Yo !

C'est un petit OS écrit pour la Nuit du FoF sur le thème Prier et qui est fort inspiré par ma lecture encore en cours du roman autobiographique Le jour où Nina Simone a cessé de chanter, qui parle de la comédienne franco-libanaise Darina Al-joundi, co-écrit par le journaliste Mohamed Kacim, et qui est très très chouette.

Voilà, donc ça parle un peu de guerre, donc j'ai mis rating T, mai rien de graphique n'est abordé, c'est surtout le contexte qui est d'une violence difficile à évaluer.

Bonne lecture !

Je me suis levée de ma chaise et

Je me souviens du jour où la radio a diffusé la nouvelle. J'avais quinze ans, j'étais en France depuis dix ans. Je n'avais pas beaucoup de souvenirs de ma vie à Beyrouth, je savais juste que c'était beau, et fleuri, et chaud, et que Maman ne voulait pas en parler.

Ce n'était même pas une nouvelle exceptionnelle. Quelques mots de plus, quelques morts de moins, la guerre n'était pas à ça près et ne le serait jamais – pourtant c'est ce jour-là, le 7 décembre 1975, quand les phalangistes ont tiré sans penser et abattu deux cents musulmans que je me suis levée de ma chaise, emplie d'une fureur qui ressemblait à un vertige.

J'avais quinze ans, et entre les cigarettes, le lycée et les copains, je me sentais adulte. Quand je me revois à l'époque, je ne sais pas si j'ai plus honte de ma naïveté ou si j'en suis jalouse. La mort était une idée lointaine pour moi, et pourtant je me sentais proche de ces gens qui mouraient sur la terre où j'avais appris à marcher. C'est ce qui m'a poussé à y retourner, presque dix ans plus tard, ce qui a fait de moi la femme que je suis aujourd'hui.

Mes deux parents étaient chrétiens. De tout ce que je sais d'eux encore aujourd'hui, ils n'ont jamais soutenu ni approuvé les actes commis par les phalangistes – mais je me souviens qu'ils retenaient leurs larmes quand les bourreaux des musulmans devenaient à leur tour des victimes, avant d'être à nouveau bourreaux.

J'avais quinze ans, et à part ce mouvement brusque qui m'avait fait me lever de ma chaise, rien ne changea visiblement dans ma vie. J'étais toujours la petite chrétienne du Liban exilée en France, qui allait plusieurs fois par semaine chez les Sœurs avec sa famille, pour la messe. J'étais toujours cette adolescente qui aimait le sport et se débrouillait en mathématiques, qui jouait avec les garçons de ses grand yeux bleus et de son accent ravageur.

Mais tout avait changé. Quand je m'asseyais sur les chaises de la chapelle, je pensais, Dieu, les gens se battent pour toi et contre toi, et en même temps. Les gens meurent et tuent parce qu'ils ne te parlent pas au même endroit. Mon peuple, mon peuple entier, peuple libanais, t'aime – et ils deviennent des monstres au nom de ce qui les unit, parce qu'ils ont plusieurs noms.

Je n'ai rien fait. Je n'ai rien dit. Je n'ai rien écrit ce jour-là. Mais je n'ai plus jamais prié.

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Voilà ? Review ?

À très vite, des bisous tout le monde !