Titre : Hippolyte
Genre : Tragédie, Souffrance/Confort, Famille
Rating : T
Résumé : Phèdre, reine belle et froide. Un pic à la place du cœur, du venin à la place des paroles. Phèdre, reine belle et froide, réchauffée par le plus vertueux des cœurs. Un amour à sens unique, pour l'un comme pour l'autre.
Note de l'auteur : Bonjour tout le monde ! Alors voilà point de vue sur l'histoire de Phèdre, un personnage de la mythologie que j'ai toujours détesté. Oui, vous avez bien lu, j'ai bien écris sur un personnage que je déteste. Détestais en fait. Au fur et à mesure que j'ai écris sur elle, eh bien, j'ai commence à moins la détester... '
bref j'espère que vous apprécierez chers lecteurs !
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Chapitre 1 : Trézène
« Regarde ! Une narcisse !
— Une narcisse ? Qu'est-ce que c'est ?
— C'est cette fleur blanche, là, regarde !
— Oh comme elle est belle ! Dis Ariane, est-ce que je peux la cueillir ?
— Hm... je ne sais pas. Tu sais, derrière cette fleur se cache une légende. Une légende très sombre... Tu veux que je te la raconte ?
— Oh oui ! Raconte-là moi, raconte-là moi !
— Eh bien vois-tu petite sœur, il y avait fort longtemps, un très beau jeune homme à qui- »
Une secousse.
« Ariane ! »
Des paupières s'ouvrirent avant de papillonner. Après s'être habituées à la lumière, les pupilles grises scannèrent les alentours et le souvenir revint peu à peu.
Elle était sur un chariot qui l'emmenait pour Trézène, la cité méridionale dans laquelle avait grandi son époux, le grand Thésée. Et Phèdre ne comptait plus le nombre d'histoires qu'on lui avait raconté à son sujet : Thésée le héros, Thésée le justicier, Thésée contre le Minotaure...
Pour sa part, de Thésée, elle retenait surtout le souvenir de leur première rencontre. À l'époque elle n'avait pas sept ans, mais elle se souvenait parfaitement de ce grand garçon aux longs cheveux bouclés et aux yeux marron. Elle se souvenait du trouble d'Ariane et de ses joues enflammées. Elle se souvenait d'avoir fait le guet tandis qu'Ariane le rencontrait en cachette. Elle se souvenait d'avoir aimé être sa confidente même si la fillette qu'elle était ne comprenait pas toutes ses paroles. Elle se souvenait des adieux et des pleurs de sa sœur.
C'était le temps de l'insouciance, de l'aventure, de l'ignorance. Le temps où « adieu » était synonyme « d'au revoir ».
« Ariane...»
Treize années s'étaient écoulées depuis ce jour fatidique sur la plage. Treize ans depuis les pleurs et la blondeur d'Ariane, treize ans durant lesquelles elle avait pu entendre les exploits du grand Thésée, ses prouesses au combat, sa valeur en tant que chef et sa générosité. Treize ans à penser qu'Ariane était l'épouse de ce valeureux guerrier, la femme que l'histoire occultait mais que le héros magnifiait. Treize ans à croire qu'Ariane, bien que loin d'elle, vivait heureuse et comblée.
Jusqu'à ce jour où Thésée se présenta en Crète pour un voyage diplomatique.
Une nouvelle alliance entre les deux royaumes, symbolisée par un mariage entre le roi d'Athènes et la princesse crétoise, telle était la proposition de Thésée à Deucalion, le nouveau roi de Crète, son frère.
Un excellent parti, un homme précédé par sa réputation et une union très profitable pour la Crète, il n'en fallut pas plus à Deucalion pour être séduit par la proposition.
Quant à elle...
« Nous sommes arrivés ma reine. »
Phèdre émergea de ses pensées en décrochant sa main de sa joue et jeta un coup d'œil aux alentours. Effectivement, ils étaient arrivés. De hautes colonnes ioniques, dominant la ville basse, voilà comment s'érigeait le palais de Trézène.
« Permettez-moi de vous aider à descendre. »
La princesse crétoise posa sa main sur la paume du cocher et coula sur la terre ferme. Elle rejeta d'un geste impérial les quelques boucles brunes qui encadraient ses traits figés et pénétra dans le palais. Elle y fut accueillie par son époux en personne.
« Si ce n'est pas ma tendre épouse !
— Monseigneur. »
Elle ponctua ses paroles d'une courbette et Thésée sourit, complètement charmé. Il lui attrapa ensuite la main et la baisa longuement, ses yeux sombres fixés sur son corps. Elle ne laissa rien transparaitre du dégoût et de la colère qui l'envahirent et rendit son regard à son époux.
Elle avait accepté la proposition de mariage. Non pas pour les beaux yeux de Thésée, son statut de roi ou ses exploits. Non, elle l'avait fait pour une seule raison : découvrir ce qu'il était advenu d'Ariane.
