Avis aux lecteurs : Nombreux(ses) sont ceux/celles qui m'ont demandé une suite à Diables d'elfes! J'en ai eu l'idée assez vite, mais l'inspiration pour l'écrire, elle, a tardé et j'ai écrit d'autres textes dans l'intervalle.

Quoiqu'il en soit, voilà la suite en question. Comme dit dans le résumé, Fili y tient un rôle plus important mais que tous ceux qui voulaient savoir comment les choses allaient se passer pour Kiriel, la fille de Tauriel et Kili, se rassurent : nous la retrouvons ici âgée de cinq ans, ainsi que ses parents, et tous tiennent une bonne place dans l'histoire.

Je signale au passage qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu la première fic pour suivre celle-ci.

Je vous souhaite une bonne lecture et de très joyeuses fêtes de fin d'année.

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Thorin secoua la tête d'un air de commisération et reformula lentement :

- Kili ne compte plus pour la succession, son enfant ne compte pas du tout. Il est de ton devoir de prince héritier de prendre femme et d'engendrer des descendants.

Atterré, Fili considéra son oncle en hochant la tête à son tour, comme s'il ne pouvait encore se convaincre de ce qu'il venait d'entendre.

- Tu n'as vraiment pas de cœur ! explosa-t-il finalement. Comment peux-tu dire une chose pareille ?

- Ce qui est surprenant, c'est que j'ai à le dire ! répliqua sèchement Thorin. Ta nièce ne peut prétendre au trône d'Erebor, Fili. Ni elle ni aucun des enfants qui peuvent encore naître de l'union de ses parents.

- Ma nièce ?! vociféra le jeune nain. MA nièce ?! Elle est aussi TA petite-nièce, au cas où tu l'aurais oublié ! Et bien qu'elle soit à moitié elfe…

Il s'interrompit un instant, regardant Thorin des pieds à la tête comme s'il le découvrait pour la toute première fois de sa vie :

- … je croyais bêtement que tu l'aimais, termina-t-il.

- Que je l'aime ou non n'entre pas en ligne de compte.

- Sans doute pas. D'ailleurs, qu'est-ce qui entre en ligne de compte, pour toi ?

Fili devenait acerbe. Thorin fronça les sourcils.

- A part TON trône, TON Arkenstone, TA royauté….

- Toutes choses dont tu es l'héritier, répliqua Thorin d'un ton dans lequel roulaient de sombres menaces. En épousant une elfe, Kili a renoncé à sa place dans la succession et en a privé ses enfants. Il ne reste plus que toi. Aussi est-il de ton devoir de te marier à ton tour et d'avoir des successeurs.

- Tu as autorisé le mariage de Kili, je te rappelle.

- Disons plutôt que j'y ai été contraint. Cela étant, si je l'ai finalement accepté, c'est parce qu'il n'était que le cadet.

- Contraint ?! Alors c'est… c'est ta façon de le punir pour être tombé amoureux d'une elfe ? C'est ça ? Ou bien c'est une vengeance contre Tauriel ?

Thorin fut si stupéfait par ces dernières paroles qu'il demeura un instant sans voix.

- Mais qu'est-ce que… commença-t-il. Qu'est-ce que tu vas chercher, Fili ?! Je ne sais même pas pourquoi tu ne cesses de me parler de ton frère, alors que c'est de toi dont il s'agit.

- Je parle de lui parce que tu viens de me déclarer que sa fille n'avait aucune espèce d'importance, ni même d'existence pour toi !

- Tu as bu ou quoi ?! hurla Thorin, furieux. Je n'ai jamais dit une chose pareille ! J'ai dit que la petite ne pouvait pas prétendre au trône et qu'il était de ton devoir d'héritier de te trouver une épouse qui puisse, elle, prétendre au titre de reine d'Erebor quand tu me succèderas !

- Ça revient au même ! Tu refuses de reconnaître Kiriel comme une héritière de Durin !

- Mahal ! Je parle l'elfique ou c'est toi qui est subitement devenu idiot ? Ou alors tu le fais exprès ?! Je te préviens que si tu te fiches de moi….

- … je ne tarderais pas à le regretter, compléta Fili, amer.

