Note : Bonjour à tous ! Ca fait quelques semaines que je me garde égoïstement cette chouette idée de Malvie, il est enfin temps de la partager avec vous ! En espérant que vous l'apprécierez autant que je prends plaisir à l'écrire !

Il s'agit d'une histoire se composant de plusieurs chapitres, que je n'ai pas encore terminé d'écrire mais pour laquelle j'ai pris une petite avance assez honorable qui va me permettre de vous offrir un chapitre chaque samedi du mois de février ! J'ai eu des soucis de wifi hier donc le premier chapitre est en retard d'un jour, mais le prochain devrait être posté le 9 sans faute ;) Au delà du chapitre 4, j'adapterai le rythme de publication selon mon avancée dans l'écriture.

Je tiens à préciser que même si cette histoire aborde quelques thèmes importants (comme le fait de vivre à la rue), je l'écris pour le plaisir. J'essaye de rester la plus réaliste et cohérente possible, mais absolument rien dans cette fic n'a pour ambition de refléter la réalité, le ressenti ou la vie des personnes vivant des situations similaires.

Je vous souhaite une bonne lecture, et n'hésitez pas à me laisser un commentaire pour me dire ce que vous en pensez et pour me donner de la motivation à écrire la suite ! :)


— Tu es sûre que ça ne te dérange pas ? Je m'en veux tellement de te poser un lapin comme ça alors que tu me rendais service mais je ne peux vraiment pas faire autrement et...

— Ally, coupa Evie, le téléphone à l'oreille, les remords de son amie perceptibles même à travers l'appareil électronique. Ce n'est pas grave, je t'assure.

— Mais je te préviens à la dernière minute et, oh mon dieu Evie, tu dois probablement déjà être presque arrivée.

— Non, mentit la principale concernée. Je suis partie en retard et j'ai quitté ma maison il y a quelques minutes à peine, je serais de retour chez moi dans pas longtemps. Il n'y a aucun problème.

Cela sembla rassurer sa camarade de classe dont le ton devint plus léger.

— Tant mieux alors ! Je vais devoir y aller, on se verra à l'école lundi ! A plus Evie !

— A lundi, Ally.

Evie raccrocha son téléphone et soupira longuement avant de lever le regard sur la foule autour d'elle.

Elle était en plein centre-ville, à seulement quelques minutes de son point de rendez-vous avec Allie, qu'elle avait accepté de retrouver pour l'aider avec un devoir de biologie un peu compliqué.

S'être déplacée pour rien était un peu agaçant, mais Evie n'était pas en colère, et n'en voulait pas à son amie. Les imprévus, ça existait. Ça aurait pu être elle. Même si ça n'avait jamais été elle. Elle avait toujours veillé à ne pas être une charge dans la vie de son entourage, et certainement pas dans celle des personnes qui lui rendaient service. Mais comme elle l'avait dit, les imprévus, ça existait.

Ce qui était fait était fait, et elle n'allait pas ruminer pendant des heures. Autant mettre à profit le fait de se retrouver en ville pour se changer un peu les idées.

Rangeant son téléphone dans son sac à main, elle bifurqua pour prendre la direction d'une rue commerciale qu'elle appréciait beaucoup, dans laquelle se trouvaient quelques boutiques de vêtements et d'accessoires sympas mais surtout une immense librairie dans laquelle elle dénichait toujours des merveilles.

Faire du lèche-vitrine pour chercher de nouvelles tenues était agréable, mais toujours mieux avec des amies. Alors que fouiner dans les rayonnages et caresser les tranches de dizaines de livres sans but particulier, c'était une passion à laquelle elle aimait s'adonner seule.

Un sourire sur les lèvres à cette perspective, elle hâta le pas, se disant que son après-midi n'était peut-être pas perdu pour finir.

Ce fut pendant qu'elle traversait une place piétonnière grouillante de monde que cela se produisit.

Evie ne réalisa pas tout de suite ce qu'il se passait. Se faire bousculer dans la rue était assez courant et elle avait l'habitude de simplement prononcer un pardon automatique avant de reprendre son chemin comme si rien n'était arrivé.

Sauf que cette fois, en plus de la bousculade, elle sentit son sac glisser de son épaule. Être arraché de son épaule, pour être plus exact.

Instinctivement, elle s'y agrippa tout en se tournant vers le voleur qui ne semblait pas très doué dans ce domaine.

