Cette fic est écrite dans le cadre de la 91ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Addiction". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !

Note de l'auteur : Ce texte était censé être écrit en une heure, vous comprendrez aisément que j'ai lamentablement échoué. Il m'a fallu trois jours. Un warning avant de commencer : Le rating n'est pas là pour rien. Je parle dans cet OS non seulement de relations sexuelles entre hommes mais surtout de chantage affectif et de viol conjugal. Lisez en connaissance de causes.


Quelques jours après avoir emménagé à Saint-Pétersbourg, Yuri avait l'impression de nager en plein bonheur. Il avait beau sortir avec Victor depuis quelques mois, la proximité de ses parents les empêchait souvent de partager tous les moments d'affection qu'ils auraient voulus. Au fond, ce n'était pas les relations sexuelles qui avaient tant manqué que ça à Yuri – il leur arrivait souvent, une ou deux fois par semaine, de se réveiller en même temps la nuit et d'en profiter, tant qu'ils restaient discrets. Non, c'était tout le reste qui l'avait frustré. Tous ces petits gestes, ces baisers volés sur la joue le matin, ces étreintes réconfortantes quand l'autre avait un coup de fatigue, ces soirées sur le canapé où l'un gardait pendant des heures sa tête sur le torse de l'autre en regardant la télé. Mais à présent, ils étaient là, chez lui – non, chez eux – et pouvaient profiter de ces moments autant qu'ils le voulaient. Et il n'aurait échangé cette situation contre rien au monde.


Trois mois après, ils étaient rentrés d'un entraînement épuisant. Ils n'avaient pas fait grand-chose de la soirée, mais ça n'avait pas empêché Yuri d'être éreinté. Il était allé se coucher rapidement et Victor l'avait rejoint. Quand Victor avait commencé à le câliner, à couvrir sa nuque de baisers tout en laissant ses mains parcourir délicatement son dos, il avait fermé les yeux et soupiré de bien-être. Quand il avait commencé à glisser sa main sous son caleçon, il les avait rouverts et son souffle s'était figé. Il était épuisé, ses yeux le piquaient et les courbatures de ses jambes le brûlaient.

- Tu n'as pas envie ? devina Victor.

Yuri avait hésité sur la réponse à lui donner. Il ne l'avait jamais repoussé auparavant, est-ce que Victor se vexerait ? Est-ce qu'il serait capable de le quitter pour ça ? Avant qu'il n'ait réussi à formuler sa réponse, Victor avait soufflé :

- Endors-toi. Ce n'est pas la peine si tu n'en as pas envie.

Un pâle sourire soulagé s'était dessiné sur son visage. Comment avait-il pu penser que Victor le prendrait mal ? Le russe s'était rallongé à côté de lui et ne l'avait pas repoussé lorsque Yuri s'était blotti dans ses bras pour s'endormir.


Six mois après, ils préparaient les championnats du monde. Tous les entraînements étaient plus épuisants les uns que les autres. Dans la voiture de Victor qui les ramenait chez eux, Yuri se surprit à compter les jours. On était jeudi. Ils avaient fait l'amour le lundi soir. Déjà trois jours. Beaucoup trop longtemps pour qu'il puisse protester. Victor avait déjà semblé déçu lorsqu'il l'avait repoussé la veille et l'avant-veille, il ne voulait pas le décevoir encore. Il ne pouvait pas le faire attendre encore. Et puis, ce n'était pas comme s'il n'aimait pas ça. L'amour que Victor lui donnait était une véritable drogue, une addiction. Il ne se sentait jamais aussi bien que lorsque son petit-ami l'embrassait sur chaque parcelle de son corps, lorsque ses bras se refermaient autour de ses épaules pour le serrer contre lui, lorsqu'il lui murmurait à l'oreille des mots qui le faisaient fondre. Le moment en lui-même était plus qu'agréable, souvent jouissif, et il ne regrettait pas une seconde le temps qu'il passait dans leur lit avec lui. Seulement, l'épuisement se rappelait souvent à lui et, aussi agréable que cela pouvait l'être, faire l'amour n'en restait pas moins physique et il n'était pas rare que la perspective de l'effort nécessaire l'emporte sur l'envie de passer ce moment ensemble.

Victor gara la voiture devant leur immeuble et ils rejoignirent rapidement leur appartement. D'habitude, le russe le prenait dans ses bras aussitôt la porte refermée, au moins pour une étreinte chaste qui lui permettait d'oublier partiellement la fatigue de la journée. Mais, cette fois, Victor se dirigea directement vers leur salon, commençant à ranger un peu la pièce sans un mot. D'abord surpris par son comportement, Yuri ne s'en inquiéta pas plus que ça et le rejoignit rapidement pour l'aider. Un silence pesant s'installa pendant qu'ils vaquaient à leurs occupations et ce ne fut qu'au bout d'une heure que Yuri se décida à se poster devant lui.

