Si vous lisez un peu en anglais, vous savez que le thème du retour dans le passé est très populaire. Je n'en ai pas trouvé beaucoup en français donc j'ai décidé de m'y essayer. J'espère que ça vous plaira ! Concernant les couples, on est tous suffisamment matures pour lire une histoire où les couples ne nous plaisent pas forcément s'ils ne sont pas le but de l'histoire, non ? Cette fic n'est pas une romance, et je n'ai même pas encore décidé des couples, alors on s'en contrefout un peu. Ceci dit, si tout ce que vous attendez est un bon gros lemon et une histoire d'amour, passez votre chemin. Par contre, si vous avez des idées de couple, vous pouvez les mettre dans les reviews, aucun soucis !
Disclaimer : Je ne possède pas Naruto. Par contre, je possède des chaussettes arc-en-ciel avec des orteils séparés au bout.
La taverne était un alien, plantée entre deux ruines et trois charniers. Son enseigne pendait misérablement, une large fente faite par un kunai perdu rendant l'inscription illisible. Des chaises cassées traînaient dans la poussière, là où une terrasse avait un jour trouvé sa place. Les murs étaient noircis par les jutsus de feu et les quelques planches épargnées étaient tâchées de vieux sang qui avait imbibé le bois séché. C'était le seul bâtiment qui tenait encore debout à des centaines de mètres à la ronde.
Inconsciemment, les combattants avaient laissé la taverne intouchée, comme dernier souvenir de ce qui avait une fois été et ne serait jamais plus. Et personne ne disait non à une nuit de beuverie quand le sang des ennemis avait rendu ses cheveux poisseux et des restes de matière cérébrale glissait le long de sa veste de jounin.
Le patron de la taverne était un garçon de quatorze ans. Ses deux parents étaient morts pendant la guerre et la seule chose qui lui avait évité d'être envoyé parmi les troupes était sa main manquante et son œil borgne. Quand on rentrait dans la petite auberge, un sourire rayonnant accueillait le ninja épuisé. Personne ne criait, personne ne s'échauffait sur un sujet ou sur un autre. La taverne était un havre de paix hors du temps qu'on n'avait pas encore osé toucher.
Assise à une petite table bancale dans un coin de la pièce, Haruno Sakura finissait sa troisième bouteille de saké. D'un geste de la main que l'alcool n'avait pas rendu léthargique, elle en demanda une nouvelle. Le garçon la lui apporta rapidement, habitué au seuil de tolérance infernal des shinobi qui s'arrêtaient chez lui.
La jounin était dans un état pitoyable. Même comparée aux autres clients, elle avait l'air misérable. Sa veste verte séchait sur le dossier de sa chaise. Il n'avait pas plu de la semaine et l'eau n'était pas ce qui s'évaporait lentement du tissu épais. Ses cheveux roses étaient noircis par le charbon et le sang dans lesquels ils baignaient quotidiennement. Comme les autres combattants, elle se laverait quand elle rentrerait au camp et ce n'était pas arrivé depuis huit jours.
Son visage était un champ de bataille, les coupures servant de tranchées et sa peau apparaissait à peine sous l'hémoglobine séchée qui avait craquelé autour de sa bouche et de ses yeux. Elle s'était mal prise pour sa dernière artère tranchée et le sang avait giclé partout. Elle n'avait pas pris le temps de s'essuyer parce qu'il restait encore six hommes à finir autour d'elle. Elle le regrettait maintenant ça grattait.
Sakura remplit son verre une nouvelle fois et but cul sec le mauvais saké. Elle avait encore les yeux fermés quand tout son corps se tendit. Elle reposa sa coupe comme si de rien n'était, sa main gauche se refermant sur un kunai attaché à sa cuisse. La chaise à sa droite ne fit aucun bruit quand elle fut tirée en arrière. Elle ne tenta même pas de cacher le soupir de soulagement qui s'échappa de ses lèvres. Ses doigts se desserrèrent de la poignée du kunai et elle se tourna pour sourire amèrement à son ami.
