ce qu'il vit lui serra le cœur. Tom était recroquevillé sous son carton, grelottant de froid et gémissant de temps à autre. Le dreadé pestait aussi contre le vent qui emportait sa maison de fortune. Alors Bill ne pensa plus au fait que Tom aurait pu être dangereux, il n'avait même pas prit le temps de prendre un parapluie ou même une simple veste, il était déjà trempé, son pull lui collait à la peau. Il avança et dit doucement :

« Tom ? Tom c'est Bill… »

« Qu'est-ce que tu fiches là tu vas être trempé rentre chez toi va. »

« Je vais rentrer chez moi mais tu viens avec moi, tu ne restes pas ici. » Expliqua le brun.

« Qu'est-ce que tu racontes… » Souffla Tom en relevant les yeux.

Ils se dévisagèrent, Bill était trempé, ses cheveux lui collaient au visage et son maquillage était complètement fichu. Tom ne put s'empêcher de le trouver mystique comme cela.

« Tu ne vas pas rester sous cette pluie, vient avec moi s'il te plait. » Insista Bill.

« Bien sûr que si je vais y rester, c'est pas le premier orage qui me passe dessus. Puis si je meurs cette nuit, tant mieux, je serai tranquille, enfin. » Répondit lascivement Tom.

Le cœur du brun brûla sous ces paroles. Que Tom meurt ? Sous sa fenêtre ? Alors que la seule chose qu'il voulait finalement c'était le sortir de sa galère. Non sûrement pas alors il insista encore même s'il risquait de se faire envoyer paitre une nouvelle fois :

« Tu ne peux pas mourir maintenant Tom. Tu es trop jeune, tu…tu ne peux simplement pas mourir ce soir. Je ne veux pas, je ne peux pas laisser faire ça. Viens avec moi ! »

« Pourquoi tu te soucis de moi ? »

« Je…Je sais pas » Répondit Bill avant de se baisser pour prendre le bras de Tom dans sa main et le tirer vers lui pour qu'il sorte de son carton.

« Allez…Viens…Tom… »

« Putain lâche moi ! Laisses-moi crever en paix merde ! » Rugit le dreadé.

Bill recula et tomba les fesses sur le macadam inondé. Un soupir triste s'échappa et Tom releva le regard. Il regrettait de l'avoir envoyé se faire voir de la sorte, Bill voulait l'aider simplement. Alors il essaya de se radoucir :

« Pardon…Excuse-moi. Juste, j'ai plus l'habitude qu'on se préoccupe de moi réellement. »

« Et bien moi je m'intéresse à toi, je veux t'aider Tom ! Je veux te connaître et te sortir de là. » Termina Bill dans un murmure.

Tom inspira fortement, il était assis sous son carton, le menton posé sur ses genoux remontés et regardait le brun attendre une réponse positive sous la pluie battante. Et alors qu'un nouvel éclair trancha le ciel illuminant la ville, le dreadé se laissa tenter par la bonté évidente de son vis-à-vis :

« Juste cette nuit… »

Bill planta ses yeux dans ceux du blond brillants d'espoir retrouvé même s'il essayait de le cacher et n'ajouta rien. Il se releva, tira Tom par le bras pour l'aider à se mettre debout. Sans un mot, ils prirent les cartons du dreadé et entrèrent dans l'immeuble de deux étages par la porte donnant sur la rue. Les morceaux de cartons furent déposés en bas des escaliers dans le hall. L'appartement plus haut était inhabité donc personne ne les prendrait ou les jetterait.

Ils montèrent silencieusement, Bill était devant dégoulinant d'eau et Tom n'était pas beaucoup plus sec. Ils entrèrent dans l'appartement et tout de suite le brun proposa à Tom d'aller prendre une douche pour se réchauffer et profiter de pouvoir se sentir propre pour une fois. Tom déposa son sac à dos dans l'entrée et dit mal à l'aise :

« Je veux pas déranger, je suis là juste pour dormir, je… »

« Tu discutes pas tu vas à la douche, j'vais pas te laisser trempé comme ça jusqu'à ce que tu fasses une pneumonie. » S'esclaffa Bill. « En plus tu vas tout salir, aller vas-y j'irai après, je vais préparer du chocolat chaud tu aimes ? »

« Je suis gêné vraiment, mais… » Tenta une nouvelle fois le dreadé.

« Y'a pas de mais aller hop hop hop. » Ajouta le libraire en retirant ses chaussures et Tom l'imita.

« D'accord, euh et oui j'aime. »

« De ? » Demanda le brun les sourcils haussés.

« Le chocolat chaud. J'aime ça, mais ça fait bien longtemps que je n'en ai pas bu. » Sourit tristement Tom.

« Hum…Bon suis-moi je vais te donner ce qu'il faut dans la salle de bain. »

Ils avancèrent dans le couloir et entrèrent dans la salle de bain qui se trouvait au bout. Bill sorti deux grandes serviettes éponges dont une qu'il posa sur le lavabo avec un gant de toilette.

