Stroboscopie

Disclaimer : Leiji Matsumoto.

Notes de l'auteur : à l'origine étaient les prompts. Quinze prompts, postés sur le forum de « Fic is not the enemy » et dans lesquels les auteurs pouvaient venir piocher au gré de leur inspiration. Un prompt donne naissance à un drabble, cent mots, plus ou moins dix pour cent. De mon côté, comme j'aime me compliquer la vie, j'ai un peu corsé le défi et utilisé tous les prompts. Entre autres contraintes pittoresques.

Contrainte n°1 : Albator.
Contrainte n°2 : le mot du prompt n'apparaitra pas dans le texte.
Contrainte n°3 : chaque drabble se lit tout seul. Ou presque.
Contrainte n°4 : dans l'ordre, forme un tout.
Contrainte n°5 : canon.

Notez que je n'ai pas mélangé les prompts. Ils ont bien été postés dans cet ordre sur le forum, ce qui me permet d'en déduire que je suis capable de sortir une histoire d'Albator à partir de n'importe quoi. Et plutôt rapidement, en plus.

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1 – activité

— Croiseurs ennemis en approche !

Les vaisseaux, jusque là dissimulés dans l'ombre d'un gros satellite, venaient de se dévoiler aux radars. En formation serrée, leurs intentions ne faisaient aucun doute.
Harlock crispa les mains sur la barre. Il avait cru pouvoir profiter d'un peu de tranquillité, mais ses adversaires ne lui laissaient pas de répit. Il lui fallait sans cesse être en alerte, que ce soit à terre, pour échapper aux chasseurs de prime, ou dans l'espace où il était traqué par les flottes de tous bords.

Bah, tant mieux. Après tout, il détestait rester passif.

— Aux postes de combat ! ordonna-t-il.

2 – fumer

Touché. Le vaisseau vert trembla tandis que l'impact traversait la coque et frappait de plein fouet le moteur tribord.
Le feu prit aussitôt. Les flammes ravagèrent la turbine et s'étendirent aux pupitres de commande. Des volutes compactes, acres et brûlantes, opacifièrent bientôt la totalité du compartiment.

— On ne va pas pouvoir tenir, capitaine ! cria le chef machine par l'interphone, la voix étouffée par son masque respiratoire. Il faut évacuer !

L'ingénieur rageait de devoir abandonner ses moteurs, mais il faisait confiance à Harlock pour se sortir d'une situation en apparence désespérée.
Ce n'était pas comme si c'était la première fois.

3 – prairie

Malgré les dégâts subis, Harlock avait réussi à semer ses assaillants – un exploit dont personne à bord n'avait douté une seule seconde… ou presque. Les ennemis apprenaient de leurs erreurs, et Harlock se prenait à envisager avec angoisse son ultime confrontation, celle durant laquelle il ne serait plus digne de la confiance que lui accordait son équipage.

Encore une fois pourtant, ils s'en étaient sortis, et l'Arcadia s'était trainée sur propulsion auxiliaire jusqu'à une planète anonyme. Ses plaines verdoyantes feraient un terrain d'atterrissage idéal.

Semant des débris dans son sillage, le vaisseau pirate se posa lourdement et traça un profond sillon dans les herbes hautes.

4 – évidence

Kei Yuki était sortie prendre l'air. Ses connaissances rudimentaires en mécanique ne suffisaient pas pour remettre en état le vaisseau blessé ; autant s'éloigner au calme et tenter d'évacuer le stress du combat.
Elle inspira profondément. Que faisait-elle là ? se demanda-t-elle. Pourquoi risquait-elle sa vie pour une utopie inatteignable ? Elle ferma les yeux. Elle avait eu peur de mourir, et elle s'était dit qu'elle se sacrifierait sans hésiter pour Harlock. S'en était-il seulement aperçu ?

La réalité la frappa brutalement.

Il ne l'avait pas regardée. Elle n'était pour lui qu'un soldat qui avait bien fait son travail.
Et ce n'était pas ce qu'elle voulait.

