CHAPITRE 1 :
Positif.
Clarke porta sa main à sa bouche pour retenir le sanglot qui menaçait de lui échapper à cet instant. Assise sur le rebord de la baignoire, ses yeux ne quittaient pas le test de grossesse que ses doigts tremblant parvenaient à peine à tenir. Positif. Il était positif. Comment avait-elle pu en arriver là ? Faire cette erreur ? Elle n'étais pas prête pour ça, comment le pourrait-elle ? Sa vie venait tout juste de commencer, une pareille chose ne pouvait pas lui arriver. Pas maintenant. Surtout pas comme ça. A tout juste dix-neuf ans, elle ne pouvait pas être mère. Comment pourrait-elle élever un bébé alors qu'elle même venait tout juste de sortir de l'enfance ?
Une larme roula sur sa joue, puis une autre. Finn et elle avaient pourtant pris leur précaution pour qu'une telle chose n'arrive pas tant qu'ils ne seraient pas prêt. Tout ceci n'était qu'un cauchemar duquel la jeune femme allait se réveiller. Son regard survola les deux autres tests qui jonchaient le sol. Ils lui rappelaient douloureusement que ce n'était pas un faux résultats, quand bien même elle en aurait fait une dizaine. Tous positifs. Elle était bel et bien enceinte.
Un toquement se fit entendre contre la porte et Clarke sursauta, chassant d'un geste les pleurs qui ternissaient son visage juvénile d'habitude si jovial.
- Clarke ? Dépêche-toi il faut qu'on y aille où on va être en retard. Ta mère va nous tuer si on n'arrive pas à l'heure.
- J'arrive dans une minute !
Elle se précipita pour ranger grossièrement les tests de grossesse dans l'un de ses tiroirs avant de prendre une minute pour souffler. Appuyée sur le lavabo face au miroir, la jeune femme croisa la mine choquée de son propre reflet. Ses pupilles bleus tentaient de l'interroger, de lui demander ce qu'elle comptait faire à propos de cet enfant à venir. Mais elle ne trouva pas la réponse. Oh bien sur, Clarke savait très bien qu'il existait une solution simple pour ce genre...d'ennuis. Mais aurait-elle vraiment la force de faire ça ? Aurait-elle la force de faire ce qui devait être fait ?
- Clarke ?
Cette fois, l'impatience dans la voix de son petit-ami la força à secouer la tête pour chasser ses interrogations. Elle alluma l'eau pour humidifier son visage avant de finalement ouvrir la porte de la salle de bain. Finn patientait de l'autre côté, sans aucun doute contrarié. Il terminait d'ajuster son uniforme, veillant à bien mettre en avant son grade de Lieutenant tout juste obtenu. Il avait été facile pour lui d'être promu. Le nom des Collins était bien connu dans l'US Army grâce aux exploits du Général Victor Collins, le père de Finn. Et même si Clarke était fière de la profession de son petit-ami, elle n'était pas persuadée que le grade qu'il venait d'obtenir était mérité. Il n'était jamais parti au combat, n'avait jamais participé à aucuns affrontements. Et il n'aurait sans doute jamais à le faire grâce aux relations de son père.
- On aura de la chance si on parvient à rejoindre Arkadia en évitant les bouchons, commenta le garçon en terminant d'ajuster sa cravate.
- Attend, laisse-moi faire.
Comme si de rien n'était, Clarke s'avança vers son compagnon pour la nouer soigneusement autour de son cou. Ses parents avaient trouvé l'idée séduisante de réunir leur deux familles pour Thanksgiving, et si elle avait jugé la proposition tentante, les dernières nouvelles avaient tôt fais de lui ôter toute joie à l'idée de ce dîner. La jeune femme ne parvenait pas à concevoir qu'il lui faudrait feindre de passer une bonne soirée alors que tout son être avait seulement envie de s'isoler dans le noir pour pleurer toutes les larmes de son corps. Est-ce que son maquillage avait coulé ? Lirait-on dans ses yeux sa détresse ?
Manifestement, Finn ne sembla s'apercevoir de rien puisqu'il se pencha pour lui voler un baiser lorsqu'elle eut terminé. Avec un sourire, il la détailla avec approbation des pieds à la tête.