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Rien ! assura Victor.

Le regard de Yuri tremblait de doutes et le russe l'enlaça tendrement pour le rassurer.

- Je te dis qu'il n'y a rien, répéta-t-il.

Il le serra dans ses bras pendant de longues minutes et ses mouvements devinrent rapidement plus assurés. Yuri se laissa faire même si ses yeux se fermaient tous seuls sous l'effet de la fatigue. Il aurait voulu pouvoir le repousser, pouvoir lui avouer que là, maintenant, tout de suite, il n'en avait juste pas envie. Mais ça faisait déjà trois jours et il refusait de décevoir Victor plus longtemps. Lentement, sa tête remonta vers celle du russe pour l'embrasser tendrement.


Un an après, ils avaient tous les deux pris leur retraite. Leur carrière s'était clôturée sur le podium des mondiaux qu'ils avaient partagé, Yuri l'emportant de quelques centièmes de points sur le russe. La photo de leur triomphe était affichée dans la bibliothèque de leur salon, comme pour rappeler ce moment de pur bonheur qu'ils avaient passé ensemble sur ce podium, leurs médailles respectives autour du cou. Ce n'était pas pour autant qu'ils étaient malheureux à présent. Peu de temps après l'annonce de sa retraite, Yakov avait proposé à Victor de l'embaucher comme assistant pour l'aider à gérer le club et superviser certains cours. Yuri, lui, avait repris les études de gestion qu'il avait laissées en plan à Détroit et en avait encore probablement pour trois ans à étudier à l'université de Saint-Pétersbourg.

Son dernier cours avait fini à vingt heures et il traînait les pieds en rentrant chez eux dans la nuit noire tombée depuis longtemps. Arrivé dans son appartement, il ferma les yeux de plaisir en sentant l'odeur des légumes grillés au beurre qui envahissait tout le salon. Lorsqu'il finissait aussi tard, Victor préparait systématiquement le repas pour qu'il puisse s'effondrer devant la table dès qu'il arriverait.

- A table ! annonça sèchement celui-ci.

L'air fermé et sec de Victor l'étonna et il se rapprocha de lui :

- Quelque chose ne va pas ?

Yuri se rapprocha de lui et l'enlaça. Si Victor ne le repoussa pas, il ne lui rendit pas son étreinte pour autant et esquiva d'un léger geste de la tête le baiser que le japonais avait tenté de déposer sur sa joue. Celui-ci sentit une vague glacée se répandre dans son corps devant la réaction de son petit-ami. Il était habitué à ce que Victor devienne moins bavard, moins souriant lorsqu'il était en manque de sexe mais c'était la première fois qu'il lui refusait aussi ostensiblement la moindre marque d'affection. Avant que Yuri n'ait pu dire quelque chose, Victor désigna la table d'un signe de tête :

- Allez, ça va être froid.


Un an et demi après, la routine s'était installée dans leur vie. Victor coachait et assistait Yakov, Yuri étudiait. Victor fréquentait les autres patineurs, Yuri s'était timidement intégré à un cercle d'amis de sa promotion à force de faire des travaux de groupes ensemble. Leur amitié et la bonne humeur avec ses amis étaient devenues de véritables bouffées d'oxygène, qui l'aidaient à supporter le caractère de Victor quand il rentrait le soir. Non pas qu'il ne l'aimait pas. Il restait toujours éperdument amoureux du russe et n'imaginait plus sa vie sans lui. Parfois, il était convaincu que c'était réciproque. Quand Victor le prenait dans ses bras, le câlinait, l'embrassait, qu'il lui donnait toute la tendresse et l'affection qu'il voulait, il espérait que ce train de vie durerait éternellement. D'autres fois, Victor restait froid, distant, refusant de lui accorder la parole et se contentant de vagues « hmm » en réponse à toutes les questions de Yuri.

