All we have to decide is what to do with the time that is given to us
John Watson marchait dans les rues bondées de Londres plus lentement qu'à son habitude.
A sa sortie du cabinet, il avait placé les mains dans ses poches, courbé le dos, rentré sa tête dans ses épaules et s'était mêlé à la foule.
C'était une journée que l'on pouvait qualifier de « mauvaise » pour le docteur Watson. Il s'était levé du pied gauche et tout, absolument tout depuis ce matin, l'agaçait profondément.
Ses patients Harry, qui ne cessait d'essayer de le joindre depuis le début de l'après midi même les étrangers marchants innocemment à ses côtés dans la rue avaient réussi à irriter le calme et compréhensif Docteur John Watson.
Il se sentait complètement vidé, après cette éprouvante journée et pourtant, il ne se pressait pas pour renter à l'appartement car il savait ce qui l'attendait. Ou plutôt « qui » l'attendait.
John soupira avant de pousser la porte du perron du 221B Baker Street.
Sherlock était probablement resté cloîtré toute la journée, s'était sans aucun doute profondément ennuyé, et allait, sans la moindre pointe d'incertitude, être irritant, enfantin et terriblement horripilant. John ne se sentait pas le cœur à s'occuper de Sherlock et de l'appartement aujourd'hui. Il ne savait que trop bien ce qui l'attendait. Sherlock aurait mit un immense désordre dans l'appartement, essayant sûrement de trouver l'endroit ou John et Miss Hudson avaient habilement dissimulé ses cigarettes. John devrait nettoyer, puis faire à manger, se battre pendant un long moment pour convaincre Sherlock de s'alimenter et de boire. Puis il devrait faire la vaisselle, ranger encore et enfin, il serait autorisé à regagner son lit pour une bonne, et il espérait, réparatrice, nuit de sommeil. Ces simples pensées ajoutaient un nouveau poids sur ses épaules déjà lourdes de fatigue.
En gravissant lentement les marches qui le conduisaient à l'appartement il ne put s'empêcher d'espérer que Sherlock soit parti, appelé sur une affaire si importante qu'il n'avait pas pris la peine de prévenir John. Ainsi, ils pourraient éviter de confronter leur humeurs massacrantes à tous les deux.
Ce n'était sûrement pas des pensées dignes d'un meilleur ami mais John était épuisé et il ne pourrait supporter une nouvelle joute verbale, comme il avait l'habitude de pratiquer avec le détective. Les conversations avec Sherlock étaient toujours intéressantes, palpitantes mais aussi très souvent fatigantes et sans fin.
« Faites que Sherlock soit parti... » murmura John entre ses dents, alors qu'il poussait la porte.
Le première chose qu'il remarqua fut le long manteau de Sherlock accroché au porte manteau près de la porte. Sherlock était donc là. Il ne partirai jamais sans son manteau par un temps pareil (par tous les temps d'ailleurs) car il faisait vraiment froid dehors.
John leva un sourcil quand il vit les pages des livres posés sur la table basse frémir puis se soulever, caressées par un souffle de vent . John frissonna, soudain conscient du froid perçant qui régnait dans la pièce. Il ne faisait pas froid que dehors...
Le médecin fit grincer ses dents en voyant la fenêtre du salon largement ouverte, le vent glacé s'engouffrant à l'intérieur de la pièce librement. John remarqua toutefois qu'il ne faisait pas assez froid pour que la fenêtre soit restée ouverte toute l'après midi. Sherlock avait du l'ouvrir quelques minutes plus tôt.
« Sherlock, peux tu me dire pourquoi tu as ouvert cette foutue fenêtre ?! » beugla John en refermant le battant avec un claquement sonore. Décidément, rien n'allait aujourd'hui. Il faudrait de longues minutes avant que la pièce ne retrouve une chaleur acceptable.
John se retourna et fit quelques pas en direction de la cuisine, dans l'idée d'aller se préparer un thé.
C'est là qu'il remarqua les livres et les feuilles éparpillées sur le sol.
Il saisit un livre au hasard et lut le titre (un livre scientifique : The Extended Phenotype par Richard Dawkins)
. Le livre préféré de Sherlock. Les feuilles qui, maintenant par terre, tressaillant légèrement sous le vent étaient les notes qui avaient permis à Sherlock de rédiger son étude sur les différentes sortes de cendres de tabac.
Quelque chose clochait. Ces livres et ces papiers auraient du se trouver sur la table juste à coté de la fenêtre.
John senti son cœur s'accélérer quand il posa enfin son regard sur la table.
Une trace de pas.
Certainement pas celle de son colocataire. Non, cette trace était clairement celle laissée par une chaussure de sport, une basket, et jamais Sherlock Holmes ne portait de genre de chaussure.
Le cœur battant la chamade, il se rua vers la cuisine. Il ne lui fallu qu'un regard pour réaliser ce qui s'était passé.
Les mêmes traces de pas, clairement visibles sur le sol clair de la cuisine. Du verre cassé, provenant sûrement du vase qui avait dû s'écraser sur le sol durant l'altercation. Et du sang. De petites gouttelettes de sang qui s'élargissaient à mesure que John approchait de la chambre de Sherlock.
« Sherlock ?! » cria John, de l'angoisse nettement perceptible dans sa voix.
Il était complètement paniqué maintenant. Le sang battait à ses tempes et les battements de son cœur avaient atteins une vitesse alarmante dans sa poitrine . Il inhala profondément, craignant de succomber à une crise de panique. Si son meilleur ami avait besoin de lui il fallait qu'il garde son calme et soit opérationnel.