« Voilà, pour les produits, savon, shampoing, tout est posé par terre dans la douche. » Expliqua le jeune homme. « Oh attends moi ici cinq secondes je reviens. » Ajouta-t-il encore.

Tom se sentait vraiment mal à l'aise, il s'était retrouvé chez Bill alors qu'ils ne connaissaient presque rien l'un de l'autre et s'en voulait d'avoir accepté. Il se sentait de trop dans le joli appartement du brun décoré sobrement mais agréablement. Il était debout dans la salle de bain à attendre le retour de Bill et se frottait la nuque nerveusement en se mordant la lèvre.

Finalement il se dit que pour une fois qu'une personne s'intéressait à lui et lui proposait son aide même pour une nuit, il avait sûrement le droit d'en profiter, même un peu. Alors il défit sa veste, son sweet et retira ses trois couches de pull-overs fins. Le tout se retrouva au sol et lorsqu'il alla pour retirer son long t-shirt, Bill revint avec des vêtements dans les mains.

Le brun voyant Tom se déshabiller rougit violemment et son cœur frappa sa poitrine fortement. Il tendit les vêtements au dreadé qui prit le tout lâchant le bas du t-shirt qu'il s'apprêtait à enlever. Les mains de Tom frôlèrent celles de Bill qui frissonna et ne put que bégayer :

« Euh voilà, tiens, je… »

« Merci, t'es pas obligé tu sais. » Répondit Tom.

« J'ai pris des anciens vêtements à moi, ça ira bien pour la nuit je pense. Euh bon donnes-moi les autres je vais les mettre à laver y'en a pour trente minutes. On les fera sécher près du radiateur tu pourras les remettre demain. » Débita le brun pour tenter de masquer sa gène.

Tom n'avait rien remarqué du trouble de Bill et laissa un petit sourire prendre place sur son visage qui fit fondre le brun sur place. Les lèvres du blond avaient beau être gercées et abimées elles n'en étaient pas moins joliment dessinées.

Le brun se réveilla rapidement et sortit de la salle de bain sans un mot de plus laissant Tom se laver tranquillement. Il mit les vêtements du dreadé dans la machine et la mit en route en programme court.

Bill avait prit l'autre serviette pour lui et épongea ses cheveux avant de la poser sur ses épaules. Il prépara les tasses dans lesquelles il mit du cacao en poudre et fit chauffer le lait. Et à peine cinq minutes plus tard, Tom réapparut dans le salon habillé du large bas de survêtement et du t-shirt que lui avait prêté Bill, ses dreads enroulées dans la serviette. Il avança jusque dans la petite cuisine ouverte sur le salon faisant sursauter le brun qui ne l'avait pas entendu revenir.

« Ah alors, ça va mieux ? » Questionna-t-il.

« Oui merci, je sais pas quoi te dire à part merci. »

« Ben dis rien alors. » Sourit Bill versant le lait chaud dans les tasses avant d'en poser une devant Tom sur le petit bar.

« Merci. » Dit encore le dreadé.

« Tu n'as que ce mot à la bouche. » Se moqua gentiment le brun pour détendre un peu l'atmosphère.

Tom sourit et serra la tasse entre ses mains, c'était agréable d'être là, au chaud, avec Bill qui était si gentil avec lui. Ils burent leurs boissons et Bill qui n'était toujours pas sec eut des frissons. Il se dépêcha de terminer et fila à la douche en glissant à Tom qu'il pouvait s'installer sur le canapé et allumer la télévision.

Dans la douche, Bill réfléchit et se dit qu'il devait avant tout aider Tom et mettre de côté sa forte attirance pour le blond. Ca serait difficile, il n'était pas sûr de ne plus y penser voir pas du tout mais il essaierait. Tom avait besoin de quelqu'un sur qui compter c'était sûr et Bill ne voulait pas compromettre leur relation en lui faisant des avances. Il ne savait rien du dreadé, peut être qu'il ne serait jamais attiré par lui, Bill devait composer avec cela.

Il s'habilla et sécha rapidement ses cheveux avec une serviette avant de les coiffer et de retourner dans le salon. Il s'était absenté à peine dix minutes et pourtant Tom était déjà en train de s'endormir sur le canapé. Bill s'approcha pour lui demander s'il voulait manger quelque chose. Tom refusa d'abord comme à chaque fois mais Bill insista et ils mangèrent tout de même quelque chose. Rien de mieux que du pain et du Nutella pour aller mieux. Tom savoura ses tartines et ils ne parlèrent pas beaucoup. Le brun apprit simplement que le dreadé avait vingt cinq ans. Bill savait qu'il avait besoin de sommeil et qu'il n'apprendrait pas grand-chose de plus sur lui ce soir là alors il lui proposa d'ouvrir le canapé lit mais Tom s'y opposa. Il avait peur de déranger et le brun ne put pas insister plus.

