DE L'AUTRE CÔTÉ DU MUR
- PARTIE I -
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Au départ, j'étais seulement partie pour vous faire un petit OS suite à l'inspiration que m'a donnée un film vraiment pas mal que j'ai visionné il y a quelques temps déjà. Je comptais publier ce texte pour vous souhaiter la nouvelle année mais, au fil des mots, l'histoire m'a emportée où bon lui semblait et m'a emmenée plus loin que je ne le pensais. Cela est devenu un long OS composé de deux parties.
Aussi, en espérant que cela vous plaise, en vous présentant tous mes meilleurs vœux pour cette année 2016 et en vous souhaitant de réussir tout ce que vous comptez entreprendre, je vous offre avec plaisir cette nouvelle histoire.
Je remercie tous ceux ayant commenté mes précédents textes, les ayant mis en favoris, me suivant en tant qu'auteur ou encore étant un de leurs auteurs de fics préférés, sans oublier les guests à qui je ne peux répondre plus personnellement. Merci d'aimer ce que je fais et de prendre le temps de me donner votre avis. Vous êtes juste géniaux.
Merci également à Not gonna die pour son aide et ses conseils et, en parlant de conseils, je vous conseille d'aller jeter un œil à ses traductions qui sont plutôt sympas.
Un sourire satisfait se peint sur les lèvres de la brune qui, après s'être passée une main dans les cheveux pour apprivoiser les mèches rebelles s'étant formées sur sa tête au cours de la journée, posa les mains sur ses hanches. Laissant son regard errer autour d'elle.
Dans la liste de ce que tout le monde appréhendait, le déménagement figurait parmi les favoris, faisant l'unanimité au même titre que la perte d'emploi ou encore que la séparation. Et Régina se réjouit d'être une personne ordonnée, formatée à l'organisation puisqu'elle affrontait deux de ces situations. Car, il fallait le dire, un déménagement était l'addition d'un bon nombre de tâches qui, si l'on s'y prenait bien pouvaient être amoindries. Il n'avait jamais été question de vivre dans des boîtes pendant trop longtemps alors il avait fallu être rapide et efficace.
Et, une semaine, des kilomètres de ruban adhésif ainsi qu'une montagne de cartons de repas à emporter plus tard, tout était enfin prêt.
Seuls les déménageurs manquaient encore à l'appel et la jeune femme avait le retard en horreur. Elle ne manqua pas de le faire savoir à ces experts du déménagement qui se contentèrent d'invoquer la fin de la journée, une circulation difficile et un réel enchantement de faire la connaissance d'une si belle créature. Régina leur sourit négligemment, sans le moindre commentaire avant de regarder les bras de Killian et Neal entasser une vie entière dans leur camion. Surprise de constater qu'ils agissaient avec efficacité et discrétion, maximisant l'espace du véhicule, comblant le moindre vide afin que tout puisse entrer.
Elle ne partait pas à l'autre bout du monde mais, après trois ans de vie commune, son histoire avec Katherine avait tout bonnement cessé d'être. Enfin, la brune fit la moue, voilà plusieurs mois que tout était fini entre elles deux, voire plus d'une année mais se voiler la face avait été plus facile, tellement plus simple de s'ignorer totalement dans cette si grande maison qui avait, pendant un temps, été leur petit nid douillet. Ce temps était aujourd'hui révolu, trop de mal, de mensonges et de cachotteries avaient été faits et, trouver Katherine au lit avec une autre avait été la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase. Il était l'heure pour elles de se séparer, aussi Régina, malgré les crises de celle qu'elle considérait désormais comme son passé, sur un coup de tête bien décidé avait choisi de s'en aller pour ne plus jamais revenir. Emportant avec elle ce qui lui appartenait, soit pratiquement chaque objet existant en ce lieu.
