Bonjour à tous !

Je suis de retour après un très long moment (oui, pour ceux qui ne se rappelaient pas, je poste de temps à autre des OS dans le fandom). Voici donc un nouvel écrit, qui j'espère vous plaira, et je tiens déjà à avertir ceux qui n'ont pas lu le tome 17 : évitez de lire sauf si vous tenez absolument à vous faire spoiler. Je sais à quel point c'est frustrant et en plus, notre cher Oz a vécu la même chose une fois...

Comme j'ai choisi de lire au rythme de la parution des tomes en français, j'ignore aussi ce qu'il se passe par la suite. Merci de votre compréhension, et bonne lecture.

Disclaimer : Pandora Hearts ne m'appartient pas et ses personnages non plus. Je vénère Jun Mochizuki et tout ce qu'elle a créé (ou pas, puisque Alice au Pays des Merveilles est de Lewis Carroll).


La dernière note

La cérémonie avait commencé. Glen se tenait devant la foule de ses partisans, les observant avec un sourire aux lèvres de ses grands yeux violets si particuliers. Il avait certes perdu de sa superbe passée, couvert de bandages qu'il était, sur le point de s'effriter comme les autres réceptacles avant lui, mais il ne paraissait pas s'en soucier. Au contraire, il semblait ravi et ne cachait pas son allégresse. On aurait presque pu penser qu'il était soulagé de se débarrasser de son fardeau.

Oswald savait décrypter les sentiments. Certes, la seule personne qu'il avait vraiment eu du mal à déchiffrer était Jack, et encore maintenant cet homme restait un mystère pour lui, mais il était doté d'une redoutable clairvoyance si bien que quiconque croisait son regard était immédiatement passé au crible, sans qu'il eût senti le coup venir. Glen était la seconde personne qu'il arrivait à comprendre le moins. Sa façon de se comporter et son sourire perpétuel arrivaient à cacher sans mal le fond de sa pensée, et c'était cela qui frustrait Oswald. Lui n'était capable de sourire que très rarement, dans des circonstances qui s'y prêtaient. Mais depuis l'enfance, il était stoïque et imperturbable devant toute situation que ce fût. Il n'allait pas faire une longue liste.

Pas maintenant que la cérémonie suivait son cours et qu'il allait devenir Glen… Le chef du clan Baskerville. Pas maintenant qu'il était sur le point de… tuer sa propre sœur.

Il savait que c'était son devoir. C'était sa faute si elle était une enfant maudite. Il devait expier son péché en la libérant, en la renvoyant à sa place la plus appropriée : les ténèbres de l'Abysse. C'était ce qu'on lui avait seriné depuis qu'il était arrivé au sein du manoir Baskerville. Il connaissait la leçon par cœur, à présent, et il y croyait dur comme fer. Du moins, jusqu'à ce qu'apparaisse Jack.

Jack, cet individu importun que sa sœur avait déniché lors de sa fugue, il y avait de cela huit ans. Il ignorait quel sort elle lui avait jeté, mais lorsqu'il l'avait vu pour la première fois, cet homme blond de vingt-trois ans, le troisième fils des Vessalius, il n'avait pu s'empêcher d'être troublé. Il n'avait eu de cesse de songer à lui et de mener des recherches sur son compte, mais plus il découvrait, moins il en savait sur Jack. C'était d'une telle contradiction qu'il était dégoûté de sa propre incapacité à lever le voile, lui qui n'avait jamais failli à ce type de tâche auparavant. Enfin, lorsqu'il avait eu l'occasion de le connaître davantage, il avait vu la lueur inquiétante qui illuminait le regard du jeune Vessalius en voyant Lacie. Il était clair qu'il était totalement obnubilé par elle, voire dépendant. Et en songeant à cela, Oswald s'interrogeait sur la réaction qu'il aurait lorsqu'il irait lui annoncer la disparition de la jeune femme.