- Je ne tolèrerai pas que tu te dérobes à tes obligations, Fili, dit encore Thorin, d'un ton radouci mais cependant très ferme. Tu seras roi après moi et tu te dois d'avoir une descendance pour faire perdurer la lignée. Ce qui implique une épouse, et une épouse de notre race, capable d'engendrer des héritiers qui seront reconnus par tous.

Fili sentit un début de panique monter en lui, indépendamment de sa colère et de la révolte qu'avaient engendrée en lui les paroles de son oncle, notamment à propos de Kili et de sa fille. Thorin et lui s'affrontèrent un instant du regard. Le jeune nain connaissait suffisamment bien son oncle pour reconnaître l'expression qu'il arborait en cet instant : le Roi sous la Montagne n'avait pas lancé ces paroles en l'air, c'était quelque chose à quoi il devait penser depuis un moment et il serait désormais inébranlable dans sa décision. Comment, songea Fili, qui eut l'impression de sentir ses entrailles se tordre, comment pourrais-je refuser d'obéir à un ordre de mon roi ? Mais tout de même !

- Je ne connais personne qui réponde à tes exigences, répliqua-t-il cependant, plutôt sèchement.

- Eh bien trouve-la.

Furieux, Fili ne put s'empêcher de lancer, par pure provocation :

- Je suis surpris que tu ne m'annonces pas que tu as déjà quelqu'un sous la main et que je dois l'épouser dans la semaine !

Thorin fronça les sourcils en lui jetant un regard d'avertissement et conclut :

- Je te donne un an, Fili. Un an jour pour jour pour trouver une promise. Dans un an d'ici, tu devras être fiancé ou marié. Et ne t'avise surtout pas de prendre mes paroles à la légère.

- Oh, articula le jeune nain entre ses dents, le regard noir, oh, je ne m'y risquerai pas… mon oncle… ou devrais-je dire : Votre Majesté ?

Thorin préféra ne pas répondre.

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Fili était tellement furieux qu'il en bégayait. Ses poings étaient si crispés que ses jointures étaient devenues blanches, un sifflement de mauvais aloi emplissait ses oreilles et la révolte bouillonnait en lui à l'en étouffer. La révolte et quelque chose qui ressemblait désagréablement à de la peur… un sentiment insidieux et froid qui avait enroulé un mince tentacule autour de son cœur… car au fond de lui, même s'il rejetait encore cette idée de toutes ses forces et de toute sa hargne, non seulement il savait que Thorin ne reviendrait pas sur ce qu'il avait dit et que lui-même ne pouvait en aucun cas ne pas se soumettre à sa décision, mais encore, une part de lui-même savait que tout ce que son oncle avait dit était vrai. Or, Fili NE VOULAIT PAS que ce soit vrai. Il refusait de l'admettre. Il aurait voulu arracher cette idée de lui-même, il aurait voulu pouvoir l'extirper de son être et… et la… détruire, l'annihiler, faire en sorte que… que jamais…. que… jamais il n'avait éprouvé un tel sentiment d'injustice. Les paroles de Thorin résonnaient encore dans sa tête et lui donnaient envie de hurler, de hurler de rage, de frustration, de rancœur….

Il arpentait les couloirs d'Erebor au pas de charge, sans savoir où il allait ou même s'il allait vraiment quelque part, mais il se rendit compte soudain que, instinctivement, il s'était dirigé vers les appartements de son frère. Evidemment… de qui d'autre aurait-il eu besoin en un tel moment ?

Fili frappa à la porte en s'efforçant de dominer sa colère, de manière à ne pas agresser ses interlocuteurs. Il n'entendit rien mais la porte s'ouvrit en douceur, sur les mèches rousses de Tauriel qui lui sourit.

La jeune femme tressait désormais ses cheveux à la manière des naines et s'habillait comme elles, sauf lorsqu'elle se rendait aux terrains d'entraînement ou qu'elle partait se promener à cheval. Les naines ne sortent quasiment jamais, ou du moins très rarement, mais Tauriel n'avait jamais pu s'y faire. Elle avait besoin de grand air et de mouvement, elle aimait monter à cheval et effectuer de longues chevauchées. Heureusement, personne ne semblait s'en offusquer. A vrai dire, si difficiles qu'aient été les premiers temps de sa vie à Erebor, tout le monde à présent était si accoutumé à sa présence que l'on ne remarquait presque plus sa taille élancée, sa peau laiteuse et ses oreilles pointues. Il aurait été faux de dire que tous les nains l'appréciaient, ou même que sa présence était indifférente à tous, mais du moins personne ne lui prêtait plus vraiment attention.

