Cet écrit a été réalisé durant la 104e nuit du FoF (en plus d'une heure parce que BWAHAHAHAHAHAHAHA) sur le thème du Pardon. Enjaillez-vous !

Il était là. Juste en face. Le distributeur crissant ignoblement contre le macadam. Ses yeux, tout son visage ne reflétaient aucune colère, juste… un calme effrayant. Il était aussi lisse et exempt de haine qu'un protozoaire était dépourvu d'intelligence. Son corps se déchira. Un soubresaut l'anima. Une toux le prit, brève mais annonçant la fin de cette exécution publique. Une toux sanglante teintée de sa souffrance.

Il avait été distrait un instant par une explosion à l'autre bout de la rue. L'autre s'était sauvagement jeté sur lui. Il avait pu amortir le premier coup, mais pas le second. Dans un dernier espoir, il s'était protégé de ses bras. Le poing s'était lourdement écrasé sur lui, de toutes ses forces. Il n'avait pas eu le temps d'éviter, puis ça avait percuté ses bras. La douleur l'avait transcendé jusque dans son âme. Son corps avait volé sur plusieurs mètres avant de brutalement se broyer sur le béton. Il aurait pu en hurler à la mort et s'évanouir s'il n'y avait pas eu l'adrénaline, la peur. Izaya avait peur, elle le prenait à la gorge, lui enserrait la gorge, les poumons. Il la ressentait jusque dans ses entrailles, lui tordant le ventre, retournant les intestins. Tout son corps suffoquait. Il aurait pu y succomber.

Son sang bouillonnait à ses tempes. Était-il encore vivant ? Les sons s'embrouillaient. Le sol s'embrumait. Ses mains empreintes d'une douleur lancinante. Ses bras ne se mouvaient plus. Est-ce qu'il pouvait encore bouger ? Son front ripait contre la terre. Une tâche de sang trahissait le lieu où ses lèvres avaient frotté le sol. Un grincement lui perça les tympans. C'était la mort. Elle venait pour lui. Il se redressa lamentablement, se hissant du fait d'un miraculeux lampadaire. Il affronta donc la faucheuse qui le dévisageait de son calme mortel : ce monstre.

La mort le terrifiait. Il avait lutté si fort pour la fuir pendant toutes ces années. Il était impitoyable. On le craignait. Malgré tout, il restait humain, sujet à ses peurs, et s'il y avait bien une chose qu'il craignait par-dessus tout, c'était la mort. Rien que de savoir que dans quelques instants, ses jours s'arrêteraient, ses battements se précipitaient. Un frisson le parcourut. Il faisait face à ce monstre à la force surhumaine, aussi austère que la mort.

Après ça, après qu'il l'ait exécuté, Shizuo serait enfin vu comme le monstre qu'il était. Plus personne n'oserait l'approcher. On le craindrait comme lui craignait en ce moment-même l'instant fatidique où le distributeur s'écraserait sur sa tête. Alors quand bien même la terreur lui retournait le cœur, il était presque heureux. Parce qu'enfin, cette injustice serait réparée. Il n'y aurait plus jamais personne pour approcher ou même aimer ce monstre. On le rejetterait comme s'il était la peste noire. On le fuirait jusqu'à l'autre bout du monde. Il serait enfin aussi seul que lui l'avait été durant toute sa vie, alors il était joyeusement terrifié. Telle était sa réponse. Tel était l'accomplissement de sa vengeance. Ses proches auraient dû le savoir. Jamais il ne lui pardonnerait une telle injustice. Pas après tant d'années.

Il savait son heure venue, et son bonheur l'illuminait. Il laissa un rire moqueur lui échapper. Ses dernières paroles sonnèrent comme prophétie. Une prophétie de l'accomplissement de sa haine.

- Fais-le, monstre.