Titre : Noyade
Autatrice : lasurvolte (de pseudo) ou mari (mais vous pouvez m'appelez aussi Plectrude si ça vous dit ^^)
Disclaimer : Supernatural appartient à ses créateurs.
Note : spoils s09-10
Note 2 : cette fic est assez dur, vous êtes prévenu.
Ces derniers temps, Sam se sentait triste, sans trop savoir pourquoi. C'était un sentiment de fond, quelque chose à laquelle il évitait de trop penser, mais c'était là, insidieux et ça lui donnait par moment du mal à se lever ou à se coucher. Ca n'avait sans doute rien d'inhabituel, avec tout ce que lui et son frère vivaient, tout ce qu'ils avaient vécu, il y avait toujours quelque part une part de tristesse, un truc qui rendait son cœur lourd et son corps difficile à porter, mais il était toujours passé au dessus de ça, parce qu'il le fallait, parce qu'il n'avait pas le temps d'y penser.
Et puis il y avait eut ce monstre, encore un, de ceux qui en savent trop, qui tapent juste avec leurs mots et qui blessent plus qu'avec des coups.
- Eh Sam ! Comment tu fais pour te supporter après tout ça ? Comment tu fais pour même te regarder dans le miroir ? Eh Sam ! Qui de nous deux est le monstre ? Tu m'amuses bien tiens, tu es le pire d'entre nous. Tu portes tellement de mal sur tes épaules que je me demande même comment tu fais pour juste rester humain. C'est quoi ton excuse Sam ? Ton frère il avait la marque de Caïn pour s'expliquer, et toi comment tu expliques tout ça ?
Sam le savait. Il n'avait pas besoin qu'on lui dise, mais il semblait qu'on aimait lui rappeler qu'il était comme sur une corde raide, et risquait à tout moment de basculer du mauvais côté, qu'il avait tendance à basculer du mauvais côté. Et tout ça pourquoi ?
Oh ! Des bonnes raisons il n'en manquait pas. La fin justifiait les moyens. Pour son frère. Surtout pour son frère. Encore pour son frère. Eh ! Il devait sauver Dean, retrouver Dean, il avait peur pour Dean, il ne pouvait pas abandonner Dean (pas encore). Peut-être pour essayer de sortir quelque chose de bien de tout ce mal.
Avoir tué le monstre ne l'avait pas soulagé, ni des mots, ni du mal.
Eh Sam ! Comment tu fais pour te regarder dans le miroir ?
C'est bien simple, Sam arrêta de s'y regarder.
Sam avait besoin de chasser, pour ne pas penser et pour avoir l'impression qu'il n'avait pas fait que des mauvaises choses, il pouvait aussi sauver des gens, il pouvait faire quelque chose de bien, réparer ses erreurs. Comme s'il pouvait réparer ses erreurs, c'était ridicule. Et chasser ne suffit plus à Sam, pour être moins triste, pour retrouver quelque chose qui s'apparente à des moments de bonheur.
Il avait son frère évidemment, être avec Dean c'était la meilleure chose qui soit, même dans les coups durs, même dans les moments difficiles, Dean c'était son grand frère et il aurait fait n'importe quoi pour lui, et c'était bien ça le problème, n'importe quoi ça voulait aussi dire des mauvaises choses. Mais c'était Dean bon sang. Et il avait tellement confiance en lui que par moment c'était un peu ridicule. Si Dean lui avait dit « fais moi confiance, jette toi du haut de cet immeuble », Sam aurait peut-être même pas hésité et aurait sauté. Il avait donc Dean et c'était encore la seule chose qui effaçait sa tristesse. Par exemple manger avec lui, passer un moment avec lui. Il n'avait plus que lui, comme si l'univers entier tournait autour de Dean et c'était peut-être vrai que l'univers entier tournait autour de lui.
Sam avait Cas aussi, mais Cas appartenait plutôt à Dean, il était une de ces étoiles qui gravitait autour de Dean, et Dean l'attirait à lui comme s'il était la gravité. Cas et Dean, c'était comme une évidence. Et Sam n'était pas totalement persuadé que sans Dean, Cas viendrait à lui. Mais bon, il avait Cas quand même.
Et puis Charlie, et puis Jody.
Ca aurait dû suffire, parce que ces personnes l'aimaient malgré tout. Ca ne suffisait pas, carrément pas, carrément plus. Sam avait ces moments où il avait l'impression d'être attaqué par sa culpabilité, par tout le mal qu'il avait fait, comme si toutes les souffrances qu'il avait provoquées venaient se venger. Qu'est ce que tu as fait Sam ? Pourquoi est-ce que tu m'as torturé ? Pourquoi est ce que tu t'es servis de moi Sam ? Est-ce que ça valait le coup ?
Eh Sam ! Comment tu fais pour te supporter ?
