Une semaine que je me suis installée à Forks.
L'enfer est chaud et sec
Forks est froid et humide.
Je tente donc de me persuader que Forks n'est pas l'enfer.
Relativise Bella.
La première semaine au lycée s'est plutôt bien passée.
Je me suis embronchée plus d'une douzaine de fois. J'ai lancé le ballon à la tête de deux ou trois de mes élèves en sport. Heureusement qu'entre deux bafouillages, mes réponses au prof sont presque intelligibles.
Une plaie !
Malgré tout cela, je me suis faite des amis :
Mike qui me suit partout comme un toutou docile.
Tyler qui me sourit bizarrement. (Il a peut-être peur que je l'éborgne à son tour ?)
Et Jessica qui se charge de me rapporter tous les cancans de la ville, avec moult détails bien sur.
Bref, le bonheur !!!!
Il y a aussi ceux qui m'ignorent royalement, comme ce garçon assis à côté de moi en biologie. Hormis un bref bonjour la première fois, il n'avait pas daigné m'adresser la parole, ni même me regarder. De toute façon, il est trop mignon pour moi !
Il est le sujet de prédilection de Jessica (et de Lauren quand elle daigne m'adresser la parole !) : Edward Cullen, fils adoptif du docteur Carlisle Cullen et de sa femme, Esmée. Il a deux frères et deux sœurs, adoptés eux aussi: Emmet et Rosalie, qui sont partis à Darmouth ( Elle avait prononcé le nom de la prestigieuse université avec un ton ouvertement snobinard, ce qui m'avait fait sourire. C'est vrai que c'était le genre d'établissement que ni elle ni moi ne pourrions jamais nous offrir) et Jasper et Alice qui sont en dernière année comme nous.
-Ils sont ensembles,… dans tous les sens du terme, a-t-elle ajouté, l'air dégoûté. Je sais même pas si c'est légal.
Bon c'est vrai ! Même à Phœnix, une relation amoureuse entre un frère et une sœur aurait paru scandaleuse, deux encore plus. Mais avait-elle besoin de le dire !
Finalement, l'enfer est froid et humide !
Il y a tout de même des points positifs :
Angéla, une autre copine de Jessica, est sympa. Elle me ressemble un peu, en plus jolie et moins godiche. Elle est timide, elle a des conversations intéressantes et elle aime la littérature. Nous avons un peu parlé Jane Austen et Sinclair Lewis.
Et puis mon père a respecté sa parole : il m'a laissé m'installer dans le petit studio qui accole la maison. J'ai toujours eu l'habitude de vivre seule lorsque j'étais avec ma mère : elle disparaissait régulièrement quand elle pensait avoir trouver le « grand amour » et depuis que c'était plus ou moins officiel avec Phil, c'était encore pire. J'ai pris l'habitude de me gérer seule. Alors ce n'est pas à dix-huit ans que j'allai accepter d'être sous la responsabilité d'un parent.
La fin de la semaine est donc mortellement longue. Le samedi matin m'apparaît comme un don du ciel. Je me lève tard, prend un petit déjeuner consistant – je n'ai pas l'intention de déjeuner et je file sans aller voir mon père : je sais que Charlie est déjà parti pour la pêche. Je scotche tout de même un mot sur sa porte pour ne pas qu'il avertisse le FBI si je ne suis toujours pas là son retour.
Je suis contente de m'être achetée ma petite Ford avec le peu d'argent que j'ai économisé. Elle n'est pas très confortable mais le moteur est inépuisable : il valait mieux, elle dépassait déjà allègrement les 200 000 km, je n'ai pas eu les moyens de me payer mieux.
Deux heures plus tard, je me gare en plein centre-ville.
Bon d'accord ! Ca ne vaut pas les centre-commerciaux de Phœnix mais je dois m'en contenter.
Je flâne le long des rues, m'attardant une longue heure dans une librairie pour finalement m'offrir un roman d'Hemingway. Je fais les boutiques de fringue, par pur plaisir, je n'ai absolument pas les moyens de compléter ma garde robe.
Finalement, dans l'après-midi, je tombe sur un magasin d'antiquités. J'aime bien regarder les vieilleries : je m'invente une histoire sur leur propriétaire, leur créateur. J'imagine des amours impossibles et des fins tragiques. Le miroir qui a appartenu à une femme mariée éprise d'un autre homme, un encrier qui a servi à écrire les plus belles lettres d'amour.
Je ne suis qu'une idiote romantique ! Arrête de lire Roméo et Juliette !