- Fili, fit-elle.

- Bonjour, Tauriel.

La voix de Fili était rauque, bien qu'il s'efforce de la maîtriser. La jeune femme ne fut pas dupe et arbora un air inquiet :

- Quelque chose ne va pas ?

- Je… non... Je voulais… est-ce que Kili est là ?

Elle secoua la tête.

- Je crois qu'il est aux terrains d'entraînement. Kiriel fait la sieste, nous le rejoindrons sans doute lorsqu'elle sera éveillée.

- Merci. Excusez-moi.

Il tourna les talons et s'éloigna, suivi par le regard inquiet de sa belle-sœur.

Kili se trouvait bien aux terrains d'entraînement, engagé dans un furieux duel à l'épée avec Ori. Celui-ci avait bien profité des leçons de Tauriel et se défendait très bien, désormais. Sentimental, il avait conservé son vieux lance-pierre en souvenir mais en avait fait faire une copie exacte qu'il avait offerte à la petite Kiriel. Si les parents de la fillette avaient trouvé le geste plutôt touchant, le cadeau lui-même leur avait quelque peu fait froncer le nez. Agée de cinq ans, la petite "nelfe" ainsi que l'appelait son père pour la taquiner, s'était entendu interdire strictement l'usage de ce qu'elle considérait comme un nouveau jouet à l'intérieur des appartements ou des galeries d'Erebor.

- Comme toutes les armes, au terrain d'entraînement uniquement, avaient-ils dit.

Comme tous les enfants, Kiriel n'obéissait pas toujours. Mais une première fois, son père l'ayant surprise à jouer du lance-pierre dans sa chambre, il le lui avait confisqué. Il était très rare que Kili punisse sa fille, c'était même la première fois. Il était béat d'admiration devant elle et se laissait toujours attendrir mais, pour une fois, il avait tenu bon... deux jours durant. Après cela, Kiriel s'était tenue tranquille un moment puis n'avait pu s'empêcher de recommencer. Afin de ne pas être surprise cette fois, elle s'était rendue en catimini dans la meilleure cachette, le meilleur refuge qu'elle connaissait : le cabinet de travail de son grand-oncle Thorin, sachant que ce dernier n'y était pas puisqu'il était en visite officielle à Dale. Tout s'était bien passé, elle était certainement la seule à Erebor à avoir l'audace de venir dans cette pièce sans y avoir été conviée et ne risquait donc pas d'être surprise cette fois. Oui, tout allait très bien, jusqu'à ce que l'un de ses tirs, mal ajusté, pulvérise le flacon d'encre posé sur le bureau, lequel avait répandu son contenu sur les parchemins qui s'y trouvaient... oups !

Accoutumée depuis toujours au ton bourru et aux ronchonnements de son grand-oncle, la fillette n'en était guère impressionnée et savait que Thorin finissait toujours, lui aussi, par en passer par là où elle voulait. Ou disons presque toujours. Mais quand même, cette fois, elle se doutait qu'il allait être très fâché. Il la gronderait sûrement et se plaindrait d'elle à ses parents, ce qui aurait sans doute pour conséquence de se voir à nouveau confisqué son jouet préféré. Peut-être pour toujours, cette fois. La panique envahit la petite fille. Une seule solution, un seul secours possible dans une situation aussi grave :

- Oncle Filiiiiii !

Fili saurait quoi faire. Si Thorin essayait de conserver un semblant d'autorité envers sa petite-nièce, Fili, lui, prenait systématiquement son parti, ne la grondait jamais et était toujours de son côté.

Elle avait fini par trouver son oncle (Erebor était vaste) et s'était précipitée dans ses bras, reniflant tant et plus.

- Oncle Fi-Fili... je-je...

