CHAPITRE 1 : Un crayon pour les Mugiwaras !
« Mesdames et Messieurs, bienvenue à tous pour notre immense concours d'écriture, célèbre sur tout Grand Line et même au-delà, sur toutes les mers du…
- Heu, m'sieur l'maire, c'est la première fois qu'on l'fait, l'concours, il peut pas être célèbre…
- Excellente remarque, Ed. Reprenons. Mesdames et Messieurs, bienvenue à tous pour la toute première édition de notre exceptionnel concours d'écriture ! Il y aura du suspens ! Il y aura de l'amour ! Il y aura de la joie ! Il y aura de la douleur ! Il y aura de la jalousie ! Il y aura de l'excitation ! Il y aura…
- Heu, m'sieur l'maire, les spectateurs sont en train d'partir… Vous d'vriez passer aux modalités…
- Excellente remarque, Ed. Reprenons. Et nous espérons tous, bien entendu, qu'il y aura… du talent ! En jeu, cette magnifique statue en bronze ! Pour la remporter, il faudra obtenir le plus de votes à main levée de nos chers spectateurs, seuls juges de vos réalisations ! Et maintenant, le thème ! Vous devrez écrire une déclaration, quelque chose de fort, quelque chose de pur ! En bref, faites-nous rêver ! Et, contrainte supplémentaire, vous devrez obligatoirement utiliser les mots suivants : blessure, douleur, bateau, sang et fièvre ! Vous avez une heure, du papier et un crayon ! Mais passons tout de suite à la présentation des candidats qui se sont généreusement inscrits : un joyeux paysan au chapeau de paille répondant au nom de Luffy ; un mercenaire fort et fier, Zoro ; une splendide et colérique voyageuse prénommée Nami ; un charpentier fantasque, Usopp ; un cuisinier hors-pair doublé d'un dragueur invétéré, Sanji ; une adorable peluche parlante, Chopper et une archéologue bien mystérieuse, Robin !
- Heu, m'sieur l'maire, ces jeunes gens ressemblent étrangement au Chapeau de Paille et au chasseur de pirates, Roronoa.
- Excellente remarque, Ed. Il s'agit même de l'ensemble de l'équipage ! Mais personne d'autre ne voulait participer alors…
- Heu, m'sieur l'maire, vous voulez dire que ces pirates sanguinaires sont les seuls candidats d'un concours… d'écriture ? Et vous ne…
- Excellente remarque, Ed. Je crois qu'ils en ont après la statue en bronze, allez savoir pourquoi. Mais… reprenons ! Candidats, prêts ? C'est parti ! »
Et notre charmant équipage se mit à écrire, chacun à sa manière. Luffy, assis sur sa chaise les jambes et les bras croisés, avait placé son crayon juste sous son nez. Les yeux plissés par l'effort de réflexion, il semblait réfléchir intensément. Cependant, son immobilité exagérée paraissait de plus en plus suspecte…
Etrangement, Zoro jouait au bon élève, concentré sur son travail et semblant composer avec une facilité déconcertante, suivant le fil de ses pensées.
Nami, un rictus sadique aux lèvres, s'acharnait sur sa pauvre feuille, qui avait, dans son malheur, la chance inexpliquée à ce jour de résister à la perforation.
Usopp vérifiait, bien trop souvent, que les autres candidats ne copiaient pas sur lui. Ils devaient être très tentés vu sa position « évidente » de favori.
Sanji, les yeux en cœurs, alignait sans efforts les mots, non les paragraphes, non les… les pages, s'arrêtant de temps à autre dans un soupir, contemplant son œuvre avec émotion.
Chopper traçait, rayait, corrigeait, effaçait, crayonnait, relisait, raturait puis recopiait et enfin levait sa feuille, fier de lui. Le premier lui plaisait, bien, il était temps de passer au mot suivant.
Robin, d'apparence très calme, sirotait un cocktail. Elle avait perdu son regard quelque part dans le ciel. Une troisième main avait émergé de son bureau, saisi le crayon dont la mine pointait dangereusement le papier. Cependant, son immobilité totale rivalisait avec celle de notre capitaine.
Mais laissons-les travailler en paix et profitons de notre petite heure de battement pour tenter de résoudre ce grand mystère : que faisait notre équipage ici, se mesurant les uns aux autres dans un concours de littérature, exercice ô combien exceptionnel pour la plupart ? Pour cela, nous avons besoin d'un petit voyage dans le passé. Rien d'extraordinaire, juste une quinzaine de minutes.