Bien que ruminant à l'intérieur, il s'efforça de garder une expression la plus impassible possible tandis qu'il se tenait agenouillé, voyant son maître faire apparaître sa dernière chain, le Jabberwock, et se planter un couteau dans le poignet pour en faire jaillir le sang. Oswald savait ce que cela signifiait, et il admira un instant Glen pour n'avoir même pas fait mine de souffrir lorsqu'il s'était automutilé. Il le connaissait depuis son plus jeune âge, et pourtant, cet homme allait continuer à le surprendre.

Un des membres du clan, la tête encapuchonnée si bien qu'on n'apercevait pas son visage, s'approcha avec un plateau sur lequel se trouvait la coupe dans laquelle Glen avait versé son sang. Dans ce même sang était celui de son prédécesseur, et du prédécesseur de son prédécesseur… Jusqu'à une époque bien antérieure à celle-ci. Le premier Glen avait sûrement bu le sang de la chain ? Il n'avait pas réponse à cette question. Il savait juste qu'à partir du moment où il recevrait l'âme du chef de famille, son corps dépérirait à une vitesse fulgurante. Il ne savait pas combien de temps cela prendrait, mais Glen Baskerville réclamerait tant d'énergie que selon la constitution de la personne qui le portait en elle, il viderait plus ou moins vite ses réserves. Celui qui allait être son prédécesseur avait été de ceux qui l'avaient gardé le plus longtemps dans leur corps. Mais c'était son tour à présent et il ne devait pas manquer à son devoir. Un jour, il savait que son dévouement serait récompensé.

Il porta la coupe à ses lèvres et la but d'une traite, se donnant à peine le temps de réfléchir. Lorsqu'il l'abaissa et la remit sur le plateau, il ne se sentait pas plus différent, mis à part le fait qu'il avait le goût amer du sang dans sa bouche, et s'en inquiéta un moment : peut-être le processus avait-il mal fonctionné ? Qu'était-on censé ressentir quand on devenait Glen Baskerville ? Un sentiment de renaissance ? Une fatigue extrême ?

Rien de tout cela pour Oswald Baskerville. Il se sentait aussi normal qu'avant le début de la cérémonie.

Il aurait voulu jeter un regard inquiet à son maître, mais il s'abstint. Il devait rester sérieux quoiqu'il arrive. Cette cérémonie allait être la plus importante de toute sa vie. Il ne pourrait la vivre que deux fois : maintenant, et lorsque plus tard, il serait temps de transmettre à nouveau son pouvoir à un de ses disciples, dont il ne connaissait pas encore l'identité.

Il se leva, et se retourna pour découvrir la foule de ses partisans prosternés à ses pieds.

Qui saluaient-ils ? L'ancien ou le nouveau Glen ?

« Il est temps de tester tes pouvoirs, maintenant… » lui murmura une voix douce à l'oreille.

Son prédécesseur était à bonne distance de lui, mais il l'entendait murmurer cela comme s'il s'était trouvé près de lui, se penchant par-dessus son épaule. Il pouvait presque sentir le frôlement de ses mains sur sa cape. Mais c'était une illusion, et il devait en faire fi. Il allait maintenant passer à la tâche la plus importante de la cérémonie : prouver qu'il était l'élu choisi par Glen.

Son regard convergea vers le fond de la salle. Sa sœur, jusque-là discrète, avait suivi chaque geste sans réagir. Elle avait sur le visage une expression indéchiffrable. Mais pour Oswald qui la connaissait si bien, il savait parfaitement qu'elle s'ennuyait et avait hâte d'en finir. Quiconque aurait été surpris de ce détachement alors qu'elle savait qu'elle arrivait au seuil de la mort, mais elle aussi avait fini par s'habituer à l'idée et la considérait comme une simple formalité. C'était comme ces réunions du clan, lorsqu'ils étaient plus jeunes, où elle finissait par s'agiter tant elle ne pensait qu'à sortir et se dégourdir les jambes. Avant qu'on ne l'enferme dans cette tour au fond du jardin du manoir.

