"Voila trois jours que je suis terrée chez moi, barricadée, avec de vieilles planches pourries qui ne tiendront pas longtemps. Mais je n'arrive toujours pas à comprendre, en même temps il n'y a rien à comprendre, tout est arrivé comme ça sans prévenir, ça nous a frappé, et ça me frappe toujours.
Qui aurait cru qu'en plusieurs nuits tout bascule ! Ben ils n'avaient rien dit de tel, c'était juste une "épidémie de campagne", si on s'intéressait plus à la campagne aussi... En tout cas,
campagne ou pas le mal est fait, je n'ai plus de nouvelles de ma mère, ma sœur était en vacances avec mon frère en Espagne et mon père est trop loin à pied. Je suis fichue, complétement fichue, moi qui pensais adopter un comportement héroïque envers, ces ... ces choses. Comment veux tu que je les appelles par un nom sensé ?! Elles n'ont rien de sensé ! Je les ai vu dévorer des gens, mais sont elles vraiment réelles ? Ces choses ? Ces anciens êtres humains... Je n'ai même pas d'armes, a part un couteau de cuisine aiguisée, mais je penses que je vais plus me blesser qu'autre chose. Pour la nourriture, je n'aurais jamais pensé qu'elle parte si vite, je n'ose plus manger, je ne mange plus d'ailleurs, car quand il n'y en aura plus je serais obligée d'aller en rechercher et sortir.
Je ne m'imagine pas sortir, mais il le faudra un jour ou l'autre. J'espère que je serais prête, pour affronter ces choses. Enfin il me faudra absolument l'être."
Un bruit de mécanisme se fait retentir, je soupire et dit calmement :" J'ai fini pour aujourd'hui.'" Je pose le magnétophone sur une table de chevet, m'étire, la sensation du soleil me réchauffe, je pense rester toute la journée dans mon lit et laisser passer le temps. Pourtant comme un retour à la réalité je me pousse à sortir de mon lit, tout de suite le froid de la maison et le calme m'effraie, mon sourire est définitivement parti de mon visage, je descends les escaliers sans bruit, c'est devenu une habitude maintenant et glisse mes pieds jusqu'à la cuisine; apparemment mon ventre l'a senti et se fait entendre, j'ai envie de lui mettre un coup de poing mais à quoi ça servirait ?
Dehors il vente, mon regard se pose un instant sur les cyprès de mon jardin qui dansent grâce au vent, je trouve ça beau. J'ai toujours trouvé l'automne magnifique à vrai dire. Un bruit soudain me sort de ma rêverie brutalement, la porte craque, je sais que c'est à cause du vent elle a toujours fait ça: mais pourtant je frissonne et prends peur, une larme glacée s'écoule le long de ma joue, je la sens mouiller mon menton, je l'essuie d'un geste de main. Je pleure ? Mais pourquoi je pleure ? Enfin c'est une question idiote, évidemment que je devrais pleurer, je suis seule dans une grande maison froide, sans nourriture, sans ma maman, sans mon chien, sans personne. Je suis seule au monde maintenant.
Ah c'est bon, je pleure vraiment là. Je cours dans ma chambre, ferme la porte avec énergie. Mon flot de larmes ne cessera plus à présent. Je serre fort mon doudou que j'ai gardé de toute petite, lui au moins, il est toujours là. Et je le serre, je le serre si fort à m'en faire mal au bras, à m'en péter les os, à m'en faire mourir, je le serre si fort jusqu'à que ... Attendez. J'ai entendu un bruit.
L'oreille attentive, je me redresse me calmant d'un coup, serrant ma gorge empêchant tout son de sortir de ma bouche. Ça, ce n'est pas le vent, j'en suis sûre, c'est ... un autre bruit, qui m'est tout aussi familier. Quelqu'un essaie d'ouvrir la porte. Crise de panique, je suis paralysée, qui cela peut être ?! Je sens mon cœur battre si fort que j'ai l'impression de l'avoir juste à coté de mon oreille. Je suis partagée entre la joie et la peur, ça pourrait être ma mère, un inconnu, un fou, ou l'une de ces choses...
La porte grince et s'ouvre dans un bruit imposant, des bruits de pas sourds se font entendre au rez - de - chaussée. Tremblante, j'empoigne le couteau sur ma table de chevet, mais mes gestes maladroits font tomber ma lampe et mon magnétophone qui tombent par terre dans un bruit absolument audible dans le silence de la maison. Je balance une insulte muette, serrant mes poings et guettant les pas. Il a forcément dû entendre. J'ai peur, un haut le cœur me prends, je n'entends plus un bruit en bas. Serait il partit ? De peur ?
Retenant mes tremblements et ma respiration depuis quelques minutes, je relâche ma respiration en tremblant, faisant légèrement hoqueter mon souffle, je laisse tomber le couteau sur mon tapis en le faisant glisser avale ma salive, reprenant mes esprits. J'ai une soudaine envie de rire, quel ascenseur émotionnel ! Heureusement que je suis pas cardiaque, je soupire me calmant une bonne fois pour toute et me lève pour prendre un livre, la lecture m'a toujours calmée, j'en choisis un, le prends et m'allonge sur mon lit en chantonnant doucement. Soudainement ma porte s'ouvre et claque au mur en un fracas infernal, j'ai un sursaut je pousse violemment le livre à terre, je friche toutes les pages en passant, et me redresse en regardant ma porte. J'y vois un homme pointant un carreau d'arbalète pointé sur moi et un foulard autour de la bouche me fusiller du regard.
Non, Lisa, tu ne lui as pas fait peur, tu ne lui feras sans doute jamais peur, et en effet il n'est pas parti.
