Disclaimer : tout appartient à JK Rowling, je ne fais qu'emprunter son univers et ses personnages…
Cela fait des mois que je vis ici, coincé sous ma forme de rat, pour échapper à tout, pour échapper à ceux qui pourraient me poursuivre, pour échapper à tous ceux qui pourraient en vouloir à ma vie. Ils doivent être si nombreux ! Après tout, je suis un peu responsable de ce qui est arrivé au Seigneur des Ténèbres cette nuit-là. Si je ne lui avais pas indiqué la maison des Potter, rien de cela ne serait arrivé. Et si seulement tout ne s'était pas déroulé comme ça, tout serait différent aujourd'hui. Evidemment, je ne suis pas certain que si rien n'était arrivé, tout irait mieux pour moi maintenant mais, au moins, je ne serais pas obligé de me terrer…
A l'époque d'Halloween 1981, cela faisait déjà plusieurs mois que je jouais un double jeu et que, pour sauver ma vie, je devais renseigner le Seigneur des Ténèbres ou ses proches car il ne s'abaissait quasiment jamais à me parler directement. Terrible double jeu, où je risquais ma vie en permanence et pour lequel je devais sans cesse être sur mes gardes pour mener à bien tous les objectifs qui m'avaient été fixés par les uns ou par les autres.
Il n'est pas sûr que j'ai eu le choix une seule fois. A vrai dire, il me faut bien le reconnaître, je n'ai jamais eu la prestance, la sérénité ni la confiance en moi qu'avaient mes amis. J'étais un peu moins doué et mon courage était plus limité que le leur, même si je n'en étais pas totalement dépourvu. Je n'ai pas craint, par exemple, de devenir Animagus pour l'amitié de Remus, pas plus que je n'ai craint de l'accompagner sous sa forme de loup-garou. Il était pourtant dangereux, et je ne me transformais pas en un animal de taille impressionnante, loin s'en fallait ! Bien sûr, James et Sirius étaient là aussi, et ils auraient pu me protéger en cas de danger mais ces nuits-là, je me sentais libre, puissant, courageux et presque prêt à tout. C'était grisant…
Mais j'ai eu peur comme jamais, le jour où j'ai malencontreusement croisé le chemin du Maître. Comment refuser quoi que ce soit à un sorcier de son envergure ? Il n'y avait même pas de mot pour le désigner. Il avait tous les pouvoirs. Ceux pour vous élever plus haut que tout et ceux pour vous écraser avec la plus terrible des souffrances. Sa seule présence vous glaçait, ses seuls mots vous transperçaient l'âme et son seul regard vous immobilisait, comme si vous n'étiez qu'une vulgaire statue moldue. Qu'aurais-je pu faire ? Il m'aurait tué et j'avais peur de la mort presque autant que de lui…
Je craignais ses adeptes ainsi que ceux de mon camp si ma trahison venait à être découverte, mais il m'avait assuré d'une protection totale si je faisais bien mon travail. Je croyais avoir trouvé là la sécurité qui me manquait en ces temps de troubles, mais j'ai très vite compris que ce n'était qu'illusion.
Les premières fois, ce n'étaient que de simples informations à fournir, des détails logistiques. Au début, je n'avais que peu de scrupules à les donner car selon moi, elles n'étaient pas vitales et il me semblait qu'elles n'avaient pas vraiment d'influence vitale sur le cours de la guerre. Et puis, elles n'étaient pas difficiles à obtenir et si discrètes que personne, à mon avis, n'aurait pu se rendre compte qu'elles étaient utilisées.
A cette époque, je croyais encore que je pouvais arrêter mon rôle d'espion au moment où je l'aurais décidé.Je croyais en avoir la force et la possibilité, mais j'ai rapidement compris que je me trompais. Servir le Maître, pour obtenir sa protection, était irréversible, une route à sens unique sur laquelle il fallait avancer sans cesse sous peine d'être écrasé. Impossible de ralentir, impossible d'hésiter.
