CHAPITRE 1

La semaine vient de se terminer à l'orphelinat de Pony et tout le monde est retourné à ses occupations. Candy est retournée au dispensaire du Docteur Martin en ce mois de septembre 1917. Elle espère que Niel s'est enfin tourné vers une autre jeune femme. Bien sûr elle se trompait.

Niel n'avait jamais cessé de penser à elle. Elle était devenue son unique objectif. À force de tourner autour et de se briser les dents il envisagea alors de contacter Albert. Parallèlement son oisiveté commençait à lui peser alors il chercha à s'occuper. Il s'inscrivit à l'université de médecine et commença à étudier. Sa mère et sa sœur cherchèrent bien à le dissuader à entreprendre ce genre d'études, en lui martelant qu'il serait l'héritier du Ranch un jour mais rien y fit, Niel prouva qu'il était têtu bien au-delà de ce qu'elles auraient pu imaginer.

C'était un dimanche pluvieux, le premier du mois d'octobre. Niel avait passé outre ses cours de médecine à enquêter pour trouver le domicile de celle qu'il aimait mais il avait échoué. Alors tous les débuts de soirée, quand son emploi du temps le permettait, il attendait discrètement qu'elle sorte du dispensaire et jouait au détective privé en la suivant. C'est ainsi que bascula son existence. Alors qu'il avait gardé une distance de sécurité, son cœur manqua un battement lorsqu'au minimum trois voyous se jetèrent sur elle, lui arrachèrent son sac à main. La surprise et le choc la firent basculer et elle tomba inconsciente sur le trottoir. Niel le cœur à cent à l'heure se précipita et constata les dégâts. Il se pencha, la prit dans ses bras et la déposa délicatement dans sa voiture. Rapidement alors il l'emmena aux urgences de l'hôpital Ste-Johanna.

Candy se réveilla, la bouche pâteuse. Tout était flou, un choc, la pluie, puis plus rien. Ses yeux firent une mise au point de l'endroit où elle se trouvait. Manifestement l'endroit était élégant ce qui étrangement la remplit d'angoisse. Qui était-elle ? Impossible de se souvenir et ... où se trouvait-elle ? Elle ne connaissait pas cet endroit elle en était certaine. Ses mains se portèrent à son crâne, elles rencontrèrent une bande qui l'enserrait. Elle ôta les draps et s'apprêta à se lever lorsque la porte s'ouvrit. Une domestique d'abord suivie par un beau jeune homme.

- Oh mademoiselle ... vous êtes réveillée ... le docteur nous a formellement interdit de vous laisser vous lever ... vous n'êtes pas assez solide !

- Je me sens bien, parvient-elle à dire.

- Content que tu te sentes mieux fit le jeune homme inconnu.

- « Tu » ? Vous me connaissez ? Elle fixa son regard bleu sur lui, fouilla dans sa mémoire mais c'est comme si quelqu'un était venu vider tous les tiroirs de son passé. Elle rougit lorsqu'elle rencontra ses yeux ambre. Une chaleur l'envahit comme lorsqu'on ouvre un four à peine éteint.

- Bien sûr. Il s'assit négligemment sur le lit et se faisant fit venir à elle une vague de parfum qui vint chatouiller agréablement son odorat. Quelques secondes plus tard, son estomac se manifesta. Le jeune homme eut un petit rire. Tu vas te lever et te tenir à mon bras. Il la fixa, parut amusé par la rougeur de ses joues ce qui eut pour effet d'accentuer le phénomène déjà horriblement gênant. Quant à Niel son cœur fit un bond devant celle qu'il aimait et son trouble manifeste, mais il n'en montra rien. La vie lui offrait une chance et il savait qu'il ne fallait pas la gâcher.

- Je n'ai pas pour habitude de me tenir au bras d'un inconnu ... « aussi beau soit-il » faillit-elle ajouter, son attention fixé sur ce soleil comme un papillon de nuit sur un néon.

- Je ne suis pas un inconnu. Il se détourna et elle ressentit alors une indicible tristesse. Tu vas te tenir à mon bras pour manger.

- Je n'ai pas faim.

- Toi non mais ton estomac manifestement si ! Allons-y ...

- Attendez ! J'ai le temps de manger, j'ai faim de questions ! Vous semblez me connaître effectivement dit-elle d'une voix douce, mais ce n'est pas réciproque. Elle vit les épaules d'Apollon s'affaisser.

