Bonjour, je publie ici le premier chapitre, qui ressemble davantage à un prologue, de ma vision de l'enfance de Tom Jedusor junior.
J'avais déjà écrit une fanfiction à ce sujet sur un autre site, et je la reprends ici pour tenter de lui donner une meilleure contenance autant qu'un meilleur contenu.
Tom Jedusor est un personnage dont l'évolution m'intéresse beaucoup, et c'est justement cette évolution que je voudrais peindre ici, notamment en ajoutant un personnage à ceux écrits par JK Rowling : une enfant Moldue qui deviendra l'amie du jeune garçon.
Je voudrais vraiment rédiger l'histoire à la manière d'un roman (pas un Balzac ou un Proust, mais d'une manière un peu littéraire quoi), j'espère que ce sera aussi agréable à lire que cela l'a été à écrire. Je tiens à respecter l'histoire de Rowling autant que l'Histoire avec un grand H, je tâcherai de faire au mieux ! Bonne lecture !
Chapitre 1
Éclaircie
Londres, automne 1937
Le vent fouettait les fenêtres mal isolées avec une telle violence que les vitres tremblaient presque au point de céder à chaque nouvelle rafale. De rares passants se pressaient, courbés, sur les trottoirs pavés. Certains hélaient des taxis, qui bravaient le temps en oscillant de joie devant l'abondance de clients. Entre deux sifflements du vent par les interstices des fenêtres, on pouvait entendre quelques sons entrecoupés, des claquements de sabots, des embardées d'omnibus, des cris rappelant à l'ordre des chapeaux soudain épris de liberté. Londres, la Grande-Bretagne, le monde tournoyaient au dehors comme des feuilles mortes dans un courant d'air.
Le jeune homme, allongé sur son lit, ne semblait pourtant pas entendre cette danse chaotique. Il fixait le plafond, sans bouger. Tellement immobile que l'on eût dit que le temps était suspendu entre les quatre murs miteux de sa chambre, loin de la frénésie du dehors. Celle-ci ne paraissait plus qu'une vague clameur, lointaine et étouffée. Seuls les soulèvements légers de sa poitrine et les frémissements de quelques unes de ses boucles brunes trahissaient le passage du temps. Ses iris, aussi noirs que ses cheveux, étaient braqués sur la craquelure dans le plafond au dessus de lui. Comme s'il s'agissait d'une ride qu'il aurait transférée de son être au bâtiment. Car, du haut de ses dix ans, Tom se sentait bien plus vieux et plus mûr que quiconque.
Bientôt, il en aurait onze, et ferait officiellement partie des grands de l'orphelinat. Ils étaient nombreux désormais à faire partie des grands : conséquence de l'après-guerre. Pourtant, il se sentait plus âgé, du moins plus intelligent que tous. Les autres n'étaient que des bons chiens savants, qui tâchaient de leur mieux de devenir un nouveau rouage de la machine sociale. Ou alors, c'étaient des chiens galeux peu débrouillards, et ils se faisaient prendre invariablement à chaque menu larcin qu'ils commettaient. Ils appartenaient tous à cette ronde infernale au-dehors, une ronde d'incapables qui perdaient leur temps, leur énergie, leur vie. Il ne finirait jamais comme eux. Il devait être meilleur. Non : supérieur. Leur montrer sa puissance, et prouver leur lâcheté à se cantonner à leur rôle de fourmi. Certains, bien sûr, semblaient poursuivre son idéal de puissance. Pas ces nouveaux monarques du Royaume-Uni, qui s'étaient contentés au printemps d'accepter leur rôle. Plutôt ces dirigeants assoiffés dont la rencontre figurait sur la page ouverte du dernier numéro de l'Illustrated London News, étalé non loin de lui sur son matelas à ressorts. Ces deux étrangers étaient sans doute les seuls êtres humains à piquer la curiosité du garçon. Il s'intéressait à eux comme un scientifique à une expérience. Il leur reconnaissait un certain talent, quelque chose entre le charisme et la cruauté, surtout à l'homme allemand qui tissait sa toile de l'autre côté de la Manche. Mais il était curieux de savoir où était la limite de leur soif. Car il était certain que leur soif de pouvoir n'égalait pas celle qui s'éveillait en lui...
