Usant ses dernières forces, alors que sa tête glissait du mur pour s'enfoncer dans la neige, la Mage Céleste agita sa clé en murmurant :

« Ouvre-toi, Porte du Palais du Lion ! Léo… »

Puis elle sombra dans l'inconscience.

Dans le monde des Esprits, à ce moment là, la plupart d'entre eux étaient réunis à la fête d'anniversaire d'Aries : elle fêtait ses deux mille deux cents ans. L'espérance de vie d'un esprit étant largement supérieure à celle des humains, ils ne fêtaient leur anniversaire que tous les cents ans, ce qui était quand même plus simple. Léo du Lion était alors en train de discuter avec deux charmantes esprits de luxure autour d'un verre lorsqu'il entendit l'appel de Lucy, sa maîtresse. Il se leva en fronçant les sourcils, déconcertant ses compagnes et Aries qui l'observait du coin de l'œil.

En effet, le leader des douze portes d'or venait de réaliser que ses habituels sens d'Esprit concernant la sécurité de sa maîtresse étaient brouillés. Comment cela se faisait-il ? Ce n'était pas l'alcool, il n'avait pas beaucoup bu par rapport à d'habitude ce soir. Si Lucy l'appelait, il devait y avoir un souci, surtout que ce brouillage indiquait quelque chose de louche. Léo s'en voulu un peu d'abandonner Aries le soir de son anniversaire, mais de toute façon il n'en aurait probablement pour longtemps, et Aries ne lui en voudrait sûrement d'aller aider leur maîtresse. Tout le monde connaissait Lucy parmi les Esprits, et la certains jalousaient parfois ouvertement ses Esprits : Lucy était une Mage Céleste exceptionnelle qui ne les considéraient pas comme des outils mais comme des amis, et qui n'hésiterait pas à donner sa vie pour leur bonheur. Le Lion franchi donc la porte dans l'instant, laissant les deux autres esprits s'étouffer de surprise dans un hoquet et Aries inquiète. Les autres esprits avaient également remarqué son départ mais n'y accordaient pas beaucoup d'importance. Léo était le plus puissant d'entre eux, et tout le monde l'appréciait. Aries décida de vérifier si le départ de son ami avait un lien avec leur maîtresse, Lucy. Elle fut à son tour surprise de ne pas trouver sa maîtresse dans ses sens, et tout lui semblait brouillé. Sa tête se mit à tourner et elle s'accrocha à son cavalier, Cancer, qui murmura un « -ebi » surpris. Interprétant mal la faiblesse de son amie, il fut déconcerté en pensant qu'elle s'accrochait à lui particulièrement : il lui avait toujours semblé qu'elle préférait Léo. L'Esprit du crabe connaissait également mieux que quiconque le lien affectif qu'entretenait leur chef et sa maîtresse, et surtout, l'amour à sens unique que le Lion portait pour cette dernière.

Lorsque Loki franchit la porte, il fut un court instant surpris de ne trouver personne avant que ses sens ne réaffluent. Lucy était allongée là dans la neige, inconsciente. Il sursauta violement en constatant son état : elle était complètement vidée de sa magie, alors qu'elle n'avait de toute évidence invoqué aucun esprit. Il semblait en effet à l'Esprit que la transition entre lui avait semblée plus difficile, et pour cause : il avait utilisé sa propre énergie vitale, Lucy ne pouvant plus en fournir. Paniqué, le Lion retourna dans le monde des esprits, desserrant sa cravate qui l'étouffait dans son effroi. Tous les esprits remarquèrent son visage défait tandis qu'il attrapait le poignet de Virgo avant de disparaitre de nouveau. Ils se demandèrent, inquiets, ce qu'il se passait, avant que le brouillard ne se lève à son tour sur leurs sens et qu'ils se rendent compte de l'état de Lucy. Aries, paniquée, fondit en larmes. Même Aquarius étouffa un petit cri de surprise trahissant une pointe d'inquiétude, elle qui n'appréciait que modérément la constellationniste. Contrairement à leur leader, ils ne pouvaient pas vraiment forcer les portes sans en payer de sévères conséquences, et Léo semblait se débrouiller tout seul.

Loki désigna le corps désarticulé de son amie à Virgo, incapable d'articuler un mot.

« Hime-sama ! »

Le cri de détresse de la servante s'entendit jusqu'au monde des esprits même, qui échangèrent un regard. Aries redoubla de pleurs, et les « pun pun » des Nikola se firent de plus en plus désespérés.