Yuri savait pertinemment ce qui provoquait ce changement de caractère. Si, pour lui-même, les gestes tendres et l'affection de Victor étaient devenus une véritable addiction, Victor, lui, semblait tout aussi accro aux moments plus intimes où ils se retrouvaient sous la couette. Yuri aimait toujours ça, bien sûr, il n'avait jamais regretté une seule fois d'avoir cédé aux avances du russe, mais il y avait d'autres jours, d'autres soirs, où il se faisait la remarque qu'il était usant de devoir se plier aux envies de Victor en échange d'un peu d'affection. Il n'avait pas mis beaucoup de temps à comprendre que Victor se renfermait dès qu'il estimait que Yuri le repoussait depuis trop longtemps. Ses journées à la fac avec ses amis l'aidaient à tenir le coup et à se changer les idées, mais la froideur de Victor était toujours aussi mordante et destructrice lorsqu'il rentrait le soir. Il avait tout essayé pour lui faire changer de comportement. L'attendrir lui-même par de petits gestes tendres – auxquels Victor se dérobait. S'occuper de tout dans leur appartement pour ne pas lui laisser la moindre tâche ménagère, contrairement à d'habitude – ce qu'il semblait ne même pas remarquer. S'énerver contre ce manque d'attention – ce qui le faisait se renfermer encore plus si c'était possible.

Ce constat avait beau se confirmer au fil des mois qui passaient, il n'en était pas moins terriblement amer : Il n'y avait qu'en lui proposant de faire l'amour qu'il retrouvait par la suite, pour deux jours, parfois trois, le Victor qu'il connaissait et qu'il aimait.


Deux ans après, Yuri avait cédé – encore une fois. Après une semaine sans que Victor ne lui ait adressé le moindre regard, il l'avait attiré contre lui et lui avait fait comprendre ses intentions en l'entraînant vers le canapé. Victor avait rapidement approuvé sa proposition et, pendant plusieurs dizaines de minutes, leurs corps s'étaient entremêlés, caressés, aimés. Lorsque Victor s'était effondré sur lui, couvert de sueur, et que son regard brûlant et amoureux avait plongé dans les yeux de Yuri, celui-ci avait tout oublié. Le comportement de Victor qui le détruisait à petit feu, sa froideur et son insensibilité, ce deuxième caractère qu'il supportait de moins en moins mais qui ressortait de plus en plus. Il oubliait tout ça, parce qu'à ce moment là, il retrouvait le Victor qu'il connaissait et qu'il aimait. Il retrouvait ses caresses, ses mots d'amour qu'il lui soufflait à l'oreille, ses lèvres qui embrassaient les siennes avec passion, ses bras qui se refermaient autour de ses épaules dans une étreinte protectrice et réconfortante – et bon sang, qu'est-ce que c'était bon…


Deux ans et demi après, Yuri avait senti qu'il craquait. Rien n'avait changé dans leurs vies, pourtant, il sentait sa résistance s'effondrer petit à petit. Si, au début, il avait tout tenté pour changer le comportement de Victor, à présent, il n'avait même plus envie d'essayer. Il l'aimait toujours autant quand Victor avait ce qu'il appelait « son comportement de d'habitude ». Mais quand il recommençait à se renfermer et à devenir plus froid, Yuri n'essayait plus rien. Son regard et sa volonté s'éteignaient, et il se contentait de savourer les moments qu'il passait avec ses amis à la fac pour mieux supporter celui où il retrouvait un Victor qu'il reconnaissait de moins en moins. Lors de ces soirées là, ils ne se parlaient plus, ne se touchaient plus. Yuri avait beau sentir que cette situation finirait par exploser, il refusait de céder plus longtemps. Il aimait toujours les moments où il s'abandonnait dans ses bras, seulement il refusait de supporter cette sensation désagréable mais passagère de lui offrir son corps en échange d'un peu d'affection. Un soir, Victor finit par rompre le silence pour lancer :

- Yuri… Si tu veux partir, tu peux. Je refuse de te retenir.

Son regard rempli de doutes avait vrillé celui de son petit-ami.

- C'est ce que tu veux ?

- Bien sûr que non, s'empressa de démentir Victor. Mais ça se voit que tu n'es plus heureux, que tu ne m'aimes plus.

- C'est toi qui dit ça ?! s'étonna Yuri.

Sa remarque avait surpris Victor mais il se contenta de répondre :

- Moi je t'aime. Ce n'est pas moi qui n'ait jamais envie de faire l'amour.

Ses mots avaient achevé de briser quelque chose dans la poitrine du japonais. Il pouvait supporter les sautes d'humeur de Victor, fermer les yeux sur son addiction au sexe, tolérer autant qu'il le pouvait le manque généré par sa propre addiction à l'affection, oublier les centaines de fois où il avait vendu son corps à son petit-ami en échange de quelques heures d'amour. Il ne pouvait pas supporter d'entendre Victor insinuer qu'il ne l'aimait pas. Pas après avoir enduré tout le reste.


