Bonsoir tout le monde! Alors voilà, je commence une nouvelle fiction, écrite et terminée. Elle comportera au total 4 grandes parties d'une vingtaine de pages chacune. J'espère vraiment que l'histoire vous plaira, sachant que le pairing Dazai/Atsushi est considérablement un de mes préférés. J'y ai mis toute mon envie de faire transparaitre la beauté de leur relation, en espérant que ça vous plaise! Une partie sera publié toutes les semaines, c'est à dire tous les dimanches. Sur ce, bonne lecture! :D
COLD
première partie: hands.
« Il t'abandonnera, lui aussi. »
Ces mots là, ces simples mots étaient capables de le rendre complètement fou, et de lui faire perdre la raison. Il n'avait pas fermé l'œil de la nuit, et à chaque fois que ses paupières s'abaissaient et que sa vision se comblait de noir, les mêmes images apparaissaient et se confondaient pour ne former qu'un seul puzzle incohérent et dénué de sens. Il voyait les gens de son ancien orphelinat, ils le regardaient de haut et balançaient toujours les mêmes horribles choses à la figure. « Bon à rien.», «Incapable. », « Tu finiras bien par mourir.». À chaque fois qu'ils répétaient ces phrases, le cœur de Atsushi semblait creuser un chemin un peu plus profond dans son abdomen comme s'il essayait de fuir, de se cacher. Ils avaient l'air imposants, à chaque fois qu'ils le tapaient c'était dans cette putain de salle, où les rayons de la lune le soir traversaient l'immense vitrail circulaire, et se reflétait autour de lui comme une grande cage bleue. Puis, une autre image venait après celle-ci, il voyait le portail se fermer devant lui dans un son grinçant, et derrière ce portail, se trouvait l'orphelinat, dans lequel il avait vécu jusqu'à ce qu'il ait ses dix-huit ans. Cette entrée qui se fermait à jamais devant lui, c'était synonyme d'une mise à mort, certaine, et douloureuse. À jamais seul, aussi.
Puis encore une autre chose. L'atmosphère était différente dans ce souvenir là. Le ciel était coloré de mille et une couleurs, le son de l'eau qui coulait dans la rivière était audible, Atsushi était encore trempé, et il avait faim. Il était debout, puis il eut un coup de vent, étonnement, il n'avait pas froid, ses yeux étaient plantés dans ceux de Dazai qui se tenait devant lui, les mains dans les poches de son pantalon, un léger sourire piqué sur ses fines lèvres. Dans cette image, son ami était élégant, charismatique, beau. Cette première impression qu'il avait eut de lui avait fait qu'aujourd'hui il éprouvait un profond respect pour cet homme, et une reconnaissance inestimable pour lui avoir sauvé la vie. Ces émotions qui font qu'il était devenu inconcevable pour lui d'imaginer un monde sans Dazai. Il était un sauveur, en tout point. Il lui avait sauvé la vie, il l'avait sauvé d'une mort certaine, lui avait donné un nouveau départ, et surtout, un peu d'espoir. Un sauveur, oui, en tout point. Puis vint la dernière image, celle qui complétait ce puzzle insensé. Il était en face à face avec Akutagawa dans un endroit où il n'y avait personne hormis eux deux. Les autres membres de l'Agence s'occupaient de ceux de la Mafia Portuaire, et Akutagawa avait précieusement fait en sorte de se confronter au Tigre-Garou.
Atsushi n'avait jamais vraiment su pourquoi il lui en voulait autant, ni pourquoi il avait cette immense haine envers lui. Lui et Atsushi avaient passé un long moment à se battre, il étaient tous les deux couverts de blessures profondes et ils étaient épuisés. Dans cette image, Akutagawa s'était mit à sourire, il y avait cette espèce d'ombre, cette bête noire et rouge dans son dos, Rashomon, et lui-même avait changé ses mains et ses pieds à l'apparence d'un tigre. Akutagawa avait l'air plus mal au point que le plus jeune à ce moment là, et dans ce souvenir, il s'était mis à parler, et à prononcer ces mots qui jusque là l'avaient hanté.
« Tu te fais des illusions, Tigre-Garou. » avait-il dit en tenant son avant-bras qui saignait abondement, « Tu ne pourras pas toujours te protéger derrière Dazai, et lui, ne sera pas toujours là pour toi. »
Atsushi avait voulu le faire taire en l'attaquant, pour en finir une bonne fois pour toute avec lui, mais à la place, il était resté figé sur place, son regard planté dans le sien.
« Je sais bien ce que tu ressens. Tu crois qu'il sera là pour t'aider, quoiqu'il arrive. Toi, tout ce que tu veux, c'est être reconnu à ses yeux pour ce que tu es, pour tes valeurs, tu veux qu'il t'apprécies, mieux encore, qu'il soit fier de toi. Toi aussi, tu veux qu'il soit fier de toi, toi aussi, tu reconnais ton respect pour lui. »
« Moi aussi ? Où est-ce que tu veux en venir ? » avait répondu Atsushi quand il s'était rendu compte qu'en réalité, Akutagawa avait parfaitement lu dans ses pensées.
« Il y a un temps, j'ai été son subordonné. Alors je connais bien toutes ces bonnes ambitions. »
Atsushi était resté muet, la bouche entre-ouverte, un frisson parcourant son échine. Il ne le savait pas bien sûr, il avait voulut croire que c'était faux. Mais il n'avait pas eut la chance de le penser, car soudain, tout était devenu cohérent dans sa tête.
« Je l'aimais beaucoup tu sais » avouait-il avec un visage plus doux « Puis un jour, il est partit de la Mafia Portuaire, et il m'a laissé derrière sans même revenir vers moi. Tu crois que parce qu'il a été gentil avec toi en faisant de toi son subordonné, il en a vraiment à foutre de ta misérable existence ? »
Impossible pour Atsushi de répliquer quelque chose. Son souffle était bloqué dans sa gorge.
« Si un jour il devait partir, il te laissera. Il t'abandonnera, toi aussi. »
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Finalement, Atsushi ouvrit les yeux, et il se rendit compte que le soleil était déjà levé. La chambre était baigné de lumière, et il n'avait même pas réalisé qu'il avait réussit à passer la nuit. Il entendait les oiseaux piailler à l'extérieur, les sons étouffés par la fenêtre fermée, et il se contenait de regarder le plafond, encore sous les draps, sa tête encore pleine de pensées, les mots de Akutagawa se mélangeant et se confondant avec les paroles douces de Dazai.
Est-ce que ce qu'il a dit est vrai ? Est-ce qu'un jour, Dazai serait vraiment capable de l'abandonner lui aussi ?
Il soupirait lourdement, et une de ses mains vint se poser sur son front. Une ou deux minutes passèrent, et en s'apercevant de l'heure tardive, Atsushi décidait enfin de se lever. Il s'habilla de ses vêtements de travail, rangeait le bazar dans sa chambre et finit par faire correctement son lit. Puis à peine aillant enfilé ses mitaines noires qu'il se dirigeait vers la fenêtre et l'ouvrit en grand, laissant l'air frais rentré dans la pièce et rafraîchir pleinement son visage ternit par la fatigue. Il voulut fermer les yeux, mais il détestait l'obscurité, alors il les gardait mis-clos, et un sourire bordait ses lèvres quand un souffle de vent lui brouilla la vue.
Arrête de penser, arrête de penser, arrête de penser.
SHLAK.
Soudain, une lourde forme tomba du ciel et se posta juste devant Atsushi dans un hoquet familier. Le garçon, prit par la panique, poussa un horrible cri de peur qu'il jura ne jamais avoir poussé et reculait d'un pas, pliant ses bras devant lui comme s'ils avaient le pouvoir de le protéger. Les yeux aussi gros que des billes de billards, il levait les yeux par dessus ses bras et soudain sentit toute sa peur s'évanouir quand il aperçut Dazai. Il était là, suspendu un pied en l'air, il tournoyait sur lui-même, l'air débile, les bras par dessus la tête, et quand son trois-cent-soixante fut terminé et qu'il aperçut Atsushi à quelques pas de la fenêtre, il affichait un large sourire et des étincelles apparurent dans ses yeux bruns.
- Oooh, Atsushi-kun ! Tu tombes à pic !
- D-Dazai ?! S'exclamait le plus jeune en laissant tomber ses bras le long de son corps avec exaspération, Q-Qu'est-ce que tu es en train de faire ?
- Et bien, commençait le brun en se tenant le menton, J'étais à quelques étages au dessus pour me suicider en sautant par la fenêtre. Simple, classique, efficace. Mais vois-tu, il semblerait que je me sois emmêlé au passage par quelque chose qui traînait par là.
