Heyo mes beautés !

Ce projet-là est dans mes archives depuis un certain temps. Ça fait un bail que je l'ai pas actualisé, donc les dialogues correspondent peut-être pas autant aux personnages qu'ils le devraient, mais j'adore Le Visiteur du Futur (qui est, au passage, la propriété d'un homme magnifique dont on ne parle pas assez à mon goût : François Descraques) et j'avais vraiment envie de poster sur cette websérie. J'espère que vous apprécierez la lecture !


La machine était en place, deux genres de poteaux à environ un mètre d'écart l'un de l'autre, collés au mur. Ils faisaient un drôle d'effet au milieu de l'appartement délabré qui faisait office de repaire pour les trois comparses depuis une semaine. Henry les examinait pourtant avec une satisfaction non étrangère à son visage artificiel. Son ego gonflé à bloc ne put cependant ignorer plus longtemps la silhouette derrière lui, malgré ses vains efforts pour feindre l'indifférence.

-Inutile de te cacher comme ça, il ne va pas te mordre.

-Bah non mais il va peut-être m'envoyer je sais pas où dans le temps, c'est pas mieux.

-Raph, le traqueur de conversations instantané n'est pas un portail temporel.

-Ouais, ça c'est ce que vous disiez avant qu'il m'envoie dans le futur avec Stella la dernière fois.

-Mais ça suffit, là ça devient vexant, merde ! s'emporta le robot, en faisant volte-face vers son interlocuteur.

-C'est vexant mais c'est vrai.

-C'était une bêta !

-Mais celle-là aussi c'est une bêta, vous l'avez jamais utilisé !

-Oui mais… Oui mais tu connais beaucoup de gens qui savent faire des portails temporels, toi ? C'est pas aussi facile que ça en a l'air, OK ? Et j'fais ça pour vous moi à la base, donc si t'es pas content démerde-toi autrement pour parler avec Stella et ne me fais pas ch…

-OK, OK, pardon, vous avez raison, l'apaisa Raph. C'est sympa de me faire une machine pour que je lui parle et tout.

Le docteur sembla satisfait et se remit au travail.

-Mais vu ce qu'il s'est passé la dernière fois je voudrais quand même rester derrière vous quand vous l'activerez d'accord ?

Henry fit la moue tandis que Raph l'observait avec un demi sourire nerveux.

-Tu sais que tu me pètes vraiment les couilles, Raph.


-C'est vraiment nécessaire ?, marmonna Clothilde en se redressant machinalement sur son trône.

-Oui, j'ai l'impression, majesté, dit doucement la baronne en inclinant le visage vers elle. Cela fait déjà près d'un mois qu'Octave est mort, et l'absence d'un conseiller n'est jamais une bonne chose. Même si ledit conseiller était un satané traître manipulateur, ajouta-t-elle entre ses dents.

-Bah je sais pas, Stella a qu'à être ma nouvelle conseillère alors.

-Je crains que son statut de maîtresse et de seconde reine ne puisse pas faire d'elle la conseillère idéale. Il vous faut quelqu'un d'objectif et de distant, pas une personne dont l'avis pourrait heurter votre vie sentimentale.

-Euh… Bah… Vous, alors ?

-Moi ? Je me charge déjà de vos manières. De plus vous ne m'écoutez jamais.

-J'avoue.

-Je pensais au Voyageur du temps, mais il a d'autres choses à faire. Cependant j'aurais une suggestion… Il n'est pas très éloquent, mais il est globalement plutôt objectif, et il vaut toujours mieux qu'Octave.

-Bah dites toujours.


Le regard du prisonnier, calme mais alerte, parcourait la salle.

De là où il était, il ne pouvait voir qu'une des issues et un mur nu s'étendant au-delà de son champ de vision, ainsi que le garde qu'on leur avait assigné, qui somnolait, le menton sur la poitrine et les bras croisés.

Il observa cet homme et l'envia immédiatement, non pas parce qu'il était à l'extérieur des cellules, mais parce qu'il avait les yeux clos, et probablement l'esprit ailleurs. Pour lui aussi, une petite torpeur ne serait pas de refus. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas laissé son esprit s'échapper de la réalité et s'aventurer dans les méandres de son imagination, ne serait-ce que pour quelques secondes. Mais divaguer, même si peu de temps, n'était pas de mise quand on avait le frère le moins efficace du monde. Et surtout quand ce même frère s'était attiré la fureur meurtrière d'un homme qui non seulement était plus puissant que lui et très proche de leur prison, mais qui en plus contrairement à eux était libre de ses déplacements.

