Disclaimer : aux dernières nouvelles, je ne suis pas blonde. J. K. Rowling, elle, l'est.
Avertissement : Homophobes s'abstenir.
Note de l'auteur : Après tant de temps, me voici de retour avec mon couple préféré ! L'histoire est en cours d'écriture, mais la publication sera longue : ne comptez pas sur plus de deux chapitres par mois, mes études sont très chargées et tout le blabla habituel. J'espère que vous apprécierez ! J'ai tenté de suivre le plus possible le livre, mais bien entendu, lorsqu'on s'attaque à un tel couple, c'est très, très difficile.
Note sur le chapitre : Il se passe à la fin du mois d'octobre 1996, juste avant le match de Quidditch des Gryffondor.
Bonne lecture !
Your eyes are either gray or blue, I'm never close enough to say.
Il monopolise mes pensées. Tout le temps, il est là, dans un coin de ma tête. Comme un fond sonore agréable. Et parfois, quelques fausses notes retentissent. Sous la douche, souvent. Là, je prends le temps de me demander s'il a bien dormi, s'il va prendre son petit-déjeuner. Je voudrais le connaître vraiment, savoir ce qu'il fait, ce qu'il ressent.
Chaque matin, lorsque j'arrive dans la Grande Salle, je le cherche des yeux, lui et son uniforme parfaitement mis, lui et ses cheveux impeccablement coiffés, lui et son sourire justement méprisant. Toujours, je le repère, assis à sa place habituelle, à côté de sa petite amie Parkinson, de ses armoires à glace Crabbe et Goyle. Rarement, nos regards se croisent.
C'est mon rituel du matin.
Je le déteste. Je ne supporte pas son air méprisant, celui qu'il arbore depuis sa Première année, persuadé que le simple nom de Malfoy lui permet ces largesses. Je tiens ses amis, ou plutôt ses sous-fifres, en horreur. Et par-dessus tout, je hais rester dans l'ignorance la plus totale. Il manigance quelque chose de très mauvais, je le sens.
Mon obsession est ridicule, selon Ron. Malfoy n'a rien de spécial, il est simplement... Malfoy. Bien sûr, Ron n'a pas la Carte des Maraudeurs, Ron ne la regarde pas tous les soirs avant de s'endormir, Ron ne voit pas Malfoy disparaître comme par magie. Pour Hermione, Malfoy est une lubie qui me passera bien vite. Ils ne comprennent pas !
Je le trouve arrogant, superbe et Mangemort. Je l'ai vu, dans le train ! Ron et Hermione refusent de croire qu'un si jeune homme a été accepté dans le cercle fermé des recrues de Voldemort. La déchéance de son père après l'échec du Ministère l'y aura poussé, ou son amour pour le pouvoir et la gloire, que sais-je ! Son bras gauche est tatoué, point. C'est ma certitude. Et je me surprends à penser que j'aimerais qu'elle soit fausse. Mensonge, ça.
Je descends les escaliers, approche même de la Grande Salle, lorsque j'aperçois ses cheveux au loin. Je sais qu'il m'a vu, ses lèvres se sont légèrement recourbées, sa démarche s'est légèrement ralentie. Il est seul, fait absolument rare. Aujourd'hui serait-ce une journée spéciale ? Je me fais violence pour ne pas marcher trop vite, pour calmer les battements surexcités de mon cœur. Il m'a toujours fait cet effet, je l'ai toujours détesté.
« Toujours aussi mal entouré, Potty. Tes sangsues vont bien ? » Ron ouvre la bouche et tend ses muscles, prêt à contre-attaquer, mais mon signe de la main l'arrête. Son impulsivité et sa rancune tenace envers Malfoy le perdront. Et on n'attaque pas mes amis de manière injustifiée sans conséquence. Je leur fais signe de partir. Hermione ne discute pas et entraine Ron à sa suite.
Il a une belle gueule d'ange. Dommage que mon poing doive s'abattre sur elle.
Je l'ai dit, il prépare un mauvais coup. Je suis frustré de ne rien deviner, alors je passe un peu ma frustration en le blessant physiquement. C'est à peine satisfaisant. Ce n'est pas la première fois.