Virgo prit le pouls de sa maîtresse, tandis que Léo restait figé, terrorisé. Un soupir de soulagement passa les lèvres de l'Esprit aux cheveux roses, qui murmura à l'attention du Lion :

« Ça va, elle est vivante. Tu sais, tu aurais senti le contrat se rompre si elle était morte. »

Loki rougit et redressa ses lunettes.

« Tu dis ça, mais tu es soulagée aussi. »

« C'est vrai. Hime-sama aurait été une terrible perte, pour les Esprits comme pour les humains… Et nous l'aimons tous, nous aurions eu du mal à nous en remettre. »

Virgo porta sa maîtresse inconsciente dans ses bras, et Loki et elle se mirent en route pour l'appartement de la mage. Loki soupira en constatant que pour une fois, il n'y avait pas de squatteurs, avant de se souvenir qu'ils étaient mission et Virgo alla laver et réchauffer sa Princesse. Pendant ce temps, le Lion réfléchissait. Qui avait pris l'énergie vitale de Lucy ? Pourquoi ? Comment ? Comment se faisait-il qu'il n'ait rien senti ? Qu'ils n'aient rien senti ? Lucy allait-elle survivre ? Le Lion fit travailler toute la force de ses méninges pour chercher une réponse, un début de réponse. Il décida qu'il irait enquêter lui-même à la guilde dès que Lucy serait remise.

« Léo-nii-san ? … Léo-nii-san ? LEO-NII-SAN ? »

« Ah, pardon, Virgo, tu disais ? »

« Je ne veux pas utiliser ton énergie vitale plus que nécessaire, et j'ai couché Hime-sama qui a de la fièvre. Je vais donc me retirer, si tu permets. »

Loki acquiesça de la tête, la gorge serrée.

Il tira une chaise près du lit de Lucy, et se perdit dans la contemplation de ses traits. Même avec son teint verdâtre, son front luisant, ses traits tirés et ses cheveux trempés, elle était magnifique. Elle resplendissait. Complètement sous son charme un fois de plus, le Lion posa une main rafraichissante sur le front de son amie, et se retint de caresser ses cheveux. Il attrapa en revanche sa main qui était crispée sur la couverture et la porta à ses lèvres. Il s'arrêta un instant, juste avant que ses lèvres ne la touche, pour savourer ce moment. Oh, il lui avait déjà baisé la main, mais elle avait toujours cru à une farce, ce qu'il n'avait pas osé démentir. L'odeur de la pièce était celle de sa maîtresse, et il raffolait de cette odeur. Loki respira un instant, serein, et effleura à peine de ses lèvres le bout des doigts de Lucy. Elle l'avait appelé. Elle avait utilisé ses dernières forces pour un appel au secours. Elle lui faisait confiance, plus que quiconque… C'était en tout cas ce qu'il espérait. Il essuya ensuite de la paume de son autre main la sueur sur le front de son amie, avant de l'effleurer à son tour de ses lèvres. Il ne se permettrait jamais de l'embrasser vraiment, Lucy était tellement… sacrée pour lui mais sa peau avait si bon goût…

« Natsu ? »

Le Lion se figea. Surtout en se rendant compte que c'était la Mage Céleste qui venait de prononcer ce nom, toujours endormie.

« Non, ce n'étais pas toi, hein ? Toi, tu irais sauvagement… Comment ça ? »

Loki n'osait plus respirer, et il osait encore moins tirer des conclusions hâtives de ce qu'il entendait, d'autant plus qu'il lui manquait probablement la moitié du message.

« Non, Natsu. J'aime quelqu'un d'autre. »

Ceci dit, il n'y avait pas trente-six mille interprétations à la dernière phrase de Lucy. Loki se raidit encore plus, si c'était possible.

« J'aime Loki. »

Le cerveau du Lion ne tournait pas assez vite pour assimiler l'information qu'il venait d'entendre.

« Je me fiche qu'il soit un esprit ! Il est toujours là pour moi, je peux compter sur lui, et je lui fais entièrement confiance, plus que quiconque ! »

Lentement, d'abord d'incrédulité puis d'une joie immense, un sourire se dessina sur le visage de l'Esprit.