5 – lettre d'amour

« Capitaine,
lorsque j'ai embarqué sur l'Arcadia, c'était la première fois que je mettais les pieds sur un bâtiment de combat. Vous m'avez fait confiance. J'ai tenu bon. J'ai travaillé dur pour me mettre à niveau. J'ai guetté le moindre signe d'approbation de votre part. Aujourd'hui, vous m'avez félicitée pour mon sang-froid lors de notre dernière bataille, et je me rends compte qu'inconsciemment, j'ai toujours attendu beaucoup plus. Plus que ce professionnalisme distant que vous mettez systématiquement entre nous. Plus que des mots sans émotions.
Je sais que je me suis bercée d'illusions.
Je ne peux plus me satisfaire de ça.
Je pars. »

6 – riz (oui, okay. Un peu tiré par les cheveux, celui-là)

Une bonne cuisson, voilà ce qui faisait la différence. De l'eau bien bouillante, un minutage rigoureux, et on obtenait une consistance gluante mais pas trop, juste ce qu'il fallait pour former des boulettes bien compactes. Voilà pourquoi ses repas avaient tant de succès.
Tadashi était très fier de ses talents culinaires.

En revanche, il ne savait pas trop quoi faire de l'enveloppe de Kei. Elle avait des larmes dans les yeux lorsqu'elle la lui avait donnée. Et il était censé la remettre au capitaine.
Quoi qu'il puisse y avoir à l'intérieur, ça ne devait pas être une bonne nouvelle.

7 – à cor et à cri

est-elle ? Et pourquoi l'Arcadia n'a pas déjà décollé ?
— Ce n'est pas la peine de hurler, je n'en sais rien. Et tu peux le réclamer sur n'importe quel ton, tant que les réparations ne sont pas terminées, on ne bougera pas d'ici.

Tochiro retint un sourire. Il n'avait pas vu Harlock aussi énervé depuis… Oh, il n'avait jamais vu Harlock aussi énervé. Son ami agitait une lettre trop vite pour pouvoir la lire, mais Tochiro n'avait cependant pas de mal à en imaginer le contenu : il avait parlé à Kei, lui…

Il agita négligemment la main.

— Les spacewolfs sont disponibles, si tu veux.

Harlock s'éloignait déjà.

8 – phare

La navette que Kei avait empruntée était équipée d'une balise de localisation, qui émettait en continu sur une fréquence cryptée – l'idéal pour retrouver des pilotes égarés après une bataille… à condition que l'on n'y touche pas, bien sûr.
Kei l'avait laissée en fonction. Avec ça, et la traînée ionique qui illuminait encore le détecteur, la pister serait un jeu d'enfant.

À croire qu'elle avait délibérément éclairé sa route, se dit Harlock. À croire qu'elle voulait qu'on la suive.

Il fronça les sourcils. Il y avait là une vérité dont il n'arrivait pas à saisir parfaitement les contours, il le sentait.

9 – appui-tête

Il soupira. Sa nuque était raide. Maintenant que l'adrénaline du combat était retombée, la fatigue le rattrapait. Il essaya de se détendre contre le dossier ergonomique du siège du pilote, sans succès.
La tension qu'il ressentait n'était pas seulement due aux flottes fédérales qu'il venait de massacrer, se rendit-il compte. C'était plus profond, plus… insaisissable.

Il grogna tout en cherchant une position plus confortable. D'après l'ordinateur de navigation, il lui restait encore au moins cinq heures de trajet avant d'atteindre la planète sur laquelle Kei avait a priori atterri.
Il grogna encore. Qu'est-ce qui lui avait pris de partir comme ça, bon sang !

10 – garde-à-vous

Lorsqu'Harlock se posa sur le tarmac du palais du gouverneur, les factionnaires se figèrent dans une posture qui tenait à la fois de la rigueur militaire et de l'envie impérieuse de se fondre dans le décor.

— Je viens voir votre patron, lâcha Harlock au type le plus proche de lui – un sergent, dont les yeux exorbités laissaient à penser qu'il croyait sa mort imminente.

