Chapitre 1
Le soleil qui perce à travers mes rideaux suffisent à me réveiller. Mes sœurs, Ilona et Ezila, dorment encore. Ilona a 14 ans, elle aussi doit affronter la Moisson, mais Ezila n'a que 11 ans, elle ne risque rien.
Je vis dans le district Sept. Mon père est bucheron, ma mère tient une petite boutique d'objets décoratifs ( en bois, bien sûr ). Tandis que mes deux sœurs aident ma mère à la boutique, à la fin de nos journées de cours, j'aide mon père dans la forêt. Avant qu'il n'abatte des arbres, je monte dedans et vais couper les petites branches, ou des copeaux d'écorce pour ma mère qui les sculptera. Après, avant de rentrer, je lance des couteaux pendant des heures, pour que ma maîtrise de l'instrument soit parfaite. Il faut dire que les Hunger Games sont un risque pour moi, qui compte cette année 36 papiers à mon nom. Je prends des tessarae pour toute la famille, mes sœurs ( enfin pour l'instant ma sœur ) ne survivrai pas un jour à ces maudits Jeux. Moi, je suis endurante, je maîtrise une arme, je suis bonne en escalade, en assez bonne condition physique. La faim est rare chez nous, mes tessarae arrondissent nos fins de mois. Je connais aussi la plupart des plantes comestibles et sais être discrète, furtive.
Je me lève et me plante devant mon miroir. Autant me préparer tout de suite, la Moisson commence dans une heure et demie. Je prends la bassine qui traîne dans un coin et vais la remplir au robinet de la cuisine. Ma mère préparer le petit-déjeuner, je la salue d'un sourire avant de remonter à l'étage. J'attrape mon savon sur mon étagère et entre dans la bassine. L'eau est tiède, mais je ne m'attarde pas. Nous ne devons pas consommer trop d'eau, alors mes parents se baignent le soir, et mes sœurs et moi nous partageons, chaque matin, le même baquet.
Une fois séchée, j'enfile ma plus belle tenue : une robe verte pâle, assez courte, avec un col de dentelle fine. Une rareté chez nous.
Je détaille mon profil dans le miroir : je suis assez jolie, pour ne pas dire mignonne. Je suis grande, mince et élancée, avec de grandes et fines jambes. Mes cheveux sont mi-longs, légèrement ondulés, brun chocolat, et mes yeux noisette. J'ai le teint mat.
Ezila ouvre les yeux.
- Réveille Ilona, s'il-te-plait. Nettoyez-vous pendant que je descend aider Maman.
Je quitte la chambre et redescend dans la cuisine. Un de mes livres est posé sur la table. Aïe. J'adore lire, écrire des poèmes, des histoires... Mais mes parents désapprouvent ces loisirs. Ils disent que ça n'aménera pas la nourriture dans mon assiette, ici. Pas faux. Seul les Capitoliens peuvent devenir journaliste, écrivain, styliste ( les métiers que je rêve d'accomplir ) et voyager. Je rêve de voyager, découvrir la vie dans les autres districts... Enfin, bref, des rêves innaccessibles, sauf si... je gagnais les Hunger Games. Impossible avec des carrières. Ma mère ne dit rien, parce que c'est la Moisson, mais je sais que je vais avoir droit à une réprimande très bientôt.
Elle me donne mon assiette, autrement dit un petit pain, un verre d'eau, un bout de fromage et une tranche de rôti de bœuf ( c'était l'anniversaire de mon père hier, alors Maman en a profité pour l'acheter avec ses économies ).
- Ou est Papa ?
- Chez Dan.
Dan est un vieil ami de la famille, et il nous achète régulièrement du bois pour sa papeterie. Il a un fils de deux ans de moins que moi.
Ilona et Ezila en profitent pour descendre, s'attablant chacune à côté de moi. Ilona n'a pas l'air trop inquiète, elle est assez insouciante et pense que l'absence de tessarae la protégera forcément. Elle se trompe, mais je n'ai pas le cœur à lui briser ses illusions. Lorsque j'ai fini, je débarasse la table et lance :
- La Moisson est dans trente-cinq minutes, j'y vais avec Lilianne, Ava et Cana.
- D'accord.
Je sors donc dans la rue. Les filles m'attendent. Lilianne est ma meilleure amie, et Ava et Cana sont meilleures amies entre elles. On forme une petite bande assez soudée, même si on se divise parfois en deux et deux.
Lilianne m'embrasse avec émotion, ses mains tremblent un petit peu. La Moisson la terrifie depuis que son cousin a été tiré et massacré dans le Bain de Sang des 52eme Hunger Games. Ava et Cana ne sont pas moins rassurées, même si aucune n'a perdu d'être cher dans ces fichus Jeux.
Nous prenons la direction de la Grand-Place, où à lieu la Moisson, qui est à 20 minutes d'ici. Lorsque nous arrivons, elle est noire de monde. Des Pacificateurs nous poussent sans ménagement vers les guichets d'enregistrement. On prélève une goutte de sang, je vois Lilianne étouffer un sanglot. Depuis la mort de son cousin, elle ne peut plus voir le liquide rouge sans pleurer...
J'aperçois ma mère dans la partie réservée aux non-éligibles. Elle est entourée de mon père et d'Ezila.
Nous nous dirigeons ensuite vers notre section, juste devant les 18 ans. L'hôtesse, Vincia, fait son entrée, accompagnée des deux mentors et du maire. Vincia est une jeune femme ( enfin je crois, avec toute cette chirurgie esthétique... ) à la peau bleu nuit, aux longs cheveux violet dans lesquels sont incrustés des améthystes. Elle porte une longue robe pleine de froufrous, de volants et de dentelle rose pâle. Le maire est un petit homme grisonnant, avec une moustache de belle taille. La femme mentor s'appelle Wendy et a gagné les 53eme Hunger Games à 15 ans. Elle en a 19 aujourd'hui, et c'est une très jolie jeune femme. Une cascade de cheveux brun-roux, d'envoûtants yeux vert feuillage... Elle prend en charge les tributs féminins du district, il me semble. Quand à l'homme, il a la soixantaine. Il a gagné les 16eme Hunger Games, il se nomme Wost. Sa carrure est impressionant, le maire fait pâle impression à côté de lui. Celui-ci entame un discours, presque le même tous les ans. Lilianne plante ses ongles dans ma peau, elle redoute tant ce qui va suivre... Moi aussi, mais je n'ai jamais perdu quelqu'un qui compte pour moi dans ces Jeux. Je crois qu'elle était un peu amoureuse de son cousin, alors...
« Joyeux Hunger Games ! Et puisse le sort vous être favorable !
Le sort ne sera pas favorable à au moins deux personnes.
- Et, pour commencer, notre charmante tribut féminine !
Vincia se dirige vers la boule de verre qui contient nos noms, l'appréhension me noue le ventre. Pas Lilanne, pas Ava, pas Cana, pas Ilona, pas Liliane, pas Ava... Elle hurle avec une allégresse qui frôle l'indécence un nom. Ce n'est pas celui de Lilianne, ni celui d'Ava, de Cana, ou d'Ilona.
C'est le mien.