Poussant un « hein » d'incompréhension, Atsushi s'approchait, et se penchait sur le rebord de sa fenêtre en regardant en l'air, voyant le pied gauche de Dazai accroché à la corde de rideaux qui se trouvait à l'étage juste au dessus. Atsushi laissait échapper un grognement de désespoir, et quand il reportait son regard face à lui, il semblait s'amplifier encore plus quand il aperçut le sourire idiot de son supérieur, tournoyant toujours sur lui-même comme un tourniquet. Encore une tentative de ratée, ne put s'empêcher de penser le Tigre-Garou, quand bon dieu s'arrêtera t-il un jour de faire ce genre de choses ?
- Oï ! Vous deux là-haut !
À cet appel, Atsushi se penchait, et aperçut en bas de l'immeuble Kunikida les mains sur les hanches, encore -et toujours- au bout de ses nerfs.
- À quoi vous jouer ?! Criait-il
C'était assez drôle de le voir à cet hauteur, tapotant du pied par terre pour tenter de se calmer, son carnet d'idéaux en dessous de son bras droit, ses cris résonnant et atteignant à peine leurs oreilles.
- Kunikida ! S'écriait alors Dazai en reconnaissant la voix de son collègue, Tu viens de bonne heure aujourd'hui !
Puis, ils entendaient le blond bafouer plusieurs insultes en l'air, plusieurs menaces aussi, mais l'écho s'étalait au point que ses mots se mélangeaient, et que ni Atsushi, ni Dazai ne s'intéressaient à ce qu'il pouvait bien raconter. Alors plutôt que de se concentrer, Atsushi se décidait enfin à aider Dazai, le hissant à l'intérieur de son petit appartement que l'Agence lui avait prêté. Le brun l'avait rapidement remercié, avait fait craqué son dos, et ils étaient tous les deux descendus pour aller dans les bureaux de l'Agence, saluant leurs collègues avant de commencer à se mettre au travail, plusieurs cas et dossiers déjà empilés sur les bureaux. Atsushi était alors partit sur sa première enquête de la matinée avec Kenji, travaillant sur l'affaire d'un trafic qui se produirait dans un des quartiers. Plusieurs fois, il avait eut peur de s'attirer des ennuis avec le comportant peu réfléchi de son ami au chapeau de paille, mais finalement, il avait réussi à résoudre l'affaire avant la fin de la journée.
« Il t'abandonnera, toi aussi. »
Il y avait un moment dans la journée où Atsushi avait eu peur de se trouver face à face avec la Mafia Portuaire, mais après la dernière bataille, et d'après les dernières nouvelles, l'Agence n'aura pas d'ennuis avec la Mafia de si tôt. Étais-ce parce qu'ils abandonnaient ? Parce qu'ils avaient trouvé un compromis ? Qu'il y avait un marché ? Atsushi ne le savait pas, et ne le saura sans doute jamais, mais d'après Dazai, il était préférable d'arrêter de se faire du mouron pour ça. À quel point Atsushi faisait-il confiance à Dazai pour le croire à chaque fois qu'un mot sortait de sa bouche ? Est-ce que le fait qu'il soit son Sauveur était une bonne excuse, ou le contraire ? Peut-être qu'au fond, Atsushi avait Dazai placé bien trop haut dans son estime, qu'il lui accordait trop d'importance. Après tout, malgré un mois passé à l'Agence, Atsushi devait s'admettre une chose: Il ne savait rien de Dazai. Il n'arrivait pas à se l'avouer, mais c'était vrai, il ne le connaissait pas. Il le savait, en était un peu trop sûr même, le Dazai qu'il voyait tous les jours, joueur, psychopathe et suicidaire était une facette qui en cachait une autre. C'était le cas pour la plupart des gens sur cette terre, mais Atsushi n'arrivait pas à voir derrière cette facette de son excentrique personnalité. Derrière elle, se trouvait sans doute un coté plus sombre et plus dur.
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Atsushi n'avait pas eu le temps de manger aujourd'hui. Son ventre criait famine, et il grimaçait à chaque fois qu'il l'entendait hurler. Mais il n'avait pas gagné beaucoup d'argent, il était nouveau et il n'était allé sur le terrain que trois ou quatre fois, alors il préféra attendre de rentrer chez lui, de s'ouvrir une conserve et de s'en contenter. C'était toujours mieux que de mourir de faim, au final. Il était 19h passé, et le ciel était magnifiquement coloré de couleurs chaleureuses et chatoyantes. Il n'y avait plus personne à l'Agence, seul Atsushi était encore assis sur sa chaise, tapant les derniers mots de son rapport du jour à l'ordinateur. C'était tellement rare de n'entendre rien d'autre que le silence dans l'Agence, et Atsushi profitait de ce simple moment, sifflant même dans le vide, l'idée de la solitude ne lui faisant pas grand chose à cet instant précis. Pour une fois.
Il baillait, le poing devant la bouche, puis il écrivait les dernières lignes, tapait le point final, et laissait échapper un long soupir de soulagement et de fierté de sa bouche. Il s'étirait les bras, son dos se collant au dossier de sa chaise en cuir, lançant un rapide regard à l'horloge qui était accrochée au mur.
Tic. Tac. Tic. Tac.
Quel son angoissant.
- Encore ici à travailler, Atsushi.
Le plus jeune tournait la tête sur le coté, et il fut surpris d'apercevoir Dazai à la porte d'entrée, le fixant docilement avec un sourire apaisant, ses deux mains plongées dans les poches de son trench-coat. Le jeune homme soupirait.
- Il fallait bien que je termine ça..., dit-il en se frottant les yeux, Mais toi qu'est-ce que tu fais encore ici ?
- Je divaguais, plaisantait-il en levant les yeux au ciel, Je n'aime pas rentrer chez moi dans l'immédiat. Et ça m'a surpris de voir les portes de l'Agence encore ouvertes.
- Je reste souvent le dernier ces temps-ci.
Dazai se contentait de pousser un soupir amusé, secouant la tête de droite à gauche.
- Tu vas rentrer chez toi ? Demandait-il avec son éternel sourire chaleureux
Un sourire qu'il adressait surtout à Atsushi, quelque chose de réconfortant dans un sens. Le plus jeune aimait ce signe d'affection qui n'appartenait qu'à lui. Il regardait une nouvelle fois l'heure après cette question, puis regardait longuement le ciel à travers la fenêtre. Il n'avait pas l'air de faire froid, le ciel était si beau. Atsushi adorait cette atmosphère qui planait dehors.
- Non, répondit-il en tournant la tête vers Dazai, J'ai envie de divaguer moi aussi.
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C'était encore plus beau quand il se trouvait à l'extérieur. Dazai et Atsushi marchaient côte à côte, lentement, sans prononcer un mot. Malgré cette absence de parole, ce silence était particulièrement agréable et confortable. Il n'y avait qu'avec Dazai que ce genre de silence existait. Atsushi se permettait de se détendre, il sentait ses membres fatigués, ses bras étaient croisés dans son dos. Dazai soupirait, et étirait les siens par dessus sa tête, fermant les yeux un instant. Dazai Osamu était beau, charmant, élégant, surtout lorsqu'il ne parlait pas. Le vent soufflait, fouettait leurs cheveux, leurs vêtements, et Atsushi se permettait un instant de regarder son ami du coin de l'œil. Il retraçait des yeux la courbe de sa mâchoire, la forme de son nez, il regardait ses paupières closes, ses cheveux bruns. Il eut, pendant un instant, l'exact même impression qu'il eut la première fois qu'il l'avait rencontré, sur les rives de cette rivière. Soudain, Dazai tournait la tête vers lui, et Atsushi sentit sa respiration se bloquer en croisant son regard, sautant presque par la surprise et détournant les yeux par l'embarras. Que penserait-il s'il savait qu'il le scrutait de cette manière ?
C'était ridicule, lui-même avait encore du mal à croire à ce qu'il venait de faire. Il semblait grimacer dans son coin, attendant simplement une réflexion de son ami, mais au lieu de ça, Dazai ne le taquina pas et se contenta de sourire avec amusement.
- Et si nous allions manger un morceau ? Dit-il d'une voix douce
Atsushi le regardait, puis sourit à cette demande, hochant la tête. Lui qui songeait manger une conserve dans la soirée une demi-heure plus tôt.
- Où ça ?
Dazai s'arrêtait alors dans sa marche, puis levait les yeux vers le ciel, posant son index sur son menton dans un moment de réflexion. Le garçon aux cheveux cendrés attendait patiemment, parfaitement serein, jouant même avec ses bretelles. Soudain, Dazai semblait avoir une illumination, poussant un son plus aigu qu'il n'était supposé l'être, et il partit devant. Atsushi le regardait, puis rapidement le suivit.