Le soleil commençait tout juste à tomber lorsqu'elle arriva dans son nouveau chez elle, un quartier calme à l'autre bout de celui qui avait été le sien, un quartier bien moins riche mais ayant tellement de charme. Elle y avait mis les pieds une matinée, par hasard, alors que son nouveau chauffeur avait encore beaucoup de mal avec le plan de la ville. Et, elle en était immédiatement tombée amoureuse. Un petit coin, à l'architecture qu'elle jurerait typiquement d'époque dont les corniches s'élevaient dans les hauteurs de la grande ville, avec ses enchaînements d'immeubles, ses jardinières fleuries en cette période de l'année, avec l'élégance qu'apportaient les doux rayons orangés de l'astre lumineux en cette fin d'après-midi, une beauté proche de la fascination donnant au lieu une grâce qu'elle n'avait encore jamais trouvée ailleurs.
Et, d'une grande maison, elle passa à un appartement beaucoup plus petit mais tellement plus confortable, au dernier étage d'un immeuble sans le moindre ascenseur. Ce que Killian et Neal regrettèrent amèrement lorsqu'il fallut grimper le piano au cinquième étage sous les cris apeurés, inquiets et surtout menaçants de la brune qui craignait qu'il n'arrive malheur à son précieux instrument. Mais, alors que le soleil eut complètement disparu depuis près d'une heure, tout fut enfin terminé.
« Tu leur en as donné du fil à retordre, » s'exclama David en pénétrant dans le salon empli de cartons, « et j'ai bien cru que tu allais faire une syncope lorsqu'ils se sont emparés du piano. Tu aurais dû voir ta tête ! »
« Ces idiots ont manqué de me l'abîmer, » répliqua Régina en se tournant vers son ami une expression sévère sur le visage.
David rit de bon cœur mais n'ajouta rien. Il savait qu'argumenter avec Régina était inutile.
« Tu as tout ce qu'il te faut ici ? »
La brune finit par esquisser un petit sourire.
« Je n'ai besoin de rien. »
« Tu voudras de l'aide pour déballer tes cartons et arranger tes pièces ? »
« Non David, ne t'inquiète pas, j'ai encore une semaine pour le faire tranquillement. »
« Bien. Tu as le temps alors. Sortons ce soir. »
Régina ne répondit pas, se contentant d'une moue réprobatrice.
« Je ne plaisante pas, » soutint le blond, une lueur décidée dans les yeux. « Allons manger et boire un verre pour fêter ton aménagement. »
« Le début de ma nouvelle vie hein ? »
« C'est exactement ça. Allez, ne te fais pas supplier et suis-moi, j'invite pour l'occasion. Voilà tellement longtemps que nous ne sommes pas sortis. »
La jeune femme sourit avant d'attraper sa veste, de l'enfiler et, alors qu'elle refermait la porte de son nouveau chez-elle, elle sourit de nouveau. Une esquisse, large et éclatante, vive et brillante, lumineuse. Elle savait qu'elle allait être bien ici. Elle en était convaincue.
David et Régina mangèrent dans une ambiance tranquille et reposante sur la terrasse d'un petit restaurant calme, se laissant porter par les blagues du premier, l'ironie railleuse de la seconde, se laissant guider par les rires et l'atmosphère joviale. Profitant juste de l'instant comme la brune ne l'avait plus fait depuis longtemps, retrouvant ce que les aléas et les tracasseries de la vie lui avaient fait tout bonnement oublier : la simplicité.
La nuit était bien avancée lorsqu'elle quitta son ami pour retourner chez elle, montant les cinq étages d'un pas que l'alcool qu'elle avait ingurgité précédemment rendait vacillant, pourtant, la joie ne la quittait pas. Elle se sentait bien et était prête à repartir de zéro. Quitter Katherine, quitter cette boite de propagande publicitaire pour laisser dernière elle une vie au trop peu de temps, chargée de mensonges et de trahisons et ne se consacrer qu'à ce qui avait toujours été sa seule et unique passion, était certainement ce qu'elle avait entrepris de mieux depuis qu'elle avait quitté les bancs de la faculté.
