Le treize octobre fut le jour ou j'ai appris qu'il ne me restait qu'un an tout au plus, j'ai vingt deux ans et je vais mourir.
J'ai souvent pensé à la mort, durant mon enfance, il m'arrivait de passer des heures allongé sur mon lit en pensant à ce concept, seulement maintenant, tout était différent, ce n'était plus un concept lointain, abstrait, c'était devenu une réalité inévitable.
Après être rentré de chez mon médecin ce jour là, j'étais resté chez moi plus d'une semaine, au début, j'avais du mal à y croire, je ne voulais pas l'accepter et puis très vite, je me suis souvenu de ces enfants auxquelles il m'arrivait de penser, ces enfants qui à peine nés, mourraient déjà, je m'étais demandé si souvent pourquoi, mais il y a-t-il réellement une raison à ça? Certainement pas, comment un enfant peut-il être mourant à peine après avoir pointé le nez sur ce monde? A-t-il simplement jeté un œil pour se dire, non, ici c'est trop pourri, je n'ai pas envi d'y vivre?
Non, il n'y a pas de raison et si un enfant peut être mourant, alors moi aussi, mon âge n'y changera rien. Ma deuxième étape fut donc de pleurer, contrairement à ces pauvres gamins, j'avais eu temps de faire des projets, d'avoir des rêves et surtout, je comprenais ce qui allait m'arriver, j'ai déversé ma peine une semaine, une semaine ou je ne pouvais rien faire sans fondre en larmes. J'étais terrifié, en fait, j'étais loin de m'imaginer qu'il était possible d'être aussi effrayé, penser à l'idée de la mort et penser à sa mort prochaine était deux choses si différentes
Et puis, au bout d'un moment, j'en ai eu marre, tous le monde risquait de mourir d'une seconde à l'autre d'un simple accident, d'une rupture d'anévrisme ou de je ne sais quoi d'autre, qu'avais-je de différent si ce n'était que contrairement à la plupart des gens, j'avais une date approximative de ma fin? Je ne voulais pas passer mes derniers moments sur ce monde à me morfondre, alors, j'ai décidé que le reste de ma vie ne serait fait que de moments joyeux, je tenterais de sourire et de faire sourire les autres dans la mesure du possible.
Nous étions donc le jeudi vingt sept octobre et après m'être préparé comme à mon habitude, je partais sur mon lieu de travail, non pas pour y travailler, mais pour démissionner, pas question de passer les quelques mois qu'il me restait enfermé dans un bureau, surement pas!
Je travaillais dans une petite boite de création de site internet, j'étais en charge de tout l'administratif, ainsi que des employés en général, autant dire que je ne faisais rien de bien passionnant et dans la mesure ou je n'aurais pas le temps de construire la route me conduisant à mes rêves, je ne regrettais pas une seconde mon choix de quitter l'entreprise.
Cela ne prit pas longtemps, j'expliquai rapidement la situation à madame Jyl, sans lui parler de ma maladie et après avoir rédigé ma lettre de démission avec son aide, je partais le sourire aux lèvres me demandant qu'elle serait la meilleurs méthode pour le garder jusqu'au bout.
Mon médecin m'avait proposé un traitement, mais cela ne m'offrirait que quelques mois en considérant que ça fonctionne, je ne voulais pas prolonger ma vie par de la souffrance et cette méthode me ferait souffrir, perdre mes cheveux… je ne voulais pas de ça, pas en sachant que de toute façon, je ne pouvais être sauvé.
J'avais décidé de rentrer chez moi à pied pour réfléchir, intérieurement, je remerciais le ciel de ne pas avoir de famille, bien sur, je serais seule jusqu'à la fin, d'autant qu'il n'était pas question d'en informer mes quelques amis, mais j'étais tout de même heureuse de savoir que personne ne pleurerait en pensant à moi, une fois que je serais partis.
En rentrant chez moi, je m'étais installé confortablement sur le sofa et puis, après plus de deux heures de réflexion intense, je décidais que je voulais faire une longue randonnée, je rêvais de faire ça depuis des années, une promenade de quelques jours, seule avec la nature, je voulais faire ça.
Je téléphonais pour prendre des renseignements sur le parc naturel à une centaine de kilomètres, savoir si quelqu'un pouvait me faire une carte avec un itinéraire simple à suivre, me dire ce que je devais emmener pour trois ou quatre jours, il ne restait plus qu'à me préparer, ce que je fis pour être prête dès le lendemain matin.
