Essoufflé, je traversai précipitamment le campement en ruine en direction du sommet. Là-haut, un vent glacial balayait incessamment les flancs enneigés de la montagne, et aussi tenace qu'était cette jeune fille, elle y perdrait à coup sûr ma trace. J'esquissai un faible sourire tout en gravissant les pans blancs et glissants devant moi. Un rapide coup d'œil par dessus mon épaule m'assura de l'absence de ma poursuivante. Ouf ! Au moins ça. Je restais néanmoins sur mes gardes : cette fille était vraiment tenace. Aller ! encore un petit effort, un tout petit effort...
Je me glissai dans la faille d'une paroi rocheuse et me dissimulai dans l'ombre, le cœur battant. Prudence est mère de sureté, n'est-ce pas ? Et pendant que le vent hurlait et que le froid mordait mes membres endoloris, je me maudis pour la nième fois d'être vêtu du long manteau noir de l'Organisation. Idiot, idiot, idiot !
Le vent tomba d'un seul coup, me laissant voir un spectacle qui me figea un instant de stupeur. La jeune femme était là -évidemment-, mais elle n'était pas seule. Elle discutait avec un étrange groupe formé d'un canard, d'un chien et de... d'un... La fille s'en alla plutôt vexée quand il se retourna et je pus enfin voir son visage. Un bloc de glace se forma immédiatement dans ma poitrine.
S-Sora ?
Oh, ce n'était plus le petit Sora d'en temps. Il avait bien grandi et semblait plus fort et déterminé. Alors je fis quelque chose de profondément stupide, mais ô combien humain : je m'approchai de lui. Je crois bien l'avoir effrayé. Il avait sorti sa Keyblade et me menaçait avec. C'est là que je réalisai pleinement mon erreur, je devais disparaître à nouveau et vite ! Mais avant d'avoir pu esquisser le moindre geste, je la vis, la nuée de Sans-cœurs qui se déversait des cimes vers la plaine. Il fallait agir, mais je ne pouvais me trahir. Alors, silencieusement, je pointai mon doigt vers la menace. Il me jeta un regard suspicieux et se battis vaillamment. Ce qu'il avait changé ! J'étais si fier de lui. Oh, bien sûr qu'il m'asséna quelques coups, mais c'était de bonne guerre.
A la fin du combat, alors qu'il se tournait vers moi prêt à l'attaque, un éclair de compréhension traversa ses yeux. Je profitai de son immobilisme pour m'échapper. Et tandis que je courais vers le palais impérial pour annoncer qu'avec ces trois-là la Chine n'avait rien à craindre, une seule pensée occupait entièrement mon esprit : m'avait-il reconnu ?
Sora, mon ami, même au plus profond des ténèbres, je veillerai sur toi.