Peut importe où Dazai irait, Atsushi serait toujours là derrière.
Ils marchèrent une dizaine de minutes dans les rues de Yokohama, passant même dans des petites ruelles qui rendaient Nakajima mal à l'aise, et ils arrivèrent bientôt dans un petit restaurant, perdu au milieu de nul part. Le plus jeune regardait chaque recoin de la boutique, et finit par s'asseoir en face de Dazai, la chaise en bois craquant sous son poids. Il n'y avait pas beaucoup de monde, deux tables étaient occupées, pas plus. L'endroit n'avait rien à voir au dernier restaurant où il a put dîné. Alors qu'Atsushi semblait légèrement perdu, le serveur arrivait et Dazai fut le premier à commander. Et quand ce fut à son tour, Atsushi balbutiait un moment, ne balançant qu'un rapide coup d'œil à la carte avant de finalement prendre la même chose que son aîné. Le brun avait remarqué sa gêne et il s'était vainement retenu de ne pas rire en face de lui pour ne pas l'embarrasser d'avantage. Atsushi avait eut envie de rire, lui aussi.
Ça faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas eu la chance de manger avec lui, ou de simplement, passer un moment seul avec lui. Depuis la menace de la Mafia Portuaire, il y avait toujours quelqu'un aux alentours, avec eux, ou ils étaient en mission, prêt à tout moment à mourir pour leur métier. Et puis, Dazai travaillait avec Kunikida, et lui avec la petite tête blonde qu'était Kenji. Il les avait vu travailler ensemble, c'était remarquable, un duo surprenant et efficace.
Pourtant, Atsushi s'était déjà surpris à jalouser Kunikida.
Oui, travailler en équipe avec Dazai, ça aurait été bien, non ? Il l'avait même cru, en entrant dans l'Agence qu'il travaillerait avec lui parce qu'il l'avait prit sous son aile. Mais il était bien loin de la réalité. Loin du fait qu'il n'aimait pas enquêter avec Kenji, bien évidement. Mais de cette manière, peut-être oui, ils auraient pu passer plus de temps ensemble, et Atsushi aurait pu en apprendre plus sur sa personnalité, et sur le vrai Dazai. Il aurait peut-être pu en apprendre plus sur son passé.
« Il t'abandonnera, toi aussi. »
Quand cette pensée lui revint en mémoire, il s'étouffait soudain avec le ramen qu'il commençait à manger, frappant son torse si fort qu'il attirait l'attention de presque tout le monde dans le restaurant. Dazai levait des yeux étonnés vers lui, les baguettes encore dans sa bouche, et Atsushi finit par tousser grassement une dernière fois, prenant une grande inspiration avant de lever les mains, balançant un « je vais bien » en l'air. Il eut du mal à se remettre de ses émotions, et il tentait de paraître le plus neutre possible. Ce genre de chose pouvait facilement interpeller l'esprit de déduction de Dazai, et de cette façon, il pouvait comprendre qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Et Atsushi vu juste.
- Qu'est-ce qui te tracasse, Atsushi ? Demandait-il
Pourquoi fallait-il que cette phrase lui revienne en tête maintenant ?
- Moi ? Et bien...
- Oooh ! Je viens de penser, une mort par étouffement ce serait une bonne idée !
Soudain, il se mit à marmonner plusieurs paroles intelligibles sur une nouvelle idée de suicide possible, et il sortit un stylo de l'intérieur de sa veste, dessinant un plan farfelu sur la serviette en papier plié à coté de son assiette. Atsushi le regardait avec surprise, ne s'attendant pas à le voir changer de sujet aussi rapidement, puis finit par pousser un rire, ce qui semblait plus être un soupir par le nez. Pourtant, ce sujet là était quelque chose qu'il n'aimait pas. Les suicides, la mort, il ne comprenait pas pourquoi Dazai prenait ça avec autant de légèreté, et en faisait un hobby. Son sourire semblait s'évanouir de son visage à cette pensée. Tellement de fois, l'idée de se donner la mort lui était passé par l'esprit, mais jamais il n'était arrivé à y succomber. Étais-ce lâche ?
- Dazai, tu aimerais que l'on fasse un double-suicide, ensemble ?
À ces mots, le plus grand arrêtait de griffonner, puis levait ses yeux bruns vers Atsushi. Son regard si intense rendit en l'espèce d'un instant le plus jeune anxieux, son cœur s'arrêtant de battre une demie-seconde. Merde, pourquoi ça me fait autant d'effet, ne put-il s'empêcher de penser. Dazai le regardait longuement, trop longuement, un peu trop sérieusement même. Il avait prit sa phrase au sérieux au premier regard, mais rapidement, son dos se collait à sa chaise et un rictus se dessinait sur ses lèvres.
- En voilà une drôle d'idée, Atsushi. Ça m'aurait fait plaisir, mais honnêtement, je ne pense pas que tu le veuilles vraiment.
Atsushi ne le savait pas lui même. Mourir était une idée, volontairement en était une autre, et avec Dazai, encore une. Peut-être essayait-il de faire croire que ce qui le tracassait était cette demande, et non pas les mots de Akutagawa qui tournaient en boucle.
- Pourquoi pas ? Rétorquait le plus jeune
Dazai sourit.
- Parce que si tu voulais vraiment mourir, alors tu l'aurais fais il y a bien longtemps.
- Alors ça voudrait dire que tu ne veux pas réellement mourir, toi aussi.
Soudain, le sourire de Dazai s'évanouit, et l'atmosphère s'alourdit. Ce fut si rapide et si soudain que Atsushi sentit son cou se raidir et un froid glacial parcourir sa colonne vertébrale. Alors il se raclait la gorge et reprit la parole, essayant de se justifier.
- Il est si facile de mourir. Je pense... que ce n'est pas dur de se donner la mort. Le plus dur en fait, c'est de l'éviter... C'est ça le but de la vie dans un sens, c'est de survivre le plus longtemps possible en empêchant la mort de nous prendre avant... Alors si tu as vraiment envie de te suicider, alors ça aurait été fait depuis le jour où tu en avais envie...
Dazai semblait différent, ses yeux exprimaient autre chose. C'était étrange, Atsushi ne se sentait pas très bien.
- Je veux dire... À qui ça peut arriver de rester accrocher à une corde de rideau en sautant du toit d'un i-
- Atsushi.
Sa voix était grave, froide, crue. Ses cheveux bruns cachaient son regard, il n'arrivait pas à le voir correctement. C'était perturbant, il n'aimait pas ça, il cherchait, mais il n'arrivait pas à trouver quoi que ce soit qui puisse le rassurer. Les secondes qui s'écoulaient semblaient durer une éternité, ce fut une torture, et tout s'arrêtait lorsque Dazai finit par se lever de sa chaise. Atsushi le regardait, il semblait beaucoup plus imposant vu d'en bas, et Dazai fouillait dans une de ses poches avant de sortir son porte-monnaie, et de balancer quelques billets non comptés sur la table. Puis, il finit par lever les yeux, et il regardait Atsushi avec un sourire. Mais ce sourire là, il était horrible. Il était si faux.
- Je te revois demain, terminait-il
Il passait une main sur ses bandages aux bras, puis se retournait, et sortait du restaurant sans ajouter un mot. Silence. Froid. Atsushi regardait encore un moment l'entrée de la boutique, puis il laissait tomber son dos sur le dossier de la chaise en bois. Il avait beau réfléchir, retourner la situation dans tous les sens, il n'arrivait pas déceler le problème, ce qu'il a dit qui aurait pu le rendre dans cet état. Est-ce que ce sujet, au final, était quelque chose de beaucoup plus sérieux qu'il ne l'avait pensé ? Il regardait le vide face à lui, il avait mal. Sans raison, une douleur lui prit les tripes, et lui donnait la nausée. Une main vint serrer sa chemise à la poitrine, se sentant soudain horriblement coupable. Est-ce qu'il avait raison de se sentir comme ça ? Est-ce qu'il avait tort ? Ça importait peu au final, le résultat était là.
La conclusion était là elle aussi: Il ne savait rien de Dazai. Il ne le connaissait pas, ne savait rien de se réelle personnalité. Il semblait si dur à approcher, dans sa tête, dans son esprit, il était loin, très loin, et il semblait s'éloigner de plus en plus sans qu'il puisse y faire quelque chose. Quelle horrible sensation. Pourquoi cette envie d'en savoir plus sur lui était si forte, pourquoi cette envie luttait à l'intérieur de lui ?