« Hippolyte, viens par ici ! »
Phèdre sortit de sa torpeur et suivit le regard de Thésée. Au loin, derrière une colonne, se tenait une ombre. Une ombre qui s'avança vers la lumière, laissant apparaitre un jeune garçon. Douze ans à première vue, peut-être quatorze si l'on en croyait sa fine musculature.
« Hippolyte, laisse-moi te présenter mon épouse, Phèdre. »
Le garçon la détailla, un brin curieux, un brin sauvage. Il portait visiblement bien son prénom.
« Phèdre, voici mon fils, Hippolyte. Il n'a pas encore quinze ans mais ses prouesses à la chasse et ses talents de cavaliers en font déjà un guerrier prometteur ! »
Le garçon baissa légèrement la tête. Ses cheveux raides étaient coupés très courts, à l'opposé total de son père.
« J'ignorais que vous aviez un fils Monseigneur. Qu'est-il advenu de sa mère ? »
Thésée sembla légèrement embarrassé. Il jeta un regard en coin à son fils qui avait les yeux fixés sur lui.
« Antiope nous a quitté il y a longtemps. Hippolyte n'était qu'un enfant. C'est ma propre mère qui l'a élevé mais elle est également morte peu de temps après. »
Phèdre observa tour à tour père et fils, les lèvres pincées en signe de mécontentement. Tout cela était fort ennuyeux.
« Bien, maintenant que les présentations sont faites, je peux vous annoncer la nouvelle à tous les deux. Je repars pour la mer dès demain.
— Quoi ? »
Murmure d'incompréhension. Les pupilles grises s'écarquillèrent.
« Oui ma Dame. Je reprends la route demain. Des affaires à Athènes et une autre quête en mer m'attendent. Mais soyez certain que je remplirai mes obligations d'époux avant de prendre le large. »
Sur ces derniers mots, il lui baisa à nouveau la main et s'en alla, sa toge de roi se balançant au rythme de ses pas. Phèdre ne le quitta pas des yeux jusqu'à ce qu'il n'advint plus qu'un point. Elle soupira lourdement, porta sa main à son front, agacée, avant d'être interpelée par un détail.
« Qu'est-ce que tu regardes toi ? Retourne donc à tes chevaux en bois ! »
Hippolyte — car c'est bien à lui qu'elle venait de s'adresser — sursauta légèrement, avant de froncer ses sourcils et la dévisager.
« Je ne suis plus un enfant ! Je suis un homme. Je sais chasser et monter à cheval.
— Tu m'en vois ravie. Maintenant va et laisse-moi respirer ! »
D'un geste de la main elle lui fit signe de partir. Il ne bougea pas d'un cil et continua à la dévisager silencieusement. Phèdre rougit de colère.
« Vas-tu donc t'en aller vulgaire gamin !
— Non. »
L'insolence du ton sidéra Phèdre. Le choc passé, sa main trancha l'air et s'abattit sur la joue du garçon. Il trébucha de surprise et porta la main sur sa joue brûlante. Il la regardait maintenant avec un mélange de confusion et de peur.
« Je suis l'épouse de ton père, siffla-t-elle, le regard brûlant de colère. Tu me dois obéissance et soumission ! »
Des dizaines de paires d'yeux étaient posées sur eux. Des servantes qui s'étaient arrêtées dans leurs tâches pour observer la scène. Phèdre les méprisa du regard puis aboya ses ordres.
« Qu'attendez-vous donc ? Emmenez-moi dans mes appartements ! »
Les servantes s'exécutèrent précipitamment et Phèdre se dirigea vers sa chambre. Ce n'est que lorsqu'elle se retrouva seule qu'elle laissa la tristesse inonder son visage.
« Ariane... Comment vais-je te retrouver maintenant...? »
Elle les connaissait bien les voyages de Thésée. Deux à cinq ans de navigation dans les mers. Autant d'années d'attente avant de pouvoir soutirer de lui la localisation de sa sœur.
Autant d'années à vivre dans cet endroit rempli de visages étrangers et vides...
Elle s'était piégée toute seule en acceptant ce mariage.
§...§
Un animal. Une vulgaire bête.
Voilà comment elle voyait le grand Thésée tandis qu'il gémissait et haletait bruyammenten elle. Un dernier mouvement de bassin, un dernier râle sorti de son visage crispé et il s'effondrait à ses côtés, rassasié.
Elle ne remua pas d'un pouce. Pas plus qu'elle n'avait remué durant tout l'acte.
Au début, il avait essayé d'être tendre avec elle, de la ménager. Et puis son corps dénudé eut raison de ses égards et il s'enflamma.
La douleur physique passée, ne restait plus qu'un choc.
Mais ça elle pouvait gérer. Elle saurait gérer. Elle était une femme. Et c'était le devoir de toutes femmes de savoir gérer ce genre désagrément de la vie. C'est ce que sa nourrice lui avait maintes fois répétés dans la vie.
« Tu es tellement belle Phèdre. »
Elle s'arrêta de respirer. Thésée vint se nicher autour de son cou et continua à la complimenter.
