Coucou mes agneaux !

Comme je reprends mes publications tout les lundis, voilà le fameux FantaxNekoBob promis depuis si longtemps.

Je préviens, c'est guimauve. Y a même pas de mort bordel.

Donc ouais, Ranne fait aussi du guimauve, mais n'en prenait pas l'habitude hein.

Merci à Ano pour sa correction, pour une fois que ses feels n'ont pas été mis à rude épreuve... x)

Bonne lecture !


Fanta avait un mal de crâne immonde. Envie de vomir, tête lourde, incapable de se lever… La totale.

Il aurait dû moins boire hier.

Il avait fait une soirée avec des anciens potes de fac pour fêter ses cent mille abonnés sur sa chaîne YouTube, et le début de la monétisation de ses vidéos. Il avait enfin un boulot ! Sa vie prenait enfin le sens qu'il voulait.

Elle serait contente. Elle. Sa copine. Celle qui l'avait quitté deux semaines plus tôt après trois ans de relation bancale. Ce qui expliquait sûrement ses abus de la veille, lui qui ne buvait jamais d'alcool.

Il n'avait pas su trouver les mots pour la retenir, pas su la convaincre que tout s'arrangerait. Il n'arrivait pas à changer suffisamment pour la rassurer. Et de toute façon, elle méritait mieux que la loque qu'il était, il l'admettait. Mais ça n'en était pas moins douloureux.

Il parvint à s'asseoir sur le rebord de son lit et contempla le désastre qu'était devenu son petit appartement. Et bien sûr, tout le monde était partit. Fanta maugréa en se dirigeant vers son frigo, petit appareil perdu dans la cuisine, elle-même encastrée dans un des murs de son salon-chambre. Vide. Évidemment. Il se saisit d'une bouteille de bière encore à moitié pleine qui gisait sur la petite table du salon, et en but le contenu d'une traite. Rien à faire, son estomac réclamait quelque chose de consistant, et son moral, à nouveau perdu dans une des chaussettes ensevelies sous le tas de carton de pizza, réclamait de l'air pur.

Il saisit son manteau sans prendre la peine de se changer, ayant dormi habillé et se demandant vaguement comment il avait atterrit dans son lit finalement. Le réunionnais quitta l'appartement devenu taudis en claquant la porte. Il se traîna doucement vers le supermarché du coin, l'air frais fouettant son visage ayant des vertus apaisantes. Un rayon de soleil vint faire naître un sourire sur ce visage morose. Ça allait un peu mieux.

Il parvint devant le magasin, mais comme il voulait prolonger sa promenade vivifiante il le dépassa et avança davantage au gré de ses pas.

Ses pensées noires s'évanouirent parmi d'autres, plus banales ou plus originales. Il réfléchit à un nouveau concept de vidéos pour sa chaîne, à augmenter la cadence, pour remercier ces fans qui le faisaient désormais vivre, et pallier au vide récent de sa vie.

Il réfléchit longtemps, sans prendre garde à la direction qu'il prenait. Quand il revint à la réalité, ce ne fut que pour constater amère qu'il était perdu. Dans sa propre ville. Et, bien sûr, il avait laissé son téléphone quelque part dans la montagne de déchets qui fut un jour son salon. Il tenta de revenir sur ses pas, mais sans succès. Il ne fit que s'enfoncer dans une zone manifestement désaffectée, entourée de grands bâtiments gris cachant le soleil, et aux ruelles étroites et sombres.

Le gamer couard commençait à paniquer. Il accélérait de plus en plus, courant presque à travers les rues, cherchant une sortie, un indice, une direction à prendre.

Mais tout ce qu'il trouva fut un groupe de personnes à l'air patibulaire. Il s'approcha prudemment d'eux, tentant de les interpeller pour leur demander son chemin. Il y avait une fille aux cheveux longs aussi noirs que ses iris, d'une beauté stupéfiante, sa tenue relâchée et sa casquette contrastant avec son maintien stricte. La rose noire arborait un sourire carnassier effrayant, convainquant le réunionnais de ne pas s'approcher d'elle. Elle se tenait près d'un homme d'une soixantaine d'année, peut être son père. Ils ne se ressemblaient pas, le plus vieux arborant des multiples cicatrices sur son visage aux tempes grisonnantes et ses bras, mais un éclat semblable à celui de la femme brillait dans ses yeux bleus, qui étaient désormais posés sur le gamer, et son maintien militaire trahissait un passage à l'armée. Le dernier, qui venait de se retourner sur l'intrus, était un jeune homme qui n'avait pas vingt ans, et qui avait encore en lui l'innocence de la jeunesse malgré son regard fou et l'immense balafre sur sa joue maladroitement masquée par ses longs cheveux bruns lui tombant aux épaules.