Alors j'ai avancé. Mû par la peur des représailles et de ce qu'il pourrait advenir de moi, j'ai continué à fournir des informations, à chaque fois plus importantes. Je ne savais pas pourquoi il en avait spécifiquement après James et Lily Potter, car la majorité de ce que j'avais à transmettre les concernait. Malgré tout ce que je faisais, je n'étais pas au fait de ses plans les plus secrets, même si c'était uniquement grâce à moi qu'il progressait sur ce point précis. Cette ignorance était une source de frustration et de colère qui ne cessaient de monter en moi et je sentais qu'avec le temps, ces sensations m'aidaient dans le rôle que je devais tenir. Elles agissaient comme une drogue ; je puisais en elles pour trouver la force d'avancer et de commettre ces faits qui autrefois m'auraient révulsé.
Oh ! Pourtant, quelques fois une petite voix me susurrait bien mes idées d'avant, mais plus le temps passait et moins cette voix avait d'emprise sur moi. Elle a ensuite fini par faiblir, se faire de plus en plus lointaine jusqu'à ce que je ne l'entende plus. Ou bien était-ce parce que je parvenais, par ma volonté et par une force de plus en plus grande, à ne plus l'entendre.
Petit à petit, je me suis senti de plus en plus fort, plus sûr de moi. Meilleur, en un mot. Meilleur et assuré de la protection du Maître grâce à mon travail. J'étais sûr de cette sécurité et elle m'avait enhardi. Dans le même temps, j'avais continué mon travail au sein de l'Ordre du Phénix et mes collègues semblaient ravis de ces progrès, sans se demander, du moins je le supposais, d'où venait cette évolution positive selon eux. Je servais deux causes antagonistes, et de plus en plus, je trouvais celles de l'Ordre inutiles et vouées à l'échec. J'y mettais peut-être un peu moins de cœur et d'énergie que pour celles du Maître, même si, pour éviter tout soupçon, je travaillais sérieusement.
Après une demande du Maître, il était impossible de rester silencieux. Il ne laissait pas le choix à ses serviteurs : il fallait répondre à ses appels et arriver à ses côtés instantanément, sous peine de se voir infliger quelques sortilèges terrifiants parmi lesquels le Doloris. Il fallait aussi immédiatement transmettre les « résultats » des missions confiées, à chaque fois, qu'il y ait réussite ou échec.
A chaque échec, nous savions que nous allions vers une punition de la part du Maître. Il ne tolérait que le succès et n'acceptait aucune excuse, aucun prétexte, même valable à nos yeux. Ses châtiments variaient peu ; généralement, un ou plusieurs sortilèges du Doloris nous attendaient mais, quelques fois, nous devions faire face à d'autres types de maléfices, qui nous étaient le plus souvent inconnus. Nous en sortions, pour la plupart d'entre nous, vivants, mais suffisamment meurtris, suffisamment atteints pour ne plus vouloir que cela recommence. La menace du châtiment pour avancer, une des méthodes pour faire obéir les plus craintifs mais aussi les plus récalcitrants… C'était bien là, la méthode du Seigneur des Ténèbres pour se faire entendre.
En revanche, à chaque résultat positif, nous pouvions nous voir gratifier de sa clémence, ce qui était peu et tout à la fois. Peu parce qu'il trouvait toujours quelque chose à reprocher à notre service à son égard et parce qu'il ne s'abaissait pas à nous remercier, mais tout parce qu'elle retardait sa colère et qu'elle nous assurait, pour un temps encore, de sa protection.
A chaque fois que je transmettais une information capitale pour lui, je pouvais apercevoir, de façon fugace, une lueur de satisfaction suprême passer dans son regard. Ces fois-là, je me sentais grandi, fort et j'avais l'impression que rien ne pourrait m'arrêter. C'étaient des sentiments que je n'avais que rarement ressentis autrefois, et qui me soufflaient que j'avais fait ce qu'il fallait faire, malgré le risque à courir et l'inévitable prix à payer.
