A/N : J'ai décidé de faire un contraste les gens. Je vais jongler entre l'adorable fleur bleue niaise de La Petite Danseuse de Tulle et les vérités insoutenables (hum) d'Être Vivants. Ça me ferait ultra plaisir après que vous votiez sur la poule qui y a sur mon profil :D

Commentez, ou des chihuahuas mangeront l'Univers en une nanoseconde !

*Paru Café


Disclaimer : Vocaloid nous appartient à tous. Mais cette fanfiction est mienne.


Être Vivants

Prologue


« La violence seule peut achever la brutalité des hommes. » - Jean Genet


Vancouver.

« Quel teint de cafard. » pense la jeune femme.

Le mince filet d'eau qui coulait du robinet s'épuisa. Elle appuie de nouveau sur le bouton en inox, présente ses deux paumes levées vers le ciel au-dessus du lavabo sale et s'asperge le visage. Plusieurs fois.

Avec un mouvement délibérément lent, elle se passe le pouce sur ses traits fatigués, apeurés; elle grave chaque tressaillement de ses muscles dans son esprit.

La jeune femme renifle, pose les mains sur le lavabo et baisse la tête. Elle se prépare. Le silence des toilettes n'est troublé que par des faibles égouttements et le grésillement du néon au-dessus de sa tête.

Puis, elle relève le menton, se regarde encore une fois dans la glace. Elle détourne les yeux. Malgré toute sa préparation mentale, c'était beaucoup, beaucoup trop dur de regarder ce visage.

Et dire qu'il allait encore falloir contempler ce même visage.

.

.

.

Elle pousse la lourde porte de métal. Un homme en uniforme s'approche d'elle, retire sa casquette et la presse contre sa poitrine. Elle lui adresse un salut du menton, rapide comme un tic nerveux.

Elle se rappelle de ses recommandations : « N'ayez pas l'air d'une condamnée, Mlle Rin. Le noir et le blanc doivent être égayés d'une touche de couleur. » Pas de maquillage, fortement déconseillé. Sous ses vêtements sobres – jean noir, chaussures plates, chemise blanche et gilet gris pâle – elle ne porte qu'un collier en forme de soleil. Pas de montre. Elle a fouillé dans ses tiroirs, et a agrémenté son maigre accoutrement d'un châle rose pâle. Elle est tête nue, seules quelques barrettes blanches empêchent ses mèches blondes de cacher ses yeux bleus.

- Un café, Mlle Rin ?

Elle murmure un « pourquoi pas, merci. Avec un nuage de lait, s'il vous plaît. » et baisse la tête rapidement. Les autres autour d'elle la regardent d'un œil sympathique, hochent la tête en connivence. Elle n'ose à peine lever les yeux pour les regarder. Il fait trop noir dans cette pièce.

L'homme en uniforme revient, lui tend un verre en carton qui fume et qui doit sûrement venir de leur machine à café. Elle ressent une bouffée de gratitude envers cet homme qui a sûrement rajouté des pièces dans la machine pour qu'elle ait son nuage de lait. Le papier rigide est brûlant dans ses mains. Tant mieux. Ça lui fait du bien. A l'instant même où elle était entrée ici, elle aurait juré voir ses mains perdre de leur couleur. Il fait trop noir ici. Il fait trop froid. Et leur café est infect.

Une grille grince et racle le sol. Quelqu'un murmure un « pardon ! » et referme la grille. S'ensuivit un petit cliquetis d'un trousseau de clés.

L'homme en uniforme se penche vers elle. Elle n'a que quelques secondes pour le dévisager : cheveux violets coupés courts, yeux bleus sombre en amande, visage émacié et triangulaire. Cou fondant et épaules droites. Grand. Très grand.

- Vous allez bien, Mlle Rin ?

Elle hoche la tête.

- Je pensais.

Lui aussi hoche la tête.

- Ca ne m'étonne pas. Tout le monde pense, ici.

- J'imagine.

Le silence retombe – troublé par de légers bavardages lugubres. Les murs chuchotent, ici. Ça l'épouvante. L'homme sort une feuille et un stylo dans un léger mouvement, comme si un trop brusque geste pouvait l'effrayer.

- Si vous voulez bien signer ici…

Mlle Rin gribouille une signature à l'endroit sur la feuille qu'il pointe du doigt puis fait une grimace.

- Dans mon souvenir, vous aviez les cheveux longs, Officier Kamui.

Il se met à rire, passe une main dans ses cheveux.

- Ah, ça… Je me suis coupé les cheveux. Malheureux accident.

Il jette un regard vers une femme adossée au mur, les bras croisés sur sa poitrine et les sourcils froncés.