Il tenta de cacher son irritation. Il plongea à nouveau dans les yeux bleu-vert et parcouru son visage d'ange, un léger sourire sur ses lèvres. Il eut le sentiment qu'il ne s'en lasserait jamais.

- Bon ... je vais te dire qui tu es. Tu t'appelles Candy Neige ... André. Tu as été élevée à l'orphelinat, à l'orphelinat Pony (il parut guetter sa réaction à l'évocation de ce nom)... il n'y eut rien. Ensuite tu as été adoptée par la famille André. Autre chose ... je ne vais pas supporter que tu me vouvoies.

Pendant qu'il parlait elle essayait désespérément de se souvenir mais rien ne vient à elle.

- Je ne me rappelle pas ... Les yeux émeraude disparurent derrière le rideau mince des paupières. Le désespoir venait de l'habiter maintenant, elle ne pourrait pas rester dans cet état pour toujours ! Elle sentit une larme couler puis un doigt l'ôter avec une délicatesse infinie. Décidément cet inconnu était très gentil, prévenant et surtout incroyablement sexy. Qui était-il ? Pourquoi cet air triste qu'elle devinait lorsqu'il la regardait ? Quel était son secret ?

- Hum ... Tu as eu un choc des plus violents. Je ... je passais par là lorsque ça s'est produit.

- Quel choc ?

- Des voyous ont volé ton sac ... mais depuis il a été retrouvé se dépêchât-il d'ajouter. Tes papiers vont être refaits, c'est ton père adoptif qui s'en charge.

- Qui est-il ? C'est un André c'est ça ?

- L'oncle William Albert André.

Silence. Son corps frissonna mais se fut le seul indice qui lui fut donné.

- Ça ne me dit rien. Non vraiment

- Ce n'est pas grave. Il passa les doigts dans ses cheveux châtains et Candy se sentit comme hypnotisée par ce geste. « Calme-toi Niel, calme toi tu sais que quand son amnésie disparaîtra ça risque d'être compliqué ... ». J'en étais ... ton sac a été retrouvé sans l'argent ni les papiers. J'ai vu avec l'oncle William, ton père adoptif pour que ... bref ... cesse de t'inquiéter, tu es en sécurité ici.

- En sécurité ... mais ... je dois retourner chez moi ... je ... co ... je travaille ... non ? Je ... je ne suis pas oisive ... à ne rien faire ... je sens que je ne pourrais pas le supporter ! Niel en entendant ces mots se retient de rire.

- On se calme ! Pour l'instant chez toi c'est ici, ok ? Et oui tu travailles et le Docteur Martin est au courant. Devant son air interrogatif il poursuivit. C'est le chef d'une clinique qui accueille les nécessiteux. C'est en en sortant d'ailleurs que tu as eu cette mésaventure.

- Pourquoi avez-vous ri ? C'est peut-être légitime pour quelques filles mais pas pour moi ! Elle regarda autour d'elle contrariée. Je ne veux vivre aux crochets de personne ! « Pour qui il me prend ? ».

- J'ai ri parce que tu es tellement différente de ma famille ... nous y viendront plus tard ...en attendant le Docteur a prescrit un repos absolu.

- Je ... je n'aime pas cette idée que ... au fait ... Je viens de réaliser que vous ... pardon tu as évité de répondre à ma question ! Qui es-tu ?

- Je suis ... Niel Legan. Elle vit clairement sa mâchoire se contracter. Pas que la mâchoire d'ailleurs, tout son être fut tendu d'un seul coup, sur le qui-vive.

- Et nous nous connaissons ? Je sais que tu m'as dit que c'était le cas ... mais je ne comprends pas ...

« Oh ça oui ! Si tu savais ... si tu avais toute ta mémoire tu te sauverais en courant ! ». Il se contenta de prendre doucement sa main.

- Oui, puis dans un soupir parvint à lâcher « je suis ton cousin ». Ton cousin en quelque sorte, adoptif. Il ne quittait pas son visage magnifique, honteux d'un passé que lui pour tout l'or du monde aurait bien voulu oublier.

- Et ici je suis ? Où ? Elle réalise que cet endroit était magnifique mais comme suspendu dans le temps, pas de vie, pas de mouvements, le silence était l'unique locataire.

- Dans la propriété de mes parents mais ils n'y viennent jamais enchaîna t-il très vite.