J'ai faim, mon ventre se rappelle à mon bon souvenir. Un bol de porridge au lait plus tard, tout va un peu mieux. Sauf le regard plein de reproches d'Hermione. Elle sait que je l'ai encore frappé ! C'est même la quatrième fois en deux mois. J'ai profité de toutes les occasions possibles, j'avoue.
« Son air suffisant de Mangemort m'énerve ! »
Hermione prétend ne pas m'avoir entendu et plonge dans le journal, tandis que Ron grimace et se tourne vers Neville. Ils feignent l'indifférence, dès que je place les mots Malfoy et Mangemort dans la même idée. Leur capacité à ne pas comprendre m'indigne et m'exaspère !
Le cours de Métamorphose est une véritable catastrophe. Je ne m'attendais pas à ce que ce soit un miracle de toute façon, je ne suis pas assez concentré pour réussir à transformer ne serait-ce qu'un hérisson en pelote d'épingles.
« Potter, devoir supplémentaire. » Et voilà ce que je disais ! Je suis le premier à sortir de la salle de classe, l'atmosphère y est étouffante. J'y projette très probablement mon propre état d'esprit, mais peu importe. Je file sans attendre Ron et Hermione, c'est bientôt l'heure du repas.
J'en profite pour faire un détour jusqu'à la Grande Salle, passant par l'un des couloirs rarement fréquentés du quatrième étage. J'ai besoin de me calmer un peu, mes nerfs sont sur le vif depuis bien trop longtemps. Je vais finir par m'énerver contre tout le monde. Perdu dans mes pensées, je ne vois pas Eddie Carmichael, que je percute de plein fouet. Je manque de m'écrouler gracieusement sur le sol, tout Potter que je suis, mais ses réflexes me sauvent d'une humiliation de plus.
Je me souviens de lui. Peut-être pourra-t-il m'aider à diminuer mes frustrations. Je me souviens l'avoir croisé dans un de ces couloirs, l'année dernière, discutant avec une de ses amies. Ce Serdaigle est gay. L'un des rares que je connaisse entre ces murs. Non, en fait, le seul. Et il est plutôt mignon... Mes hormones n'en peuvent plus, elles bouillent. Et je suis à peu près certain que mon aura naturelle va le faire fléchir. Son sourire est plutôt timide, en fait.
Il ne bougera pas, même s'il tient mon corps un peu plus longtemps que nécessaire. Personne n'approche, alors je glisse doucement mes mains sur son corps. Il a de belles fesses, d'après ce que je sens. Il finit par me relever et épousseter sa propre robe. Mais son sourire s'est légèrement agrandi, on dirait.
« Ce soir, 21 heures, Salle de bains des Préfets. » Il sera là, je le sais.
Avec une dizaine de minutes de retard, j'arrive dans la Grande Salle, sous le regard désapprobateur et le silence d'Hermione. J'ai une faim de loup. J'ai l'impression de rejouer le scénario de ce matin, mais je fais comme si de rien n'était. Ron est de mon avis, puisqu'il dévore une assiette de pâtes comme s'il n'avait pas mangé depuis deux jours. Hermione lui tourne légèrement le dos, cela n'a pas changé, et elle est en pleine conversation avec Ginny.
Une fois, avec Ron, nous avons tenté de nous intéresser à leur conversation, histoire de voir ce que nous manquions. Elles parlaient apparemment du postérieur délicieux d'Untel, du maquillage outrancier de Machine, des sourcils mal épilés de Bidule, et des couples chez les Serpentards, plaignant presque Parkinson de sortir avec Malfoy, stupide et prétentieux Malfoy. Nous avons abandonné. Qu'elles ne nous accusent pas de ne pas les comprendre !
J'ai une heure de libre après le déjeuner. Je comptais préparer mon escapade de ce soir, avec Carmichael, mais Hermione m'entraîne sans discuter vers la bibliothèque. Et je ne peux même pas compter sur le soutien de Ron, qui est avec sa sœur. On ne dérange pas la famille, me dit Hermione. Foutaises !
Je me surprends moi-même, mais j'emporte avec moi le devoir supplémentaire que McGo' m'a donné. 2 parchemins complets sur les cinq exceptions aux lois de Gamp sur la métamorphose élémentaire. Hermione m'en a déjà parlé, un jour où nous discutions comme ça, mais je ne sais pas comment je vais réussir à remplir autant, même en écrivant gros. Bien sûr, Hermione en aurait fait dix si on lui avait laissé le choix.