Fanta n'eut pas le temps de les détailler davantage, le plus jeune venant de lui sauter à la gorge, le plaquant violemment contre un mur en hurlant. Fanta tentait de se débattre, de fuir, mais l'homme se révéla d'une force étonnante pour sa frêle carrure. Le youtubers remarqua alors ses pupilles dilatées, ses tremblements, ses yeux rougis, ses vêtements sales déchirés jusqu'aux coudes, découvrant une peau pâle et marquée. Un drogué à l'héroïne, reconnu-t-il, qu'il venait sûrement de déranger en plein achat. Il réprima un tremblement. Il connaissait bien les effets de ce produit, ayant perdu sa sœur, sa dernière famille, d'une overdose à cette saloperie. Il savait surtout qu'il y avait pas plus parano ni plus dangereux qu'un drogué en manque qui te prenait pour un ennemi.

Comme s'il suivait ses pensées, le plus jeune le lâcha brutalement, recula d'un pas, et dégaina un revoler depuis son dos, qu'il pointa à cinq centimètre du crâne dégarni, pile entre les deux yeux de Fanta.

En fait, si, il y avait plus dangereux : un drogué en manque qui te prenait pour un ennemi, et qui était armé.

Le gamer ne perçut que de loin le « Martin, non ! » hurlé d'une voix bourrue à l'accent russe, mais perçut très nettement le « Ta gueule Igor » alors que la main tremblante se crispa sur l'arme. Le drogué stabilisa son engin de mort avec sa seconde main, sourd aux suppliques d'un Fanta tétanisé par la peur, et pressa la détente.

La dernière chose qu'il vit avant de tomber fut un éclat rouge passant devant ses yeux alors que la détonation retentissait à ses oreilles. Puis, plus rien. Le noir, le froid, le silence.


Il s'éveilla avec les joues douloureuses, après une énième gifle de la jeune femme.

« Bon, elle se réveille enfin la belle au bois dormant ? » Jura-t-elle silencieusement alors que sa main s'élançait à nouveau, arrêtée par le bras d'un Fanta brusquement conscient. Elle recula et lui sourit, accroupie devant lui alors qu'il s'asseyait rapidement, ignorant le voile noir qui lui passa devant les yeux, paniqué, tâtant son crâne.

« -Calmez-vous ! Vous vous êtes simplement évanoui. Vous voulez que j'appelle une ambulance quand même, monsieur ? » Demanda-t-elle d'une voix soudainement douce, posant une main compatissante sur son épaule.

« -Mais… La balle ? Le revolver ? Il… Il a tiré ? » Bégaya-t-il, perdu.

« -Elle a été déviée, vous pourrez remercier votre sauveur ! Il s'est enfui après ça, sûrement effrayé, mais c'était le vôtre non ? En tout cas, tout va bien, la balle a fini sa trajectoire dans le mur, et vous vous êtes évanoui. Je comprends, c'est impressionnant. Prenez-ça. » Sourit-elle en lui tendant le numéro d'un service psychiatrique sur lequel était écrit à la main un second numéro.

« -C'est le mien. Si vous avez le moindre souci. Mes collègues arrivent bientôt, on va vous ramener.

-Je… Qui êtes-vous ? Et qui est ce « sauveur » ?

-Agent Eliska Madsen –Répondit-elle en montrant sa plaque- On était en couverture avec mon collègue pour démanteler un réseau de trafiquants, mais avec votre intervention on a pu coffrer le jeune Martin pour un moment, pour port d'arme illégale et tentative de meurtre, et si vous portez plainte on pourra le garder encore plus longtemps, afin de l'interroger. Mais on reparlera de tout ça plus tard, hein ? –Ajoute-t-elle en remarquant le teint blême du miraculé- Et je parlais du chat roux, ce n'était pas le vôtre ? Il s'est jeté sur le flingue et s'est barré. »

Fanta secoua négativement la tête en se relevant, encore tremblant.