- Et elle est où cette propriété ? Je ... je me demande c'est tout. Je ... merci de m'avoir amenée ici et de m'avoir soignée ... je crois que je ne te l'ai pas dit ... et elle ne put aller plus loin, elle se sentit fondre.

Niel devait faire appel à toute son énergie pour se contrôler. Il avait une envie folle de la renverser au creux de ses bras et de poser sa bouche sur la sienne, ce qui ruinerait toutes les chances d'être à jamais avec la seule femme qu'il aimait. Il se détourna de son phare, posant son attention sur une magnifique lampe posée sur une petite table en acajou d'angle. Quand il sentit en lui la tension être revenue à la normale il daigna lui répondre.

- Pas loin de Lakewood là où vit ton père. Il a donné son accord hein ... et quand tu seras totalement remise nous irons le voir. Allez ... à table.

Candy prit sans hésiter sa main puis se laisser conduire en confiance jusqu'à la table du salon. Celle-ci était magnifiquement arrangée avec des fleurs savamment disposées au centre. Il y avait deux assiettes. Étrangement elle se sentait comme sur un nuage. Ce jeune homme était charmant, tout comme-il-faut, galant mais elle percevait aussi une arrogance dans son maintien, dans son allure en général.

Niel resta à ses côtés toute la journée, lui faisant visiter le domaine. Elle s'émerveilla devant la grâce des jardins. De loin on pouvait apercevoir la maison et son balcon splendide qui surplombait le lac (dans lequel elle avait plongé pour échapper à Niel mais cet épisode pour l'instant lui était occulté). Du côté de Niel l'envie de l'embrasser le tenaillait et cela lui coûtait des efforts incessants pour se contrôler. Il s'enivrait à son insu de son visage, de sa silhouette à chaque seconde, l'inscrivant à jamais dans les méandres de son cerveau.

Candy quant à elle se questionnait sur ce jeune homme, sur sa famille, pourquoi était-il seul ici ? Une délicieuse peur aussi venait la troubler ... « Et si c'était un kidnappeur ? Un des voyous qui lui aurait arraché son sac ? ». « Non c'est impossible ... tu sais que tu sais qui il est mais tu l'as oublié ... et lui ne te dis pas tout ... tu ne sais rien de ton passé avec lui ... il ne t'a rien dit ! On dirait qu'il ne veut pas que tu saches ».

Alors qu'ils revenaient vers la maison, Candy cessa de se tenir à son bras. Niel en fut chagriné mais c'était mieux ainsi. Une légère brise venait caresser leurs visages respectifs, elle était vivifiante. Elle inspira alors, heureuse comme jamais. En confiance malgré ses impressions contradictoires, à nouveau elle le questionna. Au fond d'elle-même toutes ses zones d'ombre lui étaient insupportables.

- Je ... Ses pas s'arrêtèrent. J'ai peur de t'ennuyer avec toutes mes questions. Il oscilla de la tête en signe de dénégation. Merci. Est-ce que tu peux me dire ... ... je suis avec un garçon ? Elle eut un petit rire nerveux. Excuse-moi ... je cherche ... je cherche les pièces du puzzle qu'est ma vie. Une autre question vint alors lui brûler les lèvres. Est-ce que tu ... est-ce qu'on ... ? (d'où provenait cette boule dans son estomac ?)

- Ta vie sentimentale ... il se tût soudain, une expression indéchiffrable plaquée sur le visage. Son cerveau tournait à plein régime. « Que lui dire ? Que son Terry l'a laissé tomber ? Qu'elle m'a rejeté ? Idiot bien sûr que non ... reste simple ! ». Il se ressaisit. Tu es célibataire, finit-il par dire d'une voix douce. Je ne te cache pas que tu as eu quelques garçons dans ta vie ... « Et que c'est surtout le dernier qui me hérisse d'ailleurs ! », mais il choisit la prudence. Quant à nous ... c'est compliqué ! Il se retient de la prendre dans ses bras à nouveau, devant son air totalement désabusé.

Elle fronça les sourcils. « Doucement Niel ... vas-y tout doux ! » ! Il repensa aux chevaux difficiles que son père détenait dans son ranch et des conseils hors contexte vinrent envahir son cerveau.

- Comment ça « nous c'est compliqué ? » ? Son cœur était entrain de s'emballer dangereusement.

- Je ne peux pas ... Candy je te promets que je ne peux pas t'en dire plus.