Elle déverrouilla tranquillement la porte de son appartement puis, une fois à l'intérieur, balança l'un après l'autre ses pieds pour jeter au loin ses chaussures à talons, qui s'envolèrent quelques instants dans les airs pour retomber lourdement sur le plancher du salon. Régina rit, voilà bien longtemps qu'elle n'avait pas fait cela, étant de nature trop ordonnée pour se permettre de tels écarts. Elle décida de faire de même avec sa veste, ou plutôt voulut faire de même. Un bruit sourd attira soudainement son attention.
La jeune femme se figea, suspendant le geste qu'elle comptait entreprendre quelques secondes plus tôt, tous les sens en alerte. Elle sentit son cœur battre soudainement la chamade quand le bruit se répéta encore et encore. Elle n'aurait su dire d'où il venait mais, il était bel et bien là, tenace, insistant, et il se répéta pour se transformer rapidement en un léger murmure.
« Qu'est-ce que... »
Régina sentit son corps frissonner, le murmure se transformant doucement en une litanie macabre et entêtante faisant du précédent silence de son appartement un chant sorti d'outre-tombe. L'alcool lui avait-il fait perdre la tête ? Sa peur s'accentua lorsqu'elle distingua une épaisse fumée s'élever dans le fond de sa chambre, qui laissa rapidement sa place à des ombres dansant au rythme obstinant des lamentations.
La jeune femme trembla, poussa un cri et quitta l'appartement bien plus vite qu'elle ne se serait jamais crue capable de le faire. Elle dévala rapidement les marches de l'étroit escalier pour finir dans le hall d'immeuble, complètement paniquée et, n'écoutant que ce sentiment, elle sortit dans la rue pour s'enfuir dans la nuit.
Elle arrêta de courir, à bout de souffle, au bout de nombreuses minutes. Posant les mains sur ses genoux afin de tenter de reprendre sa respiration. Elle réalisa alors qu'elle n'avait ni argent ni portable, qu'elle était pieds nus dans la rue et qu'elle se trouvait complètement perdue dans une partie de la ville qu'elle ne connaissait absolument pas.
Elle soupira en se maudissant d'avoir été aussi idiote, comment cela pouvait-il être réel ? Elle ne croyait pas au paranormal, elle avait toujours été quelqu'un de rationnel et, cela n'allait certainement pas changer aujourd'hui.
La jeune femme posa un regard autour d'elle, ses émotions enfin domptées. La rue était calme et complètement déserte. Pas une voiture ne circulait, pas un passant à l'horizon. Rien. Elle décida de rebrousser chemin, réprimant l'attitude irréfléchie qu'elle avait eue. Elle n'était plus une enfant. Elle grimaça en constatant après une demi-heure de marche qu'elle ne reconnaissait toujours pas les lieux, qu'elle commençait à tomber de fatigue mais surtout que ses pieds étaient terriblement douloureux.
Régina poussa un profond soupir en se posant sur un banc. Elle savait à présent où elle était mais ne comprenait pas comment elle avait fait pour arriver là. Elle n'en pouvait plus et même si le parc dans lequel elle se trouvait n'était qu'à une quinzaine de minutes de chez elle, il lui fallait faire une pause. Et, après cinq minutes, alors qu'elle était en train de remercier la clémence des températures, elle ferma les yeux.
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Il faisait déjà jour lorsque la brune se réveilla mais, il devait être encore tôt, le soleil ne pointait qu'à peine le bout de son nez. Elle avait fini, sans s'en rendre compte, par s'allonger sur le banc et, lorsqu'elle se redressa, elle fit crier les muscles de son corps. Trop raidis par la nuit laborieuse qu'elle venait de passer. Elle s'étira, difficilement, réchauffa entre ses mains ses pieds gelés puis, après avoir inhalé l'air matinal, s'arma de courage pour retrouver son appartement que les délires de l'alcool l'avaient poussée à déserter.