Nara Shikamaru avait l'air d'un prince à côté d'elle. Sa queue-de-cheval haute était intouchée et de rares mèches s'échappaient de l'élastique. Ni sang, ni poussière sur son visage, même si sa veste de jounin avait perdu sa couleur verte avec les lavages et virait sur le marron. Sakura resta consciencieusement silencieuse en remarquant que ses mains tremblaient violemment. Elle remplit sa coupe et la donna à Shikamaru avant d'appeler le garçon pour en avoir une seconde.
Le shinobi but le saké plus lentement qu'elle, mais en trois gorgées, il avait tout de même vidé le verre. Sakura pinça les lèvres devant l'expression vide de Shikamaru. Elle récupéra machinalement sa propre coupe et se servit du saké. Elle allait en avoir besoin, parce qu'elle connaissait ce visage.
« Qui ? demanda-t-elle à mi-voix.
— Temari. »
La coupe explosa dans la poigne surpuissante de Sakura. Elle se força à rappeler son chakra et sa main retrouva la force d'une personne normale. Elle déglutit difficilement, incapable d'ignorer la boule dans sa gorge. Shikamaru n'avait pas bougé, son visage toujours figé.
« Un jutsu que je ne connais pas a réussi à percer son éventail. Elle était à cinquante mètres du sol. On n'a rien pu faire d'autre que de la voir s'écraser.
— D'accord.
— Gaara est devenu fou. Il a massacré tous les combattants autour de lui avec son sable. Je ne sais pas si Kankurô est au courant.
— Gaara est Kazekage, il dirige le pays du Vent. Il a beau être le frère de Temari et de Kankurô, il ne devrait pas craquer comme ça. »
Le point qui s'écrasa contre sa mâchoire ne fut pas une surprise. Elle avait été volontairement provocante. Shikamaru avait besoin de l'entendre et besoin de frapper dans quelque chose. Ce n'était simplement pas sa nature, alors il était de son devoir de l'y forcer. Elle frotta légèrement sa joue, mais n'utilisa pas son chakra pour se soigner.
« Ta gueule, Sakura. Sérieusement.
— Je suis loin d'être bête, mais toi, tu as un QI de 200. Tu sais parfaitement pourquoi j'ai dit ça.
— Pourquoi est-ce que tu crois que je te demande de la fermer ?
— Tu as besoin de taper sur quelqu'un. Je suis là et tu auras du mal à me faire des dommages permanents. Alors pourquoi pas ?
— Je viens de perdre ma copine. Je n'ai aucune envie de frapper mon amie en plus. »
Sakura acquiesça sans un mot. Les phalanges de Shikamaru étaient sales du sang collé au visage de la jeune femme. Avec l'impression que son cœur se brisait, elle saisit délicatement la main de son ami et essuya consciencieusement les tâches. Shikamaru la laissa faire, une expression déchirante sur le visage. Ils ne pleurèrent pas. Il n'y avait plus de larmes à perdre après des semaines de guerre. Plus de larmes à verser quand on ne sait plus qui est mort et qui est vivant.
Ils avaient perdu Ino, la meilleure amie de Sakura et coéquipière de Shikamaru. Sa mort avait été ce qui les avait rapprochés. Puis Neji était mort en protégeant Hinata, qui ne se le pardonnait pas. Tenten avait protégé Sakura lorsqu'elle guérissait Gaï, son mentor. Ses derniers mots avaient été des remerciements de sauver son professeur. Gaï était mort quand même. Shino s'était sacrifié pour permettre à Kiba de retourner au camp apporter un message.
Plus de larmes à verser.
Les trois bouteilles de saké s'étaient transformées en quatre, puis cinq, et les deux amis partageaient maintenant la sixième. Sakura commençait à le sentir, mais son incroyable tolérance à l'alcool aidée de son jutsu médical lui permettait de tenir le coup. Shikamaru avait l'air encore plus sérieux que d'habitude, ce qui signifiait dans son cas qu'il était complètement imbibé.