- Nous ...

- NON ! Il fit le geste de se boucher les oreilles. Il parut alors effrayé et fut tenté de la laisser là toute seule au milieu de la volée de marche qui conduisait au hall principal de la demeure.

Le cœur de Candy manqua un battement. Était-il lui aussi célibataire ? C'était quand même incroyable ce paradoxe qui cohabitait en elle : une attirance et une peur tapit quelque part au fond d'elle-même. Il s'était arrêté et la fixait, d'étranges flammes dansaient dans l'ambre, elle sentait une énorme contrariété mêlée à une peur tangible.

- Hum ... qu'y a t-il ? J'ai quelque chose dans les cheveux ? Elle tira une boucle et se passa la main dans ses cheveux blonds, épais. Tu me regardes ... bizarrement je dois dire mais ... ça ne me dérange d'aucune façon je voulais juste savoir si ... Je suis navrée de t'avoir mis en colère.

Il prit un temps infini pour lui répondre.

- Non, tu ne m'as pas mis en colère. La réponse était totalement en contradiction avec l'impression générale. Il soupira et elle put sentir encore cette tristesse, ce quelque chose d'autre qui transparaissait, qui refusait de sortir.

- Je ... Je t'ai fais du mal ?

Niel fit une petite moue qui le rendit plus sexy et de façon impromptue eut un petit rire.

- On-peut-le-dire. Le ton était des plus énigmatique.

Candy sentit ses joues s'empourprer.

- Je ... je suis désolée ! Je ... qu'est-ce que j'ai bien pu te faire ? « Quand vas-tu lui poser la question qui te brûle les lèvres ? » se morigéna t-elle.

- Je suis désolée, je ... vraiment !

Niel affichait une expression des plus indéchiffrable. Elle s'en voulu soudain de toutes ses questions bien indiscrètes.

- Ce n'est pas entièrement de ta faute. Il eut son air qui la jaugeait, celui qui par le passé l'horripilait prodigieusement mais là bizarrement lui occasionnait des sensations inédites dans son ventre, comme des papillons prisonniers qui s'agitaient par un phénomène inconnu. Elle sentit un feu prodigieux enflammer ses joues alors qu'il l'enveloppa toute entière dans son regard aux reflets d'or en cette fin d'après-midi. Elle était sous le charme, harponnée par ce visage parfait, désormais sans défense aucune. Il eut alors ce petit rire narquois. Tu veux savoir mais ... permets-moi de rester le plus longtemps possible secret. Cela vaut mieux ... pour toi et pour moi.

Ils entrèrent, Niel se tourna vers la pendule, une idée nichée derrière la tête. – Tu dois avoir faim non ? Elle fit la moue. Elle avait faim oui mais décemment elle ne pouvait pas dire de qui ni de quoi, Niel imperturbable dévoila le planning de soirée. Je vais faire appeler quelqu'un pour t'aider à te vêtir puis nous irons dîner quelque part.

- Ça me gène ... je ... j'aimerais ... enfin je n'aime pas l'idée de me laisser entretenir. L'expression indéchiffrable du jeune homme l'obligea à se taire. Une sonnette d'alarme tentait de très loin à l'encourager à la méfiance mais son cœur lui, manifestement, avait décidé de se lâcher et de négliger la prudence.

- Il va pourtant falloir t'y faire. Le docteur a prescrit du repos et je me suis engagé à m'occuper de toi entièrement.

- Mais je vais m'ennuyer ! Je sais que je peux faire la cuisine !

Il éclata de rire.

- Je te trouverais des trucs à faire s'il n'y a que ça ... pour l'instant c'est ta santé qui est mon principal objectif. « Mon deuxième étant que tu m'aimes ... surtout quand tu auras retrouvé la mémoire ... et il va falloir que je réfléchisse à ce fameux « choc » émotionnel ... ». Ici il y a un couple de domestiques pour entretenir le domaine, il est donc hors de question que tu fasses quoi que ce soit.