Elle se plonge dans un manuel de Potions. Je manque de lui faire une remarque sur le fait que le devoir n'est que dans trois semaines, mais je sais qu'elle est vexée que je sois le « petit Prince des Potions », comme Slughorn m'appelle. Et je n'ai pas spécialement envie d'être la prochaine victime de son silence boudeur. J'ai besoin d'elle dans ma vie, elle a toujours été présente. J'ai su ce que c'était sans elle durant la Deuxième année, je ne veux pas recommencer.
Après avoir griffonné un parchemin entier de brouillon (je m'épate moi-même), l'heure du double cours de Potions est arrivée. Je déteste ces Serpentards, ces enflures qui ne cherchent rien d'autre que nous humilier... Ron et moi nous installons côte à côte, comme d'habitude. Nous sommes au fond de la classe, comme d'habitude. Je travaille sur le livre du Prince de Sang-Mêlé, comme d'habitude.
La nuque blonde de Malfoy me nargue, comme d'habitude. Je brûle d'envie de lui lancer des yeux de salamandre, mais le bras de Ron m'en empêche. Même si Slug' m'adore, je ne devrais pas risquer la retenue. Pas même – surtout pas ! – pour ses beaux yeux. Ravaler ma colère. Calmer mes ardeurs.
L'heure du repas arrive. Je ne sais pas réellement quelle urgence me presse, il n'est que 19 heures, j'ai encore deux heures avant de rejoindre Eddie pour quelques ivresses contrôlées, mais j'avale mon repas plus vite que jamais, m'attirant le regard dégoûté de Neville (« Tu gâches la saveur de la nourriture, Harry ! ») et la fascination de Dean (« Je ne pensais pas que quelqu'un était capable de manger plus vite que Ron. »). Je les ignore, et le jus de citrouille m'aide à digérer.
Dix minutes plus tard, je sors de la Grande Salle, rassure Hermione rapidement, et monte au septième étage, par conviction. Je ne sais pas vraiment pourquoi mes pas m'y ont mené. Et puis si, je sais. Je sais que Malfoy sera dans les parages, il l'est souvent après le repas. Je sais que nous aurons encore une de nos joutes verbales, et mes muscles se tendent à cette pensée. Le haïr est une partie de plaisir.
« M'avoir frappé ce matin ne te suffit pas, tu viens m'insulter ? » Oui, Malfoy. Parce que tu ne me réponds plus, tu ne réponds plus à mes interpellations vexantes, tu ne réponds plus à mes coups injustifiés. Parce qu'un indicible désir me pousse à vouloir connaître la couleur de tes yeux.
Tu pars avant même que je ne puisse te toucher. Laisser ma trace sur ton corps si pâle, si fragile. Tes os saillants, ta peau qui tremble. Tu ne manges plus. Tu me sembles apathique, indifférent. J'étais le seul à te faire réagir ! J'étais le seul qui t'illuminait. Et maintenant, même moi, tu m'ignores. Mais j'ai besoin que tu ressentes ! J'ai besoin de mon ennemi de toujours ! J'ai besoin de toi !
Je retourne à la tour de Gryffondor, sans errer plus longtemps. Je m'enferme dans le mutisme et dans le travail, tentant de me concentrer (sans grand succès, à vrai dire) sur la fin de ma punition de Métamorphose.
« Qu'est-ce qui se passe, Harry ? Une mauvaise nouvelle ?
- Non, Hermione, je suis simplement fatigué. Dure journée. Et le match de samedi me stresse. »
Compte tenu de l'angoisse que Ron répand, ce n'est pas un mensonge si difficile à croire. Mais Hermione n'est pas dupe, elle sait très bien que je mens, vu son regard scrutateur. Elle me connaît beaucoup trop bien, ce qui n'est pas étonnant après six années passées avec moi tous les jours. Sauf les étés. J'ai pourtant eu les meilleurs professeurs du monde, Fred et George, et une longue histoire de secrets derrière moi. Ron est heureusement plongé dans sa partie d'échecs avec un Septième année, mais ses oreilles rouges le trahissent, il se sent gêné, et je m'en veux d'avoir parlé du Quidditch, compte tenu de son état de fébrilité actuelle dès qu'on mentionne le match...
