La jeune fille courait, bousculant les personnes qui se trouvaient sur son chemin. Elle renversa un homme et trébucha mais elle se rattrapa.
« Désolé ! cria-t-elle à l'homme. »
Elle portait une chemise blanche, un pantalon en cuir et des bottes. Une épée était accrochée dans son dos à l'aide d'une sangle. Ses cheveux étaient bruns, longs et ondulés, ils étaient reliés en queue de cheval basse à l'aide d'un ruban noire. La jeune fille regarda par-dessus son épaule. Deux hommes la poursuivaient, d'assez grosses corpulences, tous deux avaient le crâne dégarnie et portaient des tabliers en cuir.
« Reviens ici ! Sale voleuse ! »
La jeune fille sourit et sauta sur une caisse et s'accrocha à une brique d'une grande maison. Puis, avec une agilité impressionnante, elle sauta et attrapa une autre brique. Ensuite, tout en s'accrochant au mur, elle escalada la maison et se retrouva sur le toit. Elle reprit son souffle pendant quelques minutes puis s'approcha du bord. Les deux hommes la regardaient, ils avaient l'air très en colère.
« Hé bien messieurs, avez-vous peur de monter? Nargua la jeune fille.
-Si on te retrouve on va te faire la peau !
-Ou le Seigneur de la Tourelle le fera à notre place !
-Faudrait déjà qu'il vous croit ! »
Les deux hommes grimacèrent.
« Tu devrais arrêter de jouer à ça avec nous !
-Je fais ce que je veux, non ?! Je suis libre, après tout ! »
Dans un sourire, elle courra sur les toits et monta sur une cheminée. Le vent soufflait et agitait ses cheveux. Soudain, le clocher sonna, indiquant cinq heure de d'après-midi et l'heure de rentrer au manoir. La jeune fille pencha la tête pour voir s'il y avait une toile d'échoppe au-dessous d'elle. Oui. Il y en avait une. Elle ouvrit ses bras, mit tout son corps en avant et plongea dans le vide. Elle atterrit sur la toile qui tangua et elle effectua un saut pour atterrir sur le sol avant de courir vers une ruelle.
La jeune fille se tenait devant une grande et belle maison, avec de hauts grillages et de magnifiques jardins. Deux gardes barraient l'entrée principale, ils portaient leurs uniformes habituels, un ensemble gris et blanc et armé de grands fusils et d'épée. Dans un soupir, elle se dirigea vers eux. Un des gardes la reconnut alors qu'elle approchait.
« Mademoiselle ?! Mais que faîtes-vous ici à cette heure ?!
-Rien.
-Monsieur pensait que vous étiez au Temple !
-C'est un secret entre nous trois, d'accord ? dit-elle en continuant de marcher et en leurs faisant un clin d'œil. »
Ils hochèrent tous deux la tête. La jeune fille salua au passage plusieurs serviteurs et nobles. Soudain, un homme la remarqua et l'appela :
« Mademoiselle !
-Quoi encore, murmurât-elle. »
Elle se retourna, agacée. Un grand homme, blond aux yeux bleus s'approcha d'elle. Il portait une redingote verte, un gilet blanc, une culotte verte également et de petites chaussures marron.
« Comment se fait-il que vous reveniez à cette heure du Temple ?
-Je… suis restée un peu…
-A moins que vous ayez passé la journée à voler et à vous faire poursuivre par ces bons à rien ?
-Ils sont excellent en course.
-Une personne de votre rang ne devrait pas passer le temps avec… ces personnes.
-Ce sont des hommes ! Ce n'est pas comme si ils étaient des Wraiths ! »
L'homme grimaça. Pourquoi elle s'obstinait à courir dans les rues alors qu'elle devait se préparer à être une femme ?! Ça n'avait aucun sens !
« Monsieur vous attends dans la bibliothèque.
-J'y vais… »
Au moment où elle allait franchir le palier de la maison, l'homme l'interpella une dernière fois.
« Mademoiselle ! Vos armes. »
Dans un râle d'agacement, elle enleva la sangle et prit l'épée dans sa main droite. Elle monta les escaliers de marbre, tout en regardant les tapisseries symbolisant le combat des Dieux contre les Wraiths. Elles étaient toutes magnifiques. Depuis maintenant trois ans, les Wraiths étaient sortis de leurs sommeils et avaient attaqués plusieurs la planète. Une fois, ils avaient ravagé la côte est du royaume et avaient quasiment pris tous les habitants de cette région.