« Je l'aime de tout mon cœur. Depuis… Presque depuis que je l'ai rencontré et qu'il avait peur de moi, je pense. »

L'Esprit se rendit compte trop tard qu'une larme de bonheur pur roulait le long de sa joue et s'écrasait sur celle de Lucy en contrebas. Elle remua légèrement, et fut surprise de se retrouver dans son lit. Elle essuya, perplexe, la larme de Loki sur sa joue bien qu'elle ignorât que c'était la sienne et contempla sa chambre vide. L'odeur de son esprit était toujours présente bien que ténue et elle comprit qu'il l'avait sauvé. Néanmoins, le manque d'énergie vitale se fit trop rapidement ressentir et elle s'écroula de nouveau, endormie encore une fois. Le Lion réapparut dans la pièce en replaçant ses lunettes correctement sur son nez.

« Sérieusement, comment fait-elle pour récupérer aussi vite ? »

Il rougit un peu en repensant à sa réaction puérile de panique lorsqu'il avait réalisé qu'elle se réveillait. Il soupira et se rassît sur sa chaise, s'appuyant d'un coude sur la table. L'Esprit suivit des yeux chacun des traits de la jeune fille dont le sommeil semblait déjà beaucoup plus paisible qu'auparavant. Les heures passèrent ainsi, calmes, tandis que le soleil se levait et Léo réalisa soudain qu'il venait plus ou moins de planter Aries le jour de son anniversaire. Après un dernier regard caressant sur sa maîtresse, l'Esprit regagna son monde, espérant qu'il ne serait pas trop tard.

Lorsque Léo se matérialisa dans la salle, il fut aussitôt le centre de l'attention générale et de concentration du silence écrasant qui s'était alors abattu dans la pièce. Le grand Lion ne perdit cependant pas sa contenance, devinant qu'ils lui en voulaient plus pour ne pas avoir donné de nouvelles de leur maîtresse que pour avoir quitté la fête.

« Elle va bien, elle est hors de danger. Quelqu'un ou quelque chose lui a volé l'intégralité de son pouvoir magique mais elle récupère à une vitesse hallucinante. »

En prononçant ces mots, il réalisa.

« Merci à tous. Je… »

« Merci à toi, Léo. »

Cancer fut vite suivit par les remerciements des autres esprits pour leur leader, et Aries s'excusait toujours en reniflant pour n'avoir rien pu faire pour sa maîtresse. Léo allait lui caresser les cheveux dans un geste plein d'affection lorsque l'image de Lucy s'imposa à lui. Aries sentit son hésitation et leva de grands yeux larmoyants ver lui.

« Ça va aller, ne t'en fait pas. Tu es mon ami, rien d'autre. »

Le Lion rougit qu'elle lise aussi facilement en elle, et posa sa main sur la tête de son amie.

« Tu es très gentil, Léo. Tu es vraiment quelqu'un de bien. Lucy l'a senti aussi. » Lui dit-elle à l'oreille. « Alors, sauve Lucy, s'il-te-plaît. On a tous besoin d'elle ici, et toi plus que quiconque. »

Léo rougit et acquiesça, une boule dans la gorge. Les autres esprits continuèrent à communiquer leur force à leur maîtresse tout au long de la journée, et Léo partit quant à lui à Fairy Tail vers midi, après avoir donné à manger à Lucy. Son entrée, les mains dans les poches et le costume impeccable, provoqua un silence fracassant.

« C'est une manie ou quoi ? »

« De quoi ? » Demanda Mirajane innocemment (bon, peut-être pas. Avec elle, on ne sait jamais).

« Que mon entrée provoque un silence écrasant. Mmh, bref, hier soir, tard dans la nuit, quelqu'un ou quelque chose a attaqué Lucy et lui a volé l'ensemble de ses pouvoirs magiques, la laissant quasiment morte dans la neige. Nous tous, ses esprits, nous travaillons actuellement à accélérer son rétablissement. Je ne pense pas qu'elle gardera des séquelles, néanmoins, en temps que membres, tous les deux, de Fairy Tail, je vous le demande : Allons-nous laisser cela impuni ? »

Un lourd silence succéda son discours, tous étaient stupéfaits. Au fond de la salle, Natsu, Erza et Levy se levèrent alors en même temps, criant :

« Non ! Personne n'a le droit de traiter Lucy comme ça ! Personne n'a le droit de s'en prendre à un membre de Fairy Tail, et encore moins de cette façon ! »

Ils se regardèrent tous les trois, éberlués d'avoir eu la même réaction, mais ils n'eurent pas le temps d'approfondir. La guilde entière, ayant enfin digéré l'annonce de Loki, se souleva alors dans une ovation assourdissante, et le maître approuva d'un signe de tête depuis son comptoir. Le Lion remonta ses lunettes sur son nez, un sourire sur les lèvres. Néanmoins, sa tension ne serait pas dissipée tant qu'ils n'auraient pas attrapé le coupable.