- Holà, que se passe-t-il, ma jolie ? avait demandé le jeune guerrier devant la frimousse défaite, en soulevant l'enfant dans ses bras.

Elle s'était nichée contre lui, avait fourré son petit museau dans le creux de son épaule.

- Oncle Fili, j'ai... j'ai fait une bêtise... je vais me faire gronder...

Et de renifler de plus belle.

- Une bêtise ? Quelle bêtise, ma petite mésange ?

Elle avait raconté.

- Ah, là... avait commenté Fili lorsqu'elle s'était tue. Là ma belle, tu vas avoir des ennuis.

L'enfant s'était cramponnée à lui de toutes ses forces et des larmes avaient perlé à ses yeux. Comme elle l'espérait, Fili avait aussitôt changé de discours.

- Non, non, ne pleure pas. Nous allons essayer d'arranger ça.

Les larmes s'étaient taries comme par enchantement.

- ... mais tu devras quand même demander pardon à Thorin...

Une moue sceptique, voire boudeuse.

- De toute façon, il te passe toujours tout, n'est-ce pas ? Tu n'as rien à craindre.

- Il va me disputer...

- Mais non, mon hirondelle, mais non. Je vais arranger ça.

- ... il va le dire à Papa et Maman... ils seront fâchés et... ils vont me prendre mon lance-pierre...

Les yeux bleus étaient redevenus humides.

- Il ne dira rien. Attends. Laisse-moi réfléchir. Je vais trouver quelque chose. Ça va bien se passer, tu verras.

Et ça c'était très bien passé. Fili avait réussi à intercepter son oncle avant qu'il se rende compte de quoi que ce soit, non sans avoir au préalable réparé de son mieux les dégâts. Il avait tant insisté sur la sensibilité de l'enfant qui était, assurait-il, dans tous ses états, qui pourrait très bien s'en rendre malade, etc, que lorsque le lendemain sa petite-nièce était venue le trouver, le Rois sous la Montagne n'avait fait que grommeler un vague "J'espère que tu es fière ?" avant que la petite futée ne grimpe sur ses genoux et lui promette que plus jamais, jamais, jamais, c'est promis, promis, promis ! tout ça en l'embrassant tant et plus. Quant à Kili et Tauriel, ils n'avaient en effet jamais rien su de l'affaire...

En cet instant pourtant, Fili était très loin de penser à cet épisode. Poings toujours serrés, mâchoires contractées, il attendit impatiemment que les deux nains aient terminé leur engagement. Il suffit à Kili d'un seul regard pour comprendre que quelque chose n'allait pas.

- Des ennuis ? s'inquiéta-t-il.

- Non... articula le prince héritier avec peine. Je veux... Je vais faire un tour à cheval et je me demandais si tu avais envie de m'accompagner ?

Kili comprit parfaitement le message et opina. Sans prendre la peine d'aller se rincer le visage et les mains, ruisselant de sueur, il suivit son frère aux écuries. Tous deux sellèrent leurs poneys et partirent au trot. Fili arborait une mine si sombre que le cadet pour une fois tint sa langue, espérant que les confidences viendraient d'elles-mêmes.

- On galope ?

Fili acquiesça d'un signe de tête et ils lancèrent leurs montures.

Deux heures plus tard, ils s'arrêtèrent près d'un paisible cours d'eau et mirent pieds à terre pour laisser les bêtes s'abreuver. Tandis que les poneys buvaient en soufflant, Fili s'accroupit au bord de l'eau. Kili, sans mot dire, observa ses sourcils froncés, ses mâchoires contractées, ses doigts qui se crispaient sur ses vêtements et dit simplement :

- Alors ? Tu vas enfin me dire ce qui te contrarie autant ?

Fili arracha rageusement du sol une poignée de cailloux et la lança avec fureur dans le courant. Puis il se releva et, comme une digue qui se rompt, laissa enfin libre court à sa colère. Il cria, hurla, tempêta, racontant toute l'histoire à son frère abasourdi, il voua Thorin aux gémonies et vociféra sa révolte aux quatre vents. Lorsqu'il eut terminé, il constata que Kili, toujours assis par terre, le regardait avec ahurissement. Un ahurissement auquel se mêlait une bonne dose de compassion.