- Causé par le Capitaine Megurine, plaisante-t-il.

- Taisez-vous, Officier Kamui, tranche la femme en coinçant une mèche de cheveux roses derrière son oreille. Je n'y suis pour rien dans la perte de votre lourde masse capillaire. C'est vous qui étiez en travers de mon chemin ce jour-là.

Les yeux pétillants, l'Officier Kamui se tourne vers Mlle Rin et l'inspecte de la tête aux pieds. Son expression redevient sérieuse mais une petite lueur amusée brille toujours sur son visage.

- Ça ne me va pas, pas vrai ?

Mlle Rin penche la tête sur le côté, semble l'examiner curieusement. Puis, un triste sourire étire ses lèvres et elle secoue la tête.

- Oui, je vous préférais mille fois plus quand vous aviez vos cheveux longs. Ca vous donnait l'air d'un samouraï.

Officier Kamui rosit sous le compliment.

- Vous êtes la première à me dire ça.

- Ah bon… ?

- J'adore les samouraïs.

Elle porte une main à sa bouche, comme pour se cacher fémininement, et glousse.

- Vous auriez eu une telle prestance.

- Merci. Si je n'avais pas été policier, j'aurais été un samouraï du Shogun.

- En remontant le temps, Officier ?

- J'aurais fait du théâtre traditionnel. On peut encore rêver.

- Mais vous avez surtout fait du kendo ou du judo au lycée, j'imagine ? questionne Rin en sirotant son café dégoûtant.

- Oui, Mademoiselle. En primaire, au collège, au lycée, à l'école de police, j'ai fait du kendo.

- Et moi du karaté. J'étais quatrième dan.

Un homme aux cheveux gris trottine vers le Capitaine Megurine et lui chuchote quelque chose à l'oreille. Capitaine Megurine s'incline vers une femme ventrue et lui dit, dans un anglais parfait : « I'm sorry, Madam, but we are no waiting area. » Elle se tourne alors vers Rin et lui fait geste de se lever.

Mlle Rin avale son café d'un coup, puis ramasse ses affaires. Elle plisse sa chemise d'une main. Officier Kamui vérifie sa montre, hoche la tête.

La grille grince. Mlle Rin grince des dents. Le couloir est froid, gris et lugubre. On lui fait signe d'avancer. Capitaine Megurine et Officier Kamui se postent à ses côtés, l'un en retrait, l'autre légèrement en avant pour conduire la marche. Mlle Rin fait de son mieux pour vider son esprit.


Après quelques minutes de marche à travers de longs couloirs glacés et gris, Capitaine Megurine ouvre une porte en métal. Elle fait un bruit d'enfer qui résonne quand elle claque.

Les voilà dans une pièce entièrement dénudée. Un sas… ? Derrière une autre porte en tout cas, se trouve la réponse à ses questions.

Lui.

Capitaine Megurine s'avance, croise les mains derrière le dos. Rin soutient son regard sévère. Elle ne veut pas paraître trop faible devant cette femme qu'elle admire.

- Mlle Rin, souvenez-vous que nous risquons notre poste pour vous avoir accordé cette entrevue.

Mlle Rin hoche la tête.

- Par conséquent, je vous invite à ne pas poser vous échauffer. Si les choses dégénéraient, nous n'aurions aucune excuse.

- Je comprends, dit Rin, tremblotante.

Capitaine Megurine hoche la tête rapidement, ses yeux exprimant pour la première fois une certaine forme de compassion pour Mlle Rin.

Alors ça y est. Elle y est. This is it. Elle n'arrive pas à y croire.

Il est là, juste derrière cette porte.

Elle s'était efforcée de vider son esprit; mais là, là elle a l'impression qu'un immeuble de plomb vient de s'effondrer sur elle. Elle n'arrive pas à bouger mais en même temps tout son corps hurle pour esquisser le moindre geste. Un sac de nœuds se forme, se tord, se délie puis se renoue dans son estomac. Son cœur fait la course avec un jaguar; ses poumons semblent ne plus vouloir prendre d'air.

Elle frémit quand Officier Kamui pose une longue main sur son épaule.

- Je suis prête, souffle-t-elle.

Les deux policiers ne semblent pas convaincus, mais ils hochent la tête sombrement – encore une fois. Ici, on ne parle pas. On ne s'exprime qu'avec des gestes brefs et succincts – puis réajustent leur casquette sur leur crâne. Officier Kamui tend un bac en plastique bleu vers Mlle Rin. La jeune femme déplie sa convocation, son passeport, son téléphone portable qu'elle vient d'éteindre, puis enfin son sac. Capitaine Megurine sort une clé de son trousseau puis la tourne dans la serrure. Elle ouvre la porte, laisse entrer l'Officier Kamui puis Rin, et ferme la porte.

