Bonjour la compagnie,
Ceci est ma première fiction. Après l'avoir potassée des années et des années dans ma tête, je me décide enfin à la mettre par écrit.
Je commence donc avec ce premier chapitre, qui est plus une petite introduction qu'autre chose. Les choses sérieuses et les ennuis commenceront, bien entendu, dans les chapitres suivants. Je précise d'emblée que ce sera une fiction d'aventure, de drame et peut-être de romance mais j'me tâte encore quant à rajouter de l'amour là dedans. Voilà, donc, soyez indulgents, mais ne vous gênez pas non plus pour dire ce que vous en pensez : toute critique est bonne à prendre.
Petit disclaimer habituel avant de commencer : tout ce qui constitue cette histoire - l'univers, les personnages, les langues - appartient à ce génie qu'est Tolkien. J'ai en revanche inventé quelques personnages (les enfants d'Aragorn et d'Arwen entre autres, mis-à-part Eldarion).
Petite remarque également : les répliques en italique sont, dans le récit, prononcées en Elfique. Eh oui, ma connaissance du Sindarin se limitant à quelques phrases bateau, je préfère donc faire comme cela.
Bonne lecture à tous !
« – Allez, mon fils, recommence une fois encore. Tu ne dois pas te laisser gagner par tes émotions, garder l'esprit concis est l'une des qualités essentielles d'un bon soldat. »
Sous un soleil de plomb, dans la cour d'entrainement du palais de Minas Tirith, cela faisait maintenant deux bonnes heures que le roi Elessar entrainait son fils ainé de 6 ans, Eldarion, à l'art du maniement de l'épée. Ce dernier, suant à grosses gouttes, avait tendance à foncer tête baissée sans réfléchir lorsqu'il tentait d'attaquer son père, croyant déceler chez lui une brèche, et ne se focalisait plus du tout sur sa garde son épée en bois terminait alors inévitablement au sol. Mais Eldarion n'abandonnait pas, et semblait plutôt ravi de l'exercice, même s'il lui valait quelques coups au passage. La vitalité du jeune garçon amusait fort le roi, qui ne put s'empêcher d'ébouriffer les boucles brunes de celui-ci avec affection. Puis, s'éloignant à nouveau, ils reprirent leur exercice. Le jeune prince contourna lentement son père par le côté, comme il le lui avait inculqué, et se prépara à parer d'éventuels coups. Le roi décida de lancer un premier assaut – il fut très modéré et retenu, cependant, au vu du jeune âge d'Eldarion. Mais celui-ci parvint à les éviter avec souplesse, et tenta même d'attaquer son adversaire. Aragorn feignit la surprise lorsque le bout de l'épée en bois de son fils toucha son ventre, et sous ses cris victorieux, il leva les paumes en signe de reddition, riant maintenant comme un enfant, après les dix années qui s'étaient écoulées depuis la fin de la Guerre de l'Anneau. Eldarion sauta dans les bras de son père en hurlant à la victoire, et le roi, heureux, le fit glisser sur son épaule comme un vulgaire sac de légumes, le faisant rire aux éclats.
« – Sir…, intervint soudainement une voix inquiète derrière lui, il faut que vous veniez au chevet de la reine, tout de suite… elle est très souffrante. »
Aragorn, le cœur battant, ne se le fit pas dire deux fois. Ordonnant au garde qui était venu l'avertir de poursuivre l'entraînement de son fils, le roi traversa la cour aussi promptement que si le fouet des Balrogs était à ses trousses. Il ne lui fallut guère plus de quelques secondes pour atteindre la cour royale, où l'Arbre du Gondor renaissait désormais de mille fleurs immaculées. Il grinça des dents lorsque, pénétrant dans la salle du Trône, il entendit les cris déchirants de sa tendre Arwen. « Chers Valar », pria-t-il intérieurement, « que tout s'achève cette nuit, je vous en supplie. »
Cela faisait bientôt 9 mois qu'Arwen portait leur troisième enfant, et tout avait été compliqué. Durant les premiers temps de sa grossesse, la reine avait été prise de violentes contractions, allant même jusqu'à la faire saigner. Tous en Gondor avait alors eu une grande frayeur mais la mère ainsi que l'enfant avaient tenu bon. « Ce sera un vaillant. Enfin… une vaillante, en l'occurrence », avait déclaré le Seigneur Elrond, grâce à son don de voyance. Le roi était alors devenu fou de joie. Ayant d'abord eu pour bénédiction la naissance de ses deux fils, Eldarion et Dolarion, respectivement âgés de 6 et 3 ans, il allait pouvoir tenir sa fille dans ses bras… Il en avait rêvé pratiquement toutes les nuits, depuis, entre les tiraillements inquiets qui l'assaillaient pour la santé d'Arwen, déclinant toujours plus au fil des mois.