Il s'agissait d'un garçon qui devait avoir quelques années de plus qu'elle, maigre et sale, visiblement désespéré. Il faisait pitié à voir. Mais pas assez pitié pour qu'Evie le laisse s'enfuir avec son sac à main et tout ce qu'il contenait. C'était hors de question.

Ils s'affrontèrent un instant, chacun une main sur la lanière du sac, et Evie craignit un instant qu'il ne la frappe plus violemment pour avoir gain de cause, lorsque soudain, une masse sombre déboula de nulle part et entra en collision avec l'inconnu, le faisant tomber à la renverse et entraînant le sac avec lui.

Il fallut un moment à Evie pour réaliser que la masse sombre était une autre personne, plus petite et plus vive, dès à présent occupée à se battre à poings nus avec le voleur. Terrifiée, l'adolescente observa la bagarre et surtout son pauvre sac qui était pris dedans, tiraillé entre les deux opposants. Elle avait vaguement conscience de la foule qui commençait à s'agglutiner autour d'elle mais pourtant personne ne semblait vouloir intervenir pour séparer les deux bagarreurs qui se roulaient par terre avec des grognements et des coups qui se multipliaient.

Evie n'avait pas d'explication pour l'élan de courage et de témérité qui s'empara d'elle à cet instant. Peut-être était-ce le fait de savoir que presque toute sa vie se trouvait dans son sac, de sa carte de crédit à son téléphone en passant par son carnet de notes et le dernier livre qu'elle lisait. Peut-être était-ce le vague avertissement que ce sac valait cher et que sa mère lui avait acheté avec une certaine réticence et que si elle le perdait elle en entendrait parler pendant des mois. Peut-être était-ce juste l'adrénaline et la confusion du moment.

Au final, l'explication importait peu et ne changeait rien au fait qu'Evie se jeta dans la cohue, agrippant son sac dans un geste désespéré et l'en extirpa avant de reculer en le serrant contre elle, comme si elle avait peur qu'on tente de lui reprendre. Ce qui, vu la situation, était une possibilité non négligeable.

Son intervention sembla avoir un effet sur les deux adversaires car, une fois l'objet du délit confisqué, la bagarre prit rapidement fin et le voleur détala à l'instant où il parvint à se mettre debout. Evie cligna des yeux, dépassée par ces événements en cascade alors que le deuxième individu se redressait à son tour avec un marmonnement incompréhensible.

Elle avait beau savoir que c'était impoli et déplacé, Evie ne put pas résister au besoin de le regarder avec curiosité, cherchant à découvrir qui était son sauveur.

Se sentant probablement observé, il tourna la tête dans sa direction, et elle eut la surprise de découvrir qu'il s'agissait en réalité d'une sauveuse. C'était assez difficile à dire à premier abord à cause de sa petite stature, des couches de vêtements trop nombreuses et trop amples et surtout de la capuche qui lui couvrait la tête, mais les traits qui fixaient à présent Evie étaient indéniablement féminins.

Et légèrement interloqués aussi, comme si l'inconnue était surprise de ce qu'elle venait de faire.

Evie déglutit, essayant de garder ses pensées focalisées sur ce qu'il se passait et sur la meilleure manière de réagir plutôt que sur ce qu'elle voyait. Une petite voix dans sa tête était en train d'hurler d'horreur en voyant la tenue de la fille qui se tenait face à elle, immobile. Ses vêtements étaient si sales, son sac à dos était répugnant, sa peau était couverte de crasse et de poussière, c'était tout simplement repoussant. C'était dur de ne pas y faire attention, de tenter d'ignorer ce qu'elle voyait et son envie de fuir loin de tout ça, loin de cette misère et cette déchéance humaine qu'elle avait été éduquée à éviter depuis son plus jeune âge.

Mais elle n'avait pas le droit de faire ça. Elle ne pouvait pas juger, encore moins critiquer alors qu'elle ne savait littéralement rien de la vie de cette fille. Une fille qui venait de l'aider alors qu'elles ne se connaissaient même pas.

— Merci, prononça finalement Evie, comme si elle venait de se rappeler ses bonnes manières.

L'inconnue fronça les sourcils et ne répondit rien, restant toujours immobile, ses yeux oscillant entre le sac qu'elle serrait toujours fermement contre sa poitrine et l'endroit où son adversaire venait de disparaître, la queue entre les jambes.