Pour elle, le meilleur était à venir. Et pourtant son sort était des moins enviables.

Elle s'avança en reconnaissant le signal, calmement, prenant son temps. Lui l'attendait, et enviait cette absence d'émotions chez sa sœur. Il s'efforçait de calmer les siennes, qui se déchaînaient comme une tempête dans son âme, lui retournant l'estomac, le cœur, tous ses organes vitaux…

Il n'y avait rien que le silence autour d'eux tandis que les disciples s'écartaient pour la laisser passer et mieux observer la scène, et ce silence durait encore alors qu'elle s'agenouillait à ses pieds, totalement soumise et sans défense face à lui.

Il allait tuer quelqu'un sans avoir à le combattre. Ce serait son premier meurtre. Un meurtre sans gloire.

Il craignait de trembler, mais rien ne se faisait sentir chez lui tandis qu'il posait sa main gauche, celle qui était désormais enchaînée aux cinq chains de la famille Baskerville,sur la tête de Lacie, dissimulant ses yeux rouges, l'empêchant de lire une dernière fois en eux.

Quand Jack était une eau pure et calme dans laquelle il était impossible de voir son reflet, Lacie, elle, était un lac sanglant, dans lequel on perdait instantanément la vie ou la raison, selon le degré de résistance la personne. Il ne l'avait jamais vraiment regardée dans les yeux, tant il avait peur de finir ainsi. Mais à présent, il savait que c'était stupide. Pour une fois, ce soir, il croiserait enfin le regard de sa sœur…

« Lacie Baskerville… » commença t-il.

Sa voix semblait hachée, et trahissait son appréhension. Il ne voulait pas ça, il était sûrement devenu Glen, il devait rester fort, pour elle…

« … Au nom de la chaîne du jugement, je viens rendre ma sentence… »

Il marqua une pause. Sa main hésitait, frôlant le front et les cheveux de la jeune femme. Il vit un large sourire s'étendre sur son visage. Moqueur, défiant. Elle le priait de ne pas faiblir.

« Qu'y a-t-il, mon cher frère ? dit-elle, enfin, de sa voix aux intonations si variées, allant de la vivacité à la douceur, en passant par la méchanceté absolue. Finissons-en rapidement ! »

Et il comprit enfin. Lacie n'avait pas seulement hâte d'en finir avec cette cérémonie… Elle avait le désir d'être précipitée dans le niveau le plus profond de l'Abysse. Il écarquilla les yeux, et se sentit troublé. Pour quelle raison ? Que cachait-elle, à l'instant ? Elle allait être déchiquetée, et elle ne ressentait aucune peur, juste une impatience d'enfant.

Il se reprit. Il devait passer à l'acte, et c'était maintenant ou jamais.

« Ton crime est… marmonna t-il, d'abord, avant d'élever davantage la voix : d'être née avec ces yeux maudits qui troublent la paix de l'Abysse ! »

Presque aussitôt après avoir dit cette phrase, il retira prestement sa main, et plongea dans le regard froid de sa sœur, pour la première et dernière fois.

Deux lacs sanglants qui le fixaient sans afficher la plus petite expression. Juste un petit froncement de sourcils, peu prononcé, et un sourire fin dessiné sur ses lèvres.

Puis ce fut le chaos, et il recula à peine tandis que les cheveux de celle qu'il avait condamnée s'envolaient, cachant ses yeux. Des chaînes jaillirent de nulle part et s'enroulèrent autour de ses bras, de sa taille, de ses jambes, de son corps entier. Ces mêmes chaînes la tirèrent brusquement vers l'arrière et l'espace d'un instant, elle ne fut plus qu'une ombre tandis qu'elle se tenait là, droite, telle un martyr, transfigurée, et qu'elle bougeait les lèvres en prononçant son prénom :

« Oswald… »

Il ouvrit grands les yeux alors qu'elle ajoutait autre chose, mais le bruit des chaînes était assourdissant, et il la voyait disparaître progressivement, avant que soudain, une lumière aveuglante surgisse. Puis tout disparut, les chaînes, le vacarme, Lacie. Le calme revint.