« C'est bon Bill, tu as déjà fait beaucoup, je vais dormir sur le canapé comme ça ne t'en fais pas. »

« Prends au moins une couverture…Bouge pas je vais t'en chercher une. » Ajouta Bill en s'éclipsant dans sa chambre en quête de l'objet.

Tom soupira attendrit devant la dévotion de cet homme qui lui voulait du bien, seulement du bien et qu'il avait du mal à accepter. Peur de déranger, peur d'attiser la pitié, peur d'envahir. Tom ressentait tout cela mais ne put s'empêcher de sourire lorsqu'il vit le brun revenir avec une grosse couverture dans les bras les cheveux toujours humides tombant sur ses épaules.

« Merci. » Souffla une nouvelle fois le dreadé.

« De rien…J'ai étendu tes vêtements sur le radiateur de la salle de bain. Bonne nuit Tom. » Répondit Bill en allant dans sa chambre.

« Bonne nuit. »

La dernière réplique ne fut qu'un murmure et le blond s'allongea sous la couverture. Il se sentait bien et mal à la fois. Bien de pouvoir dormir au chaud, chose qu'il n'avait plus espérée depuis un bon moment déjà. Mal parce qu'il avait peur que ce ne soit qu'un rêve et lui-même savait que demain il retournerait dans la rue, cela sonnait comme une évidence. Cependant il s'endormit rapidement et n'entendit pas Bill revenir dans le salon à pas de loup pour le regarder dormir éclairé par la faible lumière provenant de la rue filtrant au travers des volets, assis près du meuble de télévision.

Le brun resta là pendant presque une heure ne se lassant pas de faire glisser ses prunelles sur le visage paisible de Tom qui avait toujours la serviette enroulée dans ses dreads. Les éclairs toujours présents bien que moins fréquents illuminaient la pièce un peu plus. Tom était si beau, trop beau pour lui pensa Bill. Son cœur battait bien trop fort pour qu'il puisse rester indifférent aux charmes de Tom et lorsqu'il se leva pour aller se coucher il libéra délicatement les dreads de cet homme endormi dans son canapé en veillant à ne pas le réveiller. Il rejoint sa chambre le cœur lourd et l'esprit rempli de doutes. Tom accepterait-il plus encore que cet hébergement furtif ?

[…]

Ce jeudi matin, lorsque Bill se leva il n'avait pas beaucoup dormi et eut bien du mal à sortir de sous sa couette. Après s'être motivé mentalement, il se leva et se dirigea vers le salon où il pensait voir Tom encore endormi, mais tout ce qu'il trouva fut un canapé vide, la couverture pliée posée dessus avec les vêtements que le brun lui avait prêté la veille pour dormir. Tom était parti. Tom s'était enfuit.

Bill alla dans la salle de bain et découvrit un radiateur nu. Les vêtements de Tom avaient disparus et son cœur se serra. Il s'assit sur les toilettes fermés et frotta son visage de ses mains. Sa gorge était nouée et il se dit qu'il aurait dû s'y attendre. Après tout c'était juste pour une nuit, Tom l'avait prévenu, il ne voulait pas l'embêter. Sauf que le blond n'embêtait Bill en rien. C'est lui-même qui avait proposé à Tom de venir chez lui, c'est donc qu'il le voulait bien et que ça ne le dérangeait pas. Mais le dreadé s'était senti de trop et avait préféré partir avant que Bill ne se réveille pour ne pas avoir à lui dire au revoir, pour ne pas avoir à se faire virer gentiment de l'appartement où il avait passé la meilleure nuit depuis des mois.

Le beau libraire ne pensa qu'à une seule chose en relevant la tête, les larmes aux yeux. Tom reviendrait ici et resterait. Il le fallait. Même si ça ne devait être qu'un colocataire et que jamais il ne se passerait quelque chose entre eux, Bill ferait des concessions et sortirait cet homme de la galère.

Il se sentait rejeté c'est vrai, mais il ne connaissait pas le passé de Tom, être dépendant de quelqu'un n'était pas simple lorsqu'on avait toujours une fierté et qu'on ne voulait pas s'imposer. Le dreadé avait simplement réagit humainement. Bill essayait de trouver des raisons à ce rejet en essayant de se persuader que Tom accepterait une nouvelle aide de sa part.

Bill se leva tristement et se déshabilla, il avait besoin d'une nouvelle douche. Il ouvrit le robinet pour laisser chauffer l'eau et attacha ses cheveux pour ne pas les mouiller à l'aide d'une pince. Il entra dans la douche et se détendit sous l'eau chaude avant de se laver lentement le moral un peu cassé.