Peu importe, Hermione ne peut rien dire du tout, elle se replonge donc dans son parchemin, malgré son envie notable de me soumettre à un interrogatoire en règle. Mais je n'ai plus trois ans, j'en ai seize, alors qu'elle me laisse tranquille !
Elle ne sait pas que je suis gay, et je n'ai aucune intention de la laisser découvrir cette part de moi-même, ce seul secret que je leur cache réellement. En tant que Harry Potter, je n'ai pas vraiment de vie privée, alors si je peux avoir un tout petit, petit, jardin secret, autant qu'il le reste. Peut-être que je ne suis pas vraiment gay, au fond.
Je monte peu avant Ron, il prononce à peine les mots « Échec et mat » que je suis devant la porte de notre dortoir. Heureusement, Neville, Seamus et Dean sont encore en bas. Je lui fais part d'une envie d'escapade, lui demande s'il peut me couvrir, en somme. Il accepte, refusant de discuter plus longtemps ma lubie « Malfoy ». C'est l'excuse que j'ai préparée, oui. Il redescend avec moi, passe la porte de la Salle commune, alors que je suis sous ma Cape d'invisibilité.
Ron est le meilleur ami du monde.
Il est 20h50 lorsque je pénètre dans la Salle de bains. Elle comporte plusieurs baignoires, ce qui n'est pas un avantage dans le cas présent. D'autres soupirs m'ont précédé... Ils étaient heureusement assez concentrés pour ne pas remarquer que la tapisserie s'était dématérialisée durant quelques secondes, le temps de me laisser passer. Je ne vois qu'un dos musclé, et le visage de Malfoy. Le visage d'extase du blond s'imprime dans ma tête. Son râle de plaisir envahit mes oreilles.
Après quelques secondes où mes propres muscles ne répondent pas, je sors à reculons de la salle, heurtant Carmichael alors que je suis toujours sous ma cape. Merde. Je m'enfuis, range la cape sous une armure et reviens sur les lieux du crime. Il m'attend, souriant. C'est vrai, il a un beau sourire.
Il me laisse passer avant lui. Je risque un regard vers la salle occupée plus tôt, mais elle est vide.
Son baiser est possessif, brutal, il me mord les lèvres. Sa langue trace des arabesques sur ma peau... Je me surprends à imaginer un autre blond, un autre visage, une autre jouissance. La stupeur malsaine qui m'envahit ne m'empêche pas de le visualiser, lui. Je me retiens de rejeter Eddie, de courir dans les cachots, dans cette ambiance glauque, rien que pour le voir.
Qu'est-ce qui ne va pas avec moi ? Certes, ce n'est pas nouveau que je me laisse diriger par mes hormones, mais... Malfoy ? Sérieusement ? Il n'est pas laid, loin de là en fait, mais c'est un abruti doublé d'un connard. Salaud de riche.
Je ne peux pas vouloir coucher avec un mec qui est de l'autre côté. Et pourtant, j'aimerais savoir ce que ça fait de toucher sa peau si pâle. De sentir la chaleur de son corps légèrement musclé contre le mien. De goûter ses lèvres, sa bouche, sa langue.
Ce n'est que de la curiosité, bien entendu. Une curiosité qui me hante, et qui n'a pas permis que ma frustration précédente s'efface. Pourtant, après les batifolages avec le Serdaigle, j'aurais dû me sentir mieux. Mais le peu d'énergie que j'ai dépensé ne compense pas la lourde pensée de Malfoy.
Je récupère mes affaires sous l'armure, et je marche dans les couloirs, pour essayer de me calmer. Le couvre-feu approche, il est bientôt 22 heures. Il fait froid dans les couloirs du château, le vent souffle fort ce soir. Mais on voit les étoiles, surtout depuis la Tour d'Astronomie. Je reste quelques minutes à observer le ciel. À penser à la mort de Sirius.
Sa présence de jeune adulte me manque. Penser que je ne peux pas lui envoyer de hibou pour lui parler de mes dernières inclinations... Je ne suis pas censé avancer dans ces affaires-là seul ! Quelqu'un est censé me dire ce que je dois faire, quelqu'un est censé m'écouter me plaindre ! Et cette famille qu'il m'avait promise ! Je lui en veux d'être mort. Je lui en veux plus que tout. Il devrait être là ! Il est censé être à portée de hibou !