Julie, l'une de mes collègues et amie m'avait téléphoner pour me demander pourquoi j'avais quitté mon poste du jour au lendemain sans prendre la peine de prévenir ma meilleur amie, je lui avais simplement répondu que j'avais besoin d'air, besoin de repenser ma vie, de trouver mon chemin. Bien sur, elle ne comprenait pas, il est vrai qu'en temps normal, je n'étais pas du genre à tout lâcher aussi vite, mais je ne pouvais pas lui dire la vraie raison, je ne voulais pas voir ce regard sur leurs visages, je ne voulais pas qu'ils soient triste jusqu'à mon dernier jour, impossible donc pour moi de leur dire. Je m'étais imaginé écrire une lettre pour leur expliquer pourquoi j'avais gardé le silence, une lettre qu'ils recevront lorsque je serais parti. Je devais d'ailleurs penser à préparer les détails, allais-je me faire incinérer ou simplement enterrer dans un joli cercueil? Qui allait hériter? Je n'avais aucune famille, du moins pas à ma connaissance et si je devais choisir, autant que mes biens aillent à ceux que j'aimais, non?
Me pinçant le menton, je réfléchis quelques secondes pour en arriver à la conclusion que je devrais prendre un avocat afin de lui demander de se charger de tout cela, mais… après ma randonnée et avant mon prochain projet.
Je me levais tôt le lendemain matin, cinq heures, après avoir éclaté mon réveil contre le mur, encore au prise avec un rêve étrange, je prenais rapidement ma douche, pris un petit déjeuner, vérifia rapidement le contenu de mon sac et m'engouffra dans ma voiture pour parcourir la centaine de kilomètres me séparant de la réserve naturel. J'étais ravi des prochains jours qui s'offraient à moi, j'avais plus qu'envie de vivre cette expérience, dommage qu'il est fallut que je tombe malade pour me rapprocher de la nature!
En partant ce matin là, j'étais loin de me douter que ce jour changerais le reste de ma vie et plus encore.
Le trajet fut plus court que je ne l'aurais cru, la musique à fond, les pensées aux prises avec des fantasmes de danse endiablé, j'avais parcourus la route sans m'ennuyer une seconde, aussi étrange que cela puisse paraitre, j'étais bien, je remerciais le ciel de n'avoir mal nulle part et le médecin pour m'avoir prescrit des antidouleurs dans le cas ou cette chance s'envolerait soudainement. J'étais déjà au stade trois lorsque le médecin m'avait annoncé la nouvelle, les symptômes étaient donc bel et bien là, parfois quelques douleurs, mais rien d'ingérables… pour l'instant…
J'avais suivis avec précision le chemin que l'on m'avait recommandé de prendre, même si j'aurais voulu vivre une immersion total, je détestais l'idée de devoir pêcher ou chasser, j'avais donc prit uniquement des paquets de chips, des biscuits, compotes et autres aliments facile à transporter et encore plus à manger.
J'étais donc arrivé devant la foret, à l'endroit même où un panneau nous annonçait la bienvenu, ma voiture était garé dans un lieu discret à quelques minutes de là, souriant aux arbres, je commençais tranquillement ma marche.
J'avais pris un livre de Weber, ses petites histoires philosophiques étaient une bonne occupation dans mon état, de la musique pour me sentir moins seule, mais au dernier moment, j'avais décidé de laisser mon téléphone portable, je ne voulais pas être dérangé par la sonnerie du téléphone en étant en pleine nature.
Après trois bonnes heures de marche profitant des gazouillements des oiseaux, de l'odeur de pin flottant dans l'air et des rayons du soleil me faisant l'honneur de sa présence, je m'installais sur une grosse pierre pour bivouaquer. Le sport avait toujours fait partit de ma vie, mais depuis quelques mois, je me sentais souvent fatigué, même lorsque je ne faisais rien, c'était d'ailleurs l'une des raisons qui m'avaient poussés à aller voir mon médecin, mon endurance disparaissait peu à peu et marcher ces quelques heures me ramena à cette réalité, je savais que je n'avais pas parcouru une très longue distance, en fait, mon rythme était pathétique, j'avais l'impression d'avoir vingt ans de plus, usé, voilà comment je me sentais à vingt deux ans, j'étais usé.
