Les mots


C'est en écrivant Au théâtre, ce soir que m'est venue l'idée de cette ficlet. En effet, si Ichigo, occupé à son job de machiniste dans la pièce, ne s'entraîne pas pour devenir plus fort auprès des Vizards, comment pourrait-il obtenir une assurance suffisamment grande pour espérer faire tenir tranquille son Hollow et obtenir la force supplémentaire de son masque ?
Cette histoire est ma réponse.
NB : Ne pas avoir lu Au théâtre, ce soir ne vous empêchera pas du tout de la lire…

Mise en garde : C'est du Yaoi ! (Et pourtant, je ne vois vraiment Ichigo et Tchad que comme deux amis. Heureusement, j'ai une grande imagination =)

Disclaimer : Bleach n'est pas mon œuvre, ni Ichigo ni Tchad ne m'appartiennent, tout est à leur créateur, Tite Kubo.


chapitre 1 : Les mots offerts

Ce qu'il y avait d'étrange avec Tchad, c'était que même s'il ne parlait pas beaucoup, on savait toujours où on en était avec lui. Les mèches de cheveux trop longues qui tombaient sur son front lui cachaient constamment l'œil droit, et pourtant son regard était d'une intensité poignante, et, en un seul geste plein d'assurance et de tranquillité, en un seul mot offert à qui prenait la peine de l'écouter, la clarté et la profondeur de ses pensées étaient exprimées.

Si grand, si fort, si calme…

Ichigo savait ce que cachait cette puissance tranquille. Lorsqu'il regardait le dos large et musclé de son ami se tendre sous la chemise à larges fleurs, qu'il voyait sa main se fermer en un poing dur et solide, qu'il sentait dans toute son allure un élan volontairement maîtrisé, il se rappelait qu'il avait existé un Tchad enfant bien différent de celui qu'il connaissait.
À vrai dire, Ichigo ne faisait que deviner ; il y avait eu très peu de confidences à ce sujet entre eux. Il y avait eu quelques mots. C'était une promesse faite à soi-même. Il y avait eu ce regard éclairé, empreint de gratitude, quand il lui avait rendu son médaillon.

La promesse d'Ichigo à lui-même était différente de celle de Tchad. Ichigo, enfant, n'était que confiance et gentillesse, si facilement blessé, si facilement réconforté. En ces jours heureux, le centre de son existence était sa mère. D'elle, il se rappelait la douceur, l'amour, la tendresse et le sourire. D'elle, il se rappelait son poids inerte sur son jeune corps, et ses longs cheveux, éparpillés dans la boue. D'elle, il se rappelait un jour de pluie, un jour funeste, un jour d'horreur… Sa promesse était de ne plus jamais laisser sa faiblesse être à l'origine de la mort d'un être qu'il chérissait.
En lui avaient grandi un cataclysme d'émotions et de passions, si opposées à la sérénité que Tchad avait acquise. Là où Tchad n'était qu'attente, lui vivait sa vie avec cette unique réponse en tête : protéger. Et pour cela, il n'hésitait pas à faire parler ses poings.

Avant de le rencontrer, Tchad se perdait. Ichigo en avait été conscient la première fois qu'ils s'étaient croisés au collège.

Au début, ils tombaient l'un sur l'autre par hasard, sans être véritablement amis. Ils avaient une réputation de bagarreurs. Pour Ichigo, c'était la couleur de ses cheveux qui le faisait passer pour un rebelle ; pour Tchad, c'était sa carrure et sa force évidente qui attiraient sur lui l'attention des chefs de bandes rivales.
Au contraire d'Ichigo, Tchad se laissait toujours battre sans riposter, et "se laissait" était bien le mot juste, parce que son regard était porteur d'une telle conviction, ses poings, d'une telle force affleurant à fleur de peau, ses muscles, d'une telle puissance sous contrôle, que cette absence de riposte ne pouvait qu'avoir été volontairement choisie.
« J'ai juré de ne pas me servir de mon poing pour mon usage personnel », avait-il expliqué à Ichigo qui avait cherché à comprendre pourquoi.
Ichigo n'avait pas tardé à être convaincu que Tchad se serait laissé tuer plutôt que de répondre par la violence à ceux qui l'agressaient. À cela s'ajoutait le fait qu'il se comportait comme si le mal autour de lui ne pouvait pas l'atteindre, comme s'il avait à apprendre de lui plus qu'à en souffrir. Et après que la bastonnade fut terminée, il n'éprouvait ni colère ni rancœur ni haine contre les responsables. C'était comme si tous ces sentiments-là lui étaient inconnus, ou bien qu'ils avaient été épuisés quelque part dans son passé. Le souci, c'était qu'il s'exposait sans penser aux risques. Plus d'une fois, Ichigo l'avait sorti d'affaire. Combien de temps encore aurait-il pu vivre ainsi ?
Sans un mot, Tchad se perdait, et Ichigo s'était attaché à ses pas. Et puis, un jour, au bord de la principale rivière de Karakura, leur histoire avait véritablement commencé.

Ce jour-là, un groupe d'élèves d'un collège voisin avait coincé Tchad sous un pont. Les mains liées derrière le dossier d'une chaise sur laquelle on l'avait attaché, il ne pouvait pas espérer s'échapper. Les membres du gang l'injuriaient tout en lui donnant des coups, ils se moquaient de ses origines métisses.
Lâches qu'ils étaient, tous ! Même à présent, l'esprit d'Ichigo se révoltait en se remémorant la scène.
Tchad ne cédait pas sous la douleur, et plus il restait tranquille, faisant preuve d'une force mentale qu'aucun des imbéciles ne comprenaient, plus ils s'énervaient contre lui. Alors l'un d'eux lui avait arraché son pendentif et avait menacé de le détruire sous ses yeux. C'était là qu'Ichigo avait pris sa décision. Parce qu'à ce moment précis, le regard de Tchad, pour la première fois, avait laissé percevoir une détresse désarmante. Il tenait à ce médaillon plus qu'à sa vie même. C'était l'héritage de son grand-père. C'était le souvenir des larmes, du sang et de l'amour d'Abuelo. C'était une mise en garde contre l'orgueil, la vanité et l'ivresse des bagarres de rues.

Les cinq individus proprement tabassés, Ichigo s'était présenté devant Tchad, un air de vainqueur sur son visage égratigné, et le médaillon intact en main.

« Bats-toi pour moi, et je me battrai pour toi », avait été la réponse d'Ichigo au dilemme de Tchad.

Et comme il était Ichigo et qu'il ne faisait jamais rien à moitié, comme c'était Tchad devant lui et que la pureté de sa détermination engendrait son absolue confiance, comme il venait de découvrir derrière cette force une sensibilité qui lui garantissait sa protection, il avait ajouté que si un jour Tchad avait quelque chose qu'il voulait protéger au péril de sa vie, ce serait lui, Ichigo, qui la protégerait en son nom au péril de la sienne, faisant de cette promesse entre eux un serment à la vie à la mort.

Cela avait été comme si un dernier clic se mettait en place dans le cœur de Tchad, comme si l'ombre menaçante de son enfance s'éloignait, comme si sa force hors du commun, qui n'avait fait que blesser les autres, prenait finalement une valeur. Ses yeux si sombres avaient lui comme de l'intérieur.

« D'accord », avait-il répondu.

Même si Tchad ne parlait pas beaucoup, on savait toujours où on en était avec lui, et son silence, deux années après leur rencontre, demandait quelque chose à Ichigo. Quelque chose d'important et quelque chose de nouveau.

chapitre 1 : fin