Evie ne savait pas trop comment elle était supposée réagir. Une petite part rationnelle de son esprit lui soufflait de juste en rester là, et de reprendre le cours de sa vie où elle l'avait laissé comme si rien n'était arrivé mais, honnêtement, elle n'en avait pas vraiment envie. Sa curiosité était titillée par la fille qui se tenait face à elle et qui était sans le moindre doute aussi démunie et sans ressource que son agresseur un instant plus tôt, et Evie ne pouvait pas s'empêcher de réaliser à quel point elle semblait jeune. Plus jeune qu'elle peut-être. Elle ne pouvait pas juste partir et l'oublier.

Elle fit alors la seule chose logique qui lui vint à l'esprit, plongeant sa main dans son sac.

— Est-ce que tu veux de l'argent pour te remercier ? Je...je n'ai pas grand-chose mais je peux peut-être réussir à trouver 50 euros.

— Je ne veux pas de ta pitié.

La réponse avait été crachée sauvagement et froidement, et Evie lâcha aussitôt son portefeuille qu'elle venait d'attraper. A l'intérieur d'elle, quelque chose vacilla sans qu'elle ne sache déterminer quoi. La culpabilité d'avoir une vie meilleure que cette fille, la tristesse de l'avoir blessée ou insultée sans le vouloir, la surprise d'entendre son timbre de voix, si normal derrière le ton agressif. Peut-être un mélange de tout ça.

L'inconnue la regardait à présent droit dans les yeux, cherchant visiblement à l'intimider. Cela fonctionna, car Evie baissa les siens.

— Je suis désolée, murmura-t-elle. Je ne voulais pas te vexer.

Il y avait tellement de questions qui tourbillonnaient dans sa tête. Pourquoi l'avait-elle aidée ? Pourquoi restait-elle plantée là ? Attendait-elle quelque chose de sa part ? Si ce n'était pas de l'argent, qu'est-ce qu'elle pouvait lui offrir ?

L'idée lui tomba comme un déclic, et elle leva brusquement la tête pour à nouveau croiser le regard de la fille. Sauf que celle-ci semblait avoir décidé au même moment qu'elle n'avait rien à gagner ici et déjà fait volte-face pour partir et disparaître dans la foule.

— Attends ! la rappela Evie, et elle fut soulagée de constater qu'elle s'immobilisa à son appel. J'étais sur le point d'aller manger un morceau, est-ce que tu veux me tenir compagnie ?

L'inconnue se retourna lentement, l'intérêt et l'envie clairement lisible sur son visage. Comme Evie l'avait deviné, elle n'avait probablement pas mangé depuis un moment, et devait avoir faim. Sa proposition pouvait être assez alléchante pour la convaincre de passer un peu plus de temps avec elle. Même si Evie n'avait pas la moindre idée de pourquoi elle voulait ça.

— Tu payeras ? demanda la fille avec méfiance.

— Absolument tout ! assura Evie. Un repas entier à mes frais.

— Pourquoi ?

— Pour te remercier de m'avoir aidée. Et parce que...tu as l'air d'avoir faim.

Elle avait prononcé ces derniers mots prudemment, effrayée à l'idée de la vexer à nouveau et de la voir partir en courant. Mais cette fois, l'inconnue lui répondit par un rictus moqueur tout en acquiesçant pour confirmer.

Evie sourit doucement. Les imprévus existaient bel et bien. Le programme de son après-midi ne cessait de changer, passer d'un rendez-vous avec Allie à des heures perdues au milieu des livres pour finalement devenir un repas en tête à tête avec une inconnue. Et bien, qu'il en soit ainsi.

oOoOoOo

Pour avoir faim, elle avait faim. Evie la regarda mordre sauvagement dans un troisième hamburger juste après avoir enfourné une poignée de frites dans sa bouche, et se félicita d'avoir opté pour un fast-food.

Elle avait fait ce choix dans l'espoir que l'autre fille se sentirait plus à l'aise et qu'elles attireraient moins l'attention, mais elle pouvait quand même sentir plusieurs regards curieux ou remplis de jugements qui se posaient sur elles. Finalement, c'était Evie qui était mal à l'aise, ne sachant pas trop quoi faire ou comment agir dans ce genre d'endroit alors que son invitée s'était instantanément dirigée vers les bornes pour passer commande. Evie lui avait répété deux fois qu'elle pouvait commander absolument tout ce qu'elle voulait, sans limite, et elle semblait l'avoir écouté car elle avait commandé une dizaine de burgers et quatre portions de frites. De son côté, Evie s'était contentée d'une salade à laquelle elle n'avait pas encore touché, bien trop occupée à observer sa nouvelle connaissance engloutir son repas comme si cela faisait plusieurs jours qu'elle n'avait pas vu de nourriture.

