Chapitre 1
« Quelque soit la puissance de l'homme, la femme restera toujours sa faiblesse. »

ALYN

La forêt était silencieuse, la densité des arbres ne laissaient passer que quelques rayons de Soleil et dans les fourrés sous elle, Alyn pouvait entendre la faune s'agiter. Perchée à plusieurs mètres du sol dans un massif feuillu, elle guettait. Le vent chaud vint caresser sa figure et elle s'en délecta, fermant les yeux. D'après les rumeurs, l'hiver viendrait. La perspective du froid hivernal la terrorisait et la glaçait jusqu'au sang, elle l'enfant du sud et de l'été. Ce serait son premier hiver, à elle qui n'avait jamais connu que l'étouffante chaleur des ruelles ensoleillées et grouillantes de monde, le bonheur d'un bain glacé après une journée sous un soleil de plomb ... La jeune femme fut tirée de ses pensées par un petit couinement. Accroupie sur une épaisse branche, une main contre le tronc pour garder son équilibre, elle leva la tête vers le feuillage qui s'agitait au-dessus d'elle. Elle siffla doucement : « Mush, ici. ». L'instant d'après, un petit singe dévala le tronc à une vitesse folle et sauta sur l'épaule de sa maîtresse, ce qui la fit sourire. Guère plus large et grand que la main d'Alyn, l'animal arborait un pelage gris et quelque peu vert olive avec des teintes noires et dorées. Sa petite tête ronde présentait un masque oculaire blanc et un museau noir. Le reste de son crâne était foncé hormi les petites touffes de poils blancs autour de ses oreilles. Alors qu'Alyn était occupée à caresser le singe qui manifestait son bonheur par de petits gazouillis, un brouhaha se fit entendre.

La jeune femme se dressa sur ses deux jambes pour contempler le large chemin de terre qui s'étendait sous elle et qui traversait la forêt. Au loin, elle discernait une masse sombre et compacte d'où provenaient le tintement des armures, le bruit des sabots, le renâclement des chevaux et le branlebas des roulottes en bois qui oscillent sur les cailloux. Un sourire se dessina sur les lèvres d'Alyn alors qu'elle plaçait Mush sur son épaule. Elle entama ensuite la descente de l'arbre avec précaution puis sauta à terre. Accroupie dans les fougères, elle ajusta sa longue et vieille cape de voyage, ternie, trouée et salie par le temps. Elle rabattit la large capuche sur son visage, dissimulant sa tresse blonde de la vue de tous. Enfin, elle s'assura une dernière fois que son corsage marron brodé de beige n'était pas visible. Une fois cela fait, elle sortit de sa cachette et commença à remonter la route en direction du cortège, jetant son baluchon de cuir marron par-dessus son épaule. Evoluant la tête baissée, elle ne tarda cependant pas à distinguer rapidement les composants de la troupe qui s'avançait dans sa direction. La plupart des personnes, des hommes, se déplaçaient à cheval tandis qu'au milieu évoluait un carrosse balancé par l'allure des deux chevaux gris le tirant. Mush avait disparu de l'épaule d'Alyn et avait été se cacher dans les herbes sur le bas-côté. A présent à une petite centaine de mètres du cortège, Alyn se plaça au milieu de la route et fit signe aux soldats de ralentir puis de s'arrêter. Un des hommes en tête pressa les flancs de sa monture pour se détacher des autres.

« Qu'est-ce que tu veux ? Ecarte-toi de la route gamin, lança-t-il de sa voix bourrue, faisant baisser un peu plus la tête à Alyn.
- Excusez-moi Ser mais j'implore votre bonté. Cela fait des jours que je marche vers Port-Réal et je n'ai plus rien à manger, expliqua-t-elle en prenant une voix plus masculine.
- Et qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ? Sors de là !
- Juste une pièce Ser, cela ne vous coûtera rien et les Dieux vous le rendront bien. » supplia-t-elle en s'avançant vers le chevalier.

Il n'en fallut pas plus pour que l'homme dégaine son épée, faisant immédiatement reculer Alyn tandis qu'il lui vociférait de s'écarter entre deux menaces de mort. « Qu'est-ce donc que tout ce bruit ? » interrogea une voix à l'arrière du cortège. Immédiatement, toutes les têtes se tournèrent vers le carrosse tandis qu'un jeune homme, la vingtaine passée en sortait et s'avançait vers eux. « Alors ? » s'enquit-il en dévisageant son soldat qui rengainait son épée. « Ce n'est rien Messire, juste un pauvre mendiant demandant l'aumône. Il nous bloquait la route alors j'allais le faire déguerpir. » expliqua-t-il simplement. Le jeune seigneur reporta alors son attention sur Alyn qui baissa à nouveau la tête de peur d'être découverte.