Dans sa course, il bifurqua dans les couloirs le menant à ses quartiers, et constata qu'une domestique se tenait devant l'entrée de leur chambre, un pli soucieux barrant son front blanc face aux hurlements de plus en plus déchirants de la reine.
« – Le moment est-il venu ? Demanda sans détour Aragorn, qui n'y tenait plus.
La servante hocha lentement la tête.
– Dans quelques heures, sir, tout au plus.
– Il faut que je sois avec elle.
Il s'apprêta à passer le pas de la porte, mais la servante le retint par le bras.
– Votre Majesté, pardonnez mon insistance, mais votre épouse est exténuée, et véritablement souffrante. Êtes-vous sûr de vouloir assister à cela ?
Aragorn hocha la tête, résigné.
– Je refuse de laisser celle que j'aime seule dans cette épreuve. Il est de mon devoir d'époux de rester à ses côtés.
Sur ces mots, l'ancien rôdeur pénétra dans la chambre royale, qui baignait actuellement dans une faible lumière dorée vacillante, dispensée par des bougies parfumées dispersées à plusieurs endroits de la pièce. La chaleur était pratiquement étouffante. Le roi s'agenouilla lentement près du bord du lit, soucieux de voir celle qu'il aimait dans un tel état. Il posa une main sur son front, et le lui caressa tendrement du pouce.
Arwen était en sueur, et une expression de douleur restait figée sur son doux visage blanc comme linge, tandis que ses mains se crispaient sur son ventre. Lorsqu'elle se rendit compte de la présence de son mari, elle lui agrippa soudainement la main, et tenta de prononcer quelques mots, mais Aragorn lui posa un doigt sur les lèvres.
– Repose-toi, mon amour, il ne faut pas que tu t'épuises.
Ils n'eurent guère le temps d'échanger plus que, déjà, les sourcils de l'Étoile du Soir se froncèrent, et un nouveau cri de douleur passa ses lèvres. Tout son corps se cambra alors en une même crispation, qui n'était pas seulement due aux contractions, mais aussi à une douleur bien plus intérieure, probablement causée par l'enfant.
A ses côtés, un des meilleurs guérisseurs du royaume s'affairait à préparer un onguent, destiné à apaiser la reine. Deux autres servantes l'y aidaient, restant aux côtés du guérisseur au cas où la situation dégénèrerait.
– Que se passe-t-il donc ? Lui demanda Aragorn quand les cris cessèrent, alors qu'il commençait à se ronger les sangs. Pourquoi a-t-elle si mal ?
– Je crois, sir, répondit-il en appliquant une compresse fraîche qui diffusait un parfum de plantes sur le front de la reine, que les contractions survenues beaucoup trop tôt durant la grossesse ont été très dangereuses, et ont fait prendre au nouveau-né une très mauvaise position. Je ne vous cache pas que cela peut gravement nuire à la santé de l'enfant, mais c'est aussi extrêmement douloureux pour madame votre épouse, qui, à la moindre contraction, se voit dérangée par le positionnement du bébé.
Arwen n'ayant toujours pas perdu les eaux, le guérisseur lui conseilla des exercices de respiration lente, destinés à l'apaiser, tout en usant toujours plus en cataplasmes et en onguents pour la détendre.
– Nous ne pouvons hélas rien faire, reprit-il, si ce n'est attendre que les choses se fassent naturellement, car déclencher un accouchement pour un nouveau-né mal positionné est vraiment dangereux… et nous le ferons seulement si la vie de la mère en dépend.
Le roi déglutit l'espace d'un instant, puis, ne sachant que dire ni que faire, se saisit d'une nouvelle compresse, et l'appliqua soigneusement sur le front d'Arwen, tout en lui chantant des berceuses elfiques pour lui faire oublier l'espace d'un instant qu'elle souffrait. Cela sembla fonctionner, puisqu'elle sombra dans une semi-inconscience, seulement entrecoupée de ses gémissements de douleur réguliers dus aux contractions. Le guérisseur, un sexagénaire aux yeux gris brillants de savoir, observa un moment le Roi du Gondor, et au bout de quelques instants, brisa le silence d'un chuchotement destiné à ce que lui seul entende.
– Vous savez, Sir… je crains que la reine ne soit beaucoup trop secouée pour pouvoir enfanter à nouveau. La santé physique et psychologique des Elfes est différente de la nôtre, et si nous, nous nous remettons assez vite d'un mal qui nous atteint, eux en sont marqués pour l'éternité. Elle mettra du temps à se remettre de cette épreuve.