« Namiiiii ! hurla un Luffy, très excité. C'est quoi un concouuuuurs ? »
Les Mugiwaras venaient tout juste d'accoster sur Goncourt Island, une toute petite île de Grand Line, dans le but de remplir un peu les cales du Merry et dans l'attente d'un peu d'action. Etant donné la taille réduite de l'unique village, ils décidèrent exceptionnellement de tous débarquer laissant à Robin la mission d'y jeter un œil de temps en temps, à sa façon bien évidemment. Ils débouchèrent assez rapidement sur la place centrale, où trônait une estrade étonnante : quelques tables individuelles accompagnées de leur chaise y étaient alignées. Derrière elles, se dressaient un petit podium ainsi qu'un décor festif surmonté d'une immense banderole : Grand Concours Littéraire pour une statue en bronze ! Quelques habitants commençaient à se rassembler devant ce petit arrangement, dans l'espoir d'y trouver d'un peu d'animation. Non loin de la scène, un bonhomme rondouillard, une écharpe lui enserrant la poitrine semblait perdre patience. Stressé, il faisait les cent pas pendant que son acolyte tentait de le rassurer.
« Alooors, Namiiiii !
- Laisse-moi t'expliquer, proposa Usopp. Un concours, du Syrupéen ancien « concursus », est une sorte de comp…
- Stop ! interrompit Nami. Je vous interdis de lui révéler le sens de ce mot puisque vous savez très bien où ça risque de nous mener ! Un concours littéraire, très peu pour moi ! »
Au grand désespoir de Luffy, aucun ne se risqua à poursuivre l'explication, trop conscients du danger physique et monétaire que cela pouvait représenter. Quand Nami disait non, c'était non. Mais il en fallait davantage pour arrêter la curiosité de notre capitaine.
« Comp… ote ?
- Non, répondit Nami. »
Et elle sentait que ce petit jeu risquait de durer un peu trop longtemps… Au-delà des limites de sa patiente, en tous cas.
« Dommage. Comp… rimé ?
- Non ! »
La navigatrice commençait doucement à s'énerver.
« Comp… liment ?
- NON ! »
Son poing fondit sur sa proie.
« Comp… onction ? »
Elle s'immobilisa avant d'atteindre sa cible. Décidemment, cet abruti la surprendrait toujours !
« Il connait ce mot-là, lui ? s'étonna le cuistot. »
Pendant que le reste de l'équipage définissait ce mot à ceux qui ne le connaissaient pas et imaginait des explications au savoir improbable de leur capitaine, ce dernier fut touché une seconde fois par la grâce. Un sourire triomphant étira ses lèvres encore plus que d'ordinaire.
« Comp… étitiooonnn !
- Et merde. »
Puis tout était allé très vite. Nami avait tenté de l'en dissuader en lui expliquant les modalités de passation mais ça, il s'en fichait. Il était prêt à tout pour s'amuser, pour se mesurer à de nouveaux obstacles et surtout pour gagner la statue en bronze. Alors il était tombé sur le gros bonhomme qui l'avait pris dans ses bras en apprenant sa participation avant de l'inscrire, lui et tous ses nakamas. Et bien oui, plus ils étaient nombreux à essayer, plus ils avaient de chances de gagner. Ca sentait l'arnaque, selon la navigatrice. Il était étrange que des étrangers soient aussi bien accueillis, surtout lorsque leur tête était placardée dans toute la région. Quelques minutes plus tard, ils étaient assis, chacun à leur table, conscients d'avoir sauvé de peu le concours qu'ils savaient déjà gagné, à moins, bien sur, qu'ils arrivent à tous être éliminés. Et avec les Mugiwaras, on n'était jamais sur de rien.
« Il vous reste 5 minutes avant de poser vos crayons et venir lire votre œuvre au public ! »
Luffy ne bougea pas plus. Zoro, qui semblait pourtant avoir terminé, tiqua et se remis prestement au travail. Nami, confiante, sourit au maire, apposa le point final de sa rédaction et entreprit une relecture consciencieuse. Gérer l'argent était sa passion, gérer son temps n'en était que plus facile. Usopp commença à trembler, partagé entre l'angoisse et l'excitation. Il était sur le point d'être reconnu meilleur écrivain de Goncourt Island, ce n'était pas rien ! Sanji continuait encore et encore à coucher des lignes sur ce qui ressemblait maintenant à un gigantesque parchemin, malheureusement maculé de sang, le sien. Chopper, paniqué d'apprendre que le temps avait passé si vite, décida d'accélérer et de passer immédiatement à la seconde phrase de son texte. Robin ferma le livre qu'elle venait d'achever.
« 5… 4… 3… 2… 1… On pose les crayons ! Et maintenant chers spectateurs, préparez-vous à entendre les œuvres de nos brillants candidats ! »