Ce qui était probablement le cas.

Elle ne semblait pas non plus avoir été récemment en contact avec une douche, et, une fois qu'elle eut retiré sa capuche à l'intérieur du restaurant, Evie put constater que ses cheveux, qui avaient autrefois dû être d'un magnifique blond, ne semblaient être qu'un amas de nœuds et de saletés. La proximité et l'éclairage intérieur lui permit aussi de noter son teint terriblement pâle et ses yeux d'une couleur verte incroyable.

Malgré tout ça, Evie était toujours incapable d'estimer son âge. Au vu de sa taille et de sa carrure, elle lui donnait deux ou trois ans de moins qu'elle, ce qui était une idée terrifiante, mais quelque chose dans son expression et dans sa manière de parler lui donnait tellement plus.

— C'est la première fois que tu viens dans ce genre d'endroit.

Brusquement tirée de ses pensées, Evie cligna des yeux en fixant la fille qui se trouvait en face d'elle, décontenancée.

— Quoi ?

— Ta manière de te tenir, répondit cette dernière avec un sourire narquois. Tu te tiens en retrait, pour bien éviter d'effleurer la table et tu oses à peine toucher l'assiette qui est devant toi. Est-ce que tu as déjà mangé dans un récipient en plastique au moins ? Ou alors tu as vécu toute ta vie dans un château de princesse où les repas sont servis dans de la belle porcelaine ?

Evie plissa les yeux, cherchant à savoir si elle était en train de l'insulter. Mais non, cela n'avait pas été prononcé de manière méchante, seulement provocante. Et quelque chose lui disait que la provocation était le seul moyen de communication de sa nouvelle amie. Alors, sans se vexer ni chercher à contredire ses paroles, Evie afficha son plus joli sourire et attrapa la fourchette en plastique posée face à elle.

— Il faut bien une première fois à tout, n'est-ce pas ? lança-t-elle avant de prendre une bouchée de sa salade - chaude, fade et insipide - et elle eut l'impression de pouvoir sentir les produits toxiques et les bactéries sauter sur sa langue alors qu'elle la mâchait, mais personne ne lui avait demandé de faire une critique gastronomique de l'endroit.

La blonde lui répondit avec un drôle de sourire tordu, qu'on pourrait facilement attribuer au méchant d'un film, alors qu'une lueur passait dans son regard, l'illuminant d'un éclat de vie qu'Evie n'aurait pas cru voir chez elle.

— Tu es différente de ce que tu donnes l'impression d'être, Princesse, déclara-t-elle en la fixant droit dans les yeux et cette fois, Evie était certaine que c'était une sorte de compliment.

— Tu peux m'appeler Evie, répondit-elle, ne sachant pas comment réagir face au surnom.

Son interlocutrice ne répondit pas, soudain plongée dans le déballage de son quatrième hamburger. Evie se mordilla la lèvre, hésitant entre la curiosité et la peur de paraître impolie.

— Est-ce que...je pourrais connaître ton nom ? demanda-t-elle doucement, presque timidement, et son cœur rata un battement lorsque des yeux d'un vert intense se posèrent sur elle, la jaugeant en silence.

Pendant un instant, Evie crut qu'elle n'allait pas répondre. Ou peut-être qu'elle allait l'insulter, ou ramasser toute la nourriture restante et la planter là, sans un mot. Les secondes semblèrent s'étirer à l'infini alors que sa jeune sauveuse la fixait sans rien dire, mâchant sa viande avec soin. Puis, avalant finalement sa bouchée, elle laissa échapper un mot.

— Mal.

Evie acquiesça, et retint l'envie de répéter le son formé par ces trois lettres. Mal. Était-ce vraiment son nom ? Ou simplement un pseudonyme qu'elle utilisait pour qu'on ne puisse pas l'identifier ? Ou alors juste un mensonge qu'elle venait d'inventer, histoire de la satisfaire avec une réponse.

Songeuse, Evie porta une nouvelle portion de salade à sa bouche et se mit à la mâchonner en silence, incapable de savoir comment enchaîner la conversation. En face d'elle, Mal ne semblait pas s'en soucier, terminant son quatrième hamburger et s'attaquant aux frites qui lui restaient. Lorsqu'elle eut avalé la dernière d'entre elles, elle brisa l'étrange silence qui s'était installé entre elles.

— Je peux prendre un dessert ?