Niel lui ouvrit galamment la portière et elle s'installa précautionneusement. Elle portait une ravissante robe en mousseline verte pastel qui mettait en valeur sa taille fine et surtout sa chevelure vaporeuse bouclée, enfin ses yeux brillaient d'un feu ardent. Elle se sentait comme en apesanteur, le cœur bondissant d'un drôle d'élan inédit a priori par le passé. Sa mémoire avait occulté la plus grande partie de son histoire personnelle certes, mais cette perception étrange ou tout avait une couleur sucrée lui était totalement nouvelle, elle en était sûre, jamais un garçon n'avait eu cet effet-là sur elle. Elle lui sourit il se contenta de hocher la tête. Le bolide s'élança sur l'asphalte, s'éloigna de Chicago, bête tentaculaire tentant sans cesse de manger les paysages encore sauvage. Bientôt la route traversa des forêts denses, puis il tourna à droite, prit une montée et enfin arriva devant un établissement discret mais qui ne la trompa pas, c'était un des plus select de la région, tout l'indiquait, du panneau aux lettres ouvragées, au portail et aux jardins magnifiquement éclairés.

- Je ... enfin c'est peut-être un peu trop pour moi ... « Je suis complètement à sa merci ! Je ne sais pas qui est ce garçon réellement ... si seulement je pouvais me souvenir ! ».

- Descends ... et cesses de t 'inquiéter, laisses-toi conduire sans te poser autant de questions.

- Si justement ! Rétorqua t-elle plus hargneusement qu'elle l'aurait tout d'abord souhaité. Il eut un petit rire et se détourna d'elle au plus vite pour ne pas qu'elle perçoive son trouble permanent qu'il tentait chaque jour de dissimuler. Il entendit un « pardon » contrit.

- Viens. Je t'ai dit que je m'occupe de tout même si c'est tout nouveau pour toi, d'accord ?

- J'ai peur. Cet aveu la fit frissonner.

« Par le passé tu aurais pu, plus maintenant » se dit-il au plus profond de lui-même.

- Je sais.

La salle était déserte ou presque. Un jeune homme brun, aux cheveux attachés par un ruban de velours les regarda passer l'air des plus intrigué. Candy se dit que cet homme lui était un parfait inconnu et son esprit passa vite au tableau suivant. L'endroit était adorable, une table, une magnifique baie vitrée qui donnait sur la ville scintillante nichée au creux d'une vallée. À leurs pieds se déroulait des pelouses parfaites aux rangées de fleurs taillées au cordeau dans un ordre parfaitement symétrique et agréable à l'œil. Elle était tellement absorbée par le spectacle qu'elle entendit à peine un raclement de gorge. Lorsqu'elle revint sur Niel celui-ci était triomphant et savourait manifestement son succès devant l'inconnu aux allures de dandy, qui l'espace d'un instant ne l'avait pas laissé indifférente.

- Alors comme ça Candy tu t'es décidée à fréquenter la haute société ? Ce ... cet avorton de Niel Legan ?

- Euh ... nous nous connaissons ? « Maudite mémoire ! » gronda t-elle intérieurement.

- Ne joue pas les ingénues avec moi répliqua t-il d'un ton acide. Il eut un petit rire désabusé mais ne comptait visiblement pas baisser les armes devant l'héritier des Legan.

- Je m'excuse mais ... qui êtes-vous ?

- Je sais que je n'occupe plus le haut de l'affiche ... pas la peine en plus d'être moqueuse.

- Je ...

- Candy je « vous » présente Terrence Grandchester. Un éclat dans les prunelles l'avertie qu'il allait contrattaquer. Je pense que monsieur n'a pas supporté votre rupture, murmura t-il, un ton des plus sarcastique.

- C'est quoi encore que cette mascarade ? Tu la vouvoies ? Ces mains devinrent des poings, symptômes d'une grande agitation intérieure. Candy se sentit prête à entrer dans la lutte au cas où une bagarre se pointait. Terrence parvint à se contrôler in-extremis. Tu sais que tu ne la mérites pas ! Tu as agis envers elle comme la pire des ordures ! Il ricana. Si elle est là c'est que tu as du la droguer, ou alors elle a perdu la mémoire parce que si elle était dans son état normal ... elle fuirait !

Candy le fixait complètement ébahie, les yeux écarquillés.

- Et bien oui comme tu l'as si bien remarqué rétorqua Niel sur un ton las et des plus calme. Maintenant je te prie de bien vouloir nous laisser seuls et par pure provocation ... toucha les doigts de Candy puis lui prit tendrement la main pour la porter à sa joue. Candy ferma les yeux, pâle, son instinct lui soufflant que le dandy romantique n'allait pas apprécier du tout.

- Tu voudrais que je te mette une raclée Legan, que je tombe dans ton piège mais vois-tu ... j'ai mûri, je ne suis plus ce que j'étais avant.