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Le lendemain à l'Agence de Détectives, Dazai se comportait exactement comme si la conversation qu'ils avaient eu la veille n'avait jamais eu lieu. Atsushi était arrivé en retard le matin, et quand il était arrivé, il s'était fait gentiment taquiné par le brun qui lui avait balancé « Comment peux-tu être en retard alors que tu habites juste au-dessus ? ». Puis il avait rit, et lui avait frotté les cheveux avec bienveillance. Atsushi n'avait pas saisi au début, il s'était contenté de le fixer étrangement, un rictus sur le coin des lèvres, alors que Dazai s'était déjà fait massacré par Kunikida après lui avoir fait écrire dans son carnet des idéaux quelque chose de complètement faux. Comme d'habitude, il l'avait secoué dans tous les sens par le col avec rage alors que Dazai affichait un grand sourire satisfait et une tête qui signifiait « Je suis tellement fier d'être capable de le manipuler de cette manière. ». Atsushi avait eu si peur qu'il lui en veuille. Il en était venu à ne pas réussir à dormir la nuit, cette affreuse douleur lui prenant les tripes remontant à chaque fois qu'il y pensait.
Quel soulagement de voir qu'en fait il avait complètement oublié, et qu'il était passé à autre chose. C'était bien le cas, pas vrai ? En tout cas, cette affection qu'il lui avait apporté en lui frottant la tête comme il venait de le faire était vraie, pour le moins. Il aimait quand il faisait ça, il aimait chaque geste, chaque trait d'affection qu'il lui accordait. C'était comme une récompense à chaque fois. Après tout, Dazai a jamais été le seul à faire ça. Tous les adultes qu'il avait rencontré dans sa vie l'avaient traité comme un bon à rien, l'avaient battu, avaient été froids et méprisants. Atsushi détestait les adultes. Dazai était le seul à avoir jamais cru en lui, et à prendre réellement soin de lui. C'était peut-être pour ça que Atsushi lui accordait tant d'importance depuis qu'il l'avait prit sous son aile. En aucun cas, il ne voulait le décevoir.
« Toi aussi, tu veux qu'il soit fier de toi, toi aussi, tu reconnais ton respect pour lui. »
- Dazai.
À son nom, le brun rouvrit les yeux, les deux pieds posés sur son bureau, les bras croisés derrière sa tête, son manteau posé sur le dossier de sa chaise. Kunikida le regardait toujours avec son regard agacé, prenant la parole.
- Une coupure de journal est sortie, et elle est intéressante. « Choses inexpliquées » ils disent. D'après des témoignages qui se sont succédé ces derniers mois, des silhouettes auraient été vu dans les montagnes. Elles seraient étranges, et personne n'ose s'aventurer dans les montagnes parce qu'il y aurait plusieurs cas de dis- Oï ! Dazai, tu m'écoutes ?!
-...Mhein ?
Kunikida se mit une nouvelle fois à grogner, Dazai mettant ses mains devant comme pour se défendre, riant.
- J'ai compris, j'ai compris, ne te vexe pas, dit-il en roulant les yeux au ciel, Alors allons voir ce que sont ces « silhouettes » dont tu parles.
- Je ne viens pas avec toi.
- Pourquoi ? Tu as peur ?
Dazai se penchait en avant, et gesticulait ses doigts devant la figure de son coéquipier, un rictus sournois sur la bouche.
- Ne dis pas de bêtises, Dazai ! C'est juste qu'il n'y a aucun endroit dans mon carnet où il est inscrit que je devrais aller dans les bois, sûrement pour une poignée de jours, au début de l'hiver.
- Ok, tu es mort de trouille.
Kunikida se contentait de grogner une nouvelle fois derrière son carnet, remettant ses lunettes du bout de son nez avec le majeur. Dazai savait parfaitement qu'il pensait en cet instant « Je n'ai jamais aimé les enquêtes sur le surnaturel. »
- Il y a un chalet un peu perdu dans les bois, tu pourras t'en servir pour t'y loger le temps que ton enquête durera.
Dazai soupirait, se tenant le menton.
- Je vois, très bien.
Soudain, il se levait, prenant son manteau en bout de bras, et se dirigeait vers Atsushi qui était en pleine discussion avec Kyouka, enroulant son bras autour de son cou comme pour le montrer à Kunikida.
- Dans ce cas, nous partirons le plus tôt possible !
-... Hein ?!, s'écriait Atsushi qui avait entendu la moitié de se qu'ils s'étaient dis, Q-Qui a dit que j'étais d'accord ?!
- Alors quoi, tu as peur toi aussi ?
- J-J'ai jamais dis..
- Alors parfait ! Atsushi-kun et moi irons résoudre cette affaire en moins de deux !
Atsushi le regardait du coin des yeux, puis affichait un sourire figé, ne comprenant pas directement dans quel situation il s'était embarqué. Sans le vouloir, évidemment. Lui qui voulait se rapprocher de Osamu, en voilà une bonne manière de passer du temps avec cet inconnu. Certes, c'était une étrange, horrible, mystérieuse et terrifiante affaire qui se déroulait dans les montagnes, mais c'était toujours une opportunité. Tout ce qu'il voulait après tout, c'était pouvoir parler avec cet homme qu'était son Sauveur, de tout et de rien.
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Kunikida leur avait prêté une grande carte qui les aiderait à s'orienter une fois qu'ils seront sur le terrain. Atsushi et Dazai étaient partis juste après avoir prit information de tout ce qui paraissait nécessaire de savoir sur ces silhouettes noires. Il y eu au total une dizaine de témoignages qui confirmaient l'apparition de ces silhouettes lugubres, surtout vers le fond des bois, dans les montagnes. Atsushi et Dazai savaient que les recherches allaient être périlleuses, sachant d'autant plus que l'hiver pointait le bout de son nez, et que là où ils allaient, la neige était déjà abondante. Ils avaient passé l'après-midi dans le train, et plusieurs fois, Atsushi avait conseillé de s'arrêter pour chercher des provisions, de quoi tenir dans le froid, mais Dazai était si pressé d'y être qu'ils n'avaient fait aucune pause. Peut-être que l'écouter aurait été une bonne idée, car une fois arrivés, le froid était si mordant que même Dazai eu du mal à cacher une grimace.
Le chalet était à deux kilomètres de la gare, et les deux partenaires décidèrent de partir dès leur arrivée à la gare avant que la neige encombre leur chemin. Pas de chance, car à peine partis vers le sentier dans les bois que les flocons commencèrent à tomber du ciel avec légèreté, s'écrasant au sol pour former un large tapis blanc tout autour d'eux. Les flocons se déposaient sur les cheveux dans une fine couche, sur leurs épaules aussi, et Atsushi sentit son corps tout entier trembler au contact de ces cristaux. Ils n'avaient pas eu le temps de se changer, et il se retrouvait maintenant en chemise et en cravate en plein milieu de cette descente de neige. Sa buée était visible à chaque fois qu'il respirait, ses dents claquaient et il pouvait sentir ses mains se crisper, les ramenant en boule en espérant les réchauffer. Quant à Dazai qui marchait dos à lui, il semblait insensible à cette fraîcheur, les mains dans les poches de son manteau, marchant la tête droite.
- Atchoum !
- À tes souhaits.
- Atchoum !
- À tes souhaits.
Il éternuait à nouveau.
- Bon, je ne te dirais plus rien.
- D-Désolé, je ne peux pas m'en empêcher, s'excusait Atsushi en reniflant péniblement, Il fait si froid.
- Tiens bon, on y ai presque. Je suis sûr qu'il fera chaud, fais moi confiance.
- Tant que mes doigts vont bien, j'irais bien. Pour l'instant, ils sont complètement engourdis...
- Comment peuvent-ils déjà l'être ? S'étonnait Dazai qui semblait moins sensible au froid qu'Atsushi
- J'en sais rien, enfin, il caille, répondit le plus jeune en soufflant de la buée dans l'air, Ils sont rouges, et je n'arrive presque plus à les sentir. Et si ils tombaient ? Qu'est-ce qui arriveraient si ils-
- Tu vas bien, soupirait son aîné, On n'est pas dehors depuis si longtemps que ça, et il aurait pu faire encore plus froid, tu sais.
Il ne répondit pas, se contentant d'essayer de plier et de déplier ses doigts, des larmes se formant au bord de ses yeux sans qu'il puisse vraiment les contrôler.
- Et puis, entre nous deux, c'est toi qui porte des gants.
- Hein ?! Ce sont des mitaines !
- Et alors ? Ce n'est pas moi qui ai décidé de ça.
Atsushi se contentait de soupirer, roulant les yeux au ciel, se plaignant une dernière fois.
- Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse, reprit Dazai, Que je te tienne les mains jusqu'à ce que ça se réchauffe ?