Ça fait quatre mois, et alors ? Les gens que nous aimons ne sont pas censés nous quitter. Jamais.
Je préfère rentrer dans le dortoir avant de me jeter du haut de la Tour. Je crois que ça ferait beaucoup plus de mal qu'autre chose. Et puis, je suis censé tuer Voldemort. C'est ça, la véritable raison. Je dois le faire.
Il est plus de minuit lorsque mes pas résonnent sur le sol dur de la Salle commune. Je suis seul, mais ce n'est pas étonnant vu l'heure. La plupart des gens ont besoin de plus de sept heures de sommeil. Mes courtes nuits de quatre, cinq heures m'épuisent également, mais je ne peux pas dormir plus. Je rumine mes pensées, et aujourd'hui, elles vont de Malfoy à Malfoy, en passant par Malfoy.
Quatre heures du matin. Je m'éveille en sursaut, allongé sur la banquette en face du feu de cheminée. Les elfes de maison ont dû passer, j'ai une couverture sur moi et une tasse de thé chaud devant. Je ne me gêne pas pour boire une gorgée (et j'ai une pensée désolée pour Hermione, mais ce qu'elle ne sait pas ne peut pas la déranger... j'ai encore l'épisode de la S.A.L.E. en tête, oui).
Je finis par me lever, incapable de rester assis plus longtemps dans cette pièce. Je vais prendre un bain dans la Salle de bains des Préfets (on me dira que j'en profite trop, peut-être est-ce vrai), et je me remémore toutes nos ''aventures''.
La première année et cette main refusée. J'aurais aimé l'avoir serrée, rien que pour savoir à présent ce qu'il complote. La deuxième année et cette infiltration dans les quartiers vert et argent. J'aurais aimé y rester plus longtemps, rien que pour savoir où il vit, quelles sont ses relations avec ses camarades. La troisième année et la sortie à Pré-au-Lard. J'aurais aimé ne pas avoir lancé la boue sur ses cheveux d'or... et puis non, ce fut l'une de mes plus belles crises de fou rire. La quatrième année et l'extraordinaire fouine bondissante. Non, celle-là non plus, je ne la regrette pas, elle était effroyablement risible.
J'ai bien trop ri à ses dépens alors que j'aimerais seulement le comprendre. Lui, ses motivations, ses peines, sa haine envers moi. On veut toujours connaître son ennemi le mieux possible, pour avoir des armes tranchantes. C'est à cela que rime mon obsession de lui. Je le déteste, pas vrai ?
L'inaction ne me réussit pas. Il est déjà 4h30, je me dirige vers le lac pour une plongée dans l'air frais d'un matin d'automne. Quelle n'est pas ma surprise lorsque je vois l'objet de mes pensées, de mes futures colères, de mes haines passées. Draco Malfoy. Allongé sous un arbre, les yeux fermés. Il ouvre très brièvement les yeux quand il entend mes pas sur l'herbe.
Je déteste l'expression que son visage a prise lorsqu'il faisait l'amour avec un autre. Je déteste l'idée de ne pas être celui qui lui redonne de l'émotion dans son indifférence chronique. Je suis son ennemi, quand même !
« On a passé une bonne nuit, Potty ?
- Et toi, Malfoy ? Baiser dans la Salle de bains des Préfets, c'est une manière comme une autre de passer la nuit, non ?
- Ah, tu m'as vu avec Théo. C'est... surprenant. Ça t'a plu ?
- Plus que tu ne l'imagines... »
Je suis beaucoup trop fatigué pour me disputer avec lui. Je ne peux pas rester ici à discuter avec cette enflure, je n'ai même pas la force de lui lancer un sarcasme au visage. Il se contente de prendre un ton lubrique, déstabilisant, et je suis réduit à lui répondre avec une honnêteté qui me dépasse. J'ai bien envie de me jeter dans le lac pour oublier que je discute avec mon ennemi de toujours sans même le frapper. Son visage me hante, en plus. Éclairé par la pleine lune, il semble féérique, ou fantomatique, au choix.