La jeune femme manqua de faire une crise lorsqu'elle aperçut son reflet dans la vitrine d'un magasin encore fermé. Pieds-nus, les vêtements froissés, les cheveux complètement en bataille, des valises sous les yeux tant la fatigue était visible... Elle fut heureuse que le jour soit encore jeune, la ville était toujours endormie et, elle ne fut dévisagée que par quelques individus peu discrets.
Elle monta les cinq étages qui la séparaient de chez elle complètement lasse, munie d'un manque d'énergie incontestable et, lorsqu'elle ouvrit la porte de son appartement qu'elle n'avait même pas pris la peine de verrouiller la veille, elle ne put contenir sa joie de découvrir le lieu neutre et complètement normal. Rien d'extraordinaire ne semblait se dégager de cet endroit. Alors, avec un peu d'hésitation tout de même, elle pénétra chez elle, heureuse de pouvoir enfin se détendre.
Régina se dirigea directement vers la salle de bain, elle devait procéder à un débarbouillage avant de se laisser aller. Mais, à peine eut-elle fait quelques pas que les bruits sourds qui avaient hier, dans un premier temps, attiré son attention se firent de nouveau entendre. Elle se figea, calmant ses émotions, cherchant à rationaliser les murmures qui vinrent de nouveau chatouiller ses oreilles. L'alcool en réalité n'avait absolument rien à voir là-dedans.
La jeune femme n'avait jamais été peureuse, ''les peurs sont faites pour les faibles, elles se doivent d'être affrontées'' n'avait cessé de lui marteler sa mère lors de son enfance, et, elle avait appris à raisonner ainsi. La brune poussa un soupir, compta jusqu'à trois dans sa tête, puis s'avança vers la fumée qui venait de refaire son apparition dans la chambre à coucher. Gardant tout de même une certaine prudence, il ne fallait pas se mentir.
Doucement, pas après pas, elle se rapprocha du fond de la chambre, les membres un peu tremblants, la respiration courte et... La jeune femme fronça les sourcils.
« Non mais... » Commença-t-elle avant de se taire, laissant la colère l'envahir, regardant des rayons lumineux faire leur apparition et tournoyer dans la fumée.
Elle tourna subitement les talons, se précipita dans le salon pour déballer un carton et en sortir un tube de rebouchage multi-usages, qu'elle avait acheté exprès pour son emménagement afin de parfaire les quelques défauts qu'elle avait repérés lors de la visite de l'appartement. Elle s'en empara avec force et, fulminante, elle revint dans la chambre, ouvrit le tube pour déverser une grosse noisette de la substance dans chacun des petits trous qui s'étendaient sur dix centimètres de long juste au-dessus de la plinthe. Satisfaite, un rictus aux lèvres, les bras en croix, elle patienta.
La jeune femme n'eut pas longtemps à attendre. Rapidement une quinte de toux se fit entendre, une toux rauque et semblant très désagréable.
« Maintenant vous allez m'expliquer, espèce de malade ! » Lança la brune avec colère, « c'est quoi votre problème au juste ? »
Seul le silence que coupa la toux rauque se fit entendre.
« Hé, » lança de nouveau Régina, « ne m'ignorez pas. Vous m'entendez ? »
« Évidemment que je vous entends pauvre tarée ! Vous avez failli m'étouffer ! »
La brune serra les poings à l'entente de cette réponse.
« Non mais vous êtes une malade mentale féminine ? » Demanda-t-elle avec mauvaise grâce à l'écoute de la voix, s'adressant au mur lui faisant face en ignorant superbement ce qui venait d'être lancé. « C'est quoi votre objectif au juste ? Me faire peur ? »
Le silence s'imposa de nouveau, sans les quintes de toux cette fois.