Encore une pièce blanche. Avec une autre porte à l'autre bout de la pièce et deux policiers, l'un homme et l'autre femme, qui montent la garde. Au centre, il y a une table et deux chaises en plastique orange, avec une personne assise sur l'une d'elles. Une caméra se dissimule dans un haut coin. Officier Kamui, galant, tire la chaise en plastique et invite Rin à s'asseoir.

Mlle Rin évite de regarder la personne en face d'elle.

Capitaine Megurine contourne la table et serre la main des deux policiers.

- Officier Sakine, Lieutenant Shion…

- Capitaine Megurine, répond poliment le Lieutenant.

Il a sous sa casquette des cheveux bleu sombre en bataille qui lui cachent ses yeux de la même couleur; son visage est sévère mais ses fossettes qui lui creusent les joues montrent qu'il est d'ordinaire un homme souriant. Il est grand, mais pas autant que l'Officier Kamui, et à peine plus grand que le Capitaine Megurine. La femme à ses côtés, l'Officier Sakine, est un peu plus petite. En la voyant, Mlle Rin pense immédiatement à une barre chocolatée. Car, sous son uniforme, la femme porte des vêtements rouges qui mettent en valeur sa poitrine, ses cheveux chocolat et ses yeux caramel.

Capitaine Megurine se reposte aux côtés de l'Officier Kamui. Lieutenant Shion dit alors :

- Vous avez une heure.

Et le silence se fut.


Timidement, très lentement, Rin pose les mains sur la table, puis les joints. Elle reste un moment comme ça, le regard sagement posé sur ses ongles oranges – son vernis, le seul qu'elle s'est autorisée à porter – puis lève les yeux jusqu'à rencontrer son regard.

« Du pareil au même »; l'expression ne pouvait tomber mieux. En se scrutant dans la glace sale de ces toilettes, Mlle Rin avait vu le même visage qu'elle voyait maintenant. Le visage de son frère jumeau.

Len.

Ce front, elle avait le même. Ce nez, il était le même que le sien. Les mêmes yeux, la même bouche, les mêmes fossettes. Ils étaient pareils.

Au point que c'en était troublant.

Len lui rendit son regard – tranquille, avec une pointe d'arrogance même, quoique son visage restât impassible – les mains posées sur les cuisses. Il penche alors la tête sur le côté, ce qui accentue sa seule différence du visage de Rin – sa queue de cheval et sa longue mèche qui lui passe en travers du front. Comme Titeuf, le taquinait-elle, plus jeune. Mais Len avait beau essayer toutes les marques de gel, il n'avait jamais réussi à aplatir cette mèche – qui lui rappelait la forme d'une banane.

- Mon dieu Rin, comme tu as vieilli.

C'est un véritable choc, non une révolte, une révolution, ou plutôt un torrent torrentiel de torrents de larmes qui se déroule dans l'esprit de Rin – car entendre cette voix après quatre ans, ça ne peut lui donner que cette réaction.

Mais elle ne peut s'empêcher de rétorquer, dans un murmure :

- Et toi donc.

Dans d'autres circonstances, ils se seraient souri à l'un l'autre – parce que c'est ainsi que les jumeaux communiquent, après tout. Il leur suffit d'un sourire pour qu'ils se comprennent.

- C'est vrai, moi aussi j'ai vieilli, dit Len. Mais je crois… Je crois que si tu étais venue plus souvent, on ne s'en serait pas rendus compte d'un coup comme ça. On l'aurait assimilé petit à petit. D'une manière naturelle.

En sous-entendu, il l'accuse de ne pas être venue le voir et le reproche l'atteint droit dans le cœur; non seulement parce qu'il a raison, mais parce qu'en plus elle déteste avoir à déplaire à son frère.

- Naturellement, on se serait vus vieillir l'un l'autre. On aurait décati en paix, Len, murmure Rin. Mais il a fallu que…

Silence. Un léger bourdonnement dans son oreille l'embête et Rin envisage d'y glisser son auriculaire.

- Pourquoi es-tu venue, Rin ? demande finalement Len, la regardant sans la voir.

Rin inspire profondément, puis se trouve intéressée par un point invisible sur la table et se met à le fixer.

- Ah, pour rien Rin ? reprend la voix moqueuse de Len. Tu t'es dit, ce matin en te levant « Tiens, et si j'allais voir ce bon vieux Len qui croupit en prison. » C'est ça Rin. C'est ça ? Tu voulais de mes nouvelles, petite sœur ?