- Nous avons tous une chance siffla Niel, fixé sur son adversaire.

- J'ai un doute te concernant. Tu es un rat et tu le resteras comme ta chipie de sœur, et le reste de ta clique. Il fixa Candy. Celle-ci était encore stupéfaite. « Qu'est-ce qu'elle fait avec cet avorton ? Je dois le savoir, il FAUT que je le sache ... j'irais voir Albert au plus tôt ». Il choisit de revenir sur Niel. Ne t'inquiète pas je ne vais pas troubler votre repas en amoureux. TOI, son index accusateur pointait dans la direction d'une Candy ébahie. TOI ! Saches que tu me déçois énormément ! Je ne te pensais pas aussi cupide que les autres, te tourner vers ce minable pour l'argent ... franchement je me disais que je ratais ma vie et ma carrière, je vois que tu es tombée plus bas que moi !

- Mais enfin je ne vous permets pas ! Elle était furieuse à présent mais Niel serra un peu plus fort sa main dans la sienne... Au fond de lui en fait c'était une tempête sous son crâne, il bouillonnait à l'idée de lui mettre un bon coup de poing mais les convenances sociales et son éducation agissaient sur lui comme des chaines invisibles.

Terry les enveloppa d'un regard méprisant et s'éloigna. Enfin. La tension qui stagnait au-dessus d'eux comme une chape de plomb elle, resta tout le long du dîner.

- Quel ... quel rustre ! Je ne sais pas qui était cette personne mais ... elle en tous les cas paraît me connaître ... Terrence Grandchester c'est ça ? Ce nom ne me dit rien.

Niel lui, souriait d'un air triste mais ses yeux eux, brillaient d'une nouvelle volonté. Plus personne ne lui marcherait sur les pieds.

- Vous avez été très proches tous les deux reprit-il lentement, la voix sourde. Ça a commencé ... au Collège Royal de St-Paul en Angleterre.

Candy ferma les yeux et tenta une nouvelle fois de se souvenir mais juste un brouillard lui vient à elle.

- Je ... j'étais donc proche ? J'étais ... une sorte de petite amie ? Souffla t-elle.

- Je pense que tu l'étais ... d'après ce que je sais sur toi. Tu l'as aimé, énormément et puis il s'est passé quelque chose à New York. Terrence est ton « deuxième » amoureux, auparavant tu as eu Anthony. Tandis qu'il parlait il sentait un pincement désagréable en lui.

- Anthony ? Non ... à nouveau elle tentât de fouiller dans sa mémoire mais elle était toujours aussi réticente à lui dévoiler ses secrets. Il ... qui était-il ?

- C'était un garçon jovial, il a été élevé avec Alistair et Archibald ... nous étions voisins. Il se caressa le menton se demandant s'il devait en dire plus. Il a eu un accident de cheval.

- D'accord, murmura Candy. Je ... et avec vous, euh ... pardon ... toi ? Je veux dire j'étais ton amie ? Je suis tenace ... j'ai une impression étrange que je te connais mais pas tant que ça.

Cette question le paralysa quelques secondes, lesquelles furent utilisées par le serveur pour déposer les plats.

- Non. Je dois même t'avouer que longtemps nous avons été ennemis.

- ennemis ? Les papillons reprirent leur danse étrange.

« C'est le moment de te jeter à l'eau ».

- J'ai une sœur tu vois, et tu es arrivée chez nous. Tu avais dix ans je crois. Tu étais innocente et ... en totale confiance. Son expression vira à une tristesse abyssale. Tu n'aurais pas dû, conclut-il doucement. Il plongea dans ses yeux tellement gourmands de plus d'informations sur sa vie passée qu'il souhaitait de toute son âme laisser dans l'ombre.

- Je ... si nous étions ennemis ... (sa voix était douce, si agréable, si fragile, Niel du faire des efforts surhumains pour garder sa poker face) tu ne serais pas là à m'emmener au restaurant, à m'avoir offert cette robe sublime ... je ... si nous étions ennemis c'est que j'ai fais quelque chose de mal ?

« - J'ai fais quelque chose de mal ? » raisonna en Niel, accentuant son malaise diffus. Il savait au fond de lui que jamais Candy n'aurait accepté de dîner avec lui dans son état normal. « Profites-en » souffla sa voix intérieure, mêlée d'excitation et de plaisir. Il frissonna mais veilla à ce que la jeune femme n'en sache rien.