Je savais que cela me coûterait mes amis mais moi, au contraire d'eux, je savais alors que je ne bataillais pas pour rien et qu'on n'avait rien à gagner à lutter contre le Seigneur des Ténèbres. Ils ne pouvaient courir qu'à la mort et moi je courais à la victoire. Je savais mieux qu'eux que j'étais dans le meilleur camp, dans celui qui apportait le plus, dans celui voué à la réussite. Autrefois, ils étaient les meilleurs, les plus rapides et ceux qui étaient promis au plus bel avenir par tout le monde et, en les suivant, je tâchais d'être à leur hauteur. Mais cette fois, c'était moi qui étais dans le vrai, c'était moi qui avais mieux compris qu'eux ce qui était le plus important. Je sentais qu'enfin je n'étais plus le dernier et que je ne le serai plus jamais…
Je craignais de me faire démasquer, bien sûr, mais tout aurait pu continuer longtemps ainsi : transmission d'informations plus ou moins importantes selon les cas et travail au sein de l'Ordre. Tant que j'étais discret et sur mes gardes, mon rôle avait de grandes chances de perdurer, mais en tant que tel, cela restait un rôle subalterne. Je savais pertinemment que, n'étant pas le plus talentueux ni le plus riche de ses partisans, je n'avais que peu de chances de monter en grade auprès du Maître. Sur une échelle des possibilités, celle de me faire surprendre en tant qu'espion était bien plus élevée que celle de me voir évoluer au sein des Mangemorts.
Oui, tout aurait pu durer longtemps ainsi si je n'étais pas devenu Gardien du Secret des Potter, le détenteur du secret de leur cachette, l'information que cherchait avidement le Maître pour des raisons précises que je ne connaissais pas.
Ce jour là marqua un tournant dans ma vie, car je savais ce que signifiait pour moi le fait d'accepter d'être Gardien du Secret de James et Lily Potter. Mon statut allait enfin changer ! Pourtant, ce n'était pas prévu que ce soit moi qui le sois. La logique aurait voulu que ce soit Sirius qui le devienne, en tant que plus proche ami de James, parrain du petit Harry et sorcier particulièrement émérite. A la limite, Remus aurait aussi pu l'être, mais sa condition de loup-garou le laissait absent trop souvent et aussi parce qu'il me semblait que Sirius le soupçonnait d'espionner.
A vrai dire, je savais parfaitement que l'Ordre avait compris que quelqu'un renseignait le Seigneur des Ténèbres mais, jamais jusque-là, ils n'avaient deviné qui était le responsable. Ils avaient certainement dû soupçonner tout le monde, Remus notamment, mais pas moi.
Forcément…
Forcément, il était impossible que le petit Peter, le faible et peureux Peter soit celui qui déjouait leurs brillants plans visant à le démasquer et qui dévoilait au Maître des secrets ! C'était une grave erreur de leur part que de croire ça et leur attitude ne pouvait que servir mes ambitions et causer leur propre perte. Oui… pour moi il était évident que leur arrogance les piègerait et que me sous-estimer serait une fatale erreur pour eux…
C'est d'ailleurs bien leur piètre idée de moi, leur sentiment de supériorité qui conduisit à ce que je sois le Gardien du Secret en lieu et place de Sirius. C'est en outre lui-même qui en eut l'idée et qui convainquit James et Lily. Il dut penser que personne n'aurait imaginé que des gens aussi puissants que les Potter m'auraient choisi, moi, comme leur protecteur. Ainsi, selon lui, personne n'aurait songé à m'attaquer pour me soutirer l'information. Ils auraient alors été en sécurité pendant que Sirius aurait continué à attirer l'attention sur lui, persuadant l'ennemi que c'était à lui qu'il fallait s'en prendre…
(à suivre, dernier chapitre : la nuit fatidique)
