NEIGE AU PRINTEMPS

"Une guerre incongrue menace l'Histoire et le cours du temps. Le puissant Ordre des Saniwa met tout en oeuvre pour lutter contre un ennemi insaisissable qui n'a jamais été identifié, envoyant leurs puissants guerriers Tsukumogami sur le champ de bataille. Dans ce dangereux tumulte de haine et d'effusions de sang, Mikazuki Munechika va devoir trouver la place du bonheur dans la vie éphémère qui lui a été accordée."


Les hivers de l'ère Heian sont d'ordinaire rudes et implacables. Le Nippon se pare d'un lourd manteau blanc et, comme entrant en hibernation, le pays tout entier semble s'endormir en attendant le printemps. C'est l'époque des cyclamens et des orchidées, des cerisiers comme cristallisés dans un paysage immobile, et malgré les températures, les forges Sanjou ne brûlent qu'avec plus d'ardeur, pareilles à la flamme d'une bougie dans le froid.

Sanjou Munechika, vêtu chaudement, porte à ses lèvres un bol de thé plus vieux qu'il n'y parait, installé près du poêle rougeoyant. Un bac d'eau frémissante repose dans le foyer, entre les crépitements du feu. La pièce entière s'est gorgée d'une chaleur bienfaisante, malgré les battants ouverts de l'unique fenêtre à travers laquelle se diffuse une lumière paresseuse. D'ici, l'on entend un merle solitaire chanter dans les branches nues des érables.

Le Maître attend. C'est amusant, de mon étagère il ressemble à l'un de ces rochers que la neige peine à engloutir et qui traverse les âges, immobile et droit. Seul le mouvement mécanique de ses bras lorsqu'il boit une gorgée de thé rompt le charme figé du washitsu.

Quelqu'un traverse la cour intérieure, de l'autre côté des volets en bois, et Sanjou Munechika attend patiemment que le battant s'ouvre et que le jeune assistant annonce l'arrivée de leur invité. Comme dans une pièce de théâtre minutieusement programmée, il repose son bol sur un petit plateau, se lève dans un chuchotis de tissu et va accueillir celui dont il espérait la visite.

L'homme ne tarde pas à entrer, après moult politesses. Il est bien plus jeune que le Maître, mais leurs mains sont d'une équivalente rugosité propre à ceux qui travaillent aux forges. Ses doigts, longs et précis, tiennent fermement un paquet d'étoffes filiforme qui m'évoque les cargaisons d'armes expédiées tous les ans à l'Empereur.

- "Gojou Kuninaga", annonce simplement Munechika. Ses yeux pétillent et il gratifie l'homme d'un de ses rares sourires. "J'ai appris que tu reprenais le flambeau de ton père. Du peu de disciples que j'ai formés, Gojou Kanenaga était l'un des meilleurs éléments."

Kuninaga s'incline à nouveau respectueusement.

- "Sanjou-san, tout ce que vous lui avez enseigné, il me l'a transmis. Après avoir lu vos lettres, je me devais de vous présenter mes remerciements les plus sincères et ma dernière oeuvre." Il soupèse le long paquet emmailloté pour appuyer ses dires. "J'espérais qu'un maître aussi réputé que vous me donnerait son avis le plus professionnel."

Munechika invite d'un geste de la main son jeune condisciple à s'installer sur un coussin et prend place à son tour près de son plateau et de son bol de thé. Avec des mouvements lents et mesurés propres à son grand âge, il recueille l'eau frémissante dans un hishaku et la verse dans une tasse en fonte.

Les deux hommes s'échangent de nouvelles civilités en partageant une boisson chaude, puis pudiquement, sous le regard du Maître, Kuninaga défait les attaches de son paquet, ôte les tissus et présente sa plus récente création. Un fourreau blanc immaculé orné de touches de dorures se cachait sous le grossier emballage. Deux perles nacrées sont suspendues à l'extrémité de la poignée par des cordelettes d'or et des motifs floraux délicats sont gravés tout le long du sabre.

Sanjou Munechika prend précautionneusement l'arme, comme s'il reccueillait un oisillon entre ses mains, et lorsqu'il tire la lame hors de son écrin, celle-ci chante comme un carillon de cristal.

Hochant la tête, le Maître effleure avec expertise l'acier ciselé. Le métal parait si pur qu'un seul coup d'oeil lui suffit à reconnaître la qualité de la matière première. La technique, elle, semble tout droit descendre des enseignements de l'école Sanjou.

- "C'est une merveille, Gojou-san," commente le vieux forgeron sans détourner son regard du katana. "Parvenir à un tel niveau de finition à ton âge... Je reconnais bien là le fils de Kanenaga."

Toujours aussi humble, Kuninaga s'incline avec reconnaissance sur le tatami, laissant à l'ancien le loisir de poursuivre :

- "Quand j'ai dégainé la lame, j'ai entendu son chant. Rares sont les sabres à laisser pareille impression. Tu lui as sans doute insufflé une âme très spéciale. Quel sera son nom ?"

Le jeune artisan se redresse et pose les yeux sur son oeuvre.

- "Tsurumaru Kuninaga."

Dehors, la neige se met à tomber sans bruit.


MOT DE L'AUTEURE

Bonjour aux quelques trois-quatre lecteurs qui vont tomber sur cette fic ! Merci beaucoup d'avoir cliqué, par intérêt ou autre, sur cette petite histoire. Touken Ranbu n'est pas très connu en France et l'engouement est surtout bien Japonais. Comme j'écris dans la langue de Molière, il sera difficile pour moi de la partager au plus grand nombre. Du coup, j'ai griffonné ça surtout pour moi. Quand j'ai enfin posé le point final à cette fic, mon amie m'a encouragé à la poster. Je n'étais pas vraiment convaincue mais bon... J'espère seulement qu'elle vous plaira ne serais-ce qu'un peu, que je n'ai pas commis trop d'erreurs, aussi bien historiques que dans le texte même, et que je ne massacrerai pas vos personnages favoris.

L'univers de Touken Ranbu est si vaste avec sa palette de personnages que les possibilités sont infinies. J'aurais aimé me concentrer sur plein de personnages, car je les aime vraiment tous, mais par soucis de cohérence, et aussi pour aller plus vite, j'ai choisi de rester bien concentrée sur Mikazuki et Tsurumaru. Que vous appréciez ces deux-là ensemble ou non, j'espère que leurs interactions sauront vous convaincre, ainsi je pourrais partager avec quelques fans français la raison pour laquelle je trouve que ce couple marche très bien. Leur dynamique est plaisante, fonctionne rapidement et est adorable.

Une petite note au passage : j'ai eu de multiples inspirations. Des dessins, surtout, des doujinshi, d'autres fics, de la musique... Vous les ressentirez peut-être. Quoi qu'il en soit, j'ai commencé ça peu avant le début de l'anime Katsugeki. Beaucoup d'idées vont se croiser, en particulier le personnage de Konnosuke dont j'ai adoré l'interprétation. Bref, voici ma propre interprétation du jeu Touken Ranbu.

N'hésitez surtout pas à laisser vos impressions, à me dire si j'ai fait une connerie quelque part ou quoi que ce soit. Un petit commentaire, même un simple coucou, me fera vraiment plaisir (s'incline bien bas).