Ça sonnait comme une blague à première vue, mais cette idée là, résonnait une nouvelle fois dans la tête de Atsushi. Il baissait un instant les yeux vers le sol, un souffle sec s'étranglant dans sa gorge, puis soudain, il s'arrêtait, relevant la tête vers son aîné qui était devant lui.
- En fait, ce ne n'est pas une si mauvaise idée.
Dazai s'arrêtait. Il était resté sur place un instant, puis il s'était retourné vers son subordonné, le fixant droit dans les yeux alors que Atsushi souriait avec innocence, et levait ses deux bras, tendus face à lui. Le brun lui jetait un dernier regard, puis finit par prendre ses mains dans les siennes. Il frissonnait quand il réalisait que en effet, ses mains étaient complètement gelées, et Atsushi frissonnait à son tour au contact de ses mains qui étaient chaudes et douces. Comment faisait-il pour les garder à cette température ? Dazai les serrait fort, et il les levait jusque devant son visage, où il fermait doucement les yeux, et soufflait dessus. Son souffle était chaud, humide, tellement agréable. Ça y ai, Atsushi pouvait les sentir ses doigts à présent. Les gestes de Dazai le rendait bizarre, il sentait son estomac se nouer, sa respiration jusqu'à présent rauque se bloquer dans son œsophage. Il sentait son cœur balancer dans sa poitrine, ses gestes étaient si doux. Personne n'avait fait ça avant.
Il se souvenait maintenant. Un souvenir lui revint en mémoire soudain, ces images lui revenaient en tête, il était à l'orphelinat à cette époque. La plupart des enfants ont pu sortir ce soir là d'hiver, aller au parc pour profiter de ce jour où il a put neiger. Les gens qui s'occupaient d'eux étaient venus aussi, et tout le monde s'amusaient à faire des batailles de boules de neige, à faire des bonhommes de neige aussi, à manger les flocons qui tombaient. Il se souvient, un des adultes l'avait mis à part et lui avait dis: « Toi, tu n'as pas le droit de jouer avec les autres. Reste là, et n'ose pas bouger. Sinon tu sais ce qui se passera. ». Alors Atsushi était resté assis sur un banc à moitié recouvert de flocons blancs, regardant les autres s'amuser. L'homme qui lui avait dit ça été resté là à le surveiller. Atsushi mourrait de froid, pétrifier dans sa position, il était si petit encore. Ses vêtements étaient si fins. Ses mains étaient bleus, il n'arrivait pas à les réchauffer. Il se souvient, en levant les yeux, il avait vu un des orphelins se faire mordre par le froid lui aussi, et un des adultes étaient arrivés jusqu'à lui, et s'était agenouillé.
Il lui avait sourit, jamais aucun adulte ne lui avait sourit, et il avait prit ses deux mains dans les siennes et avait soufflé dessus. Ça devait tellement lui faire du bien, car le petit avait sourit lui aussi et il avait l'air d'aller mieux. Cette affection que l'adulte lui avait apporté, Atsushi ne l'avait pas compris, et il s'était demandé, pourquoi l'adulte assis avec lui sur le banc ne le faisait pas lui aussi, pourquoi il faisait comme s'il n'existait pas, pourquoi il le laissait mourir dans le froid sans s'en occuper. Il se demandait à chaque fois ce qui faisait de lui quelqu'un de différent de ce petit garçon. Pendant longtemps, Atsushi l'avait jalousé, ce garçon. Car contrairement à lui, lui et sa tête d'ange, personne n'est jamais venu lui apporter de l'aide quand il avait froid.
Jamais personne.
Quand Dazai rouvrit les yeux, il fut surpris de voir les larmes qui coulaient sur les joues de Atsushi. Il fronçait les sourcils, resserrant son emprise sur ses doigts crispés.
- Atsushi ?
Soudain, le plus petit clignait des yeux, et semblait sortir de ses rêveries, relevant ses yeux mouillés vers lui. Il croisait ses yeux bruns, et il semblait ne pas comprendre pendant un instant ce qui se passait. Puis il sentit l'humidité s'étaler sur ses joues et il réalisait.
- Oh, euh, pardon.. Je sais pas pourquoi...
Il retirait une de ses mains de celles de Dazai, et vint essayer son visage, cachant du mieux qu'il pouvait cette mélancolie qui siégeait au fond de ses yeux. Pourvu qu'il ne pose de questions, se dit-il en reniflant. Dazai le regardait longuement, le visage impassible, son regard le scrutant intensément comme pour essayer de lire en lui. Il finit par soupirer doucement.
- Droite ou gauche ?
Atsushi relevait les yeux vers lui, lui lançant un regard inquisiteur à cette question pour le moins inattendue.
-... Quoi ?
- Choisis.
- Euh.. droite ?
- Très bien.
Soudain, il lui prit la main droite, et quand il plongeait la sienne dans sa poche de manteau, il emmenait la sienne avec lui. C'était encore plus chaud là dedans.
- Allons-y.
Il reprit la marche, et Atsushi eut du mal à comprendre pendant un instant, traînant le pas derrière lui alors que sa main était enfourné dans le vêtement de son ami. Il finit par accélérer jusqu'à arriver à ses cotés, baissant la tête vers le sol pour ne pas croiser son regard. Il sentait toute sa figure, jusqu'à présente froide elle aussi, se réchauffer si fort qu'il était si était certain que sa tête entière fumait. Pourquoi une telle impression désormais ? Il pouvait sentir la main de Dazai serrer la sienne dans sa poche encore si fort, et en le réalisant, un fin sourire se dessinait sur ses lèvres, s'agrandissant doucement en sentant sa poitrine se contracter.
Ils marchèrent encore une dizaine de minutes, les pieds plongeant littéralement dans la neige quand ils arrivèrent au chalet. Atsushi eut ce sentiment étrange qui ressemblait fortement à de la déception quand Dazai avait finit par lâcher sa main pour ouvrir la porte de la cabine. L'intérieur était dans un état plutôt pitoyable, il n'y avait presque rien, il y avait des feuilles mortes séchées sur le parquet, de la neige fondue aussi, le vent soufflait et faisait craquer le plafond, les murs, tout. Atsushi croisait ses bras, se les frottant, et s'avançait dans le chalet en levant les yeux vers le plafond, observant chaque recoin de la cabane avec un air indifférent. Dazai était surpris de le voir aussi neutre, mais après réflexion, il avait du se réfugier dans des endroits mille fois pire que celui-ci lorsqu'il était hors de son orphelinat. En fait, ce vieux chalet miteux, c'était carrément suffisant pour lui.
- Alors, finit par dire le Tigre-Garou, Par où est-ce qu'on commence ?
- Par faire une bonne pause, répondit le brun en fermant la porte derrière eux, C'était un long voyage, et je crois qu'on a besoin de se réchauffer. On pourra commencer plus tard.
Atsushi acquiesçait, hochant la tête, puis écrasait avec le talon de sa botte une feuille moisie.
- Où est-ce qu'on va dormir ? Et Comment on va faire pour la nourriture ?
- On dormira par terre. Et tu pourras me manger si tu veux, en voilà une mort utile..
- Idiot.
Pendant un instant, un flash lui revint en mémoire. Celui de la discussion qu'il avait eut ce soir là, quand ils étaient allé mangé dans ce petit restaurant de ramens. Alors son sourire amusé disparut un instant, et il se raclait la gorge en regardant autre part.
- Je dois avoir quelque chose..., reprit alors Dazai en fouillant dans ses poches
Puis, il finit par sortir un morceau de pain rassi et quelque chose qui semblait être un bout d'emmental. Atsushi poussait un hoquet de dégoût, puis se dirigeait vers la cheminée éteinte au fond de la pièce.
- Je crois qu'on devrait aller s'approvisionner demain matin. Il commence à faire nuit dehors, et on devrait se reposer pour le moment.
- Mmh. Bonne idée.
La cheminée avait l'air de bon état, il pouvait y allumer un bon feu. Il y avait juste devant un vieux canapé, et sur les cotés quelques meubles en bois. Tandis qu'Atsushi essayait d'allumer le feu, Dazai se chargeait de trouver des couettes dans les placards, dégageant du pied tout ce qui gênait son passage. Il lançait un rapide regard à travers la vitre de la fenêtre, voyant déjà le ciel s'alourdir de sombres couleurs, puis ouvrit enfin le placard qui se trouvait face à lui. Soudain, toutes les couvertures qui se trouvaient à l'intérieur l'écrasaient et il n'eut le temps de pousser un cri de secours qu'il fut complètement enseveli. Atsushi rappliquait aussitôt à ce vacarme, et en voyant le bout de ses pieds dépasser des draps, il ne put s'empêcher de rire aux éclats, se tenant les côtes en ne s'arrêtant plus de pouffant, Dazai complètement mort en dessous de tout ça.