Glen Baskerville restait là, à contempler l'endroit où elle avait disparu à jamais. Il gardait une expression choquée et ses lèvres tremblaient. C'était la première fois qu'il trahissait une émotion, et l'homme derrière lui le voyait bien, car il s'avança vers lui et posa la main sur son épaule :

« C'est fini, maintenant. Tu as accompli ton devoir. »

Il se tourna vers lui, doucement, en ayant encore la sensation d'évoluer dans un rêve.

« Maître… »

L'autre se permit d'éclater de rire.

« Tu m'appelles encore maître ? Mais voyons, c'est toi le chef de notre grande famille, maintenant. Je te salue, Glen Baskerville. »

Et sur ces mots, il recula et fit une profonde révérence, suivi bientôt de tous les spectateurs présents. Le nouveau Glen restait pétrifié, songeant à ce nom qu'avait prononcé Lacie avant de partir. Ce nom qui n'était désormais plus le sien et qu'il n'entendrait plus avant un très long moment.

« Je vais te dire ce nom que je ne t'ai jamais dévoilé, à présent, puisque je ne le portais plus tant que j'étais un réceptacle : je m'appelle Levi. Levi Baskerville, ton humble serviteur, ô mon maître. »

Glen observa cet homme dont il avait été le valet pendant de très nombreuses années, et trouva étrange qu'ils intervertissent désormais les rôles. Tout cela était si… irréel…

« Je te salue, Levi Baskerville, toi qui as porté fidèlement l'âme du chef de notre clan. »

Il n'osait croire que ces mots étaient les siens. Il cligna brièvement les yeux, et ne dit plus rien. Levi, en face de lui, se permit un sourire.

« Partons d'ici, maître Glen. Il faut à présent fêter dignement le succès de votre transfert. »

Il acquiesça, mais décida de laisser s'en aller tout le groupe avant de le suivre, souhaitant s'attarder en ce lieu pour il ne savait quelle raison. La porte de l'Abysse… Cette porte qui avait pris Lacie et l'avait emportée loin…

Il l'observa un moment, le visage parfaitement maîtrisé après le long moment de choc qui avait fait suite à la condamnation. Il essayait de percer ce qu'il pouvait y avoir au travers. Mais il n'y avait rien, c'étaient les ténèbres complètes.

C'était cela, le plus bas niveau de l'Abysse. Il n'irait pas dans cet endroit, mais il pouvait désormais se rendre dans l'Abysse quand il le souhaitait, le monde merveilleux que Lacie et l'ancien Glen avaient tant vanté, par le passé…

Il se retourna et se prépara à partir. Les autres devaient avoir rejoint le manoir et la fête n'allait pas commencer sans lui. Alors il se dépêcha, mais il lui sembla entendre, tandis qu'il quittait la salle qui sur son chemin plongeait progressivement dans les ténèbres, un chant mélancolique, fredonné si souvent par sa voix mélodieuse. Cette chanson familière dont elle ne se lassait jamais depuis l'enfance, et qu'il croyait entendre, là, depuis le fond de l'Abysse…

Chaque fois que tu m'embrassais

Je tremblais comme une enfant

Cueillant les roses

Nous chantions l'espoir…


Pour note : les paroles sont celles traduites de la chanson Everytime you kissed me qui reprend l'air de la mélodie Lacie. Très belle chanson, que je vous conseille d'écouter si ce n'est pas déjà fait !

Voilà, en espérant que ça vous ait plu ! A une prochaine fois, peut-être !