« Hé ! » Régina cria, laissant libre court à la fureur qui l'animait. « Je vous parle, pas la peine de vous taire à présent, vous vous êtes vendue en me répondant ! Alors expliquez-moi ! »
« Hé oh, pas la peine de hurler comme une demeurée hein. Il y a un cruel problème d'insonorisation entre nos deux appartements d'accord ? Aussi j'entends vos moindres faits et gestes et réciproquement... »
« Co-Comment... ? »
Régina sembla atterrée par cette réponse.
« Ouais ben écoutez, je n'y peux rien moi. La cloison qui nous sépare est totalement creuse. Nous sommes condamnées à nous entendre voilà tout. »
« Non mais... »
« Quoi ? Vous faites exprès de ne pas comprendre ou vous êtes idiote ? »
« Vous êtes sérieuse ? C'est moi l'idiote ? Non mais c'est quoi votre petit jeu au juste ? »
La brune, complètement hébétée par l'attitude de celle se trouvant derrière le mur lui faisant face, soupira lourdement.
« Bon, vous êtes adulte ? »
« Évidemment ! »
Elle soupira en secouant la tête avant de répondre :
« Alors cessez vos simagrées et expliquez-vous. »
«...Entendre tout ce que fait l'autre alors que nous ne vivons pas ensemble c'est agaçant et même plus encore. Pas moyen d'être tranquille, chaque craquement de plancher est entendu par l'autre, chaque éternuement, l'eau de la douche, la machine à laver qui tourne, absolument tout. Alors un jour j'ai eu l'idée de ce stratagème. Les gens ont peur de ce qu'ils ne comprennent pas. »
« Un stratagème ? Une absurdité oui ! C'est totalement idiot.»
« Oui et bien figurez-vous que cela a toujours marché jusqu'à présent. Faire déguerpir le locataire de l'appartement voisin est devenu une spécialité. »
« Et bien cette fois c'est raté. »
La brune venait d'adopter sa voix la plus sarcastique.
« Pas la peine de me le signifier, je le vois bien. Je ne suis pas idiote malgré vos dires. »
« Mais bien sûr. »
Le ton ironique de Régina ne pouvait pas être loupé. Puis, sans attendre de réponse, elle reprit :
« Vous avez un véritable problème ! »
« Bref, je me moque de ce que vous pensez. J'ai une vue magnifique et superbe, un loyer imbattable, un boulot où il faut du calme et ici je suis totalement tranquille lorsque je n'ai pas de voisinage. Ce lieu est tout pour moi. Alors vous devez partir. Il n'y a rien à ajouter. »
« Certainement pas. »
« Mais bien sûr que si. »
« Je vous assure que non. »
« J'étais là avant. »
« Ce n'est pas la question, gamine. »
« Si, point final. »
« Très chère. Vous êtes une enfant. »
Le silence se fit de nouveau mais cette fois, il ne fut pas rompu par la brune :
« Ce n'est pas la peine de déballer vos cartons. Je vous le garantis ! »
« Ah oui ? »
Question provocatrice.
« Vous craquerez avant moi. »
Réponse arrogante.
« En êtes-vous certaine ? »
Voix moqueuse.
« Vous me cherchez ? »
La brune sourit avant de répondre :
« Et je vous trouve ? »
« Je vous le répète, ne déballez pas vos cartons. »
Régina ne répliqua pas tout de suite, cherchant à rationaliser. Elle se passa une main dans les cheveux en inspirant profondément, n'étant pas d'humeur à rivaliser ce matin. Elle était juste morte de fatigue et, étrangement, rien ne semblait pouvoir entacher la perceptive de bonheur qui planait sur sa vie.
« Même si j'ai du mal à le croire pour votre cas, mais là n'est pas la question, » commença-t-elle calmement, « nous sommes toutes deux adultes. Il y a forcément un moyen de s'arranger pour vivre sainement et nous éviter tout problème. Nous pouvons toutes deux y mettre du notre et se débrouiller afin de ne pas se déranger. Tout passe par l'organisation vous savez... »
« Qu'est-ce que vous racontez ? »
« Se répartir des plages horaires par exemple ? Vous préférez pouvoir faire du bruit le matin ou l'après-midi ? »
« Tout le temps. »
« Vous êtes une véritable gamine. »
« Et vous une emmerdeuse. »
« Restez polie très chère. »
La réplique, du tac au tac, était menaçante et implacable.