Il rejeta toute tentative d'aide de la jeune policière, et refusa de rentrer tant qu'il n'avait pas retrouvé cet animal. Il concentrait toutes ses pensées sur ce chat, écartant ainsi toutes les autres, et mû par un pressentiment qui oppressait sa poitrine.

A juste raison titre. Ils trouvèrent une trace de sang un peu plus loin, et, en les suivant, tombèrent sur l'animal rouge feu, respirant avec difficulté, allongé sur le flanc alors que du sang s'écoulait de la plaie sur son dos. L'animal releva la tête en entendant Fanta se précipiter sur lui, déchirant son tee-shirt pour faire cesser l'hémorragie. Il miaula mollement, et sa tête retomba. Il s'était évanoui.

L'un des policers, un jeune homme dont le père était vétérinaire accepta immédiatement d'emmener la victime et son chat chez son géniteur qui vivait non loin de là, roulant à toute vitesse. Ils arrivèrent chez le docteur prévenu qui prit immédiatement en charge l'animal, et l'emmena dans sa clinique, laissant Fanta seul avec ses mains marronnâtres.

Le policier partit rapidement, insistant pour qu'il le rappelle, et le gamer n'eut plus que ses pensées pour seules compagnes.

Il se maudit d'avoir été aussi stupide, de ne pas s'être enfui. Il regretta que sa stupidité ne soit la cause de l'agonie d'un animal innocent.

Les heures défilèrent, la peur et les pleurs de l'homme traumatisé se calmèrent, et enfin le médecin réapparut. L'animal inconscient sur la table d'opération avait le corps bandé.

« Tout va bien » furent les mots qui firent revenir les larmes. Soulagement.

Il recommanda du repos, et donna une liste de pansements et de médicaments à prendre. Ce chat devenu sien pénétra donc, une heure plus tard, dans l'appartement en chaos. Il posa le chat à terre en verrouillant la porte, lequel avança lentement dans son nouvel habitat, trouvant sa place sur le lit. Il se lova sur un coussin et s'y endormit, manifestement épuisé. Fanta contempla la scène, souriant pour la première fois depuis ce qu'il lui semblait être une éternité. C'était un chat de taille adulte au pelage unique, rouge-orangé. Se sentant observé, le félin releva la tête et planta ses yeux marrons dans ceux rougis du vidéaste, et miaula en penchant la tête d'un air interrogatif. Sans réfléchir, il alla s'asseoir sur le lit à côté du petit être, et le caressa prudemment. Il n'avait pas osé dire que cet animal n'était pas le sien, trop heureux d'avoir une présence chaude et rassurante dans sa vie désormais, et il se sentait redevable envers lui. Il lui avait sauvé la vie tout de même ! De plus, l'animal semblait l'avoir adopté, et l'humain l'aimait déjà.

Il détacha enfin son regard du félidé à nouveau endormi, et redécouvrir l'état misérable de son appartement. De toute façon, tout était bon à prendre pour oublier les récents événements.

Le félin finit par se réveiller, interpellé par les bruits de vaisselle, et, constatant le sol désormais un peu plus praticable, descendit du lit en retenant un miaulement de douleur et erra dans l'appartement, se frottant au passage à un Fanta en train de se sécher les mains. Puis il lampa le contenu d'une canette de coca fraîchement renversée, par ses soins, sur le sol récemment nettoyé. Devant ce spectacle navrant, le vidéaste s'accroupit auprès de l'animal qui releva à peine la tête.

« -T'as pas fini de saloper mon sol ?

-Maou ?

-Tu te sens un peu mieux d'ailleurs ? Tu devrais te reposer, j'irais t'acheter à manger dans quelques heures, ok ? –Ajouta-t-il en remarquant qu'il était cinq heures du matin passés- Et… Merci le chat. Je ne sais pas pourquoi t'as fait ça et j'en reviens toujours pas, mais merci.

-Maou.