Trois ans après, ils étaient rentrés pour une semaine chez les parents de Yuri. Ils avaient fait l'amour la veille, juste avant de se rendre à l'aéroport, et Victor rayonnait de bonheur en revenant à Hasetsu, s'émerveillant devant chaque rue et chaque paysage dont il se souvenait. Après avoir mangé avec les parents de Yuri, ils étaient ressortis se promener dans la ville, main dans la main, quand le bras de Victor ne passait pas directement autour des épaules de Yuri pour mieux le serrer contre lui tout en marchant. Les sautes d'humeur de Victor continuaient toujours, mais Yuri les supportait. Parfois. Un film qu'il avait vu quelques semaines plus tôt présentait un homme de cette façon, avec deux caractères différents dont un qui ne plaisait pas à son épouse, et celle-ci lui disait que : « Les moments où tu m'aimes m'aident à supporter ceux où ce n'est plus le cas ». Cette phrase l'avait profondément marqué et il s'était habitué à suivre ce semblant de conseil, à savourer chaque seconde passée avec le Victor qu'il aimait pour mieux fermer les yeux sur celui qu'il aimait moins. La journée se passa impeccablement, il ne se souvenait pas d'à quand remontait la dernière fois qu'il avait vécu de tels moments de bien-être et de complicité avec son fiancé et, lorsqu'ils revinrent à la maison le soir, ils ne tardèrent pas à se coucher après le repas.

Une fois allongés et la lumière éteinte, Victor se tourna vers Yuri et l'embrassa tendrement. Le japonais laissa échapper de légers soupirs de bien-être en savourant les gestes du russe, mais il ne pouvait ignorer la sensation dure au niveau du bassin de Victor. Comme pour le lui confirmer, celui-ci murmura :

- J'ai tellement envie de toi…

Yuri soupira imperceptiblement.

- Vic… Ce n'est pas que je ne veux pas mais… Les murs sont en papier ici et mes parents sont dans la chambre d'à côté… Ça me gêne… Et demain matin ils partent tôt en ville, on aura tout le temps à ce moment là…

Victor grommela quelque chose d'incompréhensible et fit volte-face dans le lit, s'allongeant en lui tournant le dos et en faisant attention à ne plus le toucher. Yuri chercha à lutter contre l'amertume qui l'envahissait et se rallongea également plus confortablement pour dormir.

Il fut réveillé par des mouvements dans le lit. Victor ne cessait de bouger et de changer de position. Quand Yuri se retourna vers lui, le russe avoua :

- J'arrive pas à dormir…

Yuri se rapprocha de lui et le prit dans ses bras pour le câliner et l'apaiser. Il constata à nouveau l'excitation du russe et celui-ci ajouta :

- S'il te plaît, mon cœur… J'ai vraiment trop envie de toi…

La maison était toujours en papier. Ses parents étaient toujours dans la chambre d'à côté.

- Je t'ai déjà dit non Victor…

- On s'en fiche de tes parents ! protesta celui-ci. Ils doivent dormir !

Victor était toujours aussi insistant et, par ses gestes envahissants, Yuri eut clairement la sensation qu'il pourrait renoncer à l'idée de se rendormir s'il le repoussait encore. Il insisterait. Ou se renfrognerait, et Yuri pourrait abandonner l'espoir de passer d'autres journées comme celle qui venait de se terminer. Et il était à court d'argument. Il ne souhaitait que se rendormir dans ses bras, et il savait pertinemment qu'il n'avait qu'une seule façon d'obtenir cela. D'un geste, il se déshabilla en murmurant :

- Si tu veux…

Sans dire un mot de plus, Victor glissa sur lui et se serra contre lui au moment où il le pénétra. Ses gestes étaient suffisamment doux pour que Yuri ne ressente aucune douleur. Juste une gêne profonde, un étau qui lui serrait la poitrine, une voix dans sa tête qui lui demandait pourquoi il avait accepté alors qu'il ne voulait pas. Son corps ne gémissait même plus sous les coups de reins de son amant, son esprit s'étant réfugié dans une espèce de sommeil à moitié inconscient le temps que Victor finisse. Ça arriva vite. Beaucoup plus vite que d'habitude. Il était persuadé que Victor n'avait pas atteint l'orgasme, mais celui-ci se retira tout de même. Yuri lui adressa un regard interrogateur et Victor grommela :

- Tu n'as pas envie. Ce n'est pas la peine.

