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Chapitre 1: Révélations
"Le problème quand on est à Serdaigle c'est que l'on passe sa vie à travailler." Voilà ce que pensait Mary Elliot , la tête penchée sur un énorme et foncièrement indigeste grimoire. Elle soupira. Et ce n'était même pas pour un devoir qu'elle lisait "L'entretien sur la pluralité des mondes magiques". Non, c'était pour sa culture. Sa voisine Laura aurait dit pour le plaisir... Le plaisir ?Décidément elle et sa meilleure amie avait des conceptions différentes du monde... Laura était vraiment un être étrange. Première de classe à force de labeur acharné, toujours sage et bien mise, parfois austère à force de vertuosité et bien évidemment préfète de Serdaigle , telle était Laura Bennett. Il n'y avait que Mary pour soupçonner combien elle était emprisonnée par ses performances. Elle lui avait avouée une sa terreur de descendre en dessous de ce que Mary appelait le niveau de la perfection. Condamnée à toujours faire mieux, le coeur serré par l'angoisse latente de l'échec, elle suivait des horaires de travail particulièrement intensifs et contraignants. Et Mary, en amie fidèle suivait. Elle, elle n'avait jamais saisi pourquoi le Choixpeau l'avait envoyé dans cette maison de névrosés du travail. Certes elle avait des facilités, et aux dires de beaucoup elle était même particulièrement brillante. Toutefois, son intellect n'était rien en regard de son tempérament fantasque et bohême. D'ailleurs elle ne comprenait pas pourquoi elle réussissait. Elle avait pourtant tout fait pour saborder ses devoirs: elle les avait fait en dernière minute, elle avait inventé des problématiques absurdes, tenté les hors sujet, mais en vain. Les optimal continuait de pleuvoir. Alors elle avait renoncé. Cependant elle n'avait pas abandonné l' idée de décoller un peu Laura de son travail adoré.
C'est dans cette perspective qu'elle arracha sa trop consciencieuse voisine du passionnant « Reflets et miroirs: quand potions et sortilèges interagissent » écrit par le non moins passionnant professeur Schlaffer.
«Laura ? " Pas de réponse. "Laura, on y va... " Un faible grognement lui parvint. Son interlocutrice n'avait même pas levé la tête. « Laura, on est à la bibliothèque depuis la fin des cours, à savoir quatre heures. Or il est huit heure trente et si toutes mes notions de calcul mental ne m'ont pas abandonnées je peux sans peine déduire que ça fait quatre et demi qu'on est là et que tu en sais bien assez pour l'interro de McGo qui, soit dit en passant, n'est que dans une semaine." Laura lui jeta un regard désespéré. Imperturbable Mary reprit: « Qui plus est permets moi de te rappeler qu'on n'a rien mangé et que je ne suis pas encore un pur esprit » Un gargouillement sonore l'interrompit. « Et il me semble que ton estomac en personne me fait l'honneur de corroborer ces déclarations !
-J'ai pas fini mon chapitre et...
- ... et ce cher Herr Schlaffer séduit par tes beaux yeux qu'il a eut l'occasion d' observer pendant quatre heure de lecture intensive va nous promettre qu'il ne fuguera pas de son étagère ce soir et que tu pourras le retrouver dès demain, n'est ce pas professeur? »
Devant le regard mauvais que Mary lança à l'ouvrage, Laura jugea bon de ne pas insister. Après tout plus de quatre heures d'affilée c'était une bonne moyenne de travail...
-« En tous les cas c'est trop pour moi. »
Laura se mordit les lèvres; elle avait encore parlé à haute voix. Si elle continuait ainsi elle serait bonne pour St mangouste
- « Je ne te le fais pas dire... Dans le département des travailleurs compulsifs... », Mary eut un sourire goguenard , « t'en fais pas je t'apporterai des oranges
- Sombre crétine, va!
- Oui, Laura, moi aussi je t'aime!"
Mary avait parlé un peu trop fort. Cette fille était incorrigible. Devant l'air outragé de Mme Pince, offensée par ce viol du sacro-saint silence nécessaire à la bonne tenue de toute bibliothèque digne de ce nom, les deux amies prirent la fuite. Et, grisées par la délicieuse sensation que procure la transgression des interdits auxquels on se soumet d'ordinaire, elles se mirent en route vers leur salle commune.
« Il y a des jours où je hais ma maison et tout particulièrement le fait qu'elle soit située tout en haut de la Tour d'astronomie... , souffla Laura hors d'haleine, une fois parvenue au troisième étage.
- Moi, je hais surtout les six étages qui nous restent ! »
Leurs regards se croisèrent et elles éclatèrent de rire. Elles avaient piètre allure. Leurs joues étaient rougies par la montée des escaliers, leur cheveux décoiffés, et sous leurs yeux s'étalaient les cernes violacés de tout serdaigle qui se respecte et qui travaille. Elles n'avaient pas tout à fait l'air de femmes fatales.