-Mais… Jveux dire… T'as pas l'air d'être un chat de gouttière, tu dois appartenir à quelqu'un, non ? Et cette personne doit sûrement s'inquiét… »

Il fut interrompu par un sanglot qu'il dût réprimer. Ses nerfs étaient manifestement toujours à vif. Il ne connaissait ce félin que depuis la veille, et l'idée de s'en séparer lui était déjà insupportable. Le chat se frotta à sa jambe, posa deux grand yeux marron sur les siens. Fanta sourit tristement, choisissant de refouler cette pensée avec les autres, alors que sa main se posa doucement sur le pelage couleur feu.

« -C'est incroyable, j'ai l'impression que tu me comprends. Je regrette vraiment que tu ne puisse pas parler

-Maou…

-D'ailleurs, comment tu t'appelles le chat ?

-Maou !

-C'est pas un peu classique comme nom ?

-Maou.

-Attends, j'ai une idée ! »

Fanta sortit des pièces de son scrabble, cadeau auquel il n'avait jamais touché jusqu'aujourd'hui, et dispersa les lettres sur le sol. Il laissa le chat s'approcher prudemment, son pas félin entravé par la douleur et le bandage quoi entourait son corps. Le gamer trouva la confirmation de l'intelligence supposée de ce petit héro flamboyant quand il avança parmi les petits carré jaunes sans en toucher aucun, cherchant du regard une lettre précise avec l'air de comprendre le but de la démarche. Il toucha finalement l'une d'entre elle, que Fanta ramassa, puis une autre, et, après un petit temps, une dernière, avant de reculer et de fixer son nouveau maître. Ce dernier contemplait les pièces dans sa main, étonné par le spectacle qu'il avait vu s'opérer sous ses yeux.

« -Tu… Tu t'appelles « Bob » ? »

Le chat miaula en réponse, en hochant la tête de bas en haut, rehaussant une nouvelle fois la surprise de l'humain. Ce chat le comprenait vraiment, et communiquait avec lui !

« -C'est pas commun comme nom de chat, mais t'as rien d'ordinaire, hein ?

-Maou ! » Rétorqua l'animal en s'approchant à nouveau des pièces.

« -T'as un nom aussi ? » Comprit l'être bipède.

Le dénommé Bob ne répondit pas, désignant six pièces supplémentaires.

« -Lennon ? Tu t'appelles Bob Lennon alors ?

-Maou !

-Haha ! Et moi c'est John Marley ! » Dit-il, fier de sa blague.

Le chat se renfrogna.

« -Rho, te vexe pas Bob ! Allez, vient là ! » Fit-il en écartant les bras.

Oubliant manifestement immédiatement la blague de piètre qualité, Bob s'approcha joyeusement de son récent propriétaire, et se laissa soulever dans ses bras.

Fanta s'était révélé incapable de fermer les yeux sans revoir le canon du revolver pointé sur lui, et sans entendre encore et encore la détonation résonner à ses oreilles. Et même quand Morphée l'acceptait dans son étreinte oublieuse, il se voyait tomber au sol, comme une poupée de chiffon, se noyant dans son propre sang. Se vidant, seul, abandonné, oublié, sur un trottoir. Son ex en train de rire en apprenant la nouvelle dans la rubrique des chiens écrasés. Une mort à l'image de l'être pitoyable qu'il était.

Il se réveillait au bout de deux heures de sommeil, rarement plus, souvent moins, en larmes, tremblant. Bob le rejoignait alors, et se blottissait contre lui, apaisant l'humain traumatisé, et ils se rendormaient tous deux, serrés l'un contre l'autre. L'animal avait fini par dormir constamment avec lui, sentant sa présence nécessaire au bien-être du vidéaste.

Deux jour et un frigo rempli plus tard, il passa une après-midi au poste de police à répéter sa version des faits un milliard de fois, devant avocat, policier, responsable et autres personnes en uniforme, le faisant plonger dans un état de léthargie proche de la dépression dont il ne sortait que lorsqu'il évoquait une nouvelle fois le courageux animal.