- Tu es magnifique chérie, la complimenta-t-il avant de lui tendre son manteau. Allons-y, nous avons une heure de route et si on arrive en retard, tu peux être certaine que ma mère ne va pas se priver pour nous le reprocher.
Il ponctua sa phrase d'un petit rire que Clarke eut du mal à imiter. Pourtant, elle termina de s'habiller en silence et suivit le jeune homme hors de leur appartement. Tel un gentleman, il lui tint la porte de l'immeuble puis fit de même avec la portière de sa voiture.
- Madame, plaisanta-t-il avec une révérence.
Ses mouvements étaient lents et lourds. Comme si son corps agissait sans le consentement de sa tête. Elle se vit à peine prendre place sur le siège tant les questions assaillaient son esprit sans répit. Comment allait-elle annoncer à Finn sa grossesse ? Comment allait-il réagir ? Après tout, ils n'étaient ensemble que depuis un an à peine. Certes ils avaient très vite décider d'emménager ensemble mais ils n'étaient pas prêt pour un enfant. Son compagnon, de trois ans son aîné, venait tout juste d'obtenir sa promotion au sein de l'armée de terre des États-Unis et Clarke commençait à peine ses études de médecine. Même si le jeune homme acceptait son état et qu'ils choisissent de garder ce bébé, comment pourraient-ils seulement l'assumer ? Lui passait ses semaines à la caserne, ne rentrant que le week-end, quant à elle le temps lui faisait cruellement défaut. Les instants qu'elle ne passait pas à ses cours elle le gardait pour ses révisions. Ni l'un ni l'autre n'avait l'emploi du temps propice pour élever un enfant. Mais pire que tout, Clarke n'était même pas certaine qu'elle aurait un jour voulu un enfant avec Finn.
Une main se glissa dans la sienne et lui arracha un nouveau sursaut.
- Tout va bien ? Demanda le garçon, les yeux rivés sur la route. Tu as l'air absente. Tu es malade ?
Malade ? Si seulement. Au lieu de ça, elle était enceinte et pire que tout elle était terrifiée par l'avenir.
- Oui ça va, répondit-elle malgré tout. Je suis juste un peu fatiguée c'est tout.
- Encore ces maux de ventre ? Je t'ai entendu vomir ce matin. Tu devrais aller voir un médecin Clarke. Ou peut-être que tu pourrais en parler avec ta mère...
- Ma mère est chirurgienne Finn. Je ne vais pas lui faire perdre son temps uniquement parce que j'ai pris froid.
- Je m'inquiète pour toi chérie. Entre tes cours et maintenant ça, tu n'as pas le temps de respirer. Je te demande juste d'aller voir un docteur et de te reposer.
- Très bien, j'irais voir quelqu'un si ça empire, annonça-t-elle distraitement.
La réponse parut convenir à son compagnon qui hocha la tête avec approbation. Pendant un instant, seul le bruit du moteur rompit le silence. La voiture filait sur l'autoroute tandis que Finn traçait des ronds invisible sur le dos de la main de sa petite-amie. Mais Clarke ne parvenait pas à penser à autre chose qu'à ce petit être qui grandissait désormais en elle. Sans même s'en apercevoir, elle vint placer sa main libre sur son ventre, le même qui bientôt s'arrondirait assez pour qu'il n'y ait plus le moindre doute sur son état. Sauf si elle décidait de s'en occuper avant.
- Finn ? Appela-t-elle d'une petite voix.
- Hum ?
- Tu as déjà pensé à l'avenir ?
Il ne répondit pas tout de suite et le cœur de la jeune femme s'accéléra douloureusement. Durant quelques secondes, il sembla perdu dans ses pensées ou trop occupé à fixer les voitures roulant devant lui.
- Bien sûr, finit-il par répondre.
- Et comment est-ce que tu le vois ?
- Et bien, j'aimerais obtenir un grade important dans l'armée. Que mon père soit fier de moi. Et puis je te vois à mes côtés évidemment. Je t'imagine déjà heureuse d'avoir obtenu ton diplôme de médecin. Pourquoi ?
- Est-ce que...Est-ce que tu as déjà pensé à avoir des enfants ?
Cette fois-ci, ce fut un silence glacial qui lui répondit. Finn dévia son regard de la route pour la fixer sa compagne avec un froncement de sourcil avant de se détendre.