« On est vraiment charmantes, non ? Si on rencontrait l'homme de notre vie, je suis sûre qu'il tomberait raide dingue de nous
- A qui le dis-tu Mary ! Mais je ne pense pas que nous ayons la moindre chance de croiser le sublimissime Sirius Black ce soir... , ajouta Laura une pointe d'ironie dans la voix
- Certes non. Cependant je crois que tu satisferait très bien d'un certain préfet de Gryffondor, dont les beaux yeux t'ont fait chavirer le coeur plus d'une fois..." Laura devint pivoine. Mary eut un léger sourire: elle adorait taquiner sur le petit faible qu'elle avait pour le sérieux, responsable et surtout inaccessible Rémus Lupin. "J'ai touché juste, on dirait... »
Laura émit un borborygme étouffé et devint encore plus rouge.
A cet instant, Mary se sentit violemment bousculée et à sa plus grande confusion, elle vit passer les deux sujets de leur conversation. Mais vu leur état de nerfs, il n'en n'avait sans doute rien saisit.
" VAS TE FAIRE FOUTRE, BLACK ! , hurla Lupin visiblement hors de lui.
- Bon sang j'essaie de t'expliquer...
- RIEN DU TOUT, TU NE VAS RIEN M'EXPLIQUER DU TOUT: TU N'ES QU'UN FOUTU EGOISTE ET JE VAIS TE DIRE UNE BONNE CHOSE...
- Tu me diras ça ailleurs, il y a de la compagnie ici... »
Lupin tourna la tête et aperçut les deux amies qui le regardaient, bouche bée, tant il était rare de voir le sixième année s'énerver. Il prit le bras de son comparse et sans un mot, l'entraîna rapidement dans un des couloirs adjacents.
« On les suit ?
Laura jeta un regard effaré sur sa condisciple.
- Tu es folle ? Tu as vu leur tête ? Je ne suis pas sûre qu'ils apprécieraient d'être espionnés maintenant et en plus ça ne nous regarde pas !
- Deux des types les plus amis de tout Poudlard se disputent. De plus, ils sont l'objet de quasiment toutes les conversations féminines de l'école, y compris des nôtres. Enfin , j'ai comme l'impression qu'il risque d'y avoir du sang. Tu voudrais laisser un meurtre impuni faute de témoins? Ça fait au moins trois bonnes raisons d'y aller ! »
Et Mary poussa Laura vers le couloir emprunté par les deux garçons. Il faisait sombre. Elles se glissèrent dans une salle de classe désertée qui faisait face à la pièce où se trouvaient Black et Lupin. Épisodiquement, leur parvenait des éclats de voix.
« Mary... , chuchota Laura, j'ai honte... On ne devrait pas faire ça...
- Ah, ça va Mlle Préfète-Parfaite... On a bien le droit de s'amuser un peu...
- Oui, mais pas comme ça, ils veulent sans doute se dire des trucs confidentiels...
- Que toute l'école saura demain ? Tu as déjà vu un secret qui tienne ici ?
- Oui, mais...
- Mais rien du tout. Si tu veux mon avis c'est encore une fois M. le tombeur de ces dames qui a fait une conquête. Manque de pot Lupin devait déjà loucher dessus, point . Franchement je crois qu'il n'y a pas de quoi en faire un drame. »
Laura parut un peu rasséréné et toutes deux se mirent à écouter avec attention.
« Mais enfin qu'est ce qui t'a pris d'aller lui dire ça ?
- Je voulais juste lui faire un blague Rémus, une blague, une sale blague, certes, mais...
- Une blague ? Je l'ai attaqué Sirius, attaqué, tu comprend ce que ça veut dire? J'aurais pu le tuer...
- Un déchet de moins sur terre qu'est ce que ça fait ? D'ailleurs qui soucie de la vie du huileux Severus Snape ? "
Il y eut un coup violent. La porte s'ouvrit à la volée. Visiblement Lupin venait d'envoyer un magistral coup de poing à Black.
« MOI BLACK ! MOI ! MAIS EST-CE QUE TU AS PENSE A MOI ! A CE QUE J'EPROUVERAI SI JE ME RETROUVAIS APRES MA METAMORPHOSE AVEC UN CADAVRE ? SI J'AVAIS SON SANG SUR LES MAINS ? MAIS NON, CA, CA T'A ECHAPPE... "
Lupin, livide, s'appuya contre le mur. En face de lui son compagnon semblait atterré.
« Non... toi tu n'as pensé qu'à ta petite vengeance égoïste et stupide... Tu t'es servi de moi !Et tu te dis mon ami ? Si James n'avait pas été là, si ça c'était mal terminé... Tu as songé aux conséquences ? Le département de régulation des créatures dangereuses, tu sais ce qu'ils auraient faits ? Ils auraient mené une enquête, ils...