Le Roi avait décrété que les hommes devaient obligatoirement se munir en armes et savoir les manier, au cas où les Wraiths lanceraient une attaque. Les Wraiths… Elle les détestait plus que tout ! Ils n'avaient aucun sens de l'honneur, de la compassion et de l'amour ! Un jour, si elle en trouverait un, elle le tuerait sans hésiter. Ces perfides créatures tuent sans cesse pour assouvir une faim qui n'est jamais satisfaite ! Peut-être qu'elle était une femme, et qu'elle devait se préparer à enfanter avec un mari de bonne famille mais elle voulait plus que tout tuer ces créatures !
La jeune fille ouvrit une porte et déposa son arme sur une chaise. Un homme, qui devait avoir cinquante ou soixante ans, se tenait devant la fenêtre, contemplant les rues. Il était richement habillé. Alors que la jeune fille allait ouvrit la bouche pour parler, l'homme l'a coupa.
« Je t'avais pourtant ordonné d'arrêter de faire tes acrobaties et tes idioties, Naomie. C'est très dangereux de faire ça dans la rue.
-Je… commençât-elle.
-Imagine si un de ces hommes t'aurait tué ou violé ?! Qu'aurais-tu fait si tu porterais un enfant de ces… animaux ?
-Ce sont des hommes ! Ils sont comme nous !
-Tu devrais arrêter de penser cela ! La philosophie n'est pas une matière enseignée aux femmes ! »
Les poings de Naomie se serrèrent. L'homme se retourna, le visage décomposé par la colère. Puis, il la toisa de haut en bas. La tenue qu'elle portait n'était pas appropriée aux femmes !
« Et arrête de porter ces tenues ! On dirait un homme !
-Donc, pour vous, père, les femmes seront toujours soumises à l'homme comme certains humains sont soumis aux Wraiths ?!
-Es-tu en train de comparer les males de notre espèce à des Wraiths ? demanda-t-il, les yeux ronds.
-Oui. Je le dit et pense parce que c'est la vérité. J'ai bien plus de qualités que vous, père.
-Ah bon, et lesquelles ?
-Je suis beaucoup plus agile et rapide que vous. Je peux escalader des murs d'une tour, je peux rester longtemps sur une gargouille d'une maison ou d'une église... »
Elle se tût devant son père, qui commençait à être ivre de rage.
« J'ai organisé un bal, commença doucement l'homme, ou des jeunes nobles sont conviés ainsi que leurs familles.
-Et quand aura lieu ce bal ?
-Dans deux jours. Alors, maintenant, arrête de te comporter comme si tu étais un homme. Tu dois te préparer à te marier…
-QUOI ?! »
Naomie fusilla son père du regard.
« Je n'ai pas envie de me marier !
-Tu te marieras avec celui qui proposera une grosse dote.
-Arrêtez de prendre des décisions pour moi !
-Et demain, tu iras au Temple, voir la Grande Prêtresse pour qu'elle t'enseigne ton rôle au sein d'une famille…
-Taisez-vous ! Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous ! Vous n'êtes pas mon père ! »
La remarque de Naomie blessa l'homme au plus profond de son cœur. Il l'avait recueilli quand elle avait cinq ans, lui n'avait pas eu de descendance et elle avait perdu sa famille. Il l'avait élevée comme sa propre fille mais il est vrai que le caractère et les capacités de cette enfant n'étaient pas comme les autres.
« Naomie. Tu te marieras parce que c'est ce qu'il y a de mieux pour toi !
-Je vous déteste ! »
Elle fit volte-face, attrapa son épée et claqua la porte. Lhomme, dans un soupir, s'affala dans un des fauteuils. Il pensait que cette nouvelle enchanterait Naomie, après tout, c'était une femme, c'est ce que rêvent les jeunes filles de son âge… Se marier avec un bel homme et avoir une famille… Mais de toutes évidences, Naomie n'était pas comme les autres. Et depuis longtemps.
Elle s'enferma dans sa chambre et s'effondra sur le lit en hurlant de colère. Naomie ne voulait pas se marier, ni avoir d'enfant, ni être soumise à un homme… Elle voulait être ce qu'elle avait envie d'être. Soudain, quelqu'un frappa à la porte.
« Mademoiselle, c'est moi, Sophie… »
La jeune fille se leva du lit et ouvrit la porte. Une jeune fille de son âge, blonde aux yeux noisettes et qui portait une robe bleue et un tablier blanc, était face à elle.
« Je suis venu vous voir, car j'ai un problème…
-Entre, dit Naomie. »
Sophie entra, assez intimidé par Naomie et la pièce. Naomie ferma la porte à clé.
« Assieds-toi. »
Sophie obéisse et prit place sur un fauteuil. L'autre jeune fille s'affala dans un des fauteuils.
« Alors, quelle est ton problème ?
-J'ai… C'est à propos du Chef de cuisine.
-Qu'est-ce qu'il a fait ? demanda Naomie. »
Un silence tomba mais Sophie le brisa.