Aucune des nombreuses femmes que j'ai connues n'égalaient ta beauté. Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée. La plus belle... »
Il s'endormit.
Et les larmes coulèrent enfin sur les joues roses de Phèdre.
Finalement elle n'était pas vraiment sûre de pouvoir gérer tout ça. Pas sûre de pouvoir gérer cette nouvelle vie, son nouveau statut de reine, ses nouvelles obligations.
Thésée n'était pas le premier homme à s'extasier sur sa beauté.
Achéens, étrangers, elle ne comptait plus le nombre d'hommes qui l'avait couverte de mots doux. Des compliments, il en avait plu sur elle. Mais des compliment qui n'avaient jamais que glisser sur ce corps imperméable à tant d'égards...
Thésée n'était pas le premier à la flatter. Mais il était le premier dont les mots doux ne la laissaient pas de marbre.
Il était le premier dont les belles paroles la tuaient.
Ariane...
Qu'était-elle pour Thésée ? Une passade ? Une autre de ces conquêtes moins belle qu'elle ?
Ariane...
S'il savait combien sa sœur représentait pour elle. S'il savait quelle valeur Ariane avait pour Phèdre...
Ariane ma chère sœur, où es-tu...?
Elle se tourna vers son époux endormi et le dévisagea avant de se tourner dos à lui et se ramener ses jambes contre elle.
Où que tu sois, peu importe le temps que cela prendra, je te retrouverai Ariane.
§...§
Debout sur la plage, son navire derrière lui, Thésée faisait ses adieux à son entourage. Seule Phèdre n'était pas présente, trop éprouvée par la nuit dernière. Thésée ne lui en tenait pas rigueur; il l'avait complètement épuisée. Alors il se contenta de faire ses adieux à ses serviteurs et leur donner des instructions. Puis vint le tour de son fils, Hippolyte.
Thésée avait une réelle affection pour son fils bien que le temps et les épreuves ne leur avaient pas donnés l'occasion de bien se connaître. Mais il savait des rumeurs et des bruits que son fils était digne et valeureux. Timide, réservé, il n'en était pas moins un excellent athlète et un garçon honnête. Le roi d'Athènes s'avança vers lui, posa ses mains sur ses épaules mais se figea.
« Hippolyte, qu'as-tu au visage ?
— Ce n'est rien père », répondit Hippolyte en continuant à regarder fixement devant lui.
Thésée passa ses doigts sous le menton de son fils, souleva son visage et observa la trace rouge sur sa joue. Il jeta ensuite un regard inquisiteur aux servantes. Elles baissèrent la tête mais l'une osa parler.
« Monseigneur, c'est-à-dire que... c'est votre épouse qui a fait cela.
— Mon épouse ?
— Oui monseigneur. »
Elle ponctua ses paroles en baissant la tête. Thésée revint à son fils.
« Est-ce vrai mon fils ?
— Oui père. »
Thésée observa tour-à-tour ses serviteurs et la chair de sa chair avant de soupirer.
« Je dois te dire que je suis profondément déçu Hippolyte. Déçu par toi mon fils. »
Le garçon réagit et observa son père, blessé.
« Cela ne fait pas un jour qu'elle est arrivée que tu l'as déjà mise en colère. J'en attendais plus de toi, mon fils.
— Je...Je suis désolé père. »
Son fils s'inclina respectueusement. Thésée posa sa main sur son épaule droite.
« Mon fils, ta mission en mon absence, sera de veiller sur mon épouse. Elle est ma plus précieuse possession et je ne veux pas qu'il lui arrive quelque chose. »
Sentant la réticence de son fils, Thésée soupira intérieurement. Il ne pouvait pas laisser la situation dans cet état. Il ne pouvait pas laisser la haine et la division fleurir au sein de sa famille. Alors il décida d'annoncer les choses autrement.
« Hippolyte, Phèdre est mon épouse, ça tu le sais. Mais est-ce que tu sais ce que cela signifie pour toi ? »
Hippolyte fit mine de réfléchir avant de secouer la tête. Thésée lui souffla la réponse.
« Cela signifie que Phèdre est une mère. Une seconde chance pour toi. »
Le regard de son fils s'éclaira.
« Une mère ?
— Oui fils. Une mère. Et comme toutes les mères, Phèdre se montrera parfois dure avec toi. Mais en tant que fils, ton devoir sera d'outrepasser ses colères et de veiller sur elle. Est-ce que tu comprends ?
— Oui père.
— Alors tu mèneras à bien ta mission ? Une mission que je ne peux confier qu'à toi seul.
— Je ne vous décevrai pas père.
— Tu es bien mon fils. J'attendrai le récit de tes exploits athlétiques avec impatience. »
Hippolyte sourit timidement, avant de hocher la tête. Thésée sourit, soulagé. Il pouvait maintenant partir l'âme en paix :
C'est une famille unie qu'il l'accueillera à son retour.