A nouveau, elle prit Evie au dépourvu, mais cette fois plus par son intonation que par sa manière abrupte de prendre la parole. Elle avait posé sa question d'une petite voix, presque timide, aux allures enfantines, comme si cette question lui avait échappé malgré elle. Le cœur d'Evie se serra en réalisant que si elle n'avait pas vu de nourriture depuis plusieurs jours, cela devait faire bien plus longtemps encore qu'elle n'avait pas du voir le moindre dessert.

— Tu ne veux pas finir tout ce qui est devant toi d'abord ? demanda Evie avec curiosité, jetant un œil aux hamburgers encore emballés et intacts.

Mal secoua la tête et ouvrit son sac, toujours posé sur ses genoux.

— Je vais les emporter pour plus tard, répondit-elle en commençant à glisser les différents sandwiches dans la poche principale. Je pourrais les manger maintenant mais ça serait du gaspillage.

Evie déglutit, culpabilisant de ne même pas avoir pensé à ça mais légèrement soulagée de savoir qu'elle n'avait jamais eu l'intention d'engloutir autant de nourriture en une fois. Ça aurait été bête qu'elle remercie sa sauveuse avec une crise de foie.

— Ça me semble en effet plus raisonnable, commenta-t-elle avec gentillesse. Et bien sûr que tu peux prendre un dessert si tu en as envie. Je t'ai dit que tu pouvais prendre ce que tu voulais.

Le visage de Mal s'illumina de gourmandise et, alors qu'elle se précipitait vers la borne de commande avec un enthousiasme qu'Evie ne s'attendait vraiment pas à voir chez elle, elle sembla soudain être bien plus jeune encore.

Quand elle revint, elle avait un gobelet rempli de liquide rose dans chaque main, et un sourire sincèrement heureux sur les lèvres. Toute sa gestuelle était devenue plus légère, comme si la simple perspective de ce dessert lui avait fait baisser sa garde. Elle se rassit à la même place et posa les gobelets. Un devant elle, l'autre devant Evie.

— Je t'en ai pris un aussi, annonça-t-elle fièrement, comme si elle lui faisait un cadeau et que ce n'était pas Evie qui payerait le tout.

Cette dernière se força à sourire, ravalant le refus poli qu'elle aurait adressé à n'importe qui d'autre et prit doucement le gobelet.

— C'est un milkshake ? demanda-t-elle avec curiosité, essayant de ne pas trop laisser paraître qu'elle n'avait jamais bu ce genre de chose.

— Ouais, à la fraise. Mes préférés, répondit Mal avec satisfaction avant d'aspirer quelques gorgées.

Il y avait quelque chose de tellement doux et d'innocent dans son expression qu'Evie ne put s'empêcher de sourire, attendrie, avant de prendre une gorgée à son tour.

Pour aussitôt se figer de dégoût alors que le liquide bien trop sucré et artificiel coulait dans sa gorge.

— Ça ne goûte même pas la fraise, grimaça-t-elle en repoussant le gobelet.

— Ouais, mauvaise qualité, accorda Mal sans pour autant cesser de siroter le sien.

La gorge nouée et totalement écœurée, Evie secoua la tête. Elle pouvait faire un effort pour entrer dans cet endroit et manger leur salade remplie de plastique mais ça, c'était au-delà de ses forces.

Alors, sans réfléchir, elle prit le gobelet plein et l'emmena jusqu'à la poubelle la plus proche, où elle le jeta sans la moindre once de remord...jusqu'à ce qu'elle fasse volte-face et croise le regard glacial de Mal. La culpabilité la frappa aussitôt en plein cœur alors que l'autre fille remettait soudainement sa capuche, le visage fermé.

— Il est temps que je parte, annonça-t-elle d'un ton neutre, ajustant son sac sur son épaule d'une main et serra fermement son milk-shake de l'autre.

— Mal, attends, je...

Evie s'interrompit, ne sachant pas quoi dire. Que pouvait-elle faire ? La rappeler, et puis quoi ? Ce n'était pas comme si elles se connaissaient, ou comme si elle pouvait lui apporter quoi que ce soit. Elles étaient juste deux étrangères, aux vies totalement opposées, et dont les destins s'étaient momentanément croisés. Même si Mal l'écoutait, se stoppait et revenait, Evie n'aurait rien à lui dire, rien à lui offrir.

De toute façon, Mal l'ignora totalement, et en moins d'une minute, se retrouva hors du fast-food et disparut dans la foule de passants.

— Je suis désolée, murmura quand même Evie à voix basse, sans vraiment savoir si elle s'excusait pour son geste stupide et maladroit ou pour son impuissance.