« Il y a trois soirs, je rentrais à mes appartements. Puis, j'ai surpris le Chef en train de fouiller dans mes vêtements. Je lui ai demandé ce qu'il faisait dans ma chambre et il a sortir un grand couteau et m'a emmené de force avec lui.
-Ensuite ?
-Ensuite… Il m'a entraîné dans une des chambres vacantes et il m'a…
-Il t'a ?
-Il m'a violé ! avoua Sophie en pleurant. »
Naomie se précipita sur la jeune servante et la rassura du mieux qu'elle pût.
« Ne t'inquiète pas. Je vais le remettre à sa place !
-Non Mademoiselle, ne faîtes pas ça ! Il saura que c'est moi et… »
Naomie saisit son épée et la dégaina.
« Je vais le tuer, cette vermine.
-Mademoiselle…
-Et n'essaye pas de m'arrêter ! »
Naomie ouvrit la porte et se retourna.
« Reste ici. Je reviendrais te chercher.
-Faîtes attention à vous, Mademoiselle.
-IL va regretter d'être né et de t'avoir fait du mal ! »
Le Chef rangeait la cuisine, seul dans la pénombre. Il repensa à sa soirée avec Sophie, il y a peu… Ah ! Sa peau douce, ses seins… Et sa virginité prise…
« Un souci, Chef ? »
Il se retourna. Mademoiselle Naomie le regardait avec ses yeux d'émeraudes.
« Non, Mademoiselle, pourquoi cette question ?
-Eh bien, dit-elle. Sophie est venu me voir et… »
Quoi ? Cette petite peste lui avait tout dit !
« Et ?
-Et elle m'a dit ce que tu lui avais fait.
-Ne la croyez pas, Mademoiselle, mentit le Chef, en ce moment, elle est un peu sénile… »
La jeune fille sourit. Elle était vraiment belle même si elle portait des habits d'homme.
« Tu sais, je pense que tu es un peu comme les Wraiths… Tu prends quelque chose aux gens, eux ils prennent la force vitale et toi… tu prends la virginité des servantes ! »
Elle lui sauta dessus, l'épée bien en main. Le chef eu le temps d'esquiver et attrapa deux couteaux.
« Vous savez vous battre, Mademoiselle ? Je pensais que seuls les hommes savaient se battre !
-Ton esprit est restreint, chef ! »
Elle l'attaqua mais il para son attaque. Mais elle lui mit un coup de pied dans le ventre. Le chef eut le souffle coupé.
Naomie lui fit une large coupure sur le ventre, le sang commença à couler. Soudan, il eut une idée. Il attrapa de la farine et en envoya dans les yeux de la jeune fille, qui toussa. Puis, il lui planta un couteau dans le ventre et un dans la cuisse, ce qui arracha des cris de la part de Naomie. Elle tomba à la renverse et lâcha son épée.
« Mademoiselle, je vous trouve sublime… »
Le Chef engloba un des seins de la jeune fille et approcha sa bouche de la sienne. Dans un ultime effort, elle arracha le couteau de sa plaie et l'enfonça dans son cou.
« Bien fait pour toi, sale chien ! »
Elle saisit le deuxième couteau et le planta dans la gorge. Puis, avec son pied, elle l'envoya valser parterre.
Naomie entendit des gardes arrivés.
« Mademoiselle ! »
Un des gardes, le Lieutenant Devis, se précipita sur elle et mit ses deux mains sur les plaies.
« Allez chercher un médecin ! hurla-t-il à deux jeunes gardes. »
Naomie regarda le Lieutenant.
« Devis… Je suis si contente de voir votre jolie petite tête venir à mon secours !
-Mademoiselle, que s'est-il passé ?
-Le Chef… Il avait violé Sophie…
-La servante ?
-Oui… Et j'ai voulu le remettre à sa place, ce connard ! »
Elle gémit un instant avant de continuer.
« J'ai pas eu le choix. J'ai dû le tuer.
-Et un idiot de moins ! rigola Devis.
-Et il a aussi tenté de m'embrasser… »
Devis grogna.
« Mademoiselle, si j'aurais été là à ce moment, je lui aurais coupé la tête !
-Merci, Devis ! »
Naomie se sentit soulever. Elle était dans les bras de Devis.
« Je vais vous emmener dans le salon, le médecin pourra s'occuper de vous.
-Devis, puis-je vous demander quelque chose ?
-Tout ce que vous voulez, Mademoiselle. »
Naomie sourit.
« Pourriez-vous aller chercher Sophie et veiller sur elle le temps que je récupère ?
-Avec joie ! »
Elle remarqua que Devis rougissais.
« Seriez-vous amoureux d'elle, Devis ?
-Non, Mademoiselle… »
Naomie rigola. Quelle mauvaise foi !