Il gratta machinalement une petite coupure, sur sa joue. Ils avaient déjà perdu Sara. Ce n'était clairement pas la meilleure personne du monde, comme Dario, à la réflexion, mais c'était leur soeur. Toute leur enfance, ils s'étaient serré les coudes pour survivre dans le monde ravagé, ils s'étaient battu ensemble. Même si leurs caractères étaient aux antipodes les uns des autres, au point qu'ils n'avaient de famille que leur nom, aucun n'était jamais parti. Sans doute par peur d'être effacés du temps, et donc par contrainte, mais quelque chose au fond de lui persistait à croire qu'il n'y avait pas que ça. Ou du moins l'espérait.

-Raul, t'as pas entendu ?

Son regard quitta la salle entourant les cellules pour se poser sur son petit frère.

Dario Lombardi était un tableau navrant. Son goût vestimentaire s'était nettement amélioré au fil des saisons, mais son comportement était resté le même. Toujours aussi trouillard, geignard, marmonnant et se plaignant à tout va, toujours à chercher une idée dans le regard des autres faute d'être assez courageux pour prendre des initiatives. Et être clôturé dans ces sous-sols n'avait nullement arrangé son asthme et sa lâcheté, ce qui ne faisait qu'empirer son attitude déjà détestable.

-Non, je n'ai rien entendu, grogna Raul, exténué. Essaie de dormir.

-Je sais qu'il est là…, murmura son cadet, tremblant comme une feuille. Il attend que je dorme pour…

-T'inquiète pas, je le laisserai pas t'approcher.

-Mais il sera sans doute armé, et toi non !

-On a un gardien, de toute façon.

-Mais regarde-le ! Il dort !

-Oh, ferme-la deux secondes, Dario, tu me fatigues !, s'exclama Raul, excédé.

Son petit frère sursauta et partit pleurnicher dans un coin. Raul soupira et se détourna, bras croisés. Il vit que le gardien, probablement alerté par son cri, s'était réveillé et marmonnait des paroles inintelligibles. Il soupira face aux traits familiers de l'homme : encore un Castafolte. Soit un ami de Mattéo, le bourrin qui en avait après son frère. Décidément, ils n'allaient pas lui faciliter la tâche, se dit-il en se redressant, repoussant le sommeil qui le menaçait encore.


-Et comme vous pouvez le voir sur ce petit écran installé au Castabot de l'un de mes confrères, j'ai pu recevoir son message m'indiquant qu'il ouvrirait un portail, prochainement, dans cette direction, à peu près, ce me semble.

-Ouais, trop cool. Je finis juste les yeux et c'est bon hein ! dit Raymond à Stella.

Contrairement à lui, cette dernière semblait passionnée par le discours que bafouillait le docteur Van Der Castafolte. Elle avait de quoi s'en préoccuper, puisqu'elle était en partie concernée.

-J'ai comme l'impression que vous ne vous intéressez pas à mon propos, se vexa le robot d'une petite voix étouffée.

-Mais si, si, c'est intéressant, continuez ! l'encouragea Stella.

-Arrête de bouger, tu vas me faire louper une ligne.

-Vous pensez à Raymond ? marmonna Clothilde en jetant un regard profondément déçu à la baronne.

Elles les observaient à l'écart, dans la grande salle du trône, et l'ensemble de leur conversation leur parvenait par échos presque assourdissants.

-Non… Enfin, ç'aurait pu, mais j'envisageais plutôt Henry.

-Pardon ?

-Il… Il n'est pas parfait mais il est très gentil et je pensais que…

-Mais c'est un robot !

-Seriez-vous automatophobe ?

-Quoi ?

-Vous êtes raciste envers les robots !

-Mais non ! Mais n'importe quoi !

-Je pensais pourtant vous avoir enseigné la tolérance...

-Mais bien sûr que non j'suis pas raciste ! Le Protecteur est un robot !

-Oui, voilà, c'est ce qu'ils disent tous, les automatophobes. "Je suis pas raciste, j'ai un ami robot". Je n'aurais jamais cru ça de vous, majesté...

-Oh vous faites chier madame la baronne !

-…

-Ok, ce sera mon conseiller. T'façon j'en vois pas d'autres disponibles donc bon. Pis contrairement à Raymond et Octave il a jamais voulu me tuer.

-…..

-ET JE SUIS PAS AUTOMATOPHOBE BORDEL DE QUEUE !


-Raul ! Raul réveille-toi !

L'aîné Lombardi frissonna et ouvrit les yeux, abasourdi de s'être endormi. Dario le tenait par les épaules et regardait en arrière, effrayé.

-Quoi... Quoi ?!

-Y a un bruit, je te jure qu'il y a eu un bruit.

Raul poussa un grognement ressemblant à un "Pitié putain" et se recoucha aussi sec, sans retrouver le sommeil cependant. Il était si bien avant qu'il ne le réveille… Les marmonnements geignards de son cadet l'agaçaient. Il n'allait plus le supporter bien longtemps. Qui sait, avec ses conneries, c'est peut-être Raul qui aura envie de le tuer au final.

La détonation acheva de le réveiller.