En rentrant, un peu déprimé, il ralluma son ordinateur et décida de reprendre la production de vidéo, pour combler un peu le vide qui se creusait à nouveau en lui. Bob sauta sur ses genoux, glapissant de douleur sous l'effort, et, ignorant la douce réprimande de son humain, s'installa confortablement pour regarder comment agissait Fanta dans son univers. Une certaine routine se mit en place, à chaque fois que Fanta lançait son chrono, Bob grimpait sur ses genoux et le regardait jouer avec curiosité, sautillant à chaque coup d'éclat du personnage. Bob devint rapidement la mascotte dont Fanta parlait dans ses vidéos, son petit porte bonheur. Les vidéos se firent de plus en plus avec un encadré montrant le visage de Fanta, mais surtout son animal de compagnie qui se balançait d'avant en arrière sur les genoux de son maître, concentré par les images qui défilaient à l'écran, laissant échapper un miaulement d'approbation ou de déception de temps à autre. Les abonnés augmentèrent, confirmant qu'internet était le royaume des chats, et adorait leur nouveau duo.

Fanta remarqua assez vite que son chat réagissait à tout ce qui était épique et violent, alors il débuta une série sur le jeu Brütal Legend. Riche idée, Bob n'avait jamais autant réagis face caméra. Il était constamment surexcité, et touchait de plus en plus le clavier, sauvant à chaque fois le personnage d'une mort certaine par une action des plus glorieuses.

Bob, le chat gamer, devint une célébrité sur internet, le nombre d'abonnés à la chaîne « TheFantasion974 » doubla en moins de deux mois, et il l'emmena même en convention après qu'il soit totalement remis de sa blessure, n'en gardant qu'une cicatrice sur le dos, rapidement masquée par son flamboyant pelage. Tout alla si vite que Fanta en oublia presque l'incident à l'origine de leur rencontre et finit par retrouver le sommeil.

Ses cauchemars avaient tous disparus, son travail et son chat si spécial étant la meilleure des thérapies au monde, mais ils étaient remplacés par un rêve récurrent, qu'il faisait quasiment chaque nuit.

C'était un rêve à l'air très réaliste, et où il avait conscience que tout ceci était irréel, il agissait donc librement. Il ne s'y passait pas grand-chose. Il ouvrait les yeux sur sa chambre-salon, et sentait un poids bien plus lourd que celui de son chat à côté de lui. C'est alors qu'il se tournait et découvrait un homme aux cheveux sombres et bouclés, endormi face à lui, le rayon de la lune ricochant sur sa veste rouge qui descendait jusqu'en haut de ses cuisses ouverte sur son torse nu, découvrant la corpulence frêle de l'homme, et portant un jean au-dessus de ses pieds nus. Ce qui le fascinait était les oreilles d'un orange flamboyant qui ressortaient à travers ses cheveux, en haut de sa tête, et la longue queue de la même couleur bougeant de temps en temps en bas de son dos. Ce qui surprenait le plus Fanta, c'est qu'il n'avait jamais eu le moindre mouvement de recul face à cette présence incongrue dans son lit, comme si cet homme-chat avait toujours eu cette place, avait toujours été là. Conscient que tout ceci n'était qu'un rêve, chose confirmée à chaque réveil, quand son chat l'éveillait en lui léchant délicatement la joue, il s'enhardissait à découvrir son curieux voisin. Il se serrait d'abord contre lui, respirant son odeur, qui était semblable à celle de son petit compagnon, le touchait, caressant cette peau si pâle, si fine, si fragile. S'aventurant un peu sous la veste, découvrant une cicatrice dans son dos encore fragile, au vu des réactions silencieuses de l'endormit quand il la touchait. Il joua avec ses oreilles, s'amusant de manière infantile à les voir réagir quand il les touchait. Il caressa ensuite, quelques nuits plus tard, la queue au pelage si semblable à celle de son chat, sa main glissa sur le haut du pantalon de l'être fantasmagorique. Il déglutit et la retira précipitamment. Ce n'était qu'un rêve conscient, mais il culpabilisait. Il y réfléchissait parfois, quand il montait ses vidéos et que son chat dormait dans un coin de la pièce. Il devait l'admettre, il était attiré par l'alter-ego humain de son animal de compagnie, et si celui-ci avait le même caractère, ce qui était probablement le cas, il était en train de tomber amoureux. D'un rêve. C'était malsain et pitoyable de sa part, concluait-il à chaque fois en tentant de refouler ces idées, se jurant que la nuit prochaine il ne regarderait même pas l'endormit, qui finirait bien par disparaître de ses songes s'il l'ignorait. C'était toujours à ce moment-là que son cœur loupait un battement, effrayé à l'idée de ne plus le revoir. Et chaque nuit suivante, il le touchait, le caressait, rassuré, ivre de sa présence.