Après cette douche matinal Bill s'habilla comme à son habitude, se coiffa et se maquilla légèrement. Il avala simplement son café, il n'avait pas faim, le départ de Tom lui avait coupé l'appétit et sorti de son appartement pour descendre dans la boutique par la porte intérieure donnant dans la réserve cette fois. Il ne voulait pas croiser Tom tout de suite, il n'avait pas non plus ouvert ses volets pour ne pas l'apercevoir en bas de nouveau sur son carton assis tristement, seul dans le froid humide.

Bill alluma les lumières dans la boutique sombre et déverrouilla la porte d'entrée. Il ne put s'empêcher de regarder au dehors et trouva l'endroit où Tom passait ses journées et ses nuits complètement vide. Pas de sans abris, pas de joli dreadé. Il était vraiment parti alors ? Le brun se sentit mal et sa tête tourna un peu. Ca n'était pas la première fois qu'il trouvait le trottoir vide le matin car parfois Tom partait faire un tour, ou allait simplement aux toilettes dans le parc mais cette fois ci c'était différent. Le dreadé était parti de chez lui avant qu'il ne se réveille, peut être avait-il voulu sortir complètement de sa vie et donc changer d'emplacement. Bill alla derrière la caisse et s'assit pour reprendre un peu ses esprits. Sa journée allait vraiment être morose. Pourquoi observer le dehors maintenant si le dreadé n'était plus là ?

Le libraire fut tiré de ses pensées par une première cliente bien matinale qui venait chercher sa commande de livres. Bill alla chercher ces derniers dans la réserve, la dame paya et repartit aussitôt laissant le magasin silencieux. Le brun n'avait envie de rien ce jour là, il voulait simplement remonter dans son appartement et dormir pour ne plus penser.

Il soupira et tourna tout de même la tête après un quart d'heure à ne rien faire sans bouger alors que tout un tas de livres attendaient encore d'être classés. Son cœur s'arrêta alors un instant et il se gifla mentalement d'avoir pu penser que Tom ne reviendrait plus jamais. Il était là et regardait dans sa direction. Le dreadé savait où le brun s'asseyait et même s'il avait du mal à voir l'intérieur de là où il était, il avait posé ses yeux sur la vitrine pour tenter d'apercevoir son hôte d'une nuit. Celui qui lui avait offert bien plus en quelques heures que tous les autres en deux ans et quelques.

Les yeux de Bill retrouvèrent un peu de joie et il ne se rendit pas compte du sourire qui reprit vie sur ses lèvres tombantes quelques secondes avant. Tom avait l'air plus vaillant ce matin, la nuit passée chez le brun l'avait ressourcé et il se sentait étrangement bien. Ca n'était plus arrivé depuis si longtemps, il ne se souvenait même pas de la dernière fois où il avait pensé qu'il avait le cœur plus léger.

[…]

A la pause déjeuner Bill ferma sa librairie et partie en direction de la brasserie de Carmen non sans avoir glissé un sourire à Tom qui le lui rendit. Le cœur du brun se réchauffa et il marcha joyeusement. Il entra dans le café et se posta près du bar.

« Bonjour Bill, tu as l'air bien souriant aujourd'hui. » Dit Carmen.

« Oui ça va bien, même très bien. »

« Oh bon alors toujours pareil ? » Demanda la patronne.

« Non, aujourd'hui je voudrais deux sandwiches baguette Paris-Beurre s'il te plait. » Répondit Bill avec un immense sourire.

« Tu es sûr que ça va ? Tu as prit de la drogue ? »

Le brun rit franchement avec Carmen et ajouta simplement :

« T'occupes ! Je vais bien ne t'en fait pas. »

« T'es complètement bizarre oui, mais c'est pour ça qu'on t'aime bien. » Acheva la serveuse avant d'aller chercher les deux sandwiches dans le frigo.

Bill demanda en plus deux canettes de bières, il paya et reparti avec le tout dans les bras. Il avança sur le trottoir du côté de la rue où Tom était assis et lorsqu'il arriva près de lui il ne parla pas mais se contenta se s'asseoir près du blond qui lui laissa une petite place sur son carton. Bill ne dit toujours rien mais tourna la tête pour regarder l'homme à côté de lui. Ce dernier avait le visage baissé vers le sol, il était gêné que Bill s'intéresse encore à lui alors qu'il avait lâchement quitté son appartement très tôt ce matin et le fut encore plus lorsque le brun lui tendit un sandwich et une bière.

« Tiens, c'est pour toi. » Dit Bill alors que Tom hésitait à prendre les denrées.

« Je…Je suis désolé. »

« Prend, il fait froid et puis c'est moi qui t'ai dit que je voulais t'aider c'est pas pour rien. » Expliqua le brun essayant d'être convaincant même si près du dreadé il ne se sentait jamais vraiment à l'aise.

Tom prit le sandwich et la bière effleurant encore les doigts fins de Bill et le remercia doucement. Il ne put s'empêcher de demander pardon encore :

« Bill, vraiment, excuse moi d'être parti comme ça mais je ne voulais pas rester et attendre que tu me dises de partir gentiment tu comprends ? »

« Qui te dit que t'aurais demandé de partir ? » Questionna l'autre.