Une femme est déjà dans le magasin à fureter dans les rangées. Elle se tourne vers moi et m'adresse un petit sourire avant de reprendre son inspection.
Je tombe en admiration devant une petite boite à musique. Elle est tout en bois, vieillie par le temps et décorée au dessus de volutes et d'arabesques délicates. Je l'ouvre, une petite danseuse se redresse. Je tourne délicatement la clé et une musique métallique commence, faisant tournoyée la figurine. Je ferme les yeux et écoute les notes.
-Vous aimez ! me dit une voix douce.
Je me retourne : la femme s'est rapprochée. Elle a un sourire magnifique et semble très gentille.
-C'est le clair de lune de Debussy, lui répondis-je. J'adore cette musique.
-Vous connaissez la musique classique.
-Non ! Mais ma grand-mère voulait absolument m'initier. A l'époque, je trouvai ça pénible. Maintenant qu'elle est morte, je regrette de ne pas l'avoir plus écouter.
-C'est souvent comme cela. Vous plairiez beaucoup à mon fils. C'est également sa musique préférée.
Sa main tremble tout à coup. Elle s'appuie sur le bord de la table. Je lève les yeux vers son visage : elle est pâle comme un linge et semble avoir du mal à respirer.
Bon sang ! Elle fait un malaise !
Je l'attrape comme je peux par les bras et l'assois sur une chaise qui se trouve juste à côté.
-Ca ne va pas ! Vous voulez que j'appelle une ambulance.
-Non ! gémit-elle. Je sais ce que j'ai. Il me faut mon médicament, dans mon sac.
Je repère facilement le sac et lui tends. Elle prend une petite boite, l'ouvre péniblement et se fait une piqûre.
Le propriétaire du magasin arrive à ce moment là.
-Hey ! lance-t-il. Je ne veux pas de drogué dans mon magasin, c'est compris !
-Elle vient de faire un malaise, lui répondis-je froidement, blessée d'avoir été prise pour une junky.
L'homme s'approche de nous pour constater les faits. Son visage change alors d'aspect :
-Mme Cullen, vous n'allez pas bien.
Surprise ! C'est LA madame Cullen, la mère des Cullen de mon lycée. Je n'en revenais pas.
-Vous voulez que j'appelle votre mari, lui demande-t-il alors.
-Non, non ! Je vais le faire.
Elle saisit mon téléphone portable. La conversation dure quelques minutes, je comprends que son mari lui propose de venir la chercher, il a peur qu'elle rentre toute seule et qu'elle est un autre malaise en conduisant. Elle hésite, elle ne veut pas le déranger dans son travail.
Je lui propose alors de la raccompagner, nous habitons la même ville. Elle accepte soulagée et raccroche.
Je vais chercher ma voiture et je la gare devant le magasin pour qu'elle marche le moins possible. Nous partons pour Forks.
-Vous êtes très gentille,… et je ne connais même pas votre nom ?
-Je m'appelle Bella Swan, je suis la fille du shérif.
-Ah oui ! Mes enfants m'ont parlé de toi ! Je suis Esmée Cullen
Tiens, les Cullen ne sont pas aussi insensibles aux autres, finalement.
-Je sais. Votre fils Edward suit les mêmes cours de biologie que moi.
-Et bien Bella, je suis enchantée de te avoir rencontrer. Tu m'enlèves une épine du pied. Je suis déjà un fardeau pour ma famille, je n'avais pas besoin de rajouter celui-là.
Là-dessus, elle me raconte qu'elle souffre d'une maladie incurable, une maladie génétique qui touche l'hémoglobine du sang. Elle fait parfois des malaises et devait s'administrer son traitement dans ces cas là. C'est pour cela qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfants et que lui et son mari avaient adopté leurs cinq enfants.
-Hélas mes malaises sont plus fréquents lorsque je suis stressée ou fatiguée. Alors nous sommes venus nous installer ici. Mes enfants n'aiment pas beaucoup cet endroit, surtout Edward. Ils ne le disent pas mais je sais qu'ils sont malheureux.
-S'ils se taisent et qu'ils restent ici, c'est qu'ils vous aiment. Vous devez être une mère formidable… Moi j'ai fini par fuir la mienne la semaine dernière.
Elle m'adressa un sourire compatissant. Elle a l'air vraiment gentille.
-Vous êtes quelqu'un de bien, Bella. Je le dirai à Edward. Il juge les habitants de Forks trop sévèrement.
Nous arrivâmes à Forks. Elle me demande de l'amener à l'hôpital. Son mari l'attend sur le parking. Il me remercie chaleureusement et je les regarde disparaître dans le hall d'entrée.
