Tous les personnages ont été créés par Victor Hugo.

Cette fic est humoristique, écrite sur un prompt sur les Amis de l'ABC qui essayaient de fabriquer des explosifs, et y sont plus ou moins bons, avec quelques explosions pas du tout prévues au départ. Je n'aurais probablement pas essayé si dans le même temps, je n'avais pas appris l'existence des documents décrits dans ce premier chapitre. C'était une coïncidence trop merveilleuse pour que je la laisse passer.

Je présente mes excuses pour toute inexactitude chimique. Il y a quelques approximations.


Le jour où Enjolras franchit les portes du café Musain en arborant une branche de lilas, tout le monde eut le sentiment qu'il arrivait quelque chose de très bizarre.

"En quel honneur ?" demanda Courfeyrac.

"En notre honneur, quand nous fabriquons de la poudre." répondit Enjolras, Aussi peu logique que fût la réponse, elle était toujours plus raisonnable que l'idée d'Enjolras portant des fleurs simplement parce que c'était le printemps et qu'il était de bonne humeur. "Ce serait utile de ne pas dépendre de la contrebande, qui pourrait nous faire remarquer ou même arrêter. De plus, j'ai trouvé des instructions intéressantes que j'aimerais essayer."

"Tu veux dire, synthétiser chimiquement de la poudre à canon ?" demanda Combeferre, semblant très intéressé. "Le charbon est facile à trouver, le soufre est faisable..."

"Le charbon ne semble pas très propre." remarqua Courfeyrac. "Est-ce nécessaire ? Pour ma part, j'apprécie la contrebande."

"... mais le salpêtre, tout autant que la poudre elle-même, ne peut être obtenu que par des voies illégales, à moins d'être traité avec du matériel difficile à se procurer."

"Oui, c'est ce dont je voulais parler." Enjolras sourit. "Mon ami, il faudrait que tu lises ceci, et que tu me dises si c'est réalisable." Tout en fouillant dans son sac, il répondit à Courfeyrac. "Et non, bien entendu, ce ne serait qu'une source secondaire. Si cela ne t'intéresse pas, ce n'est obligatoire pour personne, et de toute façon, cela ne serait pas ici, où les fumées et autres produits chimiques seraient trop faciles à remarquer. Je pensais à Corinthe, entre les services."

"Où toute odeur déplaisante, et même les bruits bizarres, pourraient être mis sur le dos de la cuisine de mame Hucheloup. Bien pensé. Je dois admettre, jesuis curieux." Quand Enjolras sortit les documents de son sac, Courfeyrac les observa avec presque autant d'attention que Combeferre, et l'attention générale du café se focalisa dans leur direction.

Comité de Salut Public, Instructions aux Français pour fabriquer de la potasse" lut Combeferre, ses yeux brillants. Il survola les pages. "Racler le salpêtre des murs, pour l'effort de guerre, et... Enjolras, je suis impressionné. J'en avais entendu parler, mais où as-tu trouvé cela ?"

"J'ai mes sources."

"Ce sont des originaux. Je reconnais le papier."

"Bien entendu. Je reconnais les signatures. Est-ce que la méthode marcherait encore ?"

"Bien sûr." répondit Combeferre, souriant comme un enfant qui venait de recevoir un nouveau jouet. "Les sciences pures peuvent parfois être révélées fausses, mais les techniques - tout ce qui peut arriver est de trouver une meilleure méthode."

"Ce qui pourrait être arrivé depuis, mais certains gouvernements sont plus réticents que d'autres à expliquer au Peuple comment faire des armes !" s'exclama Bahorel avec joie. "On pourrait se demander pourquoi, si ce n'est que nous le savons tous. Vive les vieilles techniques ! Faire des explosifs, en suivant des instructions révolutionnaires, ce sera simplement grandiose !"

"Et si cette méthode avait un défaut, la France n'aurait pas gagné cette guerre, n'est-ce pas ?" fit remarquer Joly gaiement.

"Ainsi," commença Enjolras, "il nous faudra lessiver les murs de nos caves respectives pour obtenir le salpêtre brut. Du lilas brûlé pour la potasse. Un chaudron, peut-être plus."