La discussion avait rapidement dérivé sur des sujets moins personnels et ils parlaient maintenant de la même chose que tous les autres shinobis : la guerre. Elle était plus facile à digérer quand on ne citait pas nos amis qui étaient morts pour la faire cesser.
« Et tu sais le pire ? Je ne sais plus leur nombre. Tu m'aurais posé la question il y a deux ans, j'aurais pu te dire précisément combien de personnes j'ai tué. Mais quelque part en route, j'ai perdu le compte et j'ai juste... continué. Maintenant, quand j'arrache une trachée à main nue, je pense au citron que je vais devoir mettre sur mon uniforme pour enlever le sang. Quand est-ce qu'on a arrêté de compter ?
— Quelque part entre le test final de l'Académie et la promotion jounin.
— Je n'aurais jamais cru devenir jounin un jour. Et on n'a même pas eu à passer l'examen.
— Ah, les promotions de terrain. Bravo, vous avez tué cent ennemis, vous voilà officiellement jounin !
— On va tous finir avec un niveau ANBU, au rythme où ça va.
— Et une facture d'examen psychologique qui va tous nous ruiner. »
Le rire quasi-hystérique de Sakura fit se retourner quelques têtes. Un seul regard à son visage ensanglanté suffisait à détourner leur attention. Elle n'était qu'un ninja de plus en train de devenir folle. Qu'elle soit l'apprentie de l'Hokage, la dirigeante du pays du Feu, ne changeait rien à ça.
« Hier, j'ai tué une fille qui était en train d'accoucher. Elle ne devait pas avoir plus de quatorze ans et sa grossesse n'était pas très avancée. Son gosse allait être mort-né. Je lui ai brisé la nuque.
— Finis la bouteille.
— Quand je soigne des gens sur le champ de bataille, je dois me demander d'abord s'ils peuvent repartir immédiatement au combat ou non. Si non, je les laisse mourir.
— Hey gamin, on peut en avoir un autre ?
— Il y avait un petit de sept ans dans l'escouade qui nous a attaqué tout à l'heure. C'est de lui que vient le sang sur mon visage.
— Sakura, arrête. »
Elle fixa ses yeux verts sur son visage tordu par la peine. Son visage à elle était impassible.
« Je deviens dingue, Shikamaru.
— Je sais.
— On ne tiendra plus longtemps.
— Je sais. »
Sakura vida un énième verre. La porte de la taverne s'ouvrit violemment et une petite silhouette arriva en courant dans leur direction. Shikamaru et Sakura échangèrent un regard avant de finir la bouteille au goulot, une moitié chacun. L'enfant arriva près d'eux un instant plus tard.
Ils froncèrent les sourcils. Le gamin n'avait pas de bandeau frontal et paraissait en bonne santé. Il ne venait certainement pas de leur camp.
« Qu'est-ce que tu veux ? demanda Sakura.
— J'ai un rouleau pour vous.
— Qui t'envoie ?
— Je peux pas le dire, désolé. Prenez le rouleau, vous saurez tout. »
Et il repartit aussi vite qu'il était arrivé. Sakura scanna le rouleau avec son chakra pour déterminer s'il s'agissait d'un piège. C'était un rouleau normal et elle trouva ça presque plus inquiétant qu'une bombe cachée par un sceau. Elle l'ouvrit et se rapprocha de Shikamaru pour qu'il puisse lire avec elle.
Elle haussa les sourcils. Un jutsu ? Pourquoi est-ce qu'on gamin lui apporterait le rouleau d'explication d'une nouvelle technique ? Et d'ailleurs, à quoi servait-elle ?
Elle eut à peine le temps se poser la question qu'elle sentit une force phénoménale la tirer en arrière. Un violent vertige la prit et en un instant, elle sombra dans l'inconscience.