C'était simple, il n'était plus sûr de se supporter.
Mais Sam tenait bon ! Il y avait bien d'autres problèmes que les siens, il pouvait essayer de se rattraper en sauvant quelques personnes, essayer de se faire pardonner. En se demandant à quel moment il replongerait. Parce qu'il ne laisserait pas tomber Dean, parce que s'il arrivait quelque chose à Dean, il recommencerait à faire n'importe quoi, il faisait toujours n'importe quoi. Même quand il ne faisait rien, quand il essayait de vivre sa vie, c'était mal, parce que c'était abandonner Dean. Il était incapable de se débrouiller sans Dean, de faire quelque chose de bien sans Dean.
Alors Sam s'accrochait à son frère. Il s'accrochait à lui et au sourire des personnes qu'il sauvait, souvent trop peu nombreuse.
La tristesse elle finit par s'écouler dans son sang, il la sentait en lui comme on sent une épine, quelque chose plantée dans la chair et qu'il ne pouvait pas retirer. Il aurait presque voulu s'arracher l'âme et la remettre dans la cage. Va payer pour tes pêchés Sam, tu n'as pas encore assez payé.
Et parfois cette tristesse s'attaquait à ses poumons, Sam devait se forcer pour respirer, pour inspirer, expirer. Inspirer. Expirer. On ne fait jamais guère attention au fait qu'on respire, c'est tellement encré en nous et pourtant Sam le sentait, qu'il respirait et même respirer faisait mal.
Il avait bien essayé de faire comme Dean, de se noyer dans l'alcool, mais ça ne lui avait pas plu, ça lui avait surtout donné envie de vomir et mal à la tête. Une cuite de temps en temps ouais, mais être tout le temps sous alcool ? Non. Il n'avait pas le courage. Il se noya dans les livres, profondément. Recherches, recherches, recherches, livres, livres, livres. C'était pire qu'avant, c'était carrément une addiction, limite s'il ne tremblait pas quand il lâchait ses bouquins.
Dean bien sûr avait remarqué que quelque chose n'allait pas trop mais Sam réussit à le rassurer, à lui sourire exactement comme il le fallait, dire exactement les bons mots, agir comme Dean l'attendait. Et Sam comprit combien il était facile de faire semblant que tout va bien quand le problème vient de nulle part, quand il n'y a pas de véritable explication à la douleur, à la tristesse. Quand elle est là comme un poison mais qu'elle ne tue pas tout à fait. Sam ne voulait pas que Dean s'inquiète, Sam rangea cette tristesse quelque part, fit comme si elle n'existait pas, la laissa grandir au fond de lui au lieu de la soigner mais l'ignora, lui tourna le dos. Il n'y avait rien vraiment. Ce n'était pas comme s'il n'avait jamais culpabilisé après tout, et ce n'était pas comme s'il était le seul. Dean lui-même ne se pardonnait jamais rien, encore moins que Sam, il rejetait toutes fautes sur lui, il se détestait mais réussissait quand même à vivre avec lui-même.
Alors Sam aussi.
Il faisait tout comme d'habitude, sauf qu'il faisait un peu plus de recherches et que manger était comme une torture. La salade lui paraissait avoir le goût de cendre, elle était difficile à avaler, et tout lui paraissait mauvais, comme si les aliments se transformaient une fois dans sa bouche. Manger l'écoeurait, mais il mangeait quand même, après tout ce n'était qu'un acte quotidien comme une autre, c'était comme dormir, se lever, se laver. Et puis il y avait des moments où il avait incroyablement faim, où il voulait manger, manger, manger, se remplir. Ce n'était pas tant le goût qui lui faisait envie que l'acte en lui-même. A cause de ce creux à l'estomac, de ce vide quotidien. Il mangeait pour combler. Et ça ne changeait rien.
Et il faisait tellement bien semblant que Dean ne remarquait plus rien, c'était comme si tout allait dans le bon sens, comme si tout était normal et pourtant Sam avait l'impression d'avoir les pieds pris dans des sables mouvants. Se lever, chasser, manger, se laver, dormir, se réveiller, parler, faire des recherches (beaucoup beaucoup de recherches), manger encore, sortir. Respirer. Ne pas oublier de respirer. Et quand c'était trop dur, quand la tristesse s'accumulait au point de le noyer, Sam essayait d'appeler au secours.
Par exemple il envoyait des sms à Cas.
« Salut Cas, mon frère se porte bien, viens le voir de temps en temps. »
« Salut Cas, si tu as le moindre soucis, tu sais qu'on est là. »
« Salut Cas, et toi comment ça va ? »
Salut Cas. A l'aide. A l'aide. Aide moi.
Par exemple il discutait avec son frère.
- Je n'ai pas trop faim quand je te regarde t'empiffrer comme ça.