« Une rabat-joie ? »
« C'est déjà mieux. »
« Ou encore une trouble-fête, une enquiquineuse, une importune, une gêneuse, une peste, un véritable poison... »
« Oui bon, vous avez fini ?! »
« Oh, certainement pas, je peux encore allonger la liste. »
« Je n'en doute pas... Alors ? Besoin du matin ou de l'après-midi ? »
« Et aux toilettes ? Vous comptez y aller quand ? Matin ou après-midi ? »
« Que vous êtes désagréable. »
« Et vous n'avez pas tout vu ! »
Régina se frotta les yeux d'une main lasse avant de s'asseoir sur son lit, actuellement, elle n'avait qu'une envie, fermer les yeux pour ne se réveiller que de nombreuses heures plus tard.
« Vous ne voulez pas trouver un terrain d'entente ? »
« Absolument pas. »
La brune fit claquer sa langue. Elle avait autre chose à faire que de tenter de négocier avec un mur, qui même s'il était creux semblait de béton.
« On ne peut donc rien y faire ? »
« Rien. »
« Le syndicat d'immeuble... »
« Nous ne partageons pas le même immeuble, pas la même rue... »
« Je vois... »
« Non je ne crois pas car sinon vous ne seriez déjà plus là. »
Régina déposa son dos sur le lit et, posant les yeux sur le plafond beige et neutre et calme et reposant, elle se dit que tout cela était ridicule, pourtant, alors que son esprit commençait à sombrer dans les limbes de l'étourdissement ensommeillé, l'eau de la douche se mit à couler, la chasse d'eau à raisonner, et les cent pas furent commencés. L'autre femme avait raison, on percevait vraiment tout de l'appartement voisin mais, qu'importe sa gaminerie et son petit amusement à vouloir l'irriter, la jeune femme était bien trop fatiguée pour s'en préoccuper immédiatement.
« Vous ne me ferez pas craquer très chère », finit-elle par dire la voix chargée de sommeil.
« Les dés sont donc jetés, » fut la dernière chose qu'elle perçut avant de trouver quelques instants de paix.
Des instants de paix dont elle avait terriblement besoin, des instants bienfaisants et réparateurs qui ne pouvaient être négligés au vu de la nuit qu'elle venait de passer. Des instants qui furent de bien trop courte durée.
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Régina se réveilla en sursaut, elle eut l'impression de n'avoir fermé les yeux que quelques secondes et, cela était proche de la réalité. Elle grimaça au son strident et dérangeant de ce qui lui paraissait être une perceuse ou alors une ponceuse.
« Non mais... vous êtes sérieuse ? » S'écria-t-elle pour couvrir de sa voix le vacarme ambiant.
« Très. »
« Vous êtes une... une... une véritable gamine ! »
La colère était perceptible dans la voix de Régina, une véritable colère née de l'agacement, de la fatigue, de la mauvaise humeur, de l'irritation et de l'emportement. Une colère qui envahit soudainement son corps et son esprit. Elle se vengerait, elle n'allait certainement pas laisser passer cela mais, un sourire mesquin étira légèrement ses lèvres, la vengeance était un plat qui se mangeait froid. Et, malheureusement pour l'autre femme, elle était douée, très douée à ce jeu-là.
La brune, à défaut de dormir, passa sa matinée à déballer ses cartons, organisant son lieu d'habitation avec goût et confort. Prenant un malin plaisir à faire crisser le plancher en déplaçant et redéplaçant et redéplaçant encore un meuble afin de lui trouver la meilleure place possible, s'enorgueillant des grognements de mécontentement que poussait sans fatigue sa voisine. Allant même jusqu'à rire, fière d'elle, lorsqu'une série de jurons tous plus recherchés les uns que les autres passèrent la cloison du mur pour venir se réfugier dans ses oreilles. Et, elle n'avait pas encore dit son dernier mot.