« Je sais pas. C'est ce qu'on a toujours fait avec moi. L'habitude… »

« Hum…C'est presque oublié. » Charia Bill.

« Tu vois tu m'en veux. »

« Mais non, aller c'est bon. » Conclut le brun en sortant un peu son sandwich du papier.

Tom l'imita et ils mangèrent en silence profitant de la présence de l'autre. Rassurante présence puisqu'elle obligeait la solitude à s'effriter au moins l'espace de quelques minutes. Bill ne pouvait s'empêcher de détailler le profil de Tom et envia la canette qui se retrouva plusieurs fois au contact des lèvres du dreadé. Elles étaient toujours gercées, mais elles étaient toujours belles aussi.

Bill termina son repas tranquillement en même temps que Tom et ils terminèrent leur bière. Les canettes demeurèrent vides entre eux puis le dreadé observa un peu le brun à son tour jusqu'à ce que celui-ci tourne la tête et que leurs regards se croisent. Ils se sourirent confus et détournèrent le regard vers la librairie trônant en face d'eux.

« Tu dois être fier de ta librairie. » Commença Tom.

« Oui c'est vrai. C'est tout ce qui m'appartient vraiment. » Répondit Bill. « C'est ce qui me fait vivre et j'ai toujours été passionné par les livres. J'ai réussi à réunir ma passion et mon travail. »

« Tu as tout gagné au moins. » Sourit le dreadé de façon un peu forcée.

« Oui. J'ai peut être eu la chance avec moi aussi au bon moment. »

Il y eut un blanc. Bill n'osait pas demander à Tom pourquoi il en était arrivé à vivre dans la rue mais le dreadé devina ses pensées et le devança :

« A partir de l'âge de dix huit ans j'ai travaillé dans l'entreprise de mon père. Puis lorsque j'ai eu vingt et un an, il est tombé gravement malade, il est mort très rapidement. Dans son testament il avait demandé à ce que ce soit moi qui reprenne l'affaire. Il me faisait confiance, il croyait en moi et pourtant j'ai trahis cette confiance. J'étais dévasté par la perte de mon père, je n'avais plus que lui comme famille et je n'ai pas su mener à bien les projets de la boîte. Les investisseurs nous ont laissé tomber et j'ai coulé avec l'entreprise. Je me suis endetté et je n'ai pas pu rembourser. Je n'avais pas de diplômes à part mon bac alors j'ai enchaîné les petits boulots sans succès. C'était trop peu pour rembourser les dettes et les huissiers ont débarqué chez moi un jour. Ils ont tout emmené et j'ai été expulsé. Je ne me suis jamais totalement remis de la perte de mon père, et surtout je m'en veux de ne pas avoir su gérer son entreprise. Je suis un pauvre mec déprimé qui ne sait plus quoi faire de sa vie. Tu vois elle est vraiment pourrie ma vie. »

« Je…Je ne te juge pas Tom. On n'a pas tous la chance d'être encadré par sa famille. Tu étais seul, tu étais jeune, tu l'es toujours, tu peux encore t'en sortir. » Répondit Bill.

« J'ai déjà essayé mais tu vois où je me suis retrouvé ? Avec mon petit BAC on m'a toujours prit de haut, pourtant je pensais que l'on pouvait y arriver. Seulement avec ce qui est arrivé à la boîte de mon père, personne ne m'a fait confiance. Ils ont peut être eu raison. » Continua Tom tristement.

« Je suis sûr que tu y arriveras, je t'aiderai. »

« Je te décevrai toi aussi. » Décréta le dreadé pessimiste.

« Je suis certain que non. »

Après ça, ils arrêtèrent de parler puis Bill raconta ce qu'il avait fait comme études en documentation. Il en connaissait un rayon sur les livres, la littérature et tout ce qui s'y rapportait. Tom semblait s'intéresser à tout ce que le brun racontait et pour cause, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu une conversation aussi longue avec quelqu'un. Ses journées, il les passait la plupart du temps en compagnie de la solitude et de son trottoir inconfortable.

La pause de Bill touchait à sa fin alors il salua Tom et retourna dans sa librairie. Il laissa la porte d'entrée de la boutique fermée à clé et monta ouvrir ses volets tout de même et redescendit accueillir ses prochains clients après avoir rouvert la boutique et continua à ranger les livres. Il en avait encore un bon paquet sur les bras et n'en voyait vraiment pas le bout.

En fin d'après midi alors que les enfants sortaient de l'école l'affluence dans sa librairie était toujours plus importante. Certains venaient chercher un nouveau cahier, d'autres un carnet de coloriage et certains plus âgés venaient pour un livre qu'ils allaient étudier en classe. Bill aimait beaucoup les enfants et se faisait toujours un plaisir de les aider à trouver les livres même s'il était plus que débordé.