« Et vous lui avez donné la pièce qu'il demandait ? questionna le jeune homme mais le silence et la surprise du soldat lui répondirent tout aussi efficacement. Et bien faites et remettons-nous en route. »

Sur ces mots, il tourna les talons et regagna le carrosse. Un rictus déformait à présent le visage du soldat qui n'eût d'autre choix que de fouiller sa bourse à la recherche d'une pièce. Il la lança à Alyn qui se fondit en remerciements : « Les Dieux n'oublieront pas votre bonté, ni celle de votre Seigneur et je me ferai une joie de leur rappeler tous les soirs dans mes prières. Puisse votre voyage se dérouler sans encombres. ». Agacé par toute cette petite comédie, le soldat cracha son dégoût au sol avant d'éperonner sa monture. La jeune femme s'écarta, multipliant les révérences de remerciement devant la troupe qui défilait. Une fois que la totalité des voyageurs l'eût dépassée et soit assez éloignée, Alyn s'autorisa un large sourire victorieux et retira sa capuche. A l'entente du sifflement de sa maîtresse, Mush bondit hors des buissons et grimpa jusqu'à son épaule. Alyn tendit la main et il y déposa la petite bourse de cuir tanné qu'il venait de voler. Sans attendre, la jeune femme l'ouvrit et découvrit plusieurs bijoux à l'intérieur. « Belle prise ! » s'exclama-t-elle en faisant rouler son butin entre ses doigts. Fière d'elle, elle partit se mettre à l'abri des regards dans la forêt pour continuer sa route en toute sécurité.

« Allez Mush, direction Goëville, Qarrion doit sûrement être inquiet.». Les mots eurent à peine le temps de franchir ses lèvres que des cris l'alertèrent : « Les bijoux de Sa Seigneurie ont disparu, retrouvez le gueux ! ». S'ensuivirent le bruit des chevaux que l'on lance au galop, le bruissement des feuilles, les hennissements et le chant métallique des épées dégainées rapidement. Le sang d'Alyn ne fit qu'un tour et elle rangea son butin dans son baluchon avant de prendre ses jambes à son cou. Entendant les cavaliers se rapprocher un peu plus au fil des secondes, elle avisa un arbre robuste et entama son ascension. Une fois à une hauteur convenable et dissimulée par les feuillages, elle s'assit sur une branche et s'adossa contre le tronc. Alyn profita de ce moment de répit pour reprendre son souffle tandis que sous elle défilaient les chevaliers à sa recherche. Elle ne fit aucun mouvement et resta muette, attendant d'être sûre qu'il n'y avait plus personne dans les parages. Lorsqu'elle jugea le moment idéal, elle descendit lentement et silencieusement de sa cachette. Une fois sur la terre ferme, elle épousseta ses vêtements tout en contemplant, les poings sur les hanches, la forêt silencieuse dans laquelle avait disparu la cavalerie. Poussant un soupir de soulagement, elle tourna les talons pour se remettre en route quand elle se trouva nez à nez avec un magnifique étalon alezan, richement décoré et monté par le jeune seigneur d'un peu plus tôt. La peur accéléra son rythme cardiaque tandis que son opposant demeurait calme et stoïque en selle.

« En fait, notre voleur n'était rien d'autre qu'une gamine, je ne me trompe pas ? demanda-t-il.
- Une femme, le corrigea Alyn d'un ton acerbe, ne baissant nullement le regard.
- Oh, excusez-moi, serais-je en train de rabaisser la personne qui vient de me voler ? Je le crains, ironisa-t-il. J'ignore comment vous m'avez dérobé ces bijoux mais si vous tenez un tant soit peu à la vie, rendez-les. »

La jeune femme fit quelques pas en arrière, hésitante. Elle n'aura jamais le temps de grimper à nouveau dans un arbre et inutile de fuir, l'étalon trépignait déjà sur place et il aurait vite fait de la rattraper. Alors qu'elle s'apprêtait à s'avouer vaincue, l'intervention d'un petit singe espiègle changea l'issu de l'entrevue du tout au tout. Invisible jusqu'alors, il bondit des herbes sur l'homme surpris par cette attaque aussi soudaine qu'inattendue. Tandis que le seigneur gesticulait en selle pour se débarrasser du petit singe collé à son visage et qui tentait à présent de s'immiscer dans ses vêtements, Alyn leva subitement les bras pour effrayer le cheval qui semblait déjà bien énervé. L'animal fit un écart brusque sur le côté, entrainant la chute de son cavalier qui se battait toujours contre Mush. Alyn, quant à elle, s'empara de la bride de l'étalon avant qu'il ne s'échappe et l'enfourcha. Puis elle siffla et son singe la rejoignit tandis qu'elle s'éloignait de quelques mètres, peu désireuse de recevoir un coup d'épée si le seigneur décidait de dégainer la sienne. Ce dernier se relevait d'ailleurs, époussetant ses vêtements sous le visage rieur et les gloussements d'Alyn.

« Merci pour le cheval, je commençais à être fatiguée à force de marcher, lança-t-elle moqueusement.
- Mais de rien, répondit-il en bon perdant avant de se redresser. J'espère seulement pour vous que vous ne croiserez pas la route de mes soldats ou que l'on ne se reverra jamais.
- Et moi j'attendrais notre prochaine rencontre avec hâte Messire. » le défia-t-elle avec un grand sourire.

Puis Alyn lui lança la pièce que son soldat lui avait donnée à contre coeur et rabattit sa capuche sur sa tête. « Faites bonne route, Messire ! » lui souhaita-t-elle avant de presser les flancs de l'étalon et de partir au galop. « A vous aussi. » murmura pour lui-même le jeune seigneur avant de décider de retourner sur la route principale pour retrouver son escorte, jouant avec la pièce d'or.


Fiou, ma première upload sur ce site. Je ne suis pas vraiment habituée au format de alors si le chapitre semble un peu court, c'est normal. J'essaierai de faire plus long la prochaine fois. N'oubliez pas les reviews, ça motive et ça permet de progresser.