- Non. Il se caressa lentement le menton avec son index de la main droite tandis que son autre main jouait avec les doigts fins de Candy. Celle-ci ne s'en offusquait pas (bien au contraire). Ce geste eut pour effet d'hypnotiser en quelque sorte son attention. Non reprit-il. Tu es arrivé, superbe, dans ta robe bleue à rayures, tu t'étais fais belle pour nous et en geste de bienvenue ma sœur et moi-même nous t'avons versé un seau d'eau glacé. Il se tût devant son expression atterrée. Oui ... si tu savais comme je regrette cet instant ! Je donnerais n'importe quoi pour qu'il ne se soit jamais produit ! Mais tu avais déjà un sacré caractère car tu as aussitôt répliqué en enserrant mon bras avec ton lasso.

Candy pouffa. Ses oreilles avaient peine à croire les propos de Niel. Comment ce garçon divin, adorable, ait pu par le passé être un vrai goujat ? Pourquoi était-il maintenant différent ? Elle dodelina de la tête, septique. Elle allait encore poser une question quand le serveur vint leur amener la suite.

- Je ... j'ai du mal à te croire j'avoue ... tu es si ... enfin tu ne colles pas au portrait que tu fais de toi-même ... c'est ...

- Pourquoi je suis si différent à présent ? Un petit rire franchit ses lèvres bien dessinées et gourmandes. Je t'aime vois-tu ... et le moins que l'on puisse dire est que tu ne me facilites pas la tache. Je ne t'en veux pas sache-le, j'ai mérité ton attitude. Je veux maintenant réparer toutes mes fautes.

À ces mots le cœur de Candy s'emballa. « Il vient de me dire, de m'avouer même qu'il M'AIME ! » c'est génial ! Mais ... pourquoi a t-il ajouté que je ne lui facilitais pas la tache ? Il est si beau, prévenant ... à cause du passé ? De sa sœur ? – Euh ... votre famille ... je sens que ... elle ne m'aime pas trop ... c'est ça ? Je ... je pense pour le coup que tu aurais du me laisser sur le trottoir ... elle se mordit la lèvre inférieur qui engendra une légère tachycardie chez son vis-à-vis.

- Que ce soit clair entre nous, même quand tu auras retrouvé la mémoire ... je ne te laisserais jamais dans une situation difficile, jamais. J'ai une dette envers toi.

- Mais ... elle rougit devant les yeux emplit de désir et de volonté de Niel.

- Plus jamais, rectifia t-il. Je ne peux plus rien pour le passé que nous avons en commun mais pour le futur, c'est mon affaire.

- Oui mais si ... ta famille ... elle ne put aller plus loin. Il lui fit comprendre que même sa famille ne pourrait rien pour la décision qu'il avait prise.

- Mon père m'écoutera et il a même commencé, et votre oncle est désormais mon plus fidèle allié. Ma sœur, ma mère et la vieille ... il sourit alors que Candy se montra offusquée, croyez-moi si vous vous rappeliez qui est celle que j'appelle familièrement « la vieille », vous ne seriez pas tellement outragée, bref ... j'ai repris le contrôle, plus personne ne me dictera ce que sera ma vie. « C'est incroyable ... quelle assurance, quel charisme, whaooo ! » ne cessait de se répéter Candy alors que Niel lui parlait. Était-il comme ça par le passé ?

- Je vous crois ne put-elle que dire. Tu me détestais si je comprends bien ... pourquoi maintenant ... qu'est-ce qui a fait que vous ayez changé d'opinion à mon égard ?

Elle leva les yeux lorsque Terry se leva en galante compagnie et passa dédaigneusement devant leur table. Il murmura quelque chose à Niel qu'elle ne put intercepter. Son regard avisa que son hôte serrait les poings, furieux.

- Je sais que je n'ai rien à vous dire ... mais je pense qu'il faut laisser ce monsieur et ne pas faire attention, chuchota Candy désireuse de retrouver la sérénité de sa table.

- Non. Je dois me prouver quelque chose à moi-même. Sur ce il quitta la table à la suite de Terry.

Aussitôt elle fit de même mais Niel la cloua littéralement à sa place.

- Je dois me prouver quelque chose répétât-il. Si je ne sais pas me défendre lorsqu'on m'attaque ... comment pourrais-je le faire si ... on cherche à te faire du mal ? Tu comprends ?