- Un an ! répéta Fili, indigné. Sa Majesté me donne royalement un an pour trouver une épouse ! Comme si c'était là une « chose » qu'on trouve sur commande !

Kili secoua la tête :

- C'est à moi que tu devrais en vouloir, observa-t-il calmement. Pas à Thorin.

C'était si inattendu que Fili en perdit momentanément la parole. Il ouvrit des yeux ronds, considéra son frère presque comme s'il le soupçonnait de plaisanter, croisa son regard brun plein d'affection et eut l'impression que la réalité elle-même se dérobait à lui.

- Pourquoi je devrais t'en vouloir à toi, petit frère ? demanda-t-il enfin. Tu n'y es pour rien, toi.

- Bien sûr que si. Si j'avais épousé une naine, la question ne se poserait pas. Tu ne serais pas obligé de te marier pour engendrer un héritier.

- Tu as épousé celle que tu aimes. Et je te signale que tu as un enfant… de sang royal, même si certains ne veulent pas en convenir.

- Allons, Fili. Aucun nain n'acceptera jamais de prêter allégeance à un ou une sang-mêlé, tu le sais aussi bien que moi.

- Mais ta fille…

- Fili, ni Tauriel ni moi n'avons jamais pensé que Kiriel était une héritière possible. Cela tombe sous le sens. J'ai peine à croire que tu ne l'aies pas réalisé dès le départ.

Fili se sentit soudain perdu. Il avait sincèrement pensé que Kili le soutiendrait, qu'il défendrait les droits de son enfant, et voilà qu'au lieu de cela, il semblait se liguer avec Thorin contre lui. Après avoir considéré son frère un moment en silence, il se sentit presque vidé de toute force après son éclat et vint se laisser tomber à terre à ses côtés. Durant un moment il ne dit plus rien, jouant machinalement à tracer des motifs sans suite, du bout du doigt, sur le sol.

- C'est tellement injuste, dit-il enfin.

- De devoir te marier ?

- Non… enfin oui, aussi, mais pour Kiriel…

- Mais Fili, même si elle avait deux nains pour parents, c'est toi l'héritier du trône.

- Oui mais… mais elle, c'est la première-née… l'aînée de sa génération.

- C'est idiot, ce que tu dis. Ça n'a aucun rapport.

Fili releva la tête et regarda son frère. La colère passée, Kili vit sur le visage de son aîné paraître le désarroi et même un début de panique :

- Qu'est-ce que… qu'est-ce que je vais faire ? murmura-t-il.

- Peut-être voyager un peu ?

- Hein ?

- Tu pourrais commencer par les Monts de Fer. Tu y seras bien reçu et tu pourras faire connaissance des naines qui sont là-bas.

A nouveau Fili baissa la tête pendant un moment.

- Et si… je ne trouvais pas ? murmura-t-il enfin. Il n'y a pas beaucoup de naines... Pour des raisons que ni les plus sages ni les plus savants d'entre nous ne peuvent expliquer, notre peuple n'engendre que très peu de filles...

- Tu trouveras, affirma Kili avec confiance. Il n'y en a pas beaucoup mais il y en a. Les candidates vont se bousculer au portillon, tu vas voir. Tu as tout pour toi, elles vont se battre pour que tu les remarques.

- Mais si aucune ne me plaît ?

- Tu chercheras ailleurs. Tu finiras bien par trouver.

- Kili, « il » ne m'a donné qu'un an !

Kili se mit à rire.

- Un an, ce n'est déjà pas si mal, gloussa-t-il. Et puis, tu connais Thorin. S'il s'aperçoit que tu cherches vraiment, il te laissera tout le temps nécessaire. Tu as à peine quatre-vingt-quinze ans, rien ne presse. Il ne va pas te mettre Orcrist sous la gorge pour t'obliger à épouser une naine qui ne te plairait pas.

- Ça, ça reste à voir, bougonna Fili.

Il jeta à nouveau un caillou qu'il venait de ramasser vers le cours d'eau et ajouta, entre ses dents serrées :

- Pourquoi ne se marie-t-il pas lui-même, hein ? Pourquoi ce serait à moi de me sacrifier ? C'est SON trône, après tout. Il n'a qu'à se fabriquer lui-même un héritier direct !