- Dean tu devrais peut-être ne pas sortir une nouvelle bouteille d'alcool. Est-ce que ça t'aide vraiment ? Je ne pense pas que ça aide vraiment.
- Eh ! Dean ! Qu'est ce que tu regardes ? Quelque chose qui te fait rire ? Qui te fait tellement rire ? Je peux regarder aussi parce que j'ai besoin de rire.
Dean, au secours, s'il te plait sors moi de là.
Et puis Sam s'était coupé les cheveux. Pour changer. Pas trop court non plus, plutôt comme au début, comme avant tout ce bordel, quand lui et son frère ne faisaient que chercher leur père. Dean avait buggué.
- Mais Sammy t'as mis où tes cheveux ?
- J'avais juste envie de changer.
Envie de changer, couper ses cheveux comme pour couper la tristesse et la faire disparaître. Changer.
Se lever, se coucher, manger. Chasser. Faire des recherches (énormément, énormément de recherches).
« Salut Cas »
- Eh Dean.
Plonger.
Se couper les cheveux ne changeait rien.
La tristesse ce n'était plus une piqûre, c'était carrément un feu, quelque chose qui le brûlait de l'intérieur et qui était douloureux, tellement douloureux.
Eh Sam ! Qui de nous deux est le monstre ?
Pas lui. Pas lui. Pas lui.
Ne plus avoir envie de se lever. Sentir tout son corps râler contre cette idée et pourtant le faire quand même. Oublier de se coucher, dire « j'ai encore quelque chose à faire ». Manger et sourire.
Sam se perdait.
Et puis vint ce moment où quelque chose lui fit du bien. Ce n'était pas vraiment voulu, il ne l'avait pas fait en y pensant vraiment. Simplement ça le grattait. Cette tristesse en lui ça le démangeait. Alors il se griffa. Le dos, les bras. Se griffa jusqu'à ce que ça lui fasse du bien, jusqu'à ce que ça arrête de gratter, jusqu'à ce que le sang coule et encore après. Aucune importance. Il se griffa et ça lui fit du bien.
Alors quand c'était trop fort, trop douloureux, quand ça lui donnait envie de se mettre à genoux, il plantait ses ongles dans sa peau et se soulageait comme il le pouvait. Puis il cachait son dos, il cachait ses bras, les croûtes et les cicatrices qui se formaient. Ce n'était pas si difficile, il portait toujours des manches longues.
Sourire comme ça, se lever, manger, se coucher, ça devenait plus facile. Il trouvait même la force de rire, et n'avait plus besoin d'appeler à l'aide en silence. Presque plus. Voilà, c'est bon, il pouvait le faire. Il allait se gratter pendant un temps, le temps que ça passe, qu'il soit plus fort, le temps qu'il réapprenne à s'aimer.
Et comment faisait-on ?
C'était quoi la solution ? Il y avait bien des livres qui donnaient des tonnes de bons conseils mais personne n'indiquait comment s'aimer à nouveau quand on était juste un monstre ? Quand on avait presque toujours fait les mauvais choix ? Quand on avait sacrifié des gens pour des raisons qui n'en étaient pas ?
Dean aurait peut-être pu lui répondre, mais Dean ne s'aimait pas non plus. Il aurait peut-être simplement trouvé la solution pour qu'il se sente un peu moins triste, un peu moins mal, un peu moins… Un peu plus…
Et comment il lui demanderait ? Dean, tu veux pas me dire comment tu fais toi pour te lever le matin ? Peut-être que Dean n'arrivait pas non plus à se lever le matin, qu'il devait forcer sur tous ses os, tous ses muscles et tout son corps. Peut-être que Dean se levait parce qu'il avait son alcool et ses tartes.
Alors Sam n'allait pas lui mettre un autre poids sur le dos. Ce n'était pas la peine. Tout allait s'arranger, tout s'arrangeait toujours n'est ce pas ?
Sam se battait plus fort dans les chasses, il agissait comme s'il se fichait de perdre la vie et peut-être qu'il s'en fichait. Peut-être que c'était ça le moyen de payer. Alors il se mettait en danger, et rendait Dean furieux.
- A quoi tu joues exactement Sammy ? Tu sais que tu aurais pu te faire tuer ? Arrête de faire l'idiot.
Egalité. Dean aussi jouait de temps à autre le plan suicidaire.
Et parfois Sam regardait la situation et avait envie de rire, mais rire. Quelle belle bande de bras cassés, c'était vraiment eux qui devaient aider le monde contre les monstres ? Sérieusement ? Un alcoolique à l'humour bidon et un type qui était capable de faire une petite brasse dans le mal pour presque rien ? Ah. Ah. Ah.