En fin d'après-midi, l'aspirateur de sa voisine se fit entendre, cette dernière semblant s'amuser à percuter la cloison les séparant pendant plus de deux heures. Régina secoua la tête en terminant de déballer sa vaisselle, il était rare que quelqu'un s'oppose à elle. Ce qui d'ailleurs avait été problématique dans sa relation avec Katherine, elle était le genre de personne à avoir besoin qu'on lui dise non, qu'on s'oppose à elle, au moins un peu et, jusqu'à présent ça n'avait jamais été le cas.
Il était tard, la brune avait passé le reste de la journée à parfaire la décoration du salon puis après un rapide repas, avait entrepris de lire un bouquin, avançant dans sa lecture sans grand succès mais, il fallait rester éveillée. Et le moment était à présent venu, il était deux heures du matin, sa voisine semblait s'être couchée depuis quelques temps déjà, le moment idéal.
Régina s'installa face au piano qui reposait dans le coin gauche du salon, non loin de la chambre et l'ouvrit délicatement, avec amour. Laissant ses doigts traîner quelques instants sur les touches, savourant le contact frais, connu et rassurant.
Elle prit une courte inspiration, puis joua.
Ses doigts défilèrent, s'amusèrent dans une valse rythmique endiablée sur un air mélodique et ardu qui ne manquerait pas d'agiter le sommeil de l'autre femme. Elle en sourit d'avance.
« Mais c'est pas possible ! » Entendit-elle hurler, « vous n'allez pas bien... Un piano... ? Vous avez un piano ?! »
Le sourire de la brune s'élargit mais elle ne cessa pas de jouer, elle avait besoin de s'entraîner et, elle n'avait que faire du sommeil d'une personne aussi immature et agaçante que celle se trouvant de l'autre côté du mur. Elles ne vivaient pas ensemble après tout aussi, pourquoi faire attention à elle et surtout, ce n'était que juste récompense au vu des tours qu'elle lui avait joués.
« Vous voyez, » répondit-elle entre deux accords, « moi aussi je peux vous pourrir la vie. »
Et, satisfaite de sa réponse, elle ne se préoccupa plus de sa nouvelle voisine, se consacrant entièrement à son art.
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Mais les représailles arrivèrent vite. Le lendemain, elle fut tirée du sommeil par l'utilisation du sèche-cheveux. La jeune femme fulmina en posant ses yeux sur le réveil qui indiquait six heures du matin.
Le jour suivant, du matin jusqu'au soir, Régina reçut la visite de plusieurs femmes souhaitant vérifier si la paire de talons qu'elle avait mise en vente hier soir sur internet à 150 dollars était bien de vrais Louboutins neufs. Elle sourit à la première visite, reconnut l'ingéniosité de l'autre femme à la seconde, rouspéta à la troisième, piqua une crise à la quatrième, hurla sur la vielle dame de la cinquième, chassa à grands cris la sixième, finit par aller coller une affiche sur la porte de son immeuble pour dissuader d'autres visites à la septième...
« Très malin, » annonça-t-elle en remontant, complètement essoufflée.
« Je sais. »
« Vous êtes une vantarde, vous le savez également ? »
« Déménagez où vous saurez combien la vantardise est loin d'être un de mes défauts. »
« Dans vos rêves très chère, juste dans vos rêves... »
Le piano résonna de nouveau jusqu'à très tard dans la nuit une fois encore. Et, au matin, alors que cette agaçante voisine semblait en conversation téléphonique avec quelqu'un d'important, Régina alluma son ordinateur portable pour y connecter les enceintes de sa chaîne stéréo puis, le son à un volume raisonnablement fort, elle lança une vidéo pornographique où les cris du plaisir et la vulgarité des scènes de sexe furent nettement perceptibles.