Vers dix neuf heures trente il ferma sa librairie et continua de ranger quelques paquets de livres avant de monter dans son appartement. Il n'avait pas osé proposer à Tom de venir avec lui s'attendant à un nouveau refus après le départ précipité de ce dernier le matin même.

Il mangea devant les informations qu'il ne regardait qu'à moitié pensant seulement à Tom. Il lui manquait c'était indéniable. Il avait passé un merveilleux repas de midi. Même s'il avait mangé un simple sandwich, même s'il avait mangé par terre sur un bout de carton abimé par le temps, même si les gens les regardaient lui et Tom d'un œil exprimant la pitié, même si c'était inconfortable, il avait passé ce moment avec son magnifique dreadé et c'était tout ce qui comptait. Il attendait le lendemain pour pouvoir réitérer l'expérience.

Tom s'était confié à lui et ça lui avait encore plus donné envie de l'aider. Il avait éprouvé toute la compassion possible pour cet homme à peine plus jeune que lui qui retrouvait une once d'espoir depuis à peine deux jours. Alors oui Tom lui manquait affreusement, il voulait encore l'entendre parler, l'entendre soupirer, l'entendre respirer. Il souhaitait plus que tout revoir le faible sourire qu'il parvenait à faire naître sur le visage blême du sans abris. Il souhaitait le rendre heureux.

Bill trouvait le blond à son goût depuis le moment où il l'avait aperçu, mais depuis la veille tout ça s'était renforcé après qu'il ait découvert un garçon perdu et totalement plongé dans la détresse. Il se sentait totalement confus, la tête à l'envers, l'estomac noué et ses mains devenaient un peu moites dès qu'il l'approchait. Tom était beau, et même s'il vivait dans la rue, même s'il avait l'air maigre et fatigué, il l'aimait vraiment beaucoup et savait qu'il l'aimerait le lendemain un peu plus ou peut être avant.

Plus il y pensait, plus il se rendait compte que Tom devenait sa principale préoccupation. Il pensait au bonheur du dreadé avant le sien depuis plusieurs jours. Il réfléchissait à une solution pour cet homme qu'il connaissait à peine mais qu'il souhaitait voir intégrer son entourage. Il voulait le voir sourire, il voulait le voir rire. Tom ne lui plaisait pas un peu, il lui plaisait tout court.

Alors ce soir là, lorsqu'il ouvrit la dernière fenêtre côté rue et qu'il vit Tom sous son carton complètement détruit par la pluie de la veille, il pensa que le dreadé devait être en train de grelotter de froid une nouvelle fois entre la boulangerie et la mercerie. Qu'allait-il faire encore ? Se prendre une veste ? Il s'en fichait. Il ferma ses volets ainsi que la fenêtre et enfila une paire de baskets. Il descendit dans la rue et fit ce qui était évident pour lui :

« Tom…Viens. »

Le dreadé sorti un peu de son carton et secoua la tête de gauche à droite. Et oui, encore un refus. Un refus qui fit mal à Bill.

« S'il te plait ? » Insista-t-il.

« Non Bill, pas cette nuit. J'avais dit juste une. »

« Mais Tom, tu me déranges pas, viens. »

« Tu dis ça aujourd'hui. Mais… » Ajouta Tom tristement en regardant Bill dans les yeux avant que ce dernier ne le coupe.

« Tom… »

« Non Bill, je peux pas m'imposer comme ça. Bonne nuit. »

Et le visage du dreadé disparu sous ses capuches puis sous le carton. Le brun avait simplement envie de le tirer de force chez lui mais n'en fit rien. Il devait respecter son choix mais n'empêcha pas quelques larmes de s'échapper. Il avait essayé de les retenir mais son cœur se serra trop fort et il remonta chez lui affreusement triste. Pourquoi pleurait-il alors que lui avait un toit ? Ca n'est pas lui qui aurait dû pleurer. Il s'en voulait d'être aussi stupide.

Bill balança ses chaussures en rentrant et s'allongea sur son lit. Il essaya de retenir les autres larmes qui arrivaient. Pourquoi se mettait-il dans cet état ? Peut être parce que voir quelqu'un que l'on apprécie à la rue, seule et dans le froid fait mal au cœur. Peut être parce qu'il se sentait impuissant et qu'il se rendait compte qu'il n'était pas grand-chose dans la vie du dreadé. Peut être…

Mais alors qu'il se posait mille et une questions, la pluie s'annonça en frappant contre les vitres. Le brun fut interpellé par ce bruit et se leva pour aller ouvrir la fenêtre. Celle donnant sur la rue. Ce qu'il vit l'empêcha de retenir quelques larmes. Tom de débattait avec ses restes de cartons. Son abri ne ressemblait plus à rien, il aurait fallu d'autres cartons mais ça n'était pas en pleine nuit que le dreadé les trouverait. Bill fit grincer son volet pour tenter d'interpeller Tom et cela fonctionna. Le blond plissa les yeux en les relevant et aperçu le brun. D'en bas, il ne voyait pas les larmes mais lorsque Bill parla, il décela une voix remplie de sanglots mal dissimulés.