.
21h04.
La nuit était noire à l'extérieur, la neige continuait de tomber. La fumée de la cheminée s'étalait un peu dans l'espace, ainsi que la chaleur mordante du feu. Il n'y avait aucun bruit, seul le crépitement du bois se faisait entendre, tout était silencieux, c'était si agréable à un moment pareil. Atsushi avait une couverture par dessus ses épaules, à genoux, les mains devant le feu sans gants. Ça faisait un bout de temps qu'il n'avait pas savouré un bon feu de cheminée, ça faisait tellement de bien. Dazai était assis à un mètre de lui, sur le fauteuil en tissu qui traînait à coté. Il avait son livre ouvert devant son nez, les jambes croisés, et pendant un instant, il levait les yeux de sa page pour observer son subordonné. La lueur des flammes se reflétait dans la moitié inférieure de ses yeux, et la lumière orange révélait sur ses bras toutes les cicatrices et les bleues qu'il avait accumulé depuis sa venue à l'Agence.
Non, sûrement depuis qu'il vivait seul dans le monde de dehors. Le feu révélait aussi toutes les imperfections de son visage, ses rougeurs, ses lèvres légèrement gercées, les cernes fatigués sous ses yeux. Les ombres que créaient la chaleur du feu qui dansait devant lui le rendait à la fois horrible et à la fois magnifique. Dazai aimait ce qu'il voyait devant lui. Atsushi était complètement hypnotisé devant cette danse endiablé, il se sentait à l'abri, en sécurité, il se sentait comme s'il pouvait tout faire. Il sourit.
- Dazai.
Il l'avait dit presque dans un soupir, c'était si fluide, délicat. Dazai gardait son regard bloqué sur lui, n'osant presque pas bouger à l'appel de son nom, tandis que Atsushi gardait ses yeux sur les flammes.
- Je suis content que l'on travaille sur cette affaire ensemble, finit-il par dire
À ces mots, Dazai affichait à son tour un sourire, tournant la page de son livre en soupirant.
- Oui. Moi aussi.
- En fait, j'ai eu peur que tu m'en veuilles pour l'autre fois. Je suis plutôt rassuré que ce ne soit pas le cas.
Le brun fut surpris, ne s'attendant pas à ce qu'il venait de dire, comprenant facilement de quoi il parlait. Il ne répondit rien à cela.
- Je n'ai pas compris pourquoi tu étais partis, et je ne comprends toujours pas. En fait, j'ai compris à la place que je ne savais pas grand chose de toi. Enfin, du grand détective Dazai Osamu. Je ne sais pas quelles sont tes intentions, j'ignore complètement qui tu as pu être dans le passé. Est-ce que tu as de la famille ? Est-ce que tu as toujours travaillé avec des armes ? Depuis combien de temps tu sais que tu as des pouvoirs ?
Il prit une pause, la lueur dans ses yeux changeant. C'était devenu quelque chose de différent.
- Pourquoi est-ce que tu as décidé de me sauver ? Dit-il plus bas
Dazai continuait de le dévisager, gardant le silence, se posant à son tour plusieurs questions dans sa tête. Mais il ne dit toujours rien, tentant de rester neutre pour ne pas laisser apparaître ses émotions à travers ses traits. Soudain, Atsushi quittait du regard la danse frénétique du feu, et le portait sur son ami. En croisant son regard intense, ses iris mélangeant jaune et pourpre illuminés par les flammes, Dazai sentit une tâche froide s'étaler de sa nuque jusqu'en bas de sa colonne vertébrale. C'était étrange, bizarre, pourquoi est-ce que cela lui arrivait soudain ? Atsushi le regardait longuement, puis avec hésitation, reprit la parole.
- J'ai appris que tu travaillais pour la Mafia Portuaire, à l'époque.
Un autre abominable frisson. Merde.
- Je ne sais pas vraiment si c'est aussi vieux que ça... Tu es à peine plus âgé que moi, alors peut-être pas. Akutagawa devait être jeune aussi, je supp-
- C'était il y a quatre ans, dit soudain Dazai en levant la voix, J'étais un chef exécutif à l'époque.
- Et Akutagawa...
- Il était mon subordonné.
Atsushi baissait un instant les yeux vers le sol, se mordant la lèvre inférieure. Il ne s'attendait pas à une telle honnêtement de sa part, mais peu importe, les faits étaient bien là. Il gardait un instant le silence, sa voix bloquée au fond de sa gorge. Mince, il le savait pourtant. Pourquoi ce sentiment là, enfoui au fond de sa poitrine, si douloureux revenait encore une fois à la surface ?
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Demandait timidement Atsushi en gardant les yeux détournés
Dazai sentit le poids du passé retentir dans sa tête.
- J'ai perdu un ami, répondit-il, Cet ami m'a dit que je devais consacrer ma vie pour celle des autres. Puis j'ai quitté la Mafia Portuaire. Je n'ai laissé aucune trace.
- Alors... alors ça veut dire que tu as abandonné Akutagawa.
- Oui. Je n'ai pas eu le choix.
Atsushi sentit un hoquet lui prendre la gorge. Il regardait Dazai un instant, puis baissait à nouveau les yeux, tournant la tête vers le feu comme s'il était soudain touché par ce qu'il venait de dire. Il se forçait à regarder face à lui, ne voulait pas le décrocher du feu, ne voulait pas affronter le regard de Dazai. En aucun cas il ne voulait l'affronter. Alors quoi, c'était tout ? Il a quitté la Mafia, et il a tout simplement laissé son subordonné derrière ? Il y a quatre ans, Akutagawa devait être si jeune, plus jeune que Atsushi en ce moment même. Soudain, tout ce en quoi il croyait semblait devenir trouble, flou, lui qui avait espéré qu'au moins il aurait une quelconque raison.
« Il t'abandonnera, toi aussi. »
Il avait dit qu'il avait quitté la Mafia pour aider les autres. Alors quoi, il avait eu pitié de lui à ce moment là ? Quand il était paumé, seul, ignorant de son pouvoir, au moment où l'Agence était prête à l'envoyer on-ne-sait-où puisqu'il était le Tigre qu'elle cherchait. Alors si c'était ça, est-ce que cela voulait dire qu'il ne valait pas plus que quelqu'un d'autre ? Cela voulait-il dire qu'il ne valait pas plus que n'importe quelle vie qu'il ait pu sauvé ? Qu'il était au même stade que Akutagawa ? Toutes ces questions lui envahissaient l'esprit, et pourtant, une seule réussit à parvenir à voix haute.
- Si un jour tu venais à quitter l'Agence de Détectives, est-ce que tu m'abandonneras aussi ?
Il n'avait pas voulu laisser transparaître la douleur dans cette phrase. Pourtant, le tremblement dans sa voix le trahissait. Ce tremblement là, faible et fragile, atteint immédiatement les oreilles du plus vieux qui analysait la question qu'il venait de lui poser. Cette question là, il ne l'avait pas vu venir, et il s'était sentit vulnérable quand elle fut posée. Il gardait le silence un instant, fixant longuement Atsushi en se rendant compte facilement que cela le tracassait, pire que ça, le tourmentait. Mais jamais, au grand jamais Dazai ne voulait se sentir blessé, ou bien faible.
- Si je devais quitter l'Agence, commençait-il la voix cru, Alors oui.
Soudain, naufrage.
Son cœur semblait sombrer profond, bien profond, Atsushi eut envie de vomir en entendant ce « oui » qu'il redoutait. Pourtant, il était bien sortit de sa bouche, il le pensait bien. Il fermait les yeux, serrant les poings si fort que que ses jointures blanchirent, sa respiration devenant irrégulière, coupée. Cette douleur au fond de lui qu'il ressentait parfois devint si forte qu'elle faillit l'étrangler. C'était si fort, que c'en était presque insupportable. Atsushi a toujours détesté les adultes. Les adultes ont toujours été égoïstes, odieux, méchants. Ils ont toujours été cruels, ils lui ont toujours fait du mal. Même ses propres parents l'ont abandonné, son orphelinat aussi l'a lui-même abandonné.
De ses dix-huit longues années, Dazai a été le seul à prendre soin de lui, à s'en occuper, à lui apporter de l'affection. Dazai a été le seul à lui dire qu'il était comme tout le monde, qu'il n'était pas différent, qu'il n'était pas seul au monde. Dazai est le seul à le faire se sentir spécial, à le faire se sentir important. Dazai est le seul à jamais le faire se sentir aimé. Dazai était la seule et unique personne à être venu pour lui.