- On est encore jeune pour ça. On a tout le temps du monde lorsque nous aurons avancé dans nos carrières. Tu ne crois pas ?
- Si. Si tu as raison, c'était une question idiote.
- Je veux être honnête avec toi Clarke, pour le moment je n'envisage vraiment pas cette éventualité. Je veux dire, être parent c'est un engagement que je ne peux pas prendre à l'heure d'aujourd'hui. Mais si un jour, plus tard, nous envisagions cette possibilité, alors pourquoi pas.
La jeune femme hocha la tête avant de poser la tête contre la vitre, les yeux perdus dans le vague. Est-ce que Finn et elle s'aimaient ? Oui, c'était indéniable. Est-ce que leur histoire durerait toujours ? Ça, rien n'était moins sûre. Et jusqu'à ce soir, Clarke pensait avoir le temps. Le temps de voir jusqu'où son couple la mènerait, ce qu'elle désirait, ce qu'elle espérait. Maintenant elle n'en avait plus.
Bercée par le mouvement de la voiture et le ronronnement du moteur, épuisée par les dernières nouvelles, elle ne tarda pas à s'endormir. Au moins pour un instant, elle pourrait prétendre que tout allait bien et que sa vie ne venait pas brusquement de prendre une tournure inattendue.
Ce fut l'arrêt de soubresauts qui la tira du sommeil. Ça et une nouvelle envie de vomir qu'elle réprimanda tant bien que mal en se jetant littéralement sur un chewing-gum a la menthe. Finn coupa le contact, le sourcil levé, mais s'abstint de tout commentaire. À la place, il sortit de la voiture et ouvrit la portière de la passagère pour l'aider à descendre.
- Clarke ! Finn !
La jeune femme eut à peine le temps d'ouvrir la bouche pour saluer sa mère qu'une paire de bras vint enlacer son cou, manquant de peu de la faire trébucher. Quand bien même dans les moments embarrassant de sa vie elle aurait tenté de nier son lien de parenté avec Abby Griffin, cela aurait été une perte de temps. Tout dans le visage de la génitrice rappelait sa fille bien que Clarke ait les cheveux blonds plus clairs et les yeux bleus de son père.
- Bonjour Maman, salua-t-elle avec un sourire en rendant son étreinte.
- Tu m'as manqué mon ange. Vous avez fais bonne route ?
Finn dû lui répondre tandis que sa petite-amie accueillait avec bonheur le baiser de son père Jake sur son front.
- Bienvenue à la maison princesse, chuchota-t-il rien que pour elle. Il était temps que vous arriviez, ta mère tournait en rond comme un lion en cage et je suis sûre que les parents de Finn étaient à deux doigts d'exploser devant la montagne de petits fours qu'elle a préparé spécialement pour la soirée.
- Elle en fait toujours trop, tu la connais.
Avec politesse, elle serra la main de Mr et Mme Collins. Tout comme son fils, Viktor arborait fièrement sa tenue militaire ainsi que la coupe réglementaire. Clarke devait se l'avouer, les soldats avaient une certaine prestance que le commun des mortels avait du mal à reproduire.
Abby ne tarda pas à les presser de rentrer à l'intérieur de la maison et offrit de s'occuper de leurs manteaux qu'elle accrocha distraitement. Rien n'avait changé depuis que la jeune femme avait quitté la demeure familiale. Le salon était toujours aussi accueillant avec le feu qui ronflait paisiblement dans la cheminée et la table basse qui croulait sous l'apéritif déjà prêt. Jake n'avait pas menti, une montagne de petits fours les attendaient patiemment et Clarke eut du mal à ravaler une nouvelle nausée devant ce spectacle. À la place, elle préféra se concentrer sur les photos qui trônaient ça et là, accrochées aux murs ou disposées sur les meubles.
- Vous n'avez pas eu de problème sur la route ? Demanda Abby en les invitant à prendre place.
- Pas le moins du monde Mme Griffin.