Sa remarque surprit Yuri. Il lui avait dit non depuis le début de la soirée et ça n'avait pas arrêté Victor, et maintenant il se vexait car il constatait après l'avoir pris qu'il ne voulait pas ? Combien de fois lui avait-il dit non…

Yuri se réveilla plusieurs heures plus tard. Victor dormait paisiblement à côté de lui. Lui aussi avait réussi à se rendormir, mieux qu'il ne l'aurait cru. Il était toujours nu sous la couette, il n'avait pas trouvé le courage de se rhabiller, mais le sommeil n'avait pas effacé l'impression désagréable qu'il gardait en bas du ventre. L'impression d'avoir été sali, souillé. C'était idiot, Victor était son petit-ami depuis plus de trois ans, pourquoi cette nuit lui avait-elle laissé une telle impression ? Il refusait de s'interroger plus longtemps. Se levant silencieusement, il enfila un caleçon avant de se glisser dans la salle de bains. L'eau brûlante qui coulait sur son corps l'apaisa, légèrement. La sensation du savon qui moussait sur ses cuisses et son entrejambe aussi et il se surprit à frotter plus vigoureusement que d'habitude pour tenter d'enlever cette impression prégnante de souillure. En vain. Elle était revenue alors qu'il n'avait même pas fini de se sécher. Il revint dans sa chambre pour finir de se rhabiller. Cette fois, Victor était réveillé.

- Viens là, ordonna-t-il doucement.

Yuri s'assit sur le lit à côté de lui et Victor se redressa légèrement pour le câliner et déposer des baisers papillons le long de sa nuque. Yuri resta stoïque. Il avait toujours adoré et savouré ce contact et pourtant, maintenant, une boule grossissante au niveau de sa poitrine lui donnait juste envie de hurler, de se débattre, de crier à Victor de ne plus le toucher, de ne plus jamais reposer ses mains sur lui. Le russe soupira d'exaspération devant son manque de réaction et n'insista pas.

La journée lui parut longue, trop longue. Devant ses parents, Victor avait retrouvé le sourire et recommencé à fanfaronner comme à son habitude. Yuri était resté renfermé sur lui-même. Les conversations ne l'intéressaient plus, les blagues ne le faisaient plus sourire, rien ne semblait pouvoir prendre le dessus sur cette sensation insupportable qui envahissait son ventre depuis le matin même et le faisait se sentir sale, minable. Pourquoi avait-il accepté alors qu'il ne voulait pas, pourquoi n'avait-il pas répété plus souvent, plus fermement à Victor qu'il ne le voulait pas ? Il s'était lui-même déshabillé, c'était bien que ce n'était pas une agression ? Il avait accepté…

N'y tenant plus, il avait profité d'une conversation entre Victor et ses parents pour se réfugier dans sa chambre avec son ordinateur. Il avait ouvert une fenêtre de navigation privée, puis avait hésité. Que demander ? Que taper ? Comment formuler les choses ? Lentement, lettre après lettre, il formula la requête : « Mon petit-ami a insisté pour faire l'amour alors que j'avais dit non ». Il ne s'attendait pas à voir de résultats avec une phrase aussi stupide. Pourtant, la liste de forums sur lesquels une question similaire avait été posée défila sous ses yeux. Il en choisit un au hasard et parcourut le message de la question initiale. Hormis les fautes d'orthographe et de grammaire improbables, l'histoire ressemblait à la sienne. Une femme qui avait dit non plusieurs fois à son mari, qui avait cédé face à son insistance et qui ne parvenait pas à arrêter d'y penser, de s'en vouloir, à se débarrasser de cette sensation d'être pourrie de l'intérieur par cette relation qu'elle n'avait pas voulue. Son message terminait en précisant que l'homme avait beau être son mari, elle avait ressenti ce moment comme un viol. Un viol ? Est-ce que c'était vraiment la façon dont lui-même ressentait les choses ? Peut-être, après tout… Même si c'était stupide. Il descendit sur les réponses au message afin de lire ce dont il se doutait, que ça n'avait rien à voir, que si elle avait cédé c'est qu'elle était consentante, que ce n'était pas un viol si elle avait fini par y prendre du plaisir… Ses yeux s'arrêtèrent sans avoir rien lu de tout ça, sur le premier message, celui qui avait été approuvé par des centaines d'autres personnes. Ce que tu décris, ce n'est pas « comme un viol ». C'est un viol.


Le film dont je parle dans la dernière scène est Le Prestige, que je vous recommande très très vivement.

Je ne sais... Clairement pas quoi penser de ce texte. Je suis contente de l'avoir fini, je crois qu'il laisse voir ce que je voulais faire passer mais... Je ne suis pas tranquille non plus et il est possible que je le supprime rapidement si je réalise que je ne l'assume franchement plus.

Plus que jamais, si vous êtes arrivé jusque là, j'apprécierai franchement un petit mot pour avoir votre avis. Merci d'avance.