Son visage me hante, même ici, alors qu'il me fait face. J'en connais les traits par cœur, le plissement caractéristique du nez lorsqu'il est contrarié, le haussement du sourcil gauche lorsqu'il est surpris, les lèvres pincées lorsqu'il se retient de m'insulter. Mais je ne connais pas sa silhouette, la robe de sorcier la masque. Je ne connais pas la couleur de ses yeux, je ne la connais plus. Bordel, il m'énerve !
« En quoi je t'énerve ? Je sais, tu as toujours envié ma classe indéniable et mon charme, mais là ?
- Ta putain d'arrogance m'énerve ! C'est très malpoli de parler à quelqu'un sans le regarder, mais je suppose que ta mère ne te l'a pas appris.
- Qu'est-ce que tu veux voir ?
- Tes yeux. Tes yeux sont gris ou bleus, je ne suis pas assez proche pour le dire. »
Son visage se lève à hauteur du mien, encore les yeux fermés. Il tend la main pour agripper mon épaule, se stabiliser. Je réprime une forte envie de glisser mes doigts dans ses mèches blondes, dont l'odeur me monte légèrement aux narines. Je sens son souffle sur mon visage, sur mes lèvres. Il ouvre enfin les yeux.
Gris. Bleus. Je ne sais pas. La lune nous éclaire. Trop peu. Pas assez. Mon regard s'attarde. Son nez... Ses lèvres...
« Respire, Potter. Tu sais, inspirer, expirer, de l'air.
- Ta gueule Draco, ta gueule... »
Ses lèvres.
Contre les miennes.
Un simple rêve.
Est-ce un rêve ? Aurais-je pu vouloir être embrassé par mon ennemi de toujours ? Aurais-je pu imaginer ses mains hésitantes sur mon corps ? Aurais-je pu désirer le prendre dans mes bras ? Je connais la réponse. Elle m'effraie.
J'aurais préféré ouvrir brusquement les yeux et ne percevoir que la pénombre familière du dortoir, les lourds rideaux rouges, les ronflements caractéristiques de Ron. Au lieu de cela, mes yeux se perdent sur son avant-bras gauche. Cette vision me sort soudainement de ma torpeur, je me sens plus réveillé que jamais. Ainsi, je ne m'étais malheureusement pas trompé. Il est Mangemort. Il est un sous-fifre de Voldemort. Il n'a pas résisté à l'attrait des Ténèbres.
Mon immobilité soudaine le surprend, avant qu'il ne suive mon regard et ne comprenne la raison. Je suis sonné par la nouvelle. Pourtant, c'était une de mes certitudes. Alors, pourquoi ça me rend aussi triste ? Pourquoi ?
« Pourquoi quoi, Harry ? » Il n'a pas empêché un soupçon de lassitude percer dans sa voix.
« Pourquoi l'as-tu rejoint alors que tu aurais pu faire tellement mieux ? » Il n'a pas à savoir que je me sens moralement diminué de le savoir de l'autre côté. C'était juste un espoir stupide, j'avais cru qu'il pourrait ne pas suivre les traces de son père. Mais il a toujours glorifié son père.
Le discours qu'il tient pourrait presque me persuader. Alors quoi, parce qu'il est « avec moi », même avec cette chose sur le bras, parce qu'il fait ça « pour me protéger », je suis censé le croire ? Qu'est-ce que ça veut dire, « avec moi » ? Il est contre moi, c'est ce qu'il est ! C'est sa fonction ! Chaque héros doit avoir un ennemi attitré, non ? Le mien, c'est lui. Pas Voldemort, lui. Je ne veux pas le perdre à cause de cela. Et puis, pourquoi me protéger ? Je suis assez fort pour le faire moi-même.
Il ne m'a jamais apprécié, même un minimum, jamais respecté, et il voudrait me faire croire qu'il fait ça pour mon propre bien ?
Je ne l'aime pas, mais je l'ai toujours respecté, estimé, j'ai toujours su qu'il était meilleur que ce qu'il paraissait. Un ennemi s'observe, n'est-ce pas ? Malfoy est quelqu'un de doué en cours, même s'il est stupide par bien d'autres aspects.
Je ne l'aime pas, et pourtant, j'ai aimé l'embrasser, le tenir dans mes bras. Sentir la chaleur diffuse de son corps. Écouter les battements de son cœur. Le savoir vivant au fond, même mort en surface.