- Mais ...

- Reste ici, c'est un ordre.

Sur le coup l'ordre en question elle faillit lui dire qu'il pouvait le mettre où il le souhaitait mais son attitude lui interdit toute rébellion.

Il fut de retour vingt minutes plus tard. Il était débraillé, les cheveux en bataille et l'œil gauche qui visiblement avait subit un choc. Elle alla à sa rencontre, bouleversée.

- C'est complètement stupide ! Se battre ... mais dans quel état tu es !

- Il le fallait. Elle appela le serveur, lui ordonna de ramener une poche de glace. Ce dernier se confondit en excuses pour la sécurité de l'établissement quelque peu défaillante. Niel le rassura.

- Il fallait que je le fasse Candy. Je devais me prouver quelque chose.

- Que ... quoi ?

- Pour moi répétât-il doucement. Je veux que quand tu retrouveras la mémoire tu te souviennes de ce que je vais te dire ... Je n'aime qu'une seule personne sur cette terre et elle se tient en ce moment devant moi. Je veux être capable de la protéger ... et ... être un homme, un vrai. Les yeux de Candy hésitaient entre la fierté et une certaine colère.

- Et ? Niel ! Je ne sais pas pourquoi nous nous détestions par le passé mais ce n'est pas la peine de se mettre dans un état pareil ! Il eut un petit rire.

- J'avoue ne pas être un fan de la lutte en général, je n'aime pas ne pas avoir le contrôle, je suis plus cérébral d'habitude mais ça doit changer. Il y a des moments ou ... l'action importe plus que la réflexion. Il fallait que je lui montre que je peux m'occuper de toi, que tu dois être fière d'être à mon bras.

- Mais ... tu sais que je peux me défendre et toute seule encore !

- Ce ne sera plus nécessaire. Je veux être capable de te défendre dès qu'un malotru t'insultera, je veux te protéger de ma sœur, de ma mère et de l'autre momie qui sert de matriarche. En clair je veux que tu aies une totale confiance en moi.

- Je ... je n'aime pas l'idée de dépendre de quelqu'un pour mes affaires ... qu'est-ce que j'ai dit de si drôle ?

Niel cessa de rire.

- Tu as peut-être perdu la mémoire mais tu es telle que par le passé, têtue, fière et indépendante, tu sais ce que tu veux, tu ne cèdes pas facilement aux ordres surtout s'ils viennent de notre « chère famille » et il ajouta les guillemets dans l'air.

- Ça m'ennuie tout ça ... je ... je ne me souviens de rien ... je suis comme obligée de te croire sur parole ! J'ai par dessus tout du mal à croire que nous nous détestions.

- Oui nous nous détestions avant. Cette situation n'est pas pour me déplaire sachez-le. Il affichait ce petit air narquois du passé mais étrangement cela ne lui fit ni-chaud-ni-froid.

- Mais ... votre famille va bien finir par s'inquiéter ... non ? Elle ... va tout faire pour que tout rentre dans l'ordre.

- Je le sais bien mais pour l'instant tu es à l'abri. J'ai demandé à mon père de m'aider en engageant une domestique pour la maison. Quand ça sera le moment, je vous emmènerai dans un autre endroit, plus sûr. Ça c'est ma première option. La deuxième est de vous imposer à ma propre famille ... c'est nettement plus risqué. Je ne veux pas de cette éventualité en fait, pas avant que vous ayez retrouvé la mémoire. Là nous serons fixé.

- Fixé ?

- Oui ... tu feras le point sur tes sentiments me concernant. Je t'aime, je me suis juré à moi-même de te protéger quoi qu'il arrive, même si je dois accepter que tu me rejettes en fin de compte.

« Ça n'arrivera jamais ! » faillit-elle lui crier. Son visage d'ange, son allure, ses bras (dans lesquels elle ressentie comme une envie soudaine d'y aller se blottir), sans compter sa gentillesse ... non il n'avait pas pu la détester, être son ennemi ! Quant à elle comment avait-elle fait ne pas voir à quel point il l'aimait ?

Il parla ensuite du Ranch, de son père, comment était sa sœur, sa mère, sans doute pour la préparer psychiquement à une future rencontre. Le repas fut divin, puis avec regrets ils reprirent la route.

A bientôt pour le CHAPITRE 2, merci de me laisser des reviews pour que je puisse m'améliorer.