Tom plongea doucement la main dans sa poche, et en sortit un yo-yo. Un pauvre jouet en bois qu'il avait emprunté à l'un des gamins. Enfin, emprunté : réquisitionné lui paraissait être un terme plus juste. Après tout, le gamin ne savait pas y jouer, et lui en avait besoin pour s'entraîner : quoi de plus naturel que de le posséder ? Il lança négligemment le jouet en l'air. La corde se tendit, resta un instant suspendue dans le temps elle aussi, puis s'enroula parfaitement autour de la base en bois. Il répéta le même geste plusieurs fois, dans une précision méthodique. Le jouet fusait dans l'air frais et humide, s'immobilisait, puis retombait docilement dans la main du garçon qui ne quittait pas des yeux les cicatrices de son plafond. Il rêvait sans doute à un autre monde, lorsque quelqu'un troubla la quiétude apparente de la scène en frappant sèchement à la porte.
Le yo-yo s'écrasa sur le matelas, et Tom le fourra dans sa poche sans prendre le temps d'enrouler la ficelle. Il se redressa d'un coup, remit une mèche de cheveux en place, et se plaça droit comme un " i " devant la porte. Cette dernière s'ouvrit sur Mrs Cole, comme il s'en était douté. Un léger relent d'alcool s'engouffra dans la chambre en même temps l'odeur de propre et d'ancien caractéristique des couloirs miteux de l'orphelinat Wool.
L'usure des bâtiments semblait se refléter sur sa directrice, qui semblait être passée de la trentaine à la cinquantaine sans transition, depuis qu'elle avait endossé ce rôle quelques années auparavant. D'un naturel angoissé, elle ne survivait qu'en s'octroyant à chaque surmenage une dose de son péché mignon, le gin. Tom déduisit donc, grâce à l'effluve entêtant qui lui agaçait les narines, qu'un nouveau problème était survenu, et que la résistance nerveuse de Mrs Cole en avait pâti. Et à la vue de la silhouette qui se dessinait progressivement derrière la directrice, il en déduisit que le problème venait d'un nouvel arrivant. Ce qu'il ne réussit pas à déduire, en revanche, fut le lien entre cet élément perturbateur et lui.
- Tom, mon garçon ? commença la directrice d'une voix crispée par la fatigue.
- Oui, Mrs Cole ?
Il eut beau utiliser un ton faussement poli, ses poils se dressèrent à « mon garçon ». Ce genre de formule l'horripilait fortement. Non seulement n'était-il pas un simple « garçon », mais il était encore moins le garçon de quelqu'un. Il s'abstint de tout commentaire, mais ces simples mots suffirent à le mettre de mauvaise humeur. Et il était certain que la suite de la conversation n'arrangerait pas les choses.
- Je viens te présenter une nouvelle... camarade, baragouina-t-elle. Elle vient d'arriver, et elle s'appelle Jean. Jean Marsay.
Il crut apercevoir le visage de la silhouette se renfrogner au nom de Jean, mais peut-être avait-il rêvé. La directrice s'écarta un peu, découvrant l'enfant à la lumière. Elle n'était pas très grande, et arborait un visage buté. Ses yeux étaient rivés sur le bas du cadre de la porte, à sa droite. Elle avait dû subir la toilette forcée des nouveaux arrivants, car ses cheveux châtains, abimés et hirsutes, avaient été tressés négligeamment, et elle semblait engoncée dans la robe d'uniforme de l'orphelinat comme une poupée enveloppée de tissu mal taillé.
- Jean, voici Tom Jedusor.
La gamine ne décrocha pas un mot, et ne daigna même pas lever les yeux. Tom sentit l'impatience gronder en lui, mais il n'en montra rien, et garda son ton poli et distant.
- Bonjour, enchanté de te rencontrer, dit-il tout simplement.