« Monte idiot ! Restes pas sous ton putain de carton ! S'il te plait ! »

« Je peux pas Bill, pleure pas…Pas pour moi. » Répondit Tom doucement.

« Si tu peux ! Et moi je pleure si je veux. Je supporte plus de te voir comme ça en train de crever sous mes yeux. » Cria Bill sous le coup de l'émotion.

« Chut, calme toi tu vas ameuter tout le quartier. »

« Je m'en tape des autres… » Dit plus doucement le brun en essuyant ses quelques larmes. « C'est toi qui m'importe Tom c'est ça que tu veux pas comprendre. »

« Je…Laisse tomber. Je suis désolé, bonne nuit Bill. » Acheva Tom en s'éloignant dans la rue, sous la pluie en quête d'un abri pour la nuit.

Bill jura et referma ses volets ainsi que sa fenêtre. C'est au moment où ses larmes redoublèrent et qu'il s'effondra sur son lit qu'il comprit qu'il n'aimait pas Tom qu'un peu mais beaucoup plus. Beaucoup trop. Il se trouva l'attitude d'un adolescent alors qu'il avait largement dépassé cette période et se mit à rire nerveusement au milieu de ses pleurs.

« Putain j'suis amoureux. Il manquait plus que ça... » Lâcha-t-il.

Pendant que Bill essayait de se convaincre qu'il se trompait, qu'il n'aimait pas Tom de cette façon, le dreadé avait trouvé refuge dans un square et s'abritait de la pluie dans la maisonnette en haut d'un toboggan. Il réfléchissait lui aussi. Il pensait très fort et ça lui donnait mal au crâne. Bill pleurait pour lui, c'était simplement impensable. Personne ne s'intéressait plus à lui depuis des mois, des années. Il ne comptait pour aucun cœur, alors oui ça lui faisait étrange de savoir qu'un homme et surtout Bill qui a tout réussi dans sa vie puisse l'aimer au moins un peu.

En effet, Tom ne se doutait pas de l'amour que lui portait le brun. Il ne se doutait pas que Bill l'avait toujours trouvé beau et qu'à présent, en le connaissant rien qu'un peu, en parlant quelques fois avec lui, en l'approchant, il avait fait naître en lui un sentiment bien plus fort que l'amitié.

La seule chose que savait Tom était qu'il faisait du mal au brun en essayant de rester éloigné de lui et de ne pas accepter son aide. Il refusait toujours par peur que lui aussi le laisse tomber un jour prochain et en faisant cela il pensait que Bill aurait vite arrêté de tenter de l'aider. Mais il se dit que dès l'instant où il avait accepté de passer la nuit chez le brun, il s'était prit dans un engrenage dont il ne ressortirait pas. Il s'était prit dans les filets de Bill et tentait de s'enfuir.

Et ça ne donnait rien de bon. Bill pleurait d'échouer et Tom se retrouvait à plus de minuit en haut d'un toboggan à penser à son bienfaiteur. C'était assez pathétique et il se trouva stupide de ne pas saisir cette main tendue. Il se trouvait égoïste de ne pas accepter l'aide du brun et de lui faire du mal dans le même temps. Tom était perdu, coincé, prit au piège. Il appréciait vraiment le brun, lui aussi il lui manquait alors pourquoi s'obstinait-il à essayer de le tenir éloigné de lui ? Il aurait dû rester dans la rue la nuit d'avant peut être que tout aurait été plus simple. Peut être qu'il n'aurait pas dû lire le livre que Bill lui avait offert et qui lui avait redonné un peu d'espoir si infime soit-il.

Mais c'était trop tard. Tom avait accepté le livre, Tom avait accepté la première nuit. Il aurait dû se douter que le brun ne le laisserait pas, il aurait dû le voir dans le regard bienveillant de cet homme attendrissant aux attitudes parfois enfantines. Tom pensa au brun qui pleurait peut être encore, il s'en voulu et descendit de son perchoir pour retourner sur son trottoir.

Bill pleurait toujours en effet, il se sentait nul, se disait qu'il aurait dû s'y prendre autrement. Bill pensa même que Tom avait pu remarquer avant lui-même qu'il était tombé amoureux de lui et qu'il avait donc fuit de peur que le brun lui saute dessus. C'était foutu, il avait tout foiré et maintenant Tom allait l'éviter. Tom ne voulait plus de lui et Bill allait souffrir de le voir tous les jours sans pouvoir espérer une simple étreinte ou même un regard. Juste cela.

Il remonta sa couette sur lui et tenta de se calmer lorsque son interphone sonna. Il ne lui fallu qu'une vingtaine de seconde pour se lever, ouvrir sa porte et descendre pieds nus au rez-de-chaussée pour permettre à cet homme qui faisait battre son cœur plus vite que n'importe qui d'autre d'entrer dans le hall.