Régina fut très fière de son coup en entendant l'autre femme s'agiter, tentant de parler plus fort pour masquer la sonorité de la vidéo, trouvant des excuses absurdes pour justifier l'univers sonore qui l'entourait.
« Vous vous croyez maligne ? » Lança-t-elle après avoir raccroché en frappant le mur du pied.
« Je ne devrais pas ? » Demanda innocemment la brune, coupant la vidéo.
« Vous venez de me faire perdre un contrat ! »
« Quel dommage. »
« Vous êtes vraiment... vraiment... alors là vraiment... »
« Vraiment quoi ? Je vous écoute très chère, ne vous privez pas. »
« Vraiment voilà. Fichez-moi la paix et dégagez de ma vie. »
« Vous n'avez toujours pas décidé d'être raisonnable à ce que je vois. »
« Jamais. »
Et l'aspirateur, et le piano, et le sèche-cheveux, et la perceuse-ponceuse, retentirent de nombreuses fois les jours suivants, les deux femmes ne s'accordant que peu de répit. La semaine passa rapidement, entre ripostes et provocations. Chacune semblant avoir mis leur vie de côté pour nuire à l'autre, se cherchant du matin jusqu'au soir, ne s'arrêtant que pour glaner quelques courtes heures de sommeil. Le manque d'imagination ne fut bien évidemment pas de mise.
Un matin, Régina, complètement fatiguée, épuisée par cette semaine partagée entre agacement et amusement, décida d'en finir une fois pour toute. Armée d'un marteau, elle cloua sur la cloison une grosse horloge murale, une de ces horloges munie d'un horrible, sonore et désagréable tic-tac. Une affreuse horloge que lui avait un jour offerte Katherine, avec elle ne savait quelle lubie de lui faire apparemment plaisir, et qui avait très vite fini sans la moindre pile pour pouvoir fonctionner.
Dans le silence des deux appartements, le tic-tac commença à raisonner distinctement dans un rythme lent et régulier.
« C'est ridicule, » entendit-elle marmonner.
La brune sourit, habituée grâce à la musique au métronome, elle savait combien la régularité d'une trotteuse pouvait avoir un effet chronique sur les esprits, formatant le cerveau par son écho monotone et distinct.
« Vous croyez vraiment m'avoir ainsi ? » Demanda sa voisine au bout d'une heure.
Elle ne répondit pas et sortit prendre l'air, profitant de la fraîcheur de la journée pour faire quelques emplettes, passer voir David pour manger un bout avec lui, signer quelques papiers afin de régulariser sa situation avec Katherine et errer où bon lui semblait. Lorsqu'elle revint à son appartement, plusieurs heures s'étaient écoulées et l'horloge était toujours là, tapageuse. Faisant son œuvre à merveille.
« Qu'est-ce que vous croyez ? Que ce bruit va me rendre folle ? »
Une fois de plus, Régina ignora superbement les questionnements pour poser son regard sur la fenêtre, contemplant la beauté de la soirée qui s'annonçait. Elle savait combien un tic-tac incisant pouvait rendre fou et elle savait que la nuit qu'allait vivre sa voisine serait déterminante. Comme bien souvent, la brune ne se trompa pas. Un cri d'hystérie la réveilla.
« Okay, c'est bon. »
Régina, chassant les brumes du sommeil, sourit.
« Hé oh, l'enquiquineuse, je vous parle. C'est bon, ça suffit. Vous avez gagné. »
« Vous dites ? »
« Vous avez gagné. »
« Plus fort. »
« Vous avez gagné. Et rêvez pour que je le répète encore. Maintenant arrêtez cette horloge. Ça ne peut plus durer. »
Un silence bienfaisant s'installa alors. La brune entendit le soupir de soulagement de sa voisine avant de prendre la parole :
« Très bien. Alors maintenant place au planning. »
...
A suivre...