Lui aussi était prêt à l'abandonner s'il le fallait.
« Si un jour il devait partir, il te laissera. Il t'abandonnera, toi aussi. »
En observant sa réaction, ses yeux clos, sa mâchoire tremblante, le brun se sentit presque coupable de sa réponse. Mais la réaction de Atsushi était intéressante, même intriguante. Il le regardait, puis fermait son livre, sentant cette envie, non ce devoir de rajouter quelque chose lui émincer la gorge.
- Mais tu sais, continuait-il avec un sourire rassurant sur le coin des lèvres, Je n'ai aucune intention de quitter-
- Je...
Soudain, il s'arrêtait à ce murmure étranglé.
- Je suis fatigué. Je vais aller me coucher.
Dazai parut surprit. Si surprit, qu'il en perdit son sourire, et ses mots. Atsushi resserrait la couverture qui entourait ses épaules et se levait, son regard évitant celui de son aîné.
- … D'accord, balbutia Dazai
Il ne s'était pas tourné vers lui, il était sortit de la pièce principale pour aller dans celle d'à coté, loin du regard du brun. Dazai l'avait regardé partir jusqu'au bout, gardant le regard dans le vide après son départ. Atsushi, une fois seule, balançait la couette qui l'entourait à terre, et s'assit dans un des quatre coins de la pièce, ramenant ses jambes contre son torse. Il les serrait fort comme si il essayait d'étouffer cette douleur qui lui prenait les tripes, et il plongeait sa tête dans ses bras. Les mots d'Akutagawa, tout ce qu'il lui avait dit ce jour où ils s'étaient affrontés, tout était vrai. Il avait tellement espéré que tout ça ne soit que des suppositions, les paroles d'un homme qui ne souhaitait que se venger. Pourtant, tout ça, il l'avait pensé, il le savait que ça arriverait. Atsushi relevait la tête, essayant de retenir du mieux qu'il le pouvait ses larmes, et il regardait ses deux mains, se souvenant avec mélancolie la chaleur de celles de Dazai.
Merde, ça faisait si mal. Pourquoi ça faisait si mal ? Pourquoi devait-il subir tout ça ?
.
1h43.
Atsushi s'était endormi sur le parquet, son visage semblait étrangement apaisé. Le froid passait à travers les murs en bois, même la cheminée dans l'autre pièce ne suffisait pas à réchauffer tout le chalet. La nuit était si sombre à l'extérieure qu'en jetant un regard à travers la vitre d'une des fenêtres, Dazai ne voyait rien d'autre que son reflet dans un miroir noir. Il avait passé une partie de la nuit à s'occuper du feu, assis devant comme l'avait fait Atsushi avant qu'il ne s'en aille. Pendant plusieurs heures, il n'avait cessé de réfléchir, repenser à tout ce qu'il s'était passé. Il repensait aux mots de Atsushi, puis à ses étranges réactions. Étranges ? Non. Dazai était intelligent, il arrivait à lire dans les esprits des gens, et ce n'était qu'après son départ qu'il avait tout décelé.
Il était évident qu'il était important pour Atsushi, il était évident qu'il espérait une autre réponse de sa part, il était évident qu'il était déçu de lui et que toutes ces questions qu'il s'était posé sur lui l'avait longtemps tourmenté. Il le savait si bien car il se souvenait parfaitement, mot pour mot, de tout ce qu'il lui avait dit dans la ferme le soir même de leur rencontre. Il lui avait raconté à quel point il avait peur, et à quel point aussi c'était douloureux de n'avoir personne, d'être expulsé de son seul habitat. C'était principalement à cause de ça qu'il l'avait touché et qu'il avait décidé de le prendre avec lui dans l'Agence. Pas parce qu'il lui avait fait pitié, mais parce qu'il avait décelé son potentiel, et voulait lui venir en aide. Venir en aide aux autres, c'était ce que Oda voulait.
« Protège les orphelins. »
C'était ce qu'il avait fait.
Et puis, Atsushi était différent. Spécial. Il était puissant, extrêmement puissant, mais aussi solitaire, et naïve.
Dazai a quitté la Mafia Portuaire sans se retourner. En fait, il essayait de l'oublier, de la fuir, de faire en sorte que jamais son passé ne le rattrape. Aujourd'hui, il voulait être différent de ce qu'il était avant, il ne voulait plus être froid comme il l'était, il voulait avancer et faire face à ce qui l'attendait sans retourner en arrière. Il n'aimait pas se lamenter. On lui avait dit un jour, que si il sombrait dans la lamentation, la vie ne serait qu'un cauchemar sans fin.
Atsushi vivait sûrement dans un interminable cauchemar, alors.
Dazai finit par se lever, et il poussait un long gémissement, faisant craquer son dos alors que son corps entier s'était habitué à la chaleur approximatif du feu. Il se passait une main dans ses cheveux, et il se tournait, se dirigeant vers la pièce d'à coté. Son regard s'adoucit en apercevant Atsushi au sol, restant un instant bloqué dans l'angle de la porte, puis il s'avançait jusqu'à se trouver face à lui. Il s'agenouillait, et osait même s'asseoir pour mieux le contempler. Il avait l'air détendu, serein, en paix avec lui-même. Le sommeil était peut-être le seul moment où Atsushi pouvait vraiment et pleinement se reposer sans réfléchir sans arrêt. C'était peut-être ça son problème, il réfléchissait trop. Dazai regardait chaque détail de son visage endormi, observait ce rare moment où il était détendu et apaisé, un léger sourire se dessinant sur le coin de ses lèvres. Il avait l'air fragile, le brun avait une étrange envie de rester là pour toujours, prendre soin de lui pendant son sommeil pour que personne n'ose lui faire du mal.
Il prit la couverture qui était en boule sur le coté, et avec attention, la déposait sur Atsushi quand il s'était aperçu qu'il tremblait. Il faisait plus froid dans cette pièce, certes. Il le bordait sagement, un peu comme un parent. Non. Un grand frère ? Encore pire. Il ne savait pas en vérité, il ne voulait pas qu'il le considère comme un père, comme un frère, comme un sauveur. Il ne savait pas ce qu'il voulait exactement. Peut-être que lui aussi, il réfléchissait trop en fin de compte. Une fois qu'il avait mis la couverture jusqu'à ses épaules, Dazai levait une de ses mains, et écartait sa longue mèche de son visage dans un geste doux, comme s'il avait peur de le réveiller. Il continuait pendant un instant de jouer avec les mèches de ses cheveux qui comblaient son visage, sentant au fur et à mesure de ses mouvements ses mains trembler et sa poitrine se serrer.
- Je ne pense pas être capable de t'abandonner, Atsushi.
.
Atsushi avait mit beaucoup de temps avant d'être complètement éveillé, ses yeux papillonnant plusieurs fois. Il avait eu du mal à comprendre où il était, son corps engourdi et quand il s'était mis assis, il avait vu la lumière du jour engloutir tout le chalet, et tout lui était soudain revenu en mémoire. Il se sentait mieux, détendu, et quand il a croisé Dazai dans le salon, il l'avait simplement salué comme d'habitude, un sourire sur les lèvres. Le plus vieux l'avait accueilli comme d'ordinaire, balançant même une vanne sur ses cheveux en bataille sur sa tête, comme si leur conversation n'avait jamais eu lieu. Peut-être que ça allait se passer comme ça à chaque fois, allez savoir. En fait, Atsushi allait mieux, et il ne voulait pas se souvenir de ses mots pour la simple et bonne raison qu'il ne voulait pas lui en vouloir, et qu'il voulait penser à autre chose. La nuit avait calmé ces sensations qui s'étaient accumulés dans sa tête et son esprit, et la nuit lui avait portée conseil. Il était mené à une conclusion en se réveillant ce matin:
Peu importe où Dazai irait, ce qu'il ferait, peu importe ses décisions et ses choix, Atsushi sera toujours là pour lui.
Pour rien au monde il ne le trahirait. Même s'il venait à l'abandonner, il ne le laisserait pas. Ainsi était sa conviction.