- Mais Dumbledore...
- Dumbledore n'est pas tout puissant ,coupa le préfet, il ne peut rien contre eux et encore moins contre une horde de parents d'élèves déchaînés...
- Mais j'aurais dit que c'était ma faute...
- Comme tu es naif ! Tu aurais eu quoi une retenue, une exclusion temporaire, un renvoi ? Mais celui dont on aurait voulu la peau ç'aurait été moi. Dans le meilleur des cas ils m'auraient enfermé à vie et dans le pire ils m'auraient euthanasié. Le plus terrible c'est qu'ils auraient eu raison...
- Non ! Comment peux tu dire ça ? »
Black se rapprocha de Lupin qui avait glissé à terre, épuisé.
« Mais parce que j'aurais été l'assassin, le meurtrier, la bête à abattre... Et tu sais je crois que j'aurais même préféré qu'ils me tuent tout de suite...
- Rémus... »
Le garçon brun tenait maintenant l'épaule de son ami. Sa voix s'étrangla.
" Comment est- ce que j'aurais pu vivre avec ça sur la conscience? S'habituer à être un monstre,à l'être toute ma vie, je peux, mais s'habituer à ça ... J'ai failli être responsable d'une mort, Sirius... »
Et Lupin se mit à pleurer. Black le prit dans ses bras; il semblait bouleversé. Le silence dura un certain temps avant qu'il ne reprit la parole.
« Je suis tellement désolé... Tu as raison je ne suis qu'un égoïste, qu'un salaud inconscient. Pardonne moi. Snape m'avait tellement énervé que... Je n'avais pas vu les choses comme ça... Pardon, je te demande pardon... Je ferai n'importe quoi...
- Tu as déjà fait n'importe quoi... »,l'interrompit Lupin d'une voix rauque. Ses larmes continuait à couler maison pouvait distinguer une ébauche de sourire sur son visage.
- Je suis désolé...
- Je sais, je sais...
- Tu m'excuses d'avoir été un idiot sans coeur et sans cervelle...
- J'excuse la première partie de ta phrase. Pour le reste... Je me demande si tu as un jour eu l'équivalent d'une cervelle... »
Encore chancelant, le préfet se leva. Il tendit la main à son camarade pour l'aider à se mettre debout à son tour: « Alors toujours ami ? ».Black prit la main qu'on lui tendait et répondit:« Toujours ami. »Cette fois Lupin souriait vraiment toute trace de rancoeur effacée:« Que veux tu, les amis sont faits pour pardonner.
- Merci, Moony.
- Mais une chose est sûre, si tu me refais un coup pareil, je te jure qu'à la pleine lune suivante, je défonce la porte de la cabane hurlante, pour venir te dévorer...
- Pas de risque, je suis trop coriace pour toi...
- Rien ne résiste aux crocs d'un loup garou comme moi: Snape a bien failli en faire la cruelle expérience ! »
Les deux garçons éclatèrent de rire.
« On rentre ?, murmura Remus.
- On rentre. Il faut aller rassurer James et Peter. Je crois qu'ils ont pensé qu'on allait s'entre-tuer !
- Que veux tu c'est ça les pulsions du loup garou ! »
- Au secours, j'ai peur ! Je crois que je vais m'enfuir...»
Sitôt dit, sitôt fait et Black, l'air narquois, partit en courant. Lupin leva les yeux aux ciel. Ce type resterait toujours un vrai gamin... Et il se lança à sa poursuite.
Dans leur salle Mary et Laura n'osaient pas prononcer un mot. Lupin, le préfet responsable, Lupin, le bon élève, Lupin toujours aimable, toujours calme, toujours agréable, Lupin était un loup garou. Lupin était un des monstres sanguinaires représentés sur leurs livres de défense contre les forces du mal. Lupin un de leurs condisciples les plus gentils et attentionnés, était cette bête sur laquelle leurs parents leur avait conté tant d'horribles histoires. « Promenons nous dans les bois tant que le loup n'y est pas... » Le refrain d'une vieille comptine se mit à tourner dans la tête de Mary, et pour la première fois elle comprit avec terreur ce que celle-ci voulait vraiment dire.
« Tu crois que Dumbledore le sait, demanda soudain Laura d'une voix tremblante.
- Quoi ? Qu'il est un Loup garou ou qu'il a attaqué le Snape en question ?
- Les deux.
- A vrai dire je n'en ai aucune idée.
- Il faudrait lui dire. Lupin est dangereux ! reprit Laura d'une voix dure."
Mary dévisagea sa camarade; son visage était étrangement fermé.
"Sans doute. Mais on verra ça demain. Là, j'ai eu mon compte d'émotions. Et puis la pleine lune c'est dans longtemps, et quelque chose me dit que notre préfet préféré ne va pas bondir du lit ce soir pour dévorer tout Poudlard... »
Laura acquiesça. Néanmoins son amie remarqