.

Un recueil intitulé "Histoires entre amis" a été publié à l'occasion du sixième anniversaire de la Ficothèque Ardente. Des auteurs arpentent avec talent le chemin qui mène de l'amitié à l'amour... et vous y emmènent. De Gotham à Beurk, de monde réel en monde magique, vous y rencontrerez des héros aussi différents que les univers où ils évoluent... Pour en savoir plus rendez-vous sur le forum de la ficothèque. La fiction qui suit est ma contribution à ce recueil.

.

.

L'Île des Brumes

.

.

Chapitre I. Le voyageur

.

.

Cette grotte au flanc de la montagne est une véritable aubaine. L'homme jette un regard sur les éléments déchaînés à l'extérieur. La tempête fait rage, ils ont eu beaucoup de chance de parvenir jusque là. Le jeune dragonnier, transi et harassé, déleste sa monture de son havresac, ôte la selle de cuir. Malgré sa fatigue, il rassemble du bois qui, au fond de la caverne est en quantité et bien sec, il adresse un coup d'œil à Seïskor qui comprend immédiatement son souhait et enflamme le fagot d'un léger souffle de feu. Au moins, ils auront chaud. Pour la nourriture, c'est compliqué. Pensant arriver à Beurk au coucher du soleil, il n'avait pas prévu de vivre une troisième nuit dehors. Au fond de sa besace, il ne demeure qu'un quignon de pain rassi, un petit bout de lard, deux poissons fumés, pour deux c'est peu. Il ne garde pour lui que le pain qu'il embroche sur un bâton et met au dessus du feu pour le griller. Il sera plus tendre. Cela fait, il s'assied sur le sol, le dos appuyé sur le ventre du dragon qui s'est installé après son maigre repas.

Tout en mastiquant, il contemple l'océan en furie. Qu'Odin prête vie aux vikings qui sur leur snekkar ou leur knärr (1) sont en mer. Son esprit est autant bouleversé que le climat. Son père, Olav-le-Borgne, l'a envoyé vers un passé qu'il voulait fuir. Mais le veut-il vraiment ? Il le saura très bientôt. Il soupire. En attendant, il ne lui reste qu'à dormir, la journée du lendemain risque d'être éprouvante. Il s'étend contre le corps écailleux. Seïskor le couvre de son aile. Il s'endort en ce cocon.

.

— Dragon en vue ! s'époumone la vigie.

— Par ce temps ? Quelle mauvaise nouvelle apporte-t-il ? s'inquiète Harold qui laisse en catastrophe son atelier où il converse avec Varek.

Depuis trois jours, la Rive des Dragons se noie dans la tourmente. Nul bateau n'a pris la mer, nul dragon n'est sorti. Quel est ce fou qui a osé braver le courroux des Dieux ? Varek et Krokmou le suivent. Dressés sur le ponton, ils observent le point qui grossit.

— Par Thor, un Bringerofsnow, constate Varek. La race est quasi éteinte. Il n'y a pourtant aucun doute. Il vole difficilement. Malgré sa puissance, il est éreinté.

Le bel animal blanc atterrit sur la rive. Ses pupilles écarlates épient Harold qui s'avance. Le dragonnier semble à moitié mort et ne se cramponne plus à la bête que par habitude. La silhouette est familière à Harold. Les longs cheveux blonds détrempés qui cachent une partie du visage exsangue ne l'empêchent nullement de l'identifier.

— Escnan ! lance-t-il d'un ton douloureux en se précipitant.

— Fais attention au Bringer ! s'exclame Varek.

La bête émet un rugissement sinistre défendant à l'étranger de toucher son compagnon humain.

— Que sais-tu de lui ? s'enquiert Harold sans quitter des yeux son vis-à-vis dont la crête baissée est signe de colère.

— J'ai peu d'éléments, avoue Varek en consultant ses fiches. Il est de la catégorie des marins. Il ne craint pas le froid, son milieu naturel est l'abord des fjords. Son apparence l'y rend discret. Il est réputé pour sa vitesse, son intelligence et sa vélocité dans l'eau et sur terre. Par contre, il n'est pas vindicatif sans raison.

— Voilà enfin une bonne chose.