"Nous pouvons emprunter celui de Mame Hucheloup." ajouta Courfeyrac. "Ce serait moins voyant que d'en transporter un dans les rues de Paris, même si l'un d'entre nous avait un chaudron. Ou y a-t-il dans cette assemblée un sombre secret ? L'un d'entre tous pratique-t-il en cachette des alchimies interdites ou la lessive de toute sa famille ?"

Enjolras acquiesça. "Et quand nous aurons fini cette première étape, bien sûr, nous aurons besoin de soufre et de charbon, et il faudra aussi de quoi les mélanger."

"Et des seaux pour aller chercher de l'eau." ajouta Combeferre. "Je suppose que nous apporterons déjà le salpêtre dans des seaux."

"Je m'occupe du soufre." dit Joly en souriant. Toute l'assemblée écoutait, maintenant, et semblait au minimum intriguée.

Dans l'Enyclopédie, on explique comment sélectionner le meilleur charbon pour cet usage." fit remarquer Combeferre. "Il me semble qu'ils expliquent aussi le matériel nécessaire, au moins en partie. Je m'occuperai de cette partie, même si cela ne concerne pas le premier jour."

"N'oubliez pas le charbon ordinaire. Ou du bois. N'importe quoi pour faire démarrer le feu de la chimie. Ou peux-tu nous obtenir cela aussi en charment mame Hucheloup, Courfeyrac ?" demanda Bahorel.

"Mes charmes sont inefficaces au-delà d'un certain degré d'économie domestique, mais nous pouvons lui en acheter, beaucoup trop cher. Nous avons déjà suffisamment à transporter."

"C'est donc réglé." Enjolras sourit. "Demain, Corinthe, à quinze heures."

Courfeyrac feuilletait la brochure. "Ornons nos routes de maronniers et nos jardins de lilas ! Multiplions cet arbuste odoriférant et il se trouvera que, sous le règne de la liberté, ce sera en couvrant nos pas de fleurs que l'on nous fournira la poudre qui doit achever d'écraser les tyrans !" déclama-t-il. Puis, après une pause. "Je dois avouer, j'apprécie."

"Je n'en ai qu'un, et je suppose que Combeferre voudra l'étudier, mais pour ceux qui n'ont pas confiance en leur mémoire, j'ai fait des copies de la partie qui explique comment racler le salpêtre des murs. C'est basiquement un dépôt blanc au goût de sel, dans les lieux humides aux parois de pierre."

Il les distribua, en gardant trois pour Bossuet, Feuilly et Jehan qui n'étaient pas encore arrivés, et passa devant Grantaire qui, bien entendu, buvait.

"En veux-tu un ?" demanda-t-il d'un ton distant.

"Si tu demandes, c'est qu'il t'en reste un, donc tu en as copié un pour moi, n'est-ce pas ?" Enjolras ne répondit pas. "Tu attends donc vraiment que nous expliquions à nos propriétaires la nécessité de descendre à la cave, de lécher les murs - c'est toi qui a mentionné le goût - de les nettoyer, tout ceci pour suivre des instructions entrêmement raisonnables écrites par un groupe de politiciens qui avaient Salut Public dans leur nom mais sont mieux connus pour s'être fait guillotiner les uns les autres ?"

"Oui." répondit Enjolras, durement, en tournant déjà les talons. Mais avant qu'il ait pu partir, Grantaire s'était saisi du feuillet, et répondit hativement. "Je vais le faire."

"Au fait, ces fleurs sont-elles juste pour le symbole, ou déjà pour les brûler ?" demanda Bahorel.

"Bonne idée." Enjolras maintint la branche de lilas au-dessus d'un verra, craqua une allumette, et ne réussit qu'à brûler quelques pétales avant que le le feu ne s'éteigne.

"Tu devrais y mettre un peu d'alcool." suggéra Bahorel. "Pour faire partir le feu."

Combeferre n'eut pas le temps d'avertir avant qu'Enjolras ne verse une quantité généreuse d'alcool sur la branche, qui prit feu de façon très spectaculaire. Enjolras, les doigts à-demi brûlés, tenta des rester stoïque, alors que la plus grande partie de la cendre tombait à côté du verre.

Personne ne fit la moindre remarque, mais l'idée commença à germer dans l'esprit collectif que si Enjolras avait laché les fleurs en flamme, la table aurait pu très bien brûler aussi. Et ils n'avaient même pas commencé.

"Ajoutons des bols en terre cuite à notre liste." commenta Combeferre, toussotant poliment. "Très grand format, de préférence."