Il ne comprenait toujours pas où la vieille chouette voulait en venir en lui présentant cette gosse mutique. Il était lui-même très loin d'être l'enfant le plus social de l'orphelinat ! Et pourtant, elle venait lui exhiber une fillette dont il n'avait que faire, troublant qui plus est la quiétude de son après-midi. Curieusement, Jean ne pleurait pas, ne geignait pas, ne sanglotait pas non plus, ce qui n'était pas le cas de chaque morveux qui mettait le pied à l'orphelinat Wool. Tom ne pouvait pas nier que sa façon d'être inaccessible, comme si elle s'était forgée un bouclier invisible, captait son intérêt. Intérêt d'autant plus éveillé qu'elle tourna enfin ses yeux d'un gris nuageux vers lui. Il se sentit presque aimanté par son regard, qui en disait bien plus que sa bouche farouchement close. Quelque chose remua en lui, mais cela ne parvint pas à chasser son impatience. Encore moins celle de Mrs Cole, qui brisa le silence et l'intensité de l'échange silencieux en soupirant bruyamment. Le jeune garçon reporta de nouveau son attention sur la directrice, attendant des explications. Et elles ne tardèrent pas à arriver.
- Tom, mon grand, il faut une chambre à notre petite Jean. Et tu n'es pas sans savoir que l'étage des filles est surpeuplé à cause des réparations, qui vont durer encore un petit moment.
Il réprima un grognement. La Tamise avait débordé en avril, provoquant de nombreux dégâts dans l'orphelinat, notamment dans le bâtiment des filles. Et les conséquences étaient encore de taille, malgré les mois qui s'étaient écoulés. Il frémit imperceptiblement, appréhendant la requête de Mrs Cole.
- Il m'est impossible de placer Jean dans l'une des chambres des filles, elles sont toutes pleines à craquer. Je voudrais donc que tu héberges ta camarade jusqu'à la fin des travaux.
Autant dire pour toujours, manqua de s'étouffer la petite voix de Tom.
- La chambre de Dexter Boudgy et Pete Hawkes n'est-elle pas plus grande et accueillante que la mienne, Mrs Cole ? demanda-t-il avec un sourire mielleux. Peut-être qu'elle conviendrait mieux à Miss Marsay...
- Non, j'y ai déjà réfléchi, Tom. Tu es le seul à posséder encore une chambre individuelle, et tu me parais aussi être le seul assez mature pour ne pas avoir de comportement... indécent avec Jean.
- Mais, si je peux me permettre...
- Il n'y a pas à discuter, jeune homme, vous partagez désormais la même chambre. Je vous laisse installer ses affaires Martha et John devraient apporter un matelas et un sommier dans une demi-heure. Je vous laisse faire davantage connaissance, et Tom, tu veilleras à guider Jean vers le réfectoire pour le dîner.
- Bien, Mrs Cole, répondit-il sans desserrer les mâchoires.
- Parfait. Alors, à plus tard, les enfants, soyez sages, dit-elle sans vraiment réfléchir en retournant vaquer à ses occupations.
Sans doute boire un nouveau coup de gin, pensa Tom. Il tentait de contenir sa colère à l'idée de sacrifier sa solitude pour la compagnie d'une fillette. A la moindre gêne, il n'hésiterait pas à lui faire savoir qui était le maître. Au moins, elle ne semblait pas bavarde, puisqu'elle n'avait toujours pas utilisé ses cordes vocales. C'était déjà ça. Rien de pire qu'une gamine qui piaille sans interruption. Perdu dans ses réflexions, il n'avait pas remarqué que la fille avait ramassé un vieux sac miteux dans ses bras. Elle le serrait contre elle comme s'il s'agissait de sa plus précieuse possession, et fixait le garçon de ses yeux immenses. Elle n'avait toujours pas franchi le seuil de la porte, et son regard demandait la permission d'entrer, avec un mélange sauvage d'appréhension et de défi. Tom la considéra un moment, puis finit par ouvrir la porte de l'armoire ancienne, seul véritable meuble de la chambre en dehors de la chaise en bois dur et du lit métallique.