Essayant de faire taire son inquiétude et son impatience à secourir le dragonnier, Harold progresse peu à peu. Il sait qu'il joue là sa vie. Apprivoiser un dragon signifie le connaître, cela exige du temps. Temps qu'il n'a pas. D'une voix calme, il le rassure. Il guette la moindre ébauche de mouvement. Il est trop empressé, il en est conscient.

— Harold ? Pourquoi a-t-il choisi de venir là ?

— Je l'ignore. Peut-être Escnan est-il parvenu à le guider jusqu'ici avant de s'évanouir une fois le but atteint.

Soudain, il fait le pas de trop. La rapidité du Bringer est stupéfiante, il ne doit d'avoir le bras sauf qu'à Krokmou qui le pousse loin d'un coup de tête et se met entre eux. Tout est à recommencer. Avec force grognements, le Furie communique avec l'autre sans succès. Ce n'est qu'à la quatrième tentative et parce qu'il ne tient plus sur ses pattes tant il est épuisé que le grand blanc, surveillé de près par Krokmou, lui permet d'approcher. Il pose une main incertaine sur la jugulaire, la vie bat.

— Escnan, appelle-t-il d'un ton pressant.

Celui-ci soulève les paupières un bref instant avant de plonger à nouveau parmi les ténèbres. L'a-t-il reconnu ? Est-ce important ? Non. Seule sa survie l'est. Il ôte ses pieds des étriers de cuir, le fait glisser vers lui, le charge sur son épaule et se dirige vers sa maison escorté de Varek et des dragons.

.

Repoussée loin par les divinités apaisées, la tempête s'est éloignée, abandonnant les lieux à un soleil timide et glacial qui baigne de sa lumière blafarde la couche sur laquelle repose Escnan. Sous les fourrures abondantes, il somnole dans une bienheureuse torpeur. Il serait bien sans cette douleur lancinante au côté droit et ce goût horrible dans la bouche. Des bruits, une conversation lui parviennent.

— Va-t-il mieux, Gothik ? interroge une voix qu'il reconnaîtrait entre mille.

Ainsi, il a réussi. Il est à Beurk.

Un interminable silence succède à la question.

— Elle dit que ses blessures sont graves et qu'il a perdu beaucoup de sang, mais le Valhalla (2) est encore lointain pour ce jeune guerrier. Elle te laisse de nouvelles potions à lui donner régulièrement. Il faudra aussi changer son cataplasme avant la nuit, dit une grosse voix bourrue.

— Gueulfor va te reconduire sur Beurk, je viendrai te chercher demain matin afin de renouveler les soins.

— Le conseil t'attend, gronde l'homme.

— Ils se passeront de moi. J'ai à faire ici.

— C'est ta place, Harold. Stoïck l'aurait voulu ainsi.

— Cinq années ont passé depuis son décès, depuis mon départ. Pendant mes trois ans d'absence, comment ont-ils fait ?

— Tu étais allé courir le monde, avaient-ils une autre solution ? Maintenant que tu es là, tu as des devoirs à remplir. Tu dois redevenir chef du clan.

— Non. Tu étais le meilleur ami de Stoïck, tu veux que je perpétue les Hooligans. Je le comprends, tel n'est pas mon but. Cela ne signifie pas que je renie mon père, que je ne respecte pas ce qu'il était. C'est tout sauf moi les pompeux discours, les responsabilités. Vous considérez ça comme un honneur, moi pas. Je me suis trouvé chef à mon corps défendant lorsque le deuil nous a frappés, fiancé avant d'avoir le temps de dire Loki. Dans le chaos qui a suivi les retrouvailles avec ma mère, la victoire sur Drago Poing-Sanglant, la disparition de mon père, j'ai cru que c'était mon rôle et j'ai fait mon possible. Très rapidement, cela m'est apparu infiniment pesant. Je n'avais que vingt ans, Gueulfor. Je m'évadais autant que je le pouvais. Ma mère ne l'a pas supporté plus que moi. Elle a quitté Beurk également. Puisque ma défection se prolongeait Mastock a pris le contrôle du clan, il s'est dévoué au village, à ses habitants. L'île est en paix et prospère. Que pourrais-je y apporter de plus ?