Ses larmes perlent, mais elles ne coulent pas. Je m'énerve, elles m'énervent, il est bon comédien. Je ne veux pas le croire, je refuse de me faire avoir. Il arrête ma colère par quelques mots.
« Ce n'est pas de l'amour, Potter, je ne suis pas une midinette. C'est juste que tu ne dois pas mourir. Tu dois achever... Voldemort. Tu n'as pas le droit de mourir. »
Il a raison, Voldemort doit périr définitivement, et c'est à moi de le faire.
Ce n'est pas pour autant que je vais le croire. C'est mon ennemi, bon sang !
Il est presque sept heures, et le soleil pointe le bout de ses rayons, lorsque je retourne dans le dortoir. Ron est déjà réveillé, Neville dort encore, tandis que Dean et Seamus sont dans la salle de bains. Il y a cinq douches et cinq lavabos dans la salle attenante, et comme tous les matins, ils y sont avant nous. Ils ne ferment jamais vraiment la porte, de toute façon.
« Tu as fait quoi, cette nuit ? Tu n'as pas dormi ? Ou étais-tu ?
- Calme-toi, on dirait Hermione. Je me suis réveillé à quatre heures, je n'arrivais pas à me rendormir, alors je me suis promené dans le château. Tout va bien, OK ?
- Ce n'est pas l'impression que tu donnes. Regarde-toi ! Tu as l'air...
- Quoi ? Je n'ai rien ! Je suis en parfaite santé, je mange, je fais du sport, je travaille, je ne faillis dans aucun de mes devoirs, alors quoi ?
- Je sens que tu ne vas pas bien. Si tu veux parler... »
Je sais, Ron. Ce n'est pas pour rien que tu es mon meilleur ami. Mais à part te dire que je recherche du réconfort après la mort de Sirius en baisant des mecs, et que je viens de passer toute la nuit à me torturer l'esprit à propos de Malfoy, et que le dit Malfoy m'a embrassé durant une partie de la nuit, je ne suis pas sûr que je puisse t'expliquer les choses. D'ailleurs, c'est pour cela que je me tais. Je suis incapable d'expliquer moi-même les vraies raisons de mon comportement.
« Tes cernes, Harry ! Tu as dormi cette nuit, au moins ?
- Bonjour Hermione, je vais très bien merci, et toi ?
- Oh, arrête ! Tu as dormi cette nuit ? »
Oui, quelque chose comme trois heures. Mais je ne sais pas pourquoi, je sens que cette réponse ne lui plairait pas, alors j'invente un tout petit mensonge pour elle. Lui dire que j'ai passé une longue nuit mais que je me suis réveillé à plusieurs reprises. Elle hausse les épaules, mais reste silencieuse. Je ne la connaissais pas comme ça, Hermione a d'habitude une remarque à faire sur tout. Je ne me plains pas, au moins elle ne me crie pas dessus.
Nous descendons tous les trois dans la Grande Salle, et je ne peux empêcher mon estomac d'être serré par l'appréhension et l'impatience. Une (grande) part de moi aimerait le voir. C'est la même qui voudrait croire ce qu'il m'a dit hier, qui voudrait avoir confiance en lui. L'autre part, c'est la rationalité qu'il me reste. Le bout de cerveau qui me dit que c'est un piège destiné à m'affaiblir.
Mais je ne peux pas être affaibli émotionnellement : je n'aime pas Draco Malfoy. Par contre, ses fesses... On peut désirer quelqu'un tout en ne l'aimant pas, et c'est ce que j'ai fini par accepter toute cette nuit, quand nous étions ensemble au bord du lac. Il embrasse bien, en plus, ce qui n'est pas négligeable dans toute l'histoire.
Il n'est pas là. Il n'est pas assis à sa place habituelle, Pansy discute avec Blaise et même Crabbe et Goyle sont là, mais pas la moindre trace d'une chevelure blonde dans les parages. Tant pis, je me plonge quand même dans le petit-déjeuner, comme je n'ai pas beaucoup dormi il faut au moins que je mange. Mais étrangement, j'ai le cœur serré.
C'est sur le chemin de mon premier cours de la journée que je le vois. Ses yeux sont gris. L'orage se déchaîne en moi lorsqu'au détour d'un couloir, je croise son regard brûlant. On dirait une groupie qui vient de croiser son chanteur préféré, j'ai honte.