Contre toute attente, Kili éclata de rire.

- Thorin, marié ?! pouffa t-il. Oh, la malheureuse !

- Tu le défendais, il y a une minute, remarqua Fili, acide.

Kili riait toujours.

- Oui, mais... mais soyons honnêtes, pour vivre avec Thorin, pour le supporter, il faut avoir grandi avec lui. On ne peut pas imposer cela à une malheureuse naine. Non, je t'assure, il vaut mieux que ce soit toi.

Fili se croisa les bras sur la poitrine et se laissa aller sur le dos, les yeux perdus dans les frondaisons qui se balançaient au-dessus d'eux.

- Je te remercie beaucoup pour ton soutien, lâcha-t-il, amer.

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Fili ne prononça pas un seul mot ce soir-là au dîner. Sitôt la dernière bouchée avalée, il se rendit auprès de Balin. Il avait beaucoup d'affection pour son ancien précepteur et n'avait jamais trouvé sa sagesse en défaut. Il lui exposa l'ultimatum de Thorin, ses propres doutes ainsi que sa révolte et finit par demander, plus abrupt qu'il ne l'aurait voulu :

- Thorin estime que Kili n'a plus aucun droit sur le trône... et s'il m'arrivait malheur ? Si je disparaissais sans avoir de descendant ?

Balin le regarda avec sympathie avant de répondre sans hésiter :

- Dans ce cas il n'y aurait que deux possibilités pour que le trône d'Erebor demeure l'héritage de ta lignée, Fili : que Thorin engendre lui-même un héritier ou que Kili répudie son épouse elfe et abandonne son enfant.

- Jamais Kili ne commettrait une pareille infamie, une telle lâcheté ! s'écria Fili, scandalisé par une telle éventualité.

- Je le sais, répondit tranquillement Balin. Nous le savons tous. Jamais il ne s'y résoudrait, pas même pour le trône d'Erebor. Et Thorin, en tant que roi, peut ordonner bien des choses, mais pas à un nain honorable de rompre ses serments et ses engagements.

- Et si...

- Et si Thorin et toi disparaissiez, en l'état actuel des choses, alors le trône reviendrait à l'autre branche des fils de Durin, à savoir Dain.

- Et ma mère, alors ? demanda Fili avec rudesse. Elle est la descendante directe de Thror, la fille de Thrain.

- En effet, opina Balin. Dis pourrait faire valoir ses droits, nos lois ne s'y opposent pas. Seulement, ta mère est veuve et vous êtes ses seuls enfants, Kili et toi. Ainsi, que se passerait-il à sa mort ? Devrait-elle se remarier ? Il est fort rare que les nôtres contractent un second mariage, tu le sais. Nous sommes trop possessifs, nous les nains, trop attachés et trop jaloux de tout ce que nous "possédons". Par ailleurs, même si Dis se remariait, cela ne signifie pas qu'elle donnerait encore le jour à un enfant et donc, la situation en reviendrait exactement au même point : plus aucun héritier issu de la lignée de Thror. De toute manière, si Thorin et toi disparaissiez, beaucoup seraient opposés à ce que le trône revienne à ta mère. Ils préfèreraient Dain. Et entre nous, Fili, je ne suis pas certain, connaissant Dis, qu'elle aurait très envie de régner sur Erebor. Elle n'a jamais été élevée dans ce but et je ne crois pas qu'elle l'ait jamais regretté.

Balin posa sa main sur l'épaule du jeune guerrier et ajouta gentiment :

- Thorin a raison, mon garçon. Tu es le prince héritier et je t'ai autrefois enseigné ce que cela impliquait, n'est-ce pas ? Il est bel et bien de ton devoir de te marier avec une naine pour en avoir des enfants.

Fili, cette fois, ne trouva plus rien à objecter. Il avait épuisé les ressources de son esprit et de son imagination en la matière et, le cœur battant à grands coups, il comprenait à présent que rien ne pouvait le dispenser d'accomplir ce fameux devoir dont on lui rebattait les oreilles... de faire ce pour quoi il était né et avait été élevé...