Le roi garda le silence, tentant d'assimiler les paroles qu'il venait d'entendre de la bouche du vieil homme. Il s'en doutait déjà, il connaissait fort bien les Elfes. Mais un sentiment de grande culpabilité l'atteignit inévitablement, et il se mit à caresser du bout des doigts la main blanche d'Arwen Undomíel… celle avec qui il s'était lié pour l'éternité.
– Son sacrifice… fut déjà tellement grand, tenta d'articuler lentement Aragorn sous le poids de l'émotion, je ne veux pas qu'elle demeure malheureuse par ma faute…
Le guérisseur sourit, se voulant rassurant.
– Ne vous laissez pas abattre par vos émotions maintenant, dit le vieil homme, arrachant un demi-sourire au roi, car il avait donné le même conseil à son fils quelques heures auparavant. Votre petite, dit-il en désignant le ventre rond d'Arwen, est une battante. Elle a survécu là où la plupart des nouveau-nés, sous le coup de ces violents spasmes, auraient déjà péri. Dans le milieu, cela est généralement de bon augure.
Aragorn ne put s'empêcher de sourire une nouvelle fois.
– Allez, tout ceci sera oublié quand vous tiendrez votre petite dans vos bras.
Comme si le sort voulait contrer ses dires, Arwen ouvrit subitement de grands yeux ronds, et dit d'une voix chevrotante :
– Aragorn, elle ne bouge plus. Je la sentais gigoter, mais elle s'est arrêtée d'un seul coup.
Devant l'absence de réaction des deux hommes, probablement parce qu'ils ne savaient que faire, l'Elfe se redressa subitement, et hurla :
– Il faut qu'elle sorte ! Elle est en train de mour…
Elle s'interrompit pour lâcher un cri déchirant, beaucoup plus que tous les autres, et rendit son dernier maigre repas tant elle avait mal. Tandis que les deux servantes aidaient l'épouse d'Aragorn à reprendre contenance, le guérisseur tâtait son ventre de la paume de la main. Soudain, il immobilisa sa main. Il écarquilla alors les yeux, et annonça sèchement :
– Il faut déclencher l'accouchement, je crois que le cordon est en train d'étouffer l'enfant.
Arwen se mit à pleurer, exténuée et terrorisée, tandis que les servantes s'afféraient à tout préparer pour l'effort à venir. Le roi, sachant qu'il devait rester fort, passa un bras derrière ses épaules, pris une de ses mains dans la sienne, et lui chuchota à l'oreille que tout se passerait bien, que tout serait bientôt fini. Arwen l'observa, les yeux plein de larmes, lui disant qu'elle voulait tenir sa fille dans ses bras. Ému, le rôdeur la serra contre lui.
– Très bien, se réjouit le guérisseur, elle vient de perdre les eaux. Maintenant, dit-il en regardant Arwen, il va falloir être très rapide, la vie de votre fille en dépend. Je vais vous demander de pousser à chaque fois que vous aurez une contraction, et en même temps, j'appuierai sur votre ventre pour l'aider à sortir.
Il n'eut guère le temps de terminer sa phrase qu'une nouvelle contraction fit plisser le front brillant d'Arwen, et sous les encouragements, elle poussa. Elle se perdit dans une exclamation de douleur, qui était accentuée par la main du guérisseur poussant sur son ventre. Mais la reine, n'abandonnant rien, se contentait de broyer la main d'Aragorn et de continuer ses efforts. Cinq minutes plus tard, une des servantes eut une exclamation apeurée : des flots de sang avaient coulé sur les draps. Aragorn eut un hoquet de peur à son tour, et le guérisseur, sous les coups d'une nouvelle contraction, somma Arwen de cesser tout effort.
– Q.. quoi ? Qu'y-a-t-il ? Hoqueta cette dernière, n'ayant pas remarqué qu'elle saignait abondamment. Est-elle là ?
– Elle est là, elle va bientôt sortir, mais pas par la tête, grommela le guérisseur. Le cordon s'est déchiré sous la puissance des contractions, mais l'enfant semble indemne. Vous allez pousser une nouvelle fois, ma reine, mais uniquement quand je vous le dirai.
Le guérisseur somma une servante de venir éponger tout le sang, et Aragorn se retint de serrer sa femme contre lui.
Arwen, sous les ordres du vieil homme, poussa une nouvelle fois, tout en gardant les yeux plongés dans ceux de son roi. Celui-ci la regardait tendrement. Il lui caressa la joue du bout des doigts, en lui disant en elfique qu'il l'aimait.
A bout de forces, Arwen s'affaissa dans ses bras, et ils fermèrent tous deux les yeux, quand… les pleurs d'un nouveau-né brisèrent le silence tendu de la chambre royale.
Le Gondor avait désormais sa princesse.