Pitié quoi, le monde se porterait mieux sans eux. Sans lui en tout cas. Parce que Dean…
Dean, depuis qu'il s'était débarrassé de la marque de Caïn, allait presque mieux. Sans doute parce qu'il voyait beaucoup Cas. Beaucoup beaucoup Cas, et pas seulement pour des chasses ou ce genre de trucs. Sam aurait parié qu'il se passait un truc entre eux, et il était sûr de gagner. Alors Dean… Dean se détestait peut-être toujours, se pardonnerait peut-être jamais, et avait la main penché vers une bouteille, mais il allait presque mieux quand même. Dean n'était plus seul en plus, il avait Cas, Dean n'avait plus besoin de lui, plus vraiment. Plus comme avant. Dean se reconstruisait en fait, tout doucement, ça prendrait un maximum de temps, ça prendrait peut-être toute la vie, mais il se remettait debout.
Sam était à terre et il ne voulait pas entraîner son frère avec lui à nouveau. Peut-être que Dean savait comment se lever le matin, et peut-être que la réponse c'était Castiel.
Sam n'avait personne d'autre que Dean.
Il avait ses ongles sur ses bras, qui grattaient, grattaient, grattaient.
Jusqu'à ce que ça ne suffise plus. Jusqu'à ce que la tristesse soit trop présente, trop encombrante, jusqu'à ce que même ça le rende plus triste qu'autre chose et qu'il n'ait plus rien. Appeler à l'aide n'aurait servit à rien, il avait déjà essayé.
En fait il s'en foutait. Il ne méritait même pas de vivre, le monde se serait mieux porté sans lui, il avait trop fait de mal, il avait brisé trop de vie. Même son frère il avait réussi à le blesser plus d'une fois alors qu'il tenait à lui.
Mourir au cours d'une chasse aurait été plus glorieux. Mais bon. Ses pas l'avaient mené en haut de ce pont, et sans qu'il ne sache à quel moment, ni exactement comment, il s'était retrouvé assis sur la rambarde, les pieds dans le vide. Il regardait les flots en bas, sans penser à rien de particulier.
C'était étrange mais assis là, alors qu'il pouvait chuter à tout moment, être emporté, il se sentait presque soulagé. La tristesse avait comme disparu, il était apaisé. Il ne se voyait pas revenir en arrière, poser encore un pied sur le sol lui semblait impossible. Il n'y avait rien à sauver.
Dean s'en sortirait avec Cas. Tout irait bien.
Avant de glisser, de sauter, de tomber, deux bras se serrèrent autour de lui et le ramenèrent sur terre. Adieu soulagement, apaisement, bonjour tristesse. Les deux bras appartenaient à Dean, évidemment. Evidemment.
- Dean.
- Putain qu'est ce que tu fous Sammy ?
Qu'est ce qu'il foutait hein ?
- J'en sais rien.
- T'allais sauter ? Et qu'est ce que j'aurais fait si tu avais sauté Sam ?
- Une bêtise sans doute.
- Voilà, exactement, une bêtise, pour te ramener et pouvoir te botter le cul moi-même.
Sam était à genoux par terre et Dean s'était tourné vers lui, les mains sur ses épaules il le secouait.
- Qu'est ce qu'il se passe Sammy ? Pourquoi tu m'en as pas parlé ?
- Parce qu'il ne se passe rien du tout.
- De toute évidence il se passe quelque chose.
Qu'est ce qu'il pouvait répondre ?
« J'ai craqué, j'en ai marre, je suis trop mauvais, je n'ai plus envie de continuer. »
- Je n'en peux plus Dean.
- De quoi ?
- De moi, de tout.
Dean n'avait pas trop besoin de poser plus de questions, il savait exactement ce que ressentait son petit frère. Combien de fois avait-il ressenti ça ? Cette envie d'abandonner, de juste… Partir.
Il passa ses bras dans son dos et le serra contre lui :
- Okay Sam, je sais ce que tu ressens. Je suis là. On va trouver un moyen pour arranger ça.
Et c'était rien du tout, c'était juste Dean qui le serrait fort, comme il l'avait déjà fait des tas de fois, et Dean qui lui assurait que tout allait bien se passer, comme il l'avait déjà fait aussi. Sam avait pourtant confiance en Dean, au point que s'en était ridicule.
Alors peut-être que c'était rien du tout, mais pendant quelques dixièmes de secondes, la tristesse recula.
Fin.
L'autatrice : voilà une fic très dur pour Sam, avec un léger sentiment d'espoir à la fin quand même. Je sais que c'est souvent Dean qui est dans cet état mais justement, j'avais envie de décrire la dépression au travers de quelqu'un qui à la base tenait bon. On sait déjà tous dans quel état est Dean alors je trouvais ça moins intéressant. Bref, j'espère que ça vous a plu malgré le fait que ce soit une fic plutôt dur.