- Tu peux ranger tes affaires dans les deux rangées du bas, et interdiction de fouiller les miennes, lâcha-t-il. Pas question non plus de t'étaler sur la chaise et sur le sol, sauf sous ton lit. Et tu feras ta part de ménage, bien sûr.
Elle acquiesca doucement, et avança prudemment dans la chambre. Seuls les sifflements du vent agrémentaient le silence. La gamine rangea son peu d'effets personnels sur une seule planche, referma précautionneusement l'armoire, et resta debout à l'endroit où son lit se tiendrait dans quelques minutes. Elle n'avait pas lâché son sac désormais vide, et il pendait devant elle au bout de ses bras, tout comme ses nattes pendouillaient mollement sur ses épaules fines. Tom remarqua des entrelacs qui se distinguaient du cuir usé de la sacoche. Il fronça les sourcils, essayant de comprendre ce que représentait le dessin. Il s'aperçut enfin qu'en fait de dessin, c'étaient plutôt des lettres gauchement cousues dans le cuir. J.H.M. Jean H. Marsay ?
- Tu as un deuxième prénom, n'est-ce pas ? C'est Jean Helen ? Jean Holly ? Helga ? Harmony ?
La fillette le regarda avec des yeux effarés. Il semblait avoir visé juste, mais l'air paniqué de Jean indiquait qu'il s'agissait d'un point sensible. Elle n'en resta pas moins mutique. Une fois de plus, il sentit une vague de curiosité l'envahir. Mais une autre vague de curiosité, bien plus importante et physique cette fois, s'écrasa contre la porte de la chambre.
- Poussez-vous, on va pas pouvoir faire rentrer l'lit à ce train ! dit la voix excédée de Martha de l'autre côté de la porte. Tom ! Tom ! Viens donc aider John à porter l'sommier pendant qu'je r'tourne chercher – Janet, s'il te plaît, j'te recoudrai ton doudou plus tard – pendant qu'je r'tourne chercher l'matelas !
Tom s'exécuta, le visage fermé, et aida John à se frayer un passage parmi les marmots piaillant à sa porte. Son regard noir les avait partiellement calmé. Il imposait toujours une sorte de crainte aux autres élèves, même aux plus costauds que lui. Il fallut un long quart d'heure pour installer le lit et fermer la porte aux nez des curieux. Et encore, il semblait à Tom qu'il pouvait entendre quelques murmures derrière le vieux panneau de bois. Dans la pièce, le silence était pesant entre les deux enfants. La gamine s'assit sur son lit, qui grinça malgré son poids visiblement très léger. Tom soupira. Adieu, sa douce tranquilité. Il se dirigeait vers la fenêtre où les trombes d'eau continuaient de se fracasser, lorsqu'une petite voix un peu plus grave que ce qu'il aurait imaginé se fit entendre.
- Merci.
Il se tourna vers la môme, surpris et il faut l'avouer presque enchanté d'entendre enfin un mot franchir ses lèvres. Il croisa son regard sincère aussi gris que le ciel que l'on pouvait apercevoir par la fenêtre. Elle l'intriguait vraiment. Elle ne pleurait pas comme les autres enfants qui arrivaient à l'orphelinat, et son air buté et un peu méfiant, non, fier, lui plaisait. Et lorsqu'ils s'adressèrent mutuellement quelque chose qui ressemblait à un sourire sincère, un faible rayon de soleil sembla percer les nuages pour éclairer la petite chambre.
En espérant que cela vous a plu, la suite est en cours de rédaction et viendra dans un ou deux mois, car j'ai d'autres projets en parallèle (dont mon master, notamment !). Vous pouvez retrouver des fanfics bien plus légères sur mon compte (OS personnalisés), ou sur un compte que je partage avec une amie (Suserell) avec une histoire écrite par nous-deux (Un blaireau, un aigle et deux crétins) et une histoire bien plus soombre écrite par mon amie (L'Ombre de la Marque).
Merci d'avance pour les éventuelles reviews, et merci d'avoir lu jusque là !