Son ventre criait famine, il faisait encore plus froid aujourd'hui, et il n'avait toujours pas commencé leur enquête sur ces fameuses silhouettes. Alors qu'il se tenait les côtes, Dazai riait et il proposait alors de regagner la gare, histoire d'aller à la ville et de faire -enfin- des provisions, et de s'acheter de quoi tenir chaud. Atsushi acquiesçait, et sans perdre du temps, ils étaient déjà partis du chalet pour parcourir une nouvelle fois le chemin menant à la gare. Contrairement à l'allée, Atsushi ne tenait pas la main de Dazai, les gardant en boule contre sa poitrine en n'osant demander quoique ce soit. Peut-être était-ce mieux ainsi. Le voyage fut moins long que lorsqu'ils étaient arrivé, et quand ils descendirent, Atsushi fut soulagé de ne pas voir une immense foule autour de lui. La neige recouvrait les toits des boutiques, la rue principale du centre-ville, les personnes qui étaient là étaient chaudement habillés. Atsushi avait l'impression que Noël était proche, alors qu'ils étaient en plein novembre, mais il aimait malgré tout cette ambiance qui trônait les lieux.
Malgré le fait qu'il était en train de mourir de froid, il affichait un grand sourire rêveur en observant chaque boutique autour de lui, tournant la tête à droite, puis à gauche. Dazai le regardait avec amusement, prenant une inspiration.
- Par quoi tu veux qu'on commence ? Nourriture, vêtements ?
- Je risque de mourir prochainement si je n'ai pas rapidement un manteau sur moi, répondit Atsushi avec sarcasme
- Très bien. Mais oublie pas que c'est moi qui paye, alors ne prend pas trop cher.
Atsushi hochait la tête et balançait un « promis » en l'air. Dazai sourit lui aussi. D'abord, ils étaient partis faire un tour du centre-ville, admirant chaque boutique, chaque recoin du village, puis Atsushi pointait du doigt un magasin qui était perdu au milieu de tout ça, et sous sa demande, ils finirent à l'intérieur. La boutique était assez grande, il y avait des portes manteaux un peu partout, c'était assez mal organisé, mais à quoi bon, il y avait tout plein de modèles différents, des manteaux, des bonnets, des gants, toutes ces fournitures là. Dazai regardait le comptoir où il y avait le vendeur qui dormait à moitié sur sa chaise en bois, puis regardait les néons en l'air. Les hauts-parleurs diffusaient le jingle du magasin en boucle, parfois interrompu par une femme qui disait des choses incompréhensibles puis il fut remit. Il y avait des enfants qui courraient aussi, parfois rappelés à l'ordre par leurs parents, criant silencieusement leurs noms en leur faisant des signes. Dazai était amusé face à ce spectacle là, il en voyait rarement dans le quartier où il vivait, ça semblait si provincial.
Pendant que son regard vagabondait sur les différents clients, les différents coins de la boutique, Dazai réalisait soudain qu'il venait de perdre Atsushi dans les rayons. Il se mit à sa recherche, le bout de ses doigts effleurant chaque manteau quand il passait dans les rayons, puis il le trouva enfin, fouillant dans les débarras. Dazai le regardait avec un œil intrigué, les mains dans ses poches de manteau, puis Atsushi finit par trouver son bonheur, sortant la tête des vêtements entassés en suspendant devant ses yeux un manteau. Il le regardait avec un sourire de haut en bas, puis sans plus attendre, il se tournait vers un miroir et l'enfilait. C'était un manteau d'hiver plutôt basique, gris, de la fourrure blanche à l'intérieur et sur la capuche, les boutons noirs n'étaient pas énormes, ce qui le rendait d'autant plus classique. En se regardant, Atsushi sourit, puis il fermait les yeux en plongeant son visage dans la fourrure qui dépassait du col.
- C'est chaud, murmurait-il, Ça fait du bien.
Dazai sourit. Cette couleur, ce modèle, ça allait bien sur lui. Vraiment bien. Atsushi était si mignon à se frotter contre la chaleur de sa fourrure, et Dazai jugerait l'avoir entendu ronronner. Oui, il ronronnait bien ! Alors le brun plaquait ses mains contre son visage, sa bouche formant un « o » parfait et des étoiles apparaissant au fond de ses yeux.
- Oooh, mais c'est trop mignon ! S'exclamait-il
À ces mots, Atsushi sortait de ses rêveries et relevait des yeux surpris vers Dazai, balançant un « hein ? » en l'air avec un sourcil haussé. Il l'entendait encore pousser quelques gémissements puis il s'approchait de lui, se penchant.
- Mi-Mignon ?! Dit Atsushi l'air outré
- Oui, un vrai chaton.
- J-Je ne suis pas un chat ! S'énervait-il
- Oui, bon, tu es plutôt un gros chat..
- Un gros chat qui peut t'arracher la tête si l'envie l'en prend.
- Mais je l'arrêterai avec mon pouvoir si cela devait arriver, répondit Dazai avec fierté
- Si c'était un vrai tigre qui t'attaquait ton pouvoir n'y ferai absolument rien !
- Oui, mais je suis pas assez fou pour m'approcher d'un vrai tigre.
- E-Eh ?! Poussait Atsushi en commençant à perdre la tête, Q-Qu'est-ce que tout ça veut dire ?
- Ça veut dire que...
Dazai se penchait, et plaquait son index contre son torse, le regardant avec un rictus espiègle au coin des lèvres. Il était près, très près, au point que Atsushi dû reculer sa tête en arrière de quelques centimètres en scellant sa bouche si fort qu'il eut mal à la mâchoire.
- Que tu es le seul gros chat que je peux approcher, Atsushi-kun.
Cette phrase eut pour effet de faire accélérer le rythme cardiaque du Tigre-Garou. C'était si rapide, merde, il sentit une nouvelle fois sa figure se réchauffer à l'en brûler. Oui, il le savait, sa tête devait avoir la même couleur qu'une pivoine. En le réalisant, et sentant toujours le souffle chaud de Dazai recouvrir son visage, il détournait avec gêne le regard, et plaquait le dos d'une de ses mains tremblantes contre sa bouche.
- C'est ridicule, balançait-il
Dazai sourit avec amusement face à cette réaction, puis il se redressait, lâchant un long soupir.
- Bien, dit-il en balançant une main en l'air, Si ce manteau te va, alors prenons le.
Atsushi semblait encore un instant perdu sous les effets de ses sentiments, puis il hochait la tête, acquiesçant en tentant de reprendre ses esprits. C'est en allant payer que Dazai se mit soudain à sourire. Cette réaction là, c'était celle qu'il attendait, et qu'il avait tenté d'appâter. Cette réaction, c'était quelque chose qu'il n'avait jamais vu auparavant, et qui était intéressante à étudier, à analyser, s'il le fallait il l'attiserait autant que possible pour essayer de la comprendre. Pourquoi Atsushi réagissait comme ça lorsqu'il se comportait de la sorte avec lui ? Il l'avait déjà vu, cette rougeur sur ses joues et ses yeux qui se détournaient quand il lui avait serré les mains le jour précédent. Mmhf. Intriguant.
Lorsque l'article fut payé, ils sortirent tous les deux du magasin, Atsushi rentrant ses épaules et sa tête dans son nouveau manteau lorsque le froid atteint une nouvelle fois son corps. Ils marchèrent un instant. La neige ne semblait plus tellement déranger le plus petit, les mains fourrées dans ses poches, et Dazai lui dit alors de rester là à attendre tandis qu'il allait chercher de quoi manger dans une sorte de mini-market au bout de la rue. Il allait alors s'asseoir sur un banc, soupirant longuement en regardant sa buée disparaître dans l'air, puis regardant le ciel gris qui laissait tomber la neige. Son regard semblait se perdre dans cette immensité, ignorant combien de temps il était resté là à l'observer. Il était bien en fait, à l'aise.
« Un jour, il est partit de la Mafia Portuaire, et il m'a laissé derrière sans même revenir vers moi. Tu crois que parce qu'il a été gentil avec toi en faisant de toi son subordonné, il en a vraiment à foutre de ta misérable existence ? »
Peu importe, pensait-il, peu importe si il se moque de mon sort. Je pourrais faire n'importe quoi pour lui, tout ça parce qu'il s'est occupé de moi. Il a été pour moi cet adulte qui a réchauffé les mains de ce garçon lorsqu'il faisait froid.
Il aperçut un flocon s'approcher un peu trop près et il louchait quand il se déposait sur le bout de son nez. Il frissonnait, grimaçait, frottant son visage avec sa manche quand un frisson parcourait son corps.
- J'espère que ça ira.
Atsushi poussait un hoquet de surprise, puis se retournait soudainement. Mais sa peur disparut, et un sourire soulagé apparut sur ses lèvres quand il vit que c'était en fait Dazai derrière le banc. Il le taquinait un instant, puis il lui montrait les sacs en plastique qu'il avait accumulé sur ses bras avec beaucoup trop de fierté, et Atsushi poussait plusieurs hurlements quand il s'aperçut qu'il n'avait fait que acheter des choses hasardeuses et immangeables ensemble. Mais Dieu merci, il y avait de quoi se faire des sandwichs, au moins.