Le dreadé était bien là, trempé, frigorifié mais présent. Bill lui prit la main et le tira à lui le serrant de toutes ses forces. Tom fut surpris par cet élan de tendresse mais répondit à l'étreinte de Bill qui respirait fortement dans son cou. Tom sentait le gel douche du brun mais il y avait sa propre odeur mélangée et le cœur de Bill s'emballa furieusement dans sa poitrine.

« Tu es venu… » Souffla-t-il.

« Oui je suis venu, je suis désolé, je t'ai fait du mal, pardon je voulais pas, je ne suis juste pas habitué à ce que quelqu'un s'attache aussi vite à moi ou même à ce que quelqu'un s'attache à moi tout court. »

« Cherche pas à comprendre, moi je n'ai pas vraiment cherché à le faire. Ca ne fait que deux jours qu'on se parle et pourtant je ressens le besoin d'être proche de toi, de t'aider, laisse moi le faire, reste. » Expliqua Bill se calmant dans les bras de Tom.

Ils se connaissaient à peine c'était vrai. Pourtant Bill ressentait des sentiments déjà très forts pour le blond et Tom ne put que se laisser entraîner dans la douceur. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas eu le droit à une étreinte. Il n'avait plus été l'objet d'attention depuis trop longtemps alors bien qu'un peu mal à l'aise au début, il se sentit bien et rassuré contre le brun. Ce brun qui sentait affreusement bon et qui donna envie à Tom de s'en sortir. Le blond aurait pu s'en foutre et rester sur son trottoir mais Bill exerçait un pouvoir incroyable sur lui qui avait fait qu'il n'avait pu que le suivre.

« Je suis tout mouillé maintenant. » Bouda faussement Bill en se reculant.

« Hum désolé. »

« C'est rien je plaisante. » Ajouta le brun. « Aller viens. »

Ils montèrent au premier étage et entrèrent dans l'appartement dont la porte était restée ouverte suite à la précipitation de Bill sorti en trombe pour aller ouvrir à Tom. Le brun traîna son ami dans la salle de bain et lui redonna les mêmes vêtements que la veille pour dormir lui intimant de prendre une douche pour se réchauffer et se détendre.

Pendant ce temps, Bill changea de t-shirt le sien s'étant trempé au contact de Tom et s'affala dans le canapé. Il souriait niaisement. Tom était revenu, il était avec lui et il espérait que ce serait pour plus longtemps cette fois. Bill ne comptait pas le laisser filer. Il était hors de question que le blond passe une nuit de plus dans la rue.

Tom revint de la salle de bain les dreads enroulées dans la serviette comme la veille et se posa près de Bill sur le canapé. Le brun sortit de sa rêverie et proposa à Tom de manger et boire quelque chose. Ce dernier accepta et lorsque ce fut fait il retira la serviette de ses dreads.

« C'est toi qui me l'a retirée hier soir ? J'avais oublié de l'enlever je crois. » Demanda le blond.

« Oui c'est moi, j'ai pensé que tu serais plus à l'aise pour dormir sans. » Répondit Bill un peu gêné sentant ses joues chauffer légèrement. « Bon cette fois on ouvre le canapé-lit et tu dors dans des draps, et tu discutes pas. » Ajouta-t-il pour changer la conversation.

« Je crois que j'ai pas vraiment le choix. » Sourit Tom.

« Non en effet. »

Ils se levèrent pour ouvrir le clic clac. Les draps étaient déjà mis dedans alors ils retirèrent simplement la housse et Bill alla chercher un oreiller dans son armoire qu'il jeta sur le lit en revenant. Tom s'allongea, les dreads pendantes par terre pour éviter de tremper l'oreiller et Bill se mit à ses côtés en soufflant.

« Ca va pas ? » Demanda Tom.

« Si, si ça va très bien même, je suis juste un peu fatigué par mes journées. »

« Oh et puis je te facilite pas la tâche. Désolé. »

« Soit pas toujours désolé, et là je parlais pas de toi. Mon boulot me prend toute mon énergie. Je suis un peu débordé. » Confia Bill.

« C'est parce que c'est le début non ? Enfin c'est récent ta librairie ça ira mieux après sûrement. »

« Oui, sûrement, je sais pas. »

« Hum… » Sortit le dreadé.

« Bon aller je vais aller dormir. » Dit Bill. « Bonne nuit et à demain, j'espère. » Ajouta ce dernier en se relevant.

« Je serai là demain. Promis. »

Bill s'éloigna et Tom ne put s'empêcher de murmurer un dernier « Merci » avant de se glisser sous les couvertures et de s'endormir rapidement exténué. Sa dernière pensée fut pour le brun qui s'endormait également en pensant au dreadé alors qu'il devait se lever encore tôt le lendemain matin.

[…]