Les conversations étaient légères pourtant Clarke n'arrivait pas à y prendre part. Sa grossesse tournait en boucle dans sa tête sans qu'elle ne parvienne à l'ôter de son esprit. A chaque fois que sa mère tournait la tête vers elle, la jeune femme avait l'impression qu'elle pouvait lire directement en elle et allait deviner d'une minute à l'autre son terrible secret. Même au bout d'une demi-heure à discuter de tout et de rien, elle ne parvenait pas à s'apaiser. Elle se tortillait sur son siège, grignotant à peine et refusant même une goutte d'alcool que son père lui proposait. En tant normal, elle n'aurait eu aucun mal à accepter un verre, malgré le regard plein de reproche de sa mère du fait qu'elle soit légalement mineure, mais à présent, elle ne pouvait plus penser seulement à elle. Il fallait qu'elle agisse pour le bien de cet enfant, qu'elle décide de le garder ou non.
La soirée poursuivit son cours et ils se retrouvèrent très vite attablés, chacun complimentant les talents de cuisinière de leur hôte.
- Alors Clarke, demanda Mme Collins, comment se passe tes études ?
- Très bien. C'est assez difficile mais rien d'insurmontable. J'imagine que si ma mère a pu le faire, je le peux aussi.
- Clarke est très motivée, approuva Finn avec un sourire. Parfois un peu trop. Lorsque je rentre à la maison, elle a toujours le nez dans ses bouquins. A croire qu'elle les aime plus que moi.
Des rires suivirent sa plaisanterie et la jeune femme se força à suivre le mouvement. Lorsqu'ils se tarirent, le garçon s'éclaircit la gorge.
- Je tenais à vous l'annoncer, bien que mon père soit déjà au courant. Ma promotion me donne de nouvelles responsabilités vis à vis de mes unités et dorénavant, je devrais vivre à la caserne. Avec une seule permission par mois...
Il laissa sa phrase en suspens mais tout le monde avait déjà compris. Avec une seule permission par mois, tenir une véritable relation semblait plus que compliqué. Clarke le savait, elle y était préparée depuis les premières semaines. Elle sentit les regards curieux et interrogateurs de ses parents mais prépara se concentrer sur le morceau de dinde présent dans son assiette. Mais son compagnon n'avait manifestement pas terminé. Doucement, il prit la main de la jeune femme.
- C'est pourquoi, je souhaiterai avoir votre approbation, vous tous.
- Notre approbation ? S'étonna Jake.
- Je souhaiterai demander la main de votre fille.
Silence. Un silence pesant comme Clarke en avait rarement connu. Les couverts ne se mouvaient plus dans les assiettes, les yeux ne les quittaient plus. Même la blonde sentit son cœur s'arrêter. Pas ça, tout mais pas ça...
- En devenant ma fiancée, puis ma femme, Clarke pourra emménager avec moi à la caserne de Polis.
- Mais...Et ses études ? Objecta Abby.
- Elle pourra continuer et puis rien ne l'empêche de demander à faire son internat à notre hôpital.
- Finn, intervint Mr Collins. Ta demande est louable mais ne penses-tu pas que cela soit un peu trop tôt ? Trop précipité ? Tu en as parlé avec Clarke ?
- Elle dira oui, n'est-ce pas chérie ?
Non. Elle ne voulait pas. Elle ne connaissait que trop bien ce genre de vie et si sortir avec un militaire lui avait plus, elle ne désirait pas faire partie de ces femmes qui attendaient patiemment le retour de leur mari à la maison. Ce n'était pas comme ça que tout était censé se passer. Pourquoi le temps ne lui avait-il pas accordé de sursis avant de tout précipiter ?
- Je...bégaya-t-elle, consciente des paires d'yeux qui la dévisageaient. Je suis désolée excusez-moi.
Elle se leva brusquement et s'éloigna de la table aussi vite que ses jambes lui permettaient. La tête lui tournait, elle avait envie de vomir. Ses doigts ouvrirent la porte fenêtre pour lui permettre d'atteindre l'air frais du dehors qui caressa sa peau d'une manière bienvenue. La jeune femme ferma les yeux en se concentrant sur le rythme de sa respiration. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.
- Princesse ? Est-ce que tout va bien ?
Clarke se retourna pour faire face à son père. Il se tenait légèrement en retrait et la regardait avec inquiétude. La question n'était que pour entraîner la conversation. Évidemment il savait déjà que non, tout n'allait pas bien. Il la connaissait par cœur et à voir la façon dont elle serrait ses bras autour de son corps comme pour ce protéger, quelque chose clochait.
Sa fille secoua la tête de droite à gauche, tenta de lui répondre mais les sanglots prirent le dessus sur la parole et Jake eut à peine le temps d'ouvrir les bras pour accueillir son enfant.
- Tout va bien, lui chuchota-t-il au creux de l'oreille. Tout va bien, tu peux me parler.
- Je ne sais pas ce qui se passe Papa. Ma vie part en lambeau, je n'y comprend plus rien. Je...je suis...
- Perdue ? C'est normal Clarke. Recevoir une demande en mariage, que quelqu'un d'autre planifie votre avenir aussi vite est une bonne raison d'être déboussolée. Il n'aurait pas dû faire comme ça. Vous auriez dû en parler d'abord, obtenir ton consentement. Finn est un gentil garçon mais on ne peut pas dire que penser avant d'agir soit son point fort.
La remarque arracha un rire nerveux à la blonde. Cette étreinte lui apportait le réconfort qu'elle cherchait désespérément. Il ne résolvait rien mais au moins il parvenait à lui alléger un peu le cœur.
- Tu es jeune ma chérie. Ne te précipite pas dans des décisions importantes qui transformeraient ta vie à jamais. Tu dois faire ce qui est le mieux pour toi. Pas pour nous, ni pour Finn, mais pour toi.
- Et si c'était déjà trop tard ? Souffla-t-elle timidement.
- Alors je sais que tu feras tout. Tu es forte et courageuse. Tu résisteras aux épreuves que la vie te met sur ton chemin. J'en suis persuadé.
Ils restèrent ainsi pendant de longues minutes, jusqu'à ce que Abby ne les interrompt pour les ramener à table. Durant tout le dîner, personne ne s'aventura à reparler de la demande en mariage de Finn, ni de quoi que ce soit de trop personnelle. Pourtant, dans son manque de tact, son compagnon avait marqué un point. Clarke serait ravie de pouvoir effectuer son internat dans un hôpital militaire. Après tout, Polis était l'une des plus grosse base de la région et bon nombre de soldats envoyés en Afrique avaient effectué une partie de leur entraînement ici. Cela pourrait être l'endroit idéal pour apprendre.
Cette idée tourna dans sa tête jusqu'à la fin des festivités et l'aida à prendre un peu de recul avec sa toute nouvelle grossesse. Comme à leur habitude, ses parents tinrent à les raccompagner jusqu'à la voiture, leur offrant même de rester dormir, mais Clarke n'avait qu'une envie. Rentrer chez elle et se glisser sous sa couette où elle pourrait oublier le tumulte de la soirée le temps d'une nuit.
Pourtant, au moment où elle touchait enfin au but, bien emmitouflée dans les couvertures et les yeux déjà à demi fermés, Finn se tourna de son côté du lit et posa une main sur son épaule.
- Clarke ? Je peux te parler une minute ?
- Qu'est-ce qu'il y a Finn ? Demanda-t-elle en se retournant pour lui faire face.
- Ce que j'ai dis tout à l'heure au dîner, je le pensais. Je ne me vois pas être séparé de toi lorsque je devrais retourner à la base et tu sais que je ne pourrais pas obtenir de logement en dehors. C'est un privilège pour les hauts-gradés.
- Finn...
- Non, la coupa-t-il. Je sais que cela ne fait qu'un an que nous sommes ensemble mais -
- Finn ? Je t'aime, tu le sais. Mais je ne veux pas me marier.
Le silence retentit dans la pièce. Les sourcils du garçon se froncèrent et la mine blessée qu'il afficha serra le cœur de Clarke. Elle posa sa main sur sa joue et le força doucement à la regarder dans les yeux.
- Je ne suis pas prête pour l'instant. On ignore ce qui se passera demain mais j'imagine...J'imagine que emménager ensemble à Polis ne pourra pas nous faire de mal. Et puis comme tu as dis,je pourrais intégrer l'hôpital.
- Tu es sérieuse ? Tu serais prête à faire ça ?
- Pourquoi pas.
Et cela lui laisserait assez de temps pour réfléchir à ce qu'elle allait faire de cet enfant. Finn, heureux par sa réponse, se pencha pour l'embrasser fougueusement avant de s'installer plus confortablement et prendre sa petite-amie dans ses bras.
Clarke soupira. Rien n'était parfait. Mais qui sait, peut-être que tout changerait une fois à Polis. En tout cas elle l'espérait.
CLEXA*CLEXA*CLEXA
L'hôpital de Polis n'avait rien à voir avec un hôpital civil. Si l'extérieur y ressemblait, l'intérieur tranchait rapidement. Et cela pour une raison. Les soldats qui marchaient partout dans les couloirs. Avec leur uniforme et leur mine sérieuse, Clarke était légèrement impressionée de les croiser bien que chacun d'entre eux, hommes ou femmes, officiers ou simples recrues, la saluaient lorsque leur chemin se croisait. Ils devaient sûrement se demander ce qu'une civile venait faire ici pourtant personne ne lui demanda rien jusqu'à ce qu'elle parvienne au bureau qu'elle cherchait.
Elle prit une profonde respiration puis toqua à la porte sur laquelle brillait le nom de celle qui sera dorénavant sa supérieure hiérarchique. Anya Riverson.
- Entrez, entendit-elle.
L'intérieur du bureau était spartiate, beaucoup plus que dans un établissement civil. A la place des nombreux diplômes, il trônait des médailles en tout genre. La première chose qui lui traversa l'esprit lorsqu'elle posa pour la première fois ses yeux sur la femme assise au bureau fut de prendre ses jambes à son cou et déguerpir. La mine froide et sévère de sa supérieure ne parvenait pas à être adoucie par les cheveux blonds qui encadraient son visage.
- Mademoiselle Griffin je suppose ? Venez asseyez-vous, mes supérieurs m'ont prévenu de votre arrivée.
- Je vous suis reconnaissante de m'avoir accepté dans le programme, je -
- Je n'ai pas eu le choix Mademoiselle Griffin. Normalement nous ne validons pas les civils dans notre hôpital, qui est réservé aux soldats spécialisés en médecine mais le Général Collins m'a bien fait comprendre que je devais faire une exception. Je préfère être honnête avec vous, je n'approuve pas votre arrivée dans mon service. Malgré tout vous trouverez ici une équipe compétente qui répondra à toutes les questions que vous aurez et tachera de vous apprendre ce qu'i savoir.
Clarke ne répondit rien. Elle ignorait si elle devait se sentir offensée par les propos de la militaire, gênée ou flattée que le père de son petit-ami ait donné son aval, ou heureuse d'apprendre que malgré tout elle obtiendrait le meilleur des enseignements.
- Ce que vous observerez ici n'aura rien à voir avec le genre de patient qu'on peut trouver en civil, poursuivit Anya en se redressant. Évidemment, tout devra rester confidentiel. Aujourd'hui, vous pourrez explorer l'hôpital et nous vous donnerons un uniforme ainsi qu'un passe pour la semaine prochaine où vous débuterez votre formation.
- Je vous remercie beaucoup. Je tâcherai de ne pas vous décevoir.
- N'essayer pas Mademoiselle Griffin. Comprenons-nous bien. La plupart des blessés ici seront des blessés de guerre. Ce qu'ils ont besoin, c'est d'aide, d'écoute et de compréhension.
Anya la regardait droit dans les yeux pour lui faire comprendre l'importance de leur mission. Il n'y avait dans sa voix aucune menace ou autorité mais simplement des conseils que Clarke s'efforcerait d'appliquer durant toute sa formation. On l'avait mise en garde contre les horreurs de guerre qu'elle pourrait voir ici mais pourtant elle sentait dans son corps une pointe d'excitation.
- Avez-vous des questions ?
- Non Madame, répondit la jeune femme. Je souhaite seulement être à la hauteur et vous remercie d'accorder sa chance à une civile.
- Bien. Je vais demander à Harmon de vous escorter à travers l'hôpital pour que vous vous familiariser avec l'environnement.
Le médecin se leva prestement et ouvrit la porte afin de laisser passer Clarke devant elle. Un jeune homme l'attendait déjà, fier dans son habit militaire, et il se dépêcha de saluer les deux femmes malgré le bandage qui recouvrait son bras.
- Mademoiselle Griffin, je vous laisse entre les mains du Sergent Première Classe Murphy Harmon. Il va vous faire visiter et répondra aux questions que vous lui poserez. Sur ce, si vous voulez bien m'excusez.
Un peu intimidée de se retrouver face au soldat,Clarke lui accorda un sourire crispé. Elle ne savait pas quoi dire ou comment agir, surtout que ses yeux ne pouvaient s'empêcher de se baisser en direction de la blessure. Le dénommé Murphy devina ce qu'elle était devait être en train de penser car il se tortilla sur ses pieds légèrement mal au l'aise.
- Ce n'est rien, expliqua-t-il pour répondre à sa question silencieuse. Une épaule déboîtée lors d'un entraînement. Rien d'insurmontable Madame.
- Oh...fut tout ce que trouva à dire la blonde.
Elle venait de s'imaginer de nombreux scénarios mais rien d'aussi...banale que ça.
- Tous les patients de cet hôpital ne sont pas des blessés de guerre, reprit Murphy en l'invitant à le suivre dans les couloirs. Il y a des blessés aux entraînements, comme moi, des soldats qui souffrent d'une quelconque infection ou doivent subir une opération bénine. tout n'est pas effrayant dans le fond.
- Je m'attendais à...à autre chose.
- Vous devriez vous estimer heureuse pour nous que les gens qui se trouvent ici n'aient pas tous subis les désagrément de la guerre. Désolé de vous décevoir Madame.
- Non ce n'est pas -
- La plupart des civils réagissent comme vous. Ils s'attendent souvent au pire, à voir des estropiés, des amputés.c'est pour cela qu'en général nous ne les acceptons pas au sein de la base. Vous espérez voir les horreurs de la guerre sans penser aux victimes.
Son intonation froide et tranchante fit frémir la jeune femme. Ce n'était pas ce qu'elle voulait dire et certainement pas offusquer le soldat qui venait de se rembrunir en une fraction de seconde. La mâchoire serrée, il la guidait au travers de l'hôpital sans lui accorder un regard.
- Je ne comprends pas les gens comme vous, Madame. Vous entrez ici en attendant de voir un spectacle que nous autre soldat nous redoutons. Et tout ça pour quoi ? Vous pensez ne pensez pas aux victimes mais uniquement à la blessure en elle-même.
- Je suis désolée, je ne voulais pas vous donner l'impression que la vie des patients ne représentait rien pour moi. Je me suis mal exprimée.
- Peut-être devriez-vous apprendre à le faire dans ce cas. Vous pourriez froisser pas mal de monde dans votre sillage au sein de cette caserne.
- Sergent Première Classe Harmon !
Le soldat se figea brusquement en se redressant dans une position bien connue. Son bras valide se plaqua le long de son corps, sa tête légèrement levé vers le haut et le regard fixé au mur. Sa peau venait soudainement de pâlir à l'instant où la voix féminine inconnue venait de claquer froidement dans les airs.
Clarke, elle, se retourna pour faire face à l'étrangère qui venait manifestement de prendre le soldat sur le fait d'irrespect envers un civil. Son cœur rata un battement. La femme qui lui faisait face se tenait droite, de la même façon que Murphy, mais tenaient ses mains derrière son dos. Le menton dressé lui donnait un air royal que beaucoup de monde aurait trouvé intimidant, la blonde y compris. Ses cheveux bruns étaient noués en queue de cheval haute et son visage restait stoïque et implacable. Clarke aurait pu laisser son regard courir sur l'uniforme, les grades accrochés dessus ou encore la peau légèrement tannée par le soleil mais elle se retrouva happée par le tourbillon vert qu'étaient les yeux de l'inconnu. Et ceux-ci virevoltaient de colère.
- Depuis quand vous permettez-vous de parler à un médecin de cette façon,soldat ?
- Je ne voulais pas être irrespectueux Commandant. J'ai seulement -
- Silence Sergent ! L'interrompit la jeune femme en s'approchant pour le contourner. Veuillez présenter vos excuses sur le champs.
- Pardon Madame, s'exécuta-t-il aussitôt. Mes paroles étaient désobligeantes envers vous.
- Ce n'est pas grave c'est moi qui -
- Non Madame, la coupa l'étrangère. Le respect est primordiale. Le Sergent Première Classe n'avait pas à vous parler comme il l'a fait. Que cela ne se reproduise plus soldat ou je ferais en sorte que vous soyez sanctionné. Me suis-je bien fais comprendre ?
- Parfaitement Commandant !
- Rompez.
- Commandant, le docteur m'a chargé de faire visiter l'établissement.
- Vous êtes relevé de vos fonctions. Disposez !
Le jeune homme hocha la tête, salua son Commandant, Clarke, puis s'éloigna sans demander son reste. Il ne resta plus dans le couloir que les deux femmes et cette fois, la blonde se sentait vraiment impressionnée devant l'autorité et la prestance que dégageait le soldat. Mais ses yeux une seconde auparavent durs et froids se radoucirent lorsqu'elle les tourna vers la blonde qui se sentit déglutit.
- Désolée que vous ayez dû assister à cela, Madame, s'excusa la militaire.
- C'est de ma faute...euh...
- Commandant de l'US Army Alexandria Woodsen, Madame. Et la faute est imputée à qui de droit.
- Je me suis ma exprimée et le soldat Harmon a compris des choses que je ne pensais pas. Je n'ai pas l'habitude de ce genre d'environnement. Je viens tout juste d'arriver à Polis. Mon...Mon petit-ami a demander la permission pour que nous emménagions.
Clarke cessa immédiatement de parler lorsqu'elle se rendit compte que le soldat n'en avait probablement rien à faire. On lui avait souvent reproché de trop parler, surtout lorsqu'elle était nerveuse. Mais les yeux du militaire ne la regardaient ni avec mépris ni avec ennui.
V- ous êtes chanceuse Madame, affirma le Commandant. En règle général Polis privilégie les couples mariés ou sur le point de l'être.
- Non ! Non nous...Nous n'envisageons pas...Mon compagnon a demander l'autorisation à son père, le Général Collins.
- Le Général Collins ? Vous êtes le docteur Clarke Griffin ?
- Je ne suis pas encore docteur mais...Oui.
Pendant un instant elles restèrent ainsi à se dévisager jusqu'à ce que, mal à l'aise devant le regard perçant, Clarke se détourne légèrement le rouge aux joues. Quelque chose chez le soldat la rendait nerveuse sans qu'elle n'en connaisse la raison. Heureusement pour elle, son interlocutrice sembla s'en rendre compte car elle invita poliment la jeune femme à la suivre.
- Puisque je vous ai privé de votre guide, le moins que je puisse faire est de vous accompagnez Madame.
- Clarke.
- Pardon ?
- Vous...Vous pouvez m'appelez Clarke, répéta timidement la blonde.
Elle n'était pas habitué à tant de manière et cela la gênait désagréablement. Elle savait très bien que le respect et la politesse étaient de mise dans le corps des armées mais elle ne parviendrait pas de sitôt à s'en accommoder.
- Très bien, Clarke.
Un frisson la parcourut. La façon dont le soldat venait de prononcer son nom lui mit la chair de poule mais elle força un sourire et suivit le pas de son nouveau guide. Le Commandant l'entraîna dans les couloirs de l'hôpital, lui expliquant ce qu'il y avait à savoir sur l'endroit. D'une part elle expliqua les soins des blessures mineures avant de la mener jusqu'à l'aile des cas les plus critique. Elle lui confia également l'établissement de plusieurs cellules dans lesquelles les psychologues aidaient les soldats atteint de stress post-traumatique. Et plus elle parlait, plus Clarke prenait conscience de la difficulté. Il faudrait bien plus que des talents de médecins pour résoudre les problèmes qui se glissaient sous la surface. Cela nécessiterait du temps,de l'écoute et de la patience. Mais elle en était capable. Elle ferait tout pour mener sa tâche à bien.
Deux heures plus tard, la visite toucha à sa fin et le Commandant la raccompagna jusqu'à l'entrée.
- Si vous avez des questions, n'hésitez pas à faire appel à quiconque. Nous vous aiderons du mieux que nous pouvons. Je sais que ce n'est pas facile d'atterrir dans ce genre d'environnement.
Clarke hocha la tête pour la remercier et frissonna une nouvelle fois quand les yeux verts croisèrent les siens.
- Ce fut un honneur Madame, la salua le soldat avec un sourire discret.
- Merci encore Commandant.
- Lexa. Vous pouvez m'appelez Lexa.