Mais ses yeux sont gris. Je le vois enfin. Sa voix n'est même pas blessante lorsqu'il crache « Dégage, Potter ». Je perçois la note de tremblement, comme s'il n'était pas sûr de ce qu'il disait.
Un parchemin vierge se matérialise même devant mes yeux endormis, en cours d'Histoire de la Magie. Ron, qui ronfle doucement sous l'effet de la voix soporifique du professeur, et Hermione, qui écoute religieusement mais avec difficulté, ne remarquent rien. Heureusement pour moi. Je le fixe quelques secondes, ne sachant que faire, quand une belle écriture apparaît. Je prends peur quelques secondes, me rappelant la (très) mauvaise expérience avec Jedusor, mais ce n'est que Malfoy.
« Tu ne t'ennuies pas trop avec Binns ? »
« À présent que tu es là, non. Tu es dans quel cours ? »
« Sortilèges, on retrace l'historique des sortilèges d'apparition et de disparition. Rien de bien intéressant. On se voit ce soir ? »
« Non. Entraînement de Quidditch. Serai épuisé. Inutile. »
« Je ne veux pas qu'on baise. Juste parler un peu, ou dormir. »
Pourquoi ? Pourquoi voudrait-il me parler ? Nous sommes ennemis, et même s'il s'est mis en tête de me protéger, je ne le crois pas. Comment un garçon de 16 ans arriverait à me protéger alors que je me sens si seul ?
Je n'arrive pourtant pas à empêcher mon sourire de niais amoureux, lorsque je ne me concentre pas. Je le sais parce qu'Hermione me le fait subtilement remarquer, rien que cela. Plus exactement, tous mes amis se moquent de moi. Grand bien leur fasse ! Je ne peux pas m'empêcher d'être heureux.
J'ai un rendez-vous avec Malfoy. Mais je ne suis pas amoureux de lui. Je suis juste impatient de me servir du prétexte qu'il m'a donné, c'est-à-dire « parler un peu », pour le connaître un peu plus. Après tout, on ne connaît jamais assez un ennemi. Et tant que je reste sur mes gardes, rien de mal ne peut m'arriver. Justement.
La journée se passe si lentement... Même l'entraînement de Quidditch est minable. Je suppose que je suis un mauvais entraîneur, que la mauvaise humeur de Ron nous contamine tous, et que la seule un tant soit peu capable de le secouer vient de l'engueuler d'une manière si gênante en mettant en relief son manque d'expérience sentimentale que j'aurais préféré ne pas être présent. Mais pour résumer, c'est ça. Une catastrophe. Ginny nous tourne le dos et je ne peux pas m'empêcher de lui donner un peu raison.
Je ne vais pas le supporter si mes deux meilleurs amis ne se parlent plus pour des raisons stupides et passées. Mais jamais je n'expliquerai à Hermione que son seul tort est d'avoir embrassé Viktor Krum deux ans plus tôt. Elle ne comprendrait pas, et moi non plus, d'ailleurs. J'étais persuadé qu'ils allaient finir ensemble après l'épisode du bal de Noël... Il faut croire que Ron ne se laisse pas si facilement approcher.
Une fois Hermione dans son dortoir, je retourne aux bords du lac. Il est là, il m'attend, il est encore allongé. Il est beau, vraiment. Je le trouve très beau. Je crois que je l'ai toujours trouvé beau. Élégant, du moins. L'élégance est une seconde nature chez Draco, je suppose. Son père ne l'est pas autant, il se laisse trop facilement submerger par ses émotions négatives. C'est pour cela qu'il est à Azkaban, finalement.
« Je suis l'un des sorciers les plus puissants de mon âge. C'est la seule raison qui me pousse à te protéger. À vouloir te protéger.
- Menteur. Tu ne veux juste pas perdre ton ennemi.
- Es-tu encore mon ennemi, après tout ça ? Est-ce qu'on discute avec son ennemi ? Est-ce qu'on l'embrasse ?
- Non, tu as raison. Mais si tu n'es pas mon ennemi, tu n'es rien...
- Faux. Je serai ton unique amant, Potter. »
Et voilà comment le sexe s'est immiscé dans notre haine pas si forte que cela.
Toute question ou toute remarque est la bienvenue.
Posté le 07/11/2011.