— Tu vas repartir ?

— Je l'ignore.

— Elle dit que tu ne peux lutter contre ton destin.

Spectateur involontaire de cette étonnante explication entre Harold, un vieux viking manchot unijambiste et une guérisseuse muette et pour le moins centenaire, Escnan se pose bien des questions. Harold se tourne vers lui. Un éclair de joie traverse ses orbes vertes quand il rencontre son regard. Pourtant, il ne dit rien et, offrant son dos à ses visiteurs, se rassied devant sa table couverte de documents, de cartes et d'un étrange objet long et cylindrique. Gueulfor grogne peu aimablement. Il n'apprécie pas la façon cavalière qu'a Harold de le congédier, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Sans un mot, il sort poussant la petite vieille devant lui qui, d'un geste menaçant, agite son bâton de chaman devant son grand nez. Ils sont enfin seuls.

— Seïskor ? demande-t-il.

— Ton compagnon ? Il va bien. Il était seulement épuisé. Quelle folie de voyager par un temps pareil.

— Lorsque je suis parti d'Usedom, il y faisait beau. Je suis inconscient depuis longtemps ?

— Quatre jours, murmure Harold en délaissant ses parchemins pour se diriger vers lui. Tu as de vilaines blessures au côté, des côtes cassées, des lacérations et une coupure très profonde, tu as perdu beaucoup de sang. Raconte.

Il n'a pas l'occasion de répondre. Une silhouette se profile à l'entrée de la maison. Krokmou. Le Furie Nocturne vient le taquiner amicalement du bout de son museau.

— Salut mon gros, dit-il en le grattouillant entre les oreilles. Tu m'as manqué.

— Escnan ! s'impatiente Harold.

— Éternellement pressé, se moque-t-il. Mon paternel m'a envoyé à Beurk partager avec le chef du clan des Hooligans une découverte qu'il a faite sur les dragons. Ceci en remerciement de l'aide qu'il a procurée à son fils qu'il a cru mort pendant longtemps. J'ai eu quelques ennuis en chemin. Outre les éléments déchaînés. Avec une bande d'Oscuro notamment. Petits et vraiment teigneux. C'est à leurs griffes que je dois mes entailles et à un rocher en saillie ma déchirure.

— Je ne suis le chef d'aucun clan et tu n'es pas à Beurk mais à la Rive des Dragons. C'est ici que je vis depuis mon retour qui n'a pas été tel que je l'imaginais, raille Harold. Trois ans, c'est interminable. Tous me croyant tué tel ton père pour toi, ils avaient fait leur deuil et réorganisé leur vie.

— C'est ce que j'ai cru comprendre. Astrid ? ose-t-il interroger.

— Était mariée et enceinte. J'ai préféré m'effacer.

— Je suis désolé.

Réellement, il l'est. Sans la connaître, il déteste la jeune fille vers laquelle est reparti son ami, pourtant sa malchance le chagrine. Trois ans d'esclavage commun sous le joug d'Almir-le-tueur ont créé entre eux des liens indestructibles.

— Parle-moi de cette extraordinaire trouvaille.

— Tu crois que Krokmou est le seul de son espèce encore vivant ? Tu te trompes. Il y a un second Furie Nocturne sur l'île de Fergen. Malheureusement, il ne se laisse pas approcher. C'est à peine si on l'a entrevu, mais il est bien là. Mâle ou femelle, je l'ignore. Néanmoins, cela ouvre des possibilités vers une renaissance de la race.

Les yeux de son vis-à-vis se sont éclairés. Il reconnaît la flamme qui magnétisait le regard d'émeraude chaque fois que Harold concevait un plan dans le but d'échapper à leurs tortionnaires.

— Tu t'endors, observe ce dernier. La potion de Gothik produit son effet. Nous en reparlerons demain.

Escnan se réveille au milieu de la nuit. Encore ce goût âcre dans la bouche. Toujours ce remède de malheur. Les lampes à huile sont éteintes. Le "long feu" esquisse le centre de la pièce. Sur une vaste pierre volcanique légèrement rehaussée sont étendues deux masses dissemblables, l'une noire, l'autre plus volumineuse et blanche. Krokmou. Seïskor. Il veut se redresser et saisir la cruche d'eau qui avoisine le lit, il retombe lourdement sur le matelas avec un grognement de douleur. Un mouvement se fait à sa gauche. Harold.

— Tu as soif ?

— Oui.

— Tu as beaucoup de fièvre, constate-t-il en passant une main qui lui semble glacée sur son front brûlant.

Harold soulève sa tête avec précaution et lui offre à boire. Combien de fois ont-ils eu ces gestes l'un envers l'autre lorsque enchaînés, après une pénible journée de labeur et de brimades, l'un des deux était incapable de se sustenter ?

— Rendors-toi, chuchote-t-il en se couchant à nouveau à ses côtés.

.

Penché sur l'âtre central, Harold cuisine leur pitance. Il a bon espoir que son blessé puisse aujourd'hui manger. Jusqu'à présent il a accepté d'avaler les médications, les bouillons d'herbes et de légumes, de garder le lit ce qui, chez cet infatigable guerrier, est le summum de la bonne volonté, cela ne durera plus longtemps. Son œil excédé posé sur Gothik quand elle indique par mimiques ses contraintes, trahit son agacement. Machinalement, il caresse l'amulette que lui a offerte Escnan lorsqu'il a repris le chemin de Beurk . Elle ne l'a pas quitté depuis. À son retour, il y a deux ans, voir Mastok à la place de son père, trouver Astrid mariée lui ont donné envie de fuir. Il a fui d'ailleurs. Pas très loin, il est vrai. Pourquoi ?

Sur cet avant-poste, rêve d'adolescence, les autres ne viennent plus que de loin en loin. Chacun a sa vie. Plusieurs familles habitent sur l'île. En dehors de leur rôle de guetteurs, les hommes pêchent, chassent, les femmes élèvent les marmots, des poules, des chèvres. Tous profitent d'une vie tranquille loin des conquêtes. Varek vient souvent enseigner les dragons aux galopins, faire le point avec lui sur ses trouvailles, partager ses notes. Harold part encore et toujours à la découverte des îles en dehors de l'archipel. Au fond, il est le seul à ne pas avoir avancé dans la vie. Ses tribulations ne lui ont-elles rien appris ? Si. Il savait la souffrance. Il sait la solitude. Il lui manque quelque chose. Quelqu'un.

Absorbé, il n'a pas entendu frapper à l'huis. La porte s'ouvre. Il n'a pas poussé le loquet.

— Harold ?

Il se tourne vers les arrivants : Varek, Ingrid et le petit Gudmund, le premier né de ses amis. Le bébé accomplit quelques pas vers lui d'une démarche malhabile. Pour éloigner le chaudron du feu, Harold fait pivoter la crémaillère sur trépied qu'il a construite. Installés autour de la longue table, devant des bolées d'hydromel, ils évoquent le devenir du clan des Parenvrille. Dagur a disparu sans laisser de trace. Le clan est sans chef depuis trois mois.

— Il reviendra, vous le savez.

— Il est temps de fonder un foyer. Siggy ferait une épouse parfaite et cette union créerait un lien de plus entre les deux tribus, conseille Ingrid dont il repère l'intention réelle : les Parenvrille ont besoin d'un dirigeant responsable et non d'un cinglé tel son frère.

Voilà qui rejoint ses pensées tout en étant à l'opposé de ses décisions.

— Je vais partir, déclare-t-il calmement.

Varek lance un coup d'œil vers le lit attirant son attention sur Escnan qui entre-temps s'est assis, les jambes dans la ruelle.

— Tu ne peux pas te lever, s'écrie Harold.

— Je suis à bout de patience, grogne-t-il. Ou tu m'épaules ou je me débrouille seul.

La fièvre est tombée. Bien qu'amaigri, il a meilleure mine. Malgré son regard bleu tranchant comme une lame, avec son air résolu et ses cheveux en pagaille, il ressemble à un enfant buté. Harold sourit. Il ne reste qu'à obéir à l'ultimatum.

— D'accord.

Il amène l'unique fauteuil vers l'extrémité de la table, puis l'aide à se tenir debout, à faire les pas qui le séparent du siège.

— Ça va ?

Escnan acquiesce du chef. Ses mains sont crispées sur les accoudoirs de bois sculpté. Il a mal, mais tait sa douleur. Lui sait.

— Donne-moi donc de ce breuvage, demande-t-il en désignant le brassin qui contient l'hydromel. Je ne supporte plus le goût des potions de ta vieille sorcière.

— Arrête de râler. Elle t'a remis sur pied. Tu étais loin déjà. Je te présente Varek, Ingrid et le petit bonhomme là a pour nom Gundmund.

— Tu m'as tant parlé d'eux que j'ai reconnu les parents sans problème.

— Ce n'est pas notre cas, jette la jeune femme d'un ton sec.

— Escnan est le fils d'Olav-le-Borgne, chef de la grande île de Usedom située au nord-est. À trois jours de vol de dragon.

— Tu n'as rien dit, constate le blessé.

— À quoi bon ?

— Tu avais honte ?

— Non ! s'exclame-t-il. C'était douloureux. Encore plus de dire que, par droiture, j'avais fait un choix dont je me retrouvais fort marri.

— Harold ! s'impatiente Ingrid.

Il soupire.

— Il y a cinq ans de cela, nous avons été, Krokmou et moi, capturés par des mercenaires d'Almir-le-tueur. Croyez-moi, Vigo et Drago Poing-Sanglant n'étaient que menu fretin en comparaison. Pendant trois ans, esclave et enchaîné avec un autre prisonnier aux œuvres vives, j'ai ramé sur ses snekkar (1) participant involontairement à ses raids sanglants dans des pays lointains. Escnan était mon compagnon de banc. Il m'a sauvé plusieurs fois la vie.

— Et je t'ai dû souvent la mienne, conclut ce dernier.

Un long silence suit ce résumé succinct. Il n'expose nullement les conditions de vie atroces, l'humiliation d'être traités moins décemment que des animaux. Seuls en cet univers féroce, peu résistaient. Eux avaient la chance d'être deux. Immédiatement, ils s'étaient accordé confiance. De suite, ils étaient devenus amis. Ils avaient pratiquement le même âge, la même rage de vivre, la même façon de concevoir cet avenir qu'ils n'avaient plus. Quand l'un faiblissait, l'autre était là et le relevait.

— Ce choix ?

— Grâce à Krokmou qui s'est libéré de sa cage à moitié détruite juste avant que notre navire coule, nous avons réussi à nous enfuir lors d'une razzia qui a mal tourné sur l'île Brittania. Nous avons fait route vers le nord. Ils avaient tué Alkor, le Mille-Tonnerres d'Escnan, environ deux mois après ma saisie, raconte-t-il avec un regard vers son ami pour qui perdre son compagnon depuis l'enfance avait été un déchirement. Sur Krokmou, par courtes étapes, je l'ai ramené chez lui. Le voyage a été pénible, interminable, en revanche nous étions libres. Usedom est appelée l'île du soleil et porte avec raison son nom. Le commerce et la pêche sont les principales activités. La vie y est paisible. Agréable. J'y ai séjourné un mois. J'y étais bien. Je pensais être tenu de revenir afin d'assumer les obligations de ma vie. Je me suis trompé.

— Tu n'es pas un négociant, mais un dragonnier, juge Ingrid d'un ton péremptoire. Quant à ta place de chef, tu peux la revendiquer.

— Je ne le nie pas, admet-il avec un haussement d'épaules. Le père d'Escnan a découvert sur une île voisine un Furie Nocturne et...

— Un autre Furie Nocturne ! s'extasie Varek. Cher ami, quelle trouvaille ! Imagine !

— En effet, répond avec un léger rire Harold que l'enthousiasme de son ami réjouit. Il peut représenter la pérennité de la race. Dès qu'Escnan sera remis, nous irons voir ça.

— Tu es le fils de Stoïck. Tu as des devoirs, insiste la jeune femme.

— Non. Je ne ferai pas l'erreur une seconde fois. Je n'ai jamais désiré cette vie. J'ai pu le croire un instant dans l'émotion des événements, en fait je m'y étais simplement résigné. Mastok est impulsif, pourtant moins bête qu'on ne le suppose et il aime Beurk. Les Hooligans se sont élu un bon chef.