Je restais une bonne demi heure à profiter du lieu, j'avais prévu de dormir au pied de la montagne et je devais y arriver avant la nuit, donc je me levais en espérant être capable d'accélérer le mouvement et je reprenais la marche.
Il me fallut plus de quatre heure pour enfin arriver au pied de la montagne, en temps normal, j'aurais dû mettre deux fois moins de temps, mais j'étais tout bonnement épuisé et il me fallut toute ma volonté pour continuer à certains moments, le garde forestier m'avait assuré qu'on trouvait dans ce coin les plus jolis paysages, qu'il y aurait une petite rivière et que c'était très agréable et effectivement, c'était magnifique, charmant…
Après avoir ramassé mon bois pour faire un feu, je dépliais mes affaires et m'installa confortablement avec mon livre dans les mains tout en grignotant mes chips. Ce bouquin était tout simplement passionnant, il racontait l'histoire d'un homme qui commence au moment même ou celui-ci meure en se prenant un avion, oui, un avion! Il est tranquillement en train de regarder par la fenêtre lorsque celui-ci lui arrive en pleine tronche, bien évidement il meure, puis est aspiré dans l'espace ou il passe par différent stade retraçant sa vie, ses erreurs, ses pêchés, il arrive au paradis, le pauvre doit faire la queue pour être jugé… il rencontre par la suite, Marilyn Monroe et d'autres avec qui il va faire ami ami, mais sa curiosité le poussera à enfreindre les règles avec certains d'entre eux afin de découvrir ce qu'on leur cache… tout simplement passionnant, à tel point que je m'étais forcé à rester éveillé durant pratiquement toute la nuit afin d'en lire le plus possible.
J'étais tout de même parvenu à détacher mes yeux du livre en question, espérant secrètement que l'auteur ait une imagination avoisinant la réalité, même si je tentais d'y penser le moins possible, je ne pouvais m'empêcher de me poser quelques questions, je n'avais dans ma vie adopté aucune religion, mais je croyais en dieu, du moins, je voulais y croire, donner une raison à tout, parce que si notre vie n'était qu'une affaire de hasard, cela m'aurait parut trop triste. La mort de notre corps était-elle un voyage vers autre chose pour notre esprit ou était-ce simplement comme d'éteindre une machine, une lampe… le noir total en une seconde, bien sur, c'était une possibilité, mais je voulais essayer de croire en autre chose, j'en avais besoin, comme beaucoup, n'est-ce pas l'espoir qui permet de vivre? L'espoir d'un meilleur, de quelque chose de mieux dans le futur, une vie plus riche, plus vraie, une vie différente, tournant autour d'autre chose que l'argent, une vie ou on ne passe pas son temps à se battre pour essayer de survivre.
J'avais pris une demi heure pour faire ma toilette, avait mangé un petit quelque chose et puis j'étais repartis en vadrouille, dans la mesure ou je savais qu'il me faudrait revenir dans le coin pour passer la nuit, je décidais de laisser ma tente sur place, de toute façon, je n'avais pas l'intention de refaire la même distance que la veille. Il y avait moins de soleil, ce qui m'attrista un peu, mais le paysage était toujours aussi magnifique, j'avais croisé quelques cerfs, du moins, j'en avais vu deux à quelques centaines de mètre en amont de la montagne.
Deux heures de promenade plus tard, j'étais presque arrivé de l'autre côté de la montagne, bien évidemment, je ne prenais pas le chemin le plus simple, mais cela me permit de tomber sur une sorte de petite grotte, jamais au grand jamais, je n'étais entré dans une grotte et aussi stupide que cela puisse paraitre et malgré ma peur de tomber nez à nez avec un animal peu commode, je ne pouvais faire demi tour sans aller jeter un œil. J'attrapais ma lampe torche, oscillant entre l'excitation et la peur, je fis quelques pas vers le trou noir et j'entrais lentement à l'intérieur en tendant la lampe devant moi, la trouille au ventre ne m'empêchant aucunement de continuer, je m'en voulais presque d'être trop curieuse, mon imagination était si fertile que je m'étais imaginé toute sorte de scénarios étranges, mais jamais je n'aurais été préparé à ce que je trouvais après avoir parcouru quelques mètres.