L'homme eut une inspiration crispée qui se termina sur un petit couinement aigu, puis, par un réflexe typique d'un subalterne terrorisé (mais totalement inapproprié lorsqu'on faisait face à un pirate), il effectua un salut impeccable à l'intention d'Harlock avant de tourner les talons.

11 – pastel (et celui-ci est encore plus tiré par les cheveux que 'riz'… mais essayez donc d'écrire sur le thème 'pastel' sans mettre le mot pastel dedans !)

Le gouverneur de Taman IV était un homme heureux. Il dirigeait une planète prospère et ses revenus plus que confortables lui permettaient de s'adonner sans aucune limite à sa passion : une collection impressionnante de tableaux, qu'il faisait venir à grand frais des meilleures boutiques d'art de la galaxie. Pour le satisfaire, point de peinture à l'huile ni même d'aquarelle. Toutes ses acquisitions étaient réalisées avec la même technique, à la craie sèche, et leurs coloris doux donnaient à son bureau une atmosphère apaisante.

Oui, il avait tout pour être comblé.

Mais ça, c'était avant que le capitaine Harlock n'entre dans son bureau, évidemment.

12 – tout sucre, tout miel

Les tractations ne durèrent pas. Harlock exposa ses exigences et le gouverneur s'exécuta sans discuter. L'homme était trop content de se débarrasser de lui. Obséquieux jusqu'à la nausée, il l'avait même raccompagné à l'extérieur, multipliant les courbettes et les remerciements sirupeux.

Harlock l'avait ignoré. Il avait obtenu le renseignement qu'il désirait, et les tentatives pitoyables du gouverneur pour s'attirer ses bonnes grâces ne l'intéressaient pas.
Eût-il été moins pressé, il ne se serait pas privé de faire savoir à cet homme combien il le méprisait.

Mais les radars gouvernementaux avaient tracé la trajectoire de la navette de Kei jusqu'à sa position d'atterrissage, aussi se montra-t-il conciliant.

13 – fixe

Il ne bougeait pas. Il avait fini par la retrouver à la terrasse d'un bar branché, et il la regardait rire, détendue, entourée de jeunes gens de son âge.
Camouflé dans l'ombre, il n'osait pas s'approcher de peur de briser le charme. Elle avait l'air si loin de la jeune fille fragile qu'il avait recueillie à bord, si différente de la navigatrice toujours concentrée sur sa console.

Le temps semblait s'être figé. Kei s'amusait, Harlock ne la quittait pas des yeux, elle ne l'avait pas remarqué et il ne se décidait pas à se faire voir.

Et il se demandait pourquoi il attendait là.

14 – démembrer

Un nouveau venu prit soudain Kei à partie. Il était visiblement ivre, et beaucoup trop collant pour qu'Harlock apprécie.

— Lâche-la tout de suite ! cria-t-il.
— Capitaine ? Capitaine, non !

Il s'arrêta, le canon de son cosmodragon plaqué sur la tempe de l'importun. Bon, effectivement, le tuer était peut-être un peu trop extrême, décida-t-il.

— Essaye encore de la toucher et je t'arrache les bras, gronda-t-il.

Il s'interrompit. Il y avait des reproches dans les yeux de Kei. Il hésita, un peu perplexe, et le gars en profita pour déguerpir.
Peu importait. Kei était en sécurité, et c'était tout ce qui comptait.

15 – oursin

— Pourquoi êtes-vous ici, capitaine ?
— Je voulais m'assurer qu'il ne t'arrive rien de mal.

Harlock haussa les épaules. Il semblait un peu gêné. Peut-être regrettait-il son impulsivité.

— Vous n'aviez pas à vous impliquer, capitaine, répliqua-t-elle d'un ton soigneusement neutre. J'étais avec des amis. Nous nous serions débrouillés sans vous.
— Si un seul d'entre eux tenait vraiment à toi, répondit-il avec un regard empli de colère contenue, il n'aurait pas attendu pour intervenir. Il t'aurait défendue.

Il était toujours si sombre, toujours si hermétiquement fermé aux sentiments extérieurs, songea Kei. C'était si difficile de briser la carapace piquante qu'il s'était construite.

Elle sourit.