Il avala bruyamment sa salive, jugula la peur qui tordait son estomac, et poussa la porte de la chambre.
Sherlock était allongé dans son lit, sur le dos, les couvertures remontées sous le menton.
Sur le sol, juste à coté du lit, gisait une chemise violette, couverte de sang.
Perdant complètement son sang froid, John se rua jusqu'au lit et gifla la joue de son colocataire. Il ne put retenir un gémissement de joie quand Sherlock émit un grognement et ouvrit les yeux.
John sentit ses boyaux se tordre à la vue des iris bleu-acier. Ces yeux, d'habitude si brillants et pleins d'assurance, étaient maintenant vitreux et papillonnants , luttant pour rester ouverts. Sherlock parvint enfin à verrouiller son regard dans celui de John.
« John ? ». Sa voix n'était qu'un murmure. « Est ce que tu as réussi à maîtriser l'intrus ? »
« Non, il n'y avait plus personne dans l'appartement quand je suis entré... il s'est enfui.. » répondit doucement John, essayant d'effacer de toute trace d'affolement de sa voix.
D'un geste peu assuré, il dirigea sa main gauche, quelque peu tremblante, vers la poche de son jean.
Sherlock, qui avait aussitôt deviné la raison de cet geste, l'interrompit d'une voix cette fois plus sûre :
« Ne t'inquiètes pas, j'ai déjà appelé l'ambulance, environ trois minutes après avoir été blessé. Il m'est impossible de déterminer combien de temps je suis resté évanoui mais je présume moins de sept minutes.. . Dans tous les cas, elle devrait bientôt arriver car la circulation à Londres est plutôt calme depuis quelque temps . Ceci est dû, sans aucun doutes, à l'approche des fêtes de fin d'année. Les gens normaux rendent visite à leur famille, à leurs amis, ou partent en week-end, c'est très courant... »
John ne prêta aucune attention aux flot de parole qui surgissait maintenant de la bouche du détective. C'était bon signe que Sherlock soit encore en état d'analyser une situation, de construire un raisonnement, de parler.
Tentant d'empêcher autant qu'il pouvait le tremblement de ses mains, John souleva enfin la couverture qui recouvrait le corps de son ami. Il avait tenté de retarder ce moment autant que sa conscience de docteur lui permettait.
Il ne put empêcher un son étranglé de sortir de sa gorge quand il découvrit la blessure de Sherlock.
Une longue entaille, de toute évidence causée par un couteau, partait du haut de l'épaule gauche du détective jusqu'à la naissance sa clavicule droite. Sherlock était en sueur et son corps tremblait légèrement. Il avait arrêté de parler et avait fermé partiellement ses yeux. John pouvait voir un petit rictus de douleur se former de temps en temps sur les lèvres du détective.
Mais après un examen plus attentif de la plaie (un examen en temps que docteur et non en temps que meilleur ami, ce qui éclaircissait considérablement les pensées), John poussa un profond soupir de soulagement en réalisant que la blessure, bien qu'impressionnante, n'était pas profonde. Sherlock n'aurai aucun mal à s'en tirer.
Il prit la main de son ami dans la sienne, et de l'autre, commença caresser gentiment les boucles brunes du détective. Un geste visant à rassurer autant son colocataire que lui même.
Les cheveux de jais qui bordaient son front étaient collés par la sueur et John entreprit de les démêler en y passant lentement ses doigts.
Sherlock exhala profondément au toucher, et ses tremblements parurent s'atténuer.
« Cette homme devait être un excellent combattant pour parvenir à te toucher. Tu ne te laisses pas aussi facilement avoir d'habitude », articula John, la voix rempli d'une émotion qu'il aurait préféré moins perceptible.
« Je voulais une blessure semblable à la tienne, alors je l'ai laissé faire », murmura Sherlock. Puis il laissa échapper un petit rire mais, en réprimande, son corps se contracta sous la douleur.
« Chut , ne parle, pas ne bouge pas. On attend l'ambulance »
« De toute évidence » grogna Sherlock. « Inutile de me traiter comme un enfant juste parce que j'ai l'épaule et une partie de la poitrine ouverte »
John plaça un doigt sur la bouche de Sherlock dans l'intention de le faire taire. Immédiatement les yeux bleu-gris du détective se figèrent dans ceux du médecin. John sourit en y apercevant une lueur choquée. Sherlock n'aimait pas qu'on le fasse taire, fusse de la plus douce manière qu'il soit.
Mais John garda constante la pression de son doigt sur les lèvres jusqu'à ce qu'il sente Sherlock se relâcher. Il s'autorisa alors à faire de cette pression une caresse. Il laissa ses doigts s'égarer sur l'arc de Cupidon si particulier de la lèvre supérieure, pendant un bref instant.
Puis il retira sa main, et l'utilisa pour recouvrir la main de Sherlock déjà dans la sienne.
« Je vais retrouver celui qui a fait ça Sherlock. Je vais retrouver l'homme qui a osé te blesser. Je te le... »
Sherlock coupa l'ex militaire en émettant un petit rire narquois. « John, tu imagines bien qu'a cette heure-ci je sais déjà son identité, son lieu d'habitation et la raison qui l'a poussé à m'attaquer ... »
John ne put s'empêcher d'afficher un large sourire. Même dans les situations les plus extrêmes, Sherlock restait Sherlock. Un génie exceptionnel, frimeur, supérieur. Son meilleur ami. L'homme qui lui avait redonné le goût de la vie...
Enfin, ils entendirent les sirènes et un moment plus tard, John et Sherlock étaient à l'arrière d'une ambulance, toujours main dans la main.