Le souffle coupé, Rin n'ose lever les yeux. Len pose le coude sur la table et la joue contre sa main, l'air désintéressé.

- Eh bien, je vais te donner de mes nouvelles, Rin petite sœur. Rinnie. Rinnie et Lenny, pas vrai ? Ha. Lenny… Lenny il vient de passer quatre ans en prison sans que personne ne vienne le voir. C'est très long quatre ans, tu sais. Surtout quand je suis coupé de tout contact. La seule chose que je parvenais à voir, Rin, c'est le mur de briques devant la vitre qui m'empêche de sortir. Ah oui, parce qu'on ne nous enferme pas dans des cellules avec des grilles ou des barreaux. Les Canadiens stipulent que nous restons des êtres humains et qu'on ne mérite pas de vivre dans des cages; ils ont plutôt raison, mais du coup je reste là à ne rien faire. Quatre ans c'est quoi Rin ? A l'échelle de l'Univers, c'est rien. Une nanoseconde. C'est fou, l'Univers. L'Univers est fou. Ben voilà, Rin. Pendant une nanoseconde, j'ai fait ce qu'on m'a dit de faire. Je n'ai pas croupi en prison. J'ai dormi. J'ai mangé. J'ai fait des travaux d'intérêt général. J'ai aidé les inspecteurs à coincer des psychopathes… Parce que, ah oui c'est vrai, je suis un fou psychopathe moi aussi.

- … répond Rin.

- Alors Rin petite sœur ? continue Len, railleur. Pourquoi ? Pourquoi au bout de quatre ans ? Hein ?

- …

- Tu n'es pas venue, siffle-t-il. Jamais pendant quatre ans. Tu n'as pas assisté aux putains d'interrogatoire qui me laissaient à peine debout, jamais tu n'es venue aux procès. Et quand je me suis fait coffrer, tu n'es pas venue. Tu… Tu t'es réfugiée en Italie, à Milan. Et c'est aujourd'hui que tu viens me voir à Vancouver. Au bout de quatre ans.

- Len…

- Quoi, Rin ? Que se passe-t-il ? Tu viens aujourd'hui. Aujourd'hui je ne sais même quel jour on est, j'ai arrêté de compter, je me suis dit, bon sang, j'ai perdu le compte des heures, des jours, des mois et peut-être des années, mais en fait non, je sais bien que ça fait presque quatre ans que tu n'es pas venue. Parce que depuis quatre ans je suis emprisonné; depuis quatre ans je suis loin de toi.

- L…Len.

Un souffle; elle le dit dans un souffle – et toujours avec cette même affection. Mlle Rin est une chienne qui suivra Len toute sa vie, peu importe les chemins qu'il a suivi.

- Au fait, persiste son frère, tu vas trouver ça drôle mais moi je ne trouve pas ça drôle, mais je crois il y a deux mois, il s'est passé quelque chose de drôle, enfin drôle, drôle pas drôle; j'étais en train de balayer le couloir avec tu sais, ces horribles chaînes en métal qui pèsent lourd et qui rouillent de tétanos… Qui rouillent ou qui grouillent ? Enfin, je passais le balai et là, je me suis dit tiens, c'est bizarre, il ne fait pas beau aujourd'hui. Il ne fait jamais beau à Vancouver, jamais jamais beau, mais je me suis quand même dit ça je ne sais pas pourquoi. J'ai pensé qu'il faisait pas beau, et j'ai pensé que dans tes yeux il faisait toujours beau. Ça faisait longtemps que je n'avais pensé à toi Rin et tu sais quoi ? Tu sais quoi Rin ? A ce moment-là je me suis dit… Mais… C'était quoi le nom de ma sœur déjà ? Et j'ai paniqué pour la première fois en quatre ans, depuis que je suis arrivé. Les psychologues pensaient que j'avais atteint mon point de non-retour, et moi aussi j'ai cru, j'ai vraiment cru, parce que tu sais Rin, je ne me souvenais pas de ton nom, j'avais beau me creuser la tête, je ne me rappelais pas comment tu t'appelais. Tu te rends compte, j'ai partagé ma première cellule avec toi et j'ai partagé toute ma vie avec toi, ma chambre, mes amis mes livres et mes jouets, tout ce qui était à moi était à toi et vice versa, et pourtant je ne me rappelais pas de comment tu t'appelais. J'ai hurlé, Rin, j'ai crié, ils ont hurlé on aurait dit des loups à crier comme ça, et j'ai dit entre mes cris comment elle s'appelle déjà mais comment, et il y en a un qui s'est mis à rigoler et qui a dit mais qu'est-ce que tu racontes, c'est Kagamine Rin le nom de ta sœur et moi j'ai crié Rin, j'ai crié Rin Rin Rin, pourquoi tu m'a laissé Rin, je te déteste tant et même là je te déteste Rin ma petite sœur, tu viens me voir après quatre ans, deux moi après que j'ai oublié ton nom. Encore un peu et j'aurais oublié ton visage, ton odeur, ton sourire et ta joie. Rien qu'un peu.