Mais une nuit, le schéma habituel fut brisé. L'endormit ouvrit les yeux suite à une caresse un peu trop appuyée sur son torse fin. Il livra à l'humain un regard surpris, presque terrifié, qui se lisait de manière flagrante. L'être recula brusquement, tombant du lit. Puis, face à l'absence de réaction hostile de son vis-à-vis, l'homme félin reprit contenance.

« -C'est… réel ? » Souffla l'inconnu d'une voix douce et grave.

« -Je ne crois pas. »

La version humaine de Bob reprit place contre lui, se plaçant entre ses bras en ronronnant, et s'endormit à nouveau. Fanta l'admira, heureux de voir son rêve exaucer un de ses souhaits : son chat parlait. Il pensa vaguement qu'il était étrange d'en être autant heureux, et songea un instant à essayer de reprendre sa recherche de l'âme sœur chez les humains, mais l'idée fut rejetée, il n'avait pas besoin de quelqu'un de plus dans sa vie. Ses abonnés, internet, ses amis, et bien sûr, son chat. Sa vie était parfaite ainsi. Et de toute façon, c'était un monde onirique construit par lui, pour lui. Alors au diable la morale !

Fanta se pencha subitement sur l'hybride, et effleura ses lèvres. Il les goûta lentement, avec prudence, appréciant leur douceur et la chaleur qu'elles dégageaient. Il approfondit enfin le baiser, appréciant les lèvres de Bob qui remuaient inconsciemment, lui rendant son étreinte. Ils se séparèrent enfin, sans briser la douceur rêveuse du moment, et sombrèrent dans les bras de Morphée.


Ce matin-là, Bob ne le réveilla pas. Il le trouva dans le salon, faisant ce qui semblait être les cent pas. Le chat se figea à l'entrée de l'humain, le détaillant avec un air terrifié, les oreilles basses et la queue entre les jambes.

« -Bah alors Bob, t'as fait une bêtise ? »

Quand son chat hocha positivement de la tête, Fanta se dit qu'il ne s'habituerait décidément jamais à cet aspect trop humain de son chat.

« -T'as cassé quelque chose ? Déchiré un coussin ? Taché le canapé ? »

L'animal hocha négativement de la tête à chaque fois, reculant au fur et à mesure que Fanta réfléchissait. Le youtubers s'approcha et le caressa.

« -C'est sûrement rien de grave alors. Tant que t'es là, avec moi, tes conneries n'auront aucune importance. Ok ? Surtout que je fais des rêves bizarres avec toi, mais bon, j'aime bien, et comme ce n'est pas réel... Bref, je t'aime beaucoup, alors t'inquiète pas. »

Bob le fixait en silence, l'air surpris. Lentement, sa queue s'agita, et il se mit à sautiller sur place avant de se ruer sur Fanta, léchant sa joue alors que l'humain tombait en arrière, hilare. Son compagnon, de vie et de rêve, était définitivement parfait.


« Et si c'était réel ? »

Fanta était assis par terre, contre son lit. Il avait refait ce rêve bien souvent, et il était tombé amoureux de ce fantasme. Ils s'étaient même embrassés fougueusement, Bob-Humain allongé sur lui, chacun au courant de l'excitation de l'autre par cette pression contre leurs jambes respectives. Ils avaient gémit en concert, l'un suppliant l'autre de mettre fin à cette frustration qui grandissait depuis tout ce temps, de passer enfin à l'acte. En réponse, Lennon l'avait embrassé, ses lèvres glissant ensuite sur le cou, tandis que ses mains avaient flirté avec l'élastique du caleçon. Et l'humain avait laissé échapper un « je t'aime ».

L'hybride c'était aussitôt redressé, s'asseyant sur ses talons, au grand regret de Fanta.

« Et tu m'aimerais toujours si c'était réel ? »

Il avait répondu que la question ne se posait pas, puisque tout ceci n'était qu'un rêve, bien que délicieux.