— Que pouvaient-ils faire ? Si ta longue absence n'était pas volontaire, ce que nous méconnaissions jusqu'à présent, tu as décidé de te consacrer à l'exploration d'autres terres plutôt que rester ici aux côtés d'Astrid.

— Je ne le leur reproche en aucune manière. Et je décide, une fois encore, de m'en aller, tranche Harold qui n'a pas envie de polémiquer.

— Définitivement ?

— Je l'ignore. Peut-être, oui.

Ses amis sont repartis. Ils mangent en silence le brouet qu'il a préparé. Il aide ensuite Escnan à se laver, à se coiffer, à natter ses cheveux puis à se recoucher. La fatigue de cette première après-midi debout a peu à peu plombé son beau visage fier. Le guerrier saisit le bord de la fourrure dont Harold le recouvre et s'endort comme un bébé dès qu'il est couché.

.

~)*(~

.

.


.

.

(1). snekkar : grand navire de guerre, il pouvait faire jusque 40 mètres et pouvait transporter jusqu'à 300 hommes. Conçu pour la guerre et les voyages, il pouvait mesurer plus de 30 mètres de plus grands atteignaient 40 mètres. Bien qu'il était possible d'y lever un mât, les rames constituaient son principal moyen de propulsion.
Le mât du snekkar s'abaissait facilement, pour diminuer la résistance au vent et obtenir une plus grande stabilité quand l'embarcation était propulsée à la rame, ou pour éviter de se faire repérer avant une attaque surprise. Cette combinaison de voiles et de rames était le secret du navire viking.

Le résultat était une merveille de puissance et de navigabilité. Des répliques modernes ont montré que les snekkars dépassaient les dix nœuds dans de bonnes conditions, et qu'ils pouvaient parcourir en moyenne 200 kilomètres par vingt quatre heures sur de longues distances.
La combinaison de voiles et de rames leur donnait une grande adaptabilité, pour des raids fluviaux comme pour de lointaines expéditions sur les océans.

Knörr était le nom générique pour les bateaux de transport et de commerce des Vikings. Généralement fait de chêne, bordé à clin, le knörr était un navire de marchandises très répandu dans la région scandinave. Il mesurait de 15 à 21 mètres de long su mètres de large, et possédait un unique mât orné d'une voile carrée. Conçu pour contenir une cargaison importante, il était plus lourd, plus large, avec une carène plus profonde que les navires utilisés pour piller, les langskips.

Il était également moins dépendant des avirons comme moyen de propulsion, utilisait surtout la voile et portait un mât fixe. En cas de vent faible, ou à l'approche de la rive, quelques rames (mesurant entre 5,3 et 5,8 mètres) placées à la poupe et à la proue venaient compléter sa puissance de propulsion. Son équipage pouvait comprendre de 8 à 14 hommes. Sa capacité de fret était assez limitée : de 10 à 50 avait une vitesse d'environ 10 nœuds. Sa construction lui donnait la capacité d'épouser la vague et de se « plier » selon la force de celle-ci, ce qui a valu au knörr le surnom de « serpent ». Le mât mesurait de 10 à 13 mètres de haut et portait une voile rectangulaire.
La proue et la poupe étaient symétriques et une rame-gouvernail était située à l'arrière, sur tribord.

Le knörr était très fiable en haute mer et pouvait servir à effectuer de longs voyages (même s'il n'était pas vraiment confortable). Son fond plat facilitait la remontée des fleuves et des estuaires et il pouvait être facilement tiré au sec. Le knörr est indubitablement le type de bateau que les colons utilisèrent pour traverser l'Atlantique Nord jusqu'en Islande, au Groenland et en Amérique du Nord. Pour le transport de marchandises sur de faibles distances, on a sans doute eu recours à des bateaux plus petits.

Source : Idavoll/Arts et technologie/Les navires vikings


(2). Valhalla : Le Valhalla (également la Valhalle), dans la mythologie nordique, est le lieu où les valeureux guerriers défunts sont amenés. Il se trouve au sein même du royaume des dieux, « la fortification d' Asgard' » où règne Odin.

Source : Wikipedia

.


.