Un lourd silence accueille ses paroles; Officier Sakine ne peut s'empêcher de baisser la tête vers ses bottes.

Len tente de reprendre son souffle. Son regard alterne entre Rin et la caméra – comme si la présence de l'une gênait l'autre, ou vice-versa – et il lèche nerveusement ses lèvres. Puis, il reprend, sa voix tremblotante :

- Alors Rin je te demande, pourquoi es-tu venue aujourd'hui, alors que j'allais t'oublier. Pourquoi ? Pourquoi Rin, pourquoi ?

- Len.

Il baisse les yeux et Mlle Rin aussi.

- Len, Papa, il est mort.


Les yeux toujours baissés, Len fixe ses mains posées sur ses cuisses sans bouger, sans battre un seul cil. Il ne pâlit pas. Il reste là, sans bouger. Et Mlle Rin aussi. Sauf que sa lèvre inférieure à elle tremble.

- Ah bon, fait Len d'une toute petite voix. Ah bon.

C'est un constat comme une question, mais Mlle Rin n'intervient pas. Elle laisse le temps à Len de digérer.

- Comment ? lâche finalement son frère.

Mlle Rin hausse les épaules.

- C'est tout bête tu sais. Il préparait le café du matin, tu sais comment il aimait son café serré, et puis, il a eu un infarctus. Une bête crise cardiaque. Le temps qu'on appelle l'ambulance, c'était trop tard. Il était mort. Écroulé dans la cuisine et du café brûlant étalé tout autour de lui.

Elle secoue la tête.

- Dire que vingt secondes plus tôt je lui parlais. Mes dernières paroles pour lui ont été… Ç'a été « Je dois aller au garage. » Tu te rends compte.

- Les crises cardiaques sont tellement foudroyantes, chuchote Len. Ironique comment est la vie pas vrai. Il a fallu une bonne soixantaine d'années pour qu'il se construise et une seconde pour qu'il se détruise.

- Oui.

- Quand était l'enterrement ?

- Il y a une semaine.

- D'accord.

Un petit silence s'étiole entre les deux, puis Len reprend la parole, en constatant de l'expression sur le visage de sa sœur :

- Mais ce n'est pas que pour ça que tu es venue.

Rin secoue la tête.

- Alors pour quoi es-tu là, Rin ?

Haussement d'épaules.

- Muette comme ça ce n'est pas ton genre. On avait l'habitude d'être de grands bavards, Rin. Pourquoi ne parles-tu donc pas ? On passait nos nuits à causer avant.

Len jette un regard vers Capitaine Megurine.

- Et nous n'avons qu'une heure. Qu'une heure pour parler. Et toi seule sais quand tu reviendras. Hein, Rin.

- Je veux des explications, Len.

- Bien sûre que tu veux des explications, j'aurais dû m'en douter, dit Len en riant.

- Je suis sérieuse, ajoute Mlle Rin, d'une voix plus ferme.

- Sur quoi veux-tu des détails ? Je sais, tu n'étais pas là pour les procès ni pour rien; tu as fait abstraction de mes agissements, Rin. C'est normal que tu ne saches rien et que tu viennes là maintenant pour avoir des explications. C'est normal.

- Len.

- Oui, Rin ?

- Explique-moi.

- T'expliquer quoi, petite sœur ? Tu sais pourquoi je suis en prison, pas vrai ? Tu n'es pas si innocente.

Rin pousse un long soupir, s'adosse à la chaise et fixe le plafond. Elle est livide et sue à grosses gouttes. Ses mains vont jouer avec les extrémités de son écharpe rose. Puis, elle baisse les yeux vers ses genoux, remonte encore le regard vers Len, de l'assurance dans la voix mais de l'hésitation sur tout son visage.

- Furukawa Miki, quinze ans. Aoki Lapis, seize ans. Nakajima Megumi, dix-sept ans. Cheol-Soo Seeu, dix-huit ans. Stella Aria, dix-neuf ans.

Elle prit une inspiration.

- Je veux savoir pourquoi et comment tu les as tuées.


à suivre dans le chapitre suivant