« Et si c'était réel ? »

Et depuis, il était seul dans la chambre. L'être s'était retransformé en chat, et l'avait laissé réfléchir. L'humain avait attendu, encore et encore. Les heures avaient défilé sans qu'il le remarque, perdu dans ses réflexions. Il s'était pincé moult fois, incapable d'admettre qu'il n'était pas dans un rêve. Désormais le jour était levé, et son épuisement trahissait la réalité des choses. Ce qu'il avait pris pour un rêve récurent n'était autre chose que… Il ne pouvait l'admettre, et pourtant. Aussi incroyable que ça puisse paraître, son chat pouvait se transformer en humain, et il en était amoureux. Un bref dégoût de lui-même défigura son visage. Mais au moins, tout ceci expliquait le comportement trop humain de son animal de compagnie, et son air coupable chaque matin.

Il ne comprenait que maintenant ce qu'il avait sous les yeux depuis plus de six mois. Fanta suspendit soudainement sa respiration. Alors, si tout est vrai, que faire ? Et où était Bob ? Avait-il fuit, ne le voyant pas sortir ?

Il se leva enfin, se précipitant dans son salon, fouillant le bureau, son cœur se serrant tellement qu'il n'arrivait pas à parler. Il se rua finalement dans la cuisine, essoufflé.

Il l'y trouva debout, appuyé sur la porte du frigo ouvert, sous sa forme humaine, entrain de vider une brique de lait. Il lécha la goutte s'échappant de ses lèvres. Il prit le soin de ranger la bouteille, mesurant ses gestes félins, avant de poser son regard sur l'humain indécis.

« -C'est pour ça qu'on est toujours à court de lait. »

Il eut envie de se gifler, mais c'était la seule chose qu'il trouvait à dire.

« -Euh… Ouais. Désolé.

-Pas grave. »

Un long silence suivit cette scène surréaliste. Il parlait de lait, en caleçon dans sa cuisine, à son chat devenu humain. Il avait curieusement envie de rire. Pour couper à cette hilarité naissante qui menaçait de surgir, il brisa le silence.

« -Alors euh… T'es quoi au juste ?

-Bonne question, j'suis né comme ça apparemment, et je peux me transformer en chat depuis mes treize ans.

-Mais, tes parents, ils…

-Aucune idée, j'ai été abandonné devant un hôpital quand j'étais bébé, et comme j'étais une énigme médicale, j'ai passé mon enfance à être étudié, testé et traité. J'étais un vrai sujet de laboratoire. Je me suis enfui peu après mes treize ans.

-En te transformant en chat.

-Ouaip. Et depuis, j'errais. Fin de l'histoire, rangez les violons.

-T'es très sec…

-J'aime pas déballer ma vie.

-Mais tu viens de le faire devant moi.

-Ouais mais toi c'est pas pareil. Je… Je te fais confiance. Même si tu me fous dehors car j'suis un monstre, c'est pas grave car je peux comprendre. Et je t'en voudrais pas car je… Je t'aime bien. »

Fanta soupira, passant sa main sur son crâne.

« C'est compliqué… D'assimiler tout ça. Comme ça.

-Ouais, désolé.

-Pas grave. » Répondit-il, presque automatiquement.

Bob fixa ses pieds, songeant à la manière de partir. Il devait lui dire, lui faire part de ses sentiments, et ne pas partir comme un voleur. Il devait lui dire. Il releva la tête, prenant une grande inspiration pour parler, mais il fut aussitôt interrompu par deux bras qui l'enserrèrent.

« -Je t'aime. Reste, s'il te plaît.

-Même si ce n'est pas un rêve.

-Surtout si ce n'est pas un rêve. »


Deux mois plus tard, Bob Lennon, le collègue récemment découvert par Fanta et son nouvel associé, au nom si semblable à celui du chat qui occupait sa place était officiellement devenus youtubers sur la chaîne « TheFantasio974 » dont la barre du demi-million d'abonnés était dépassée depuis longtemps. Leur partenariat était parfait, et Bob portait même des oreilles de chat, en hommage à son homonyme félin qui paraissait encore de temps en temps sur l'épaule de Fanta.

Du moins, c'est ce que croyaient les abonnés, tout comme ils croyaient en leur amitié.

Le félin partageait toujours les nuits de l'humain, même s'ils ne prenaient plus beaucoup le temps de rêver, la réalité étant bien plus passionnante.


Fin -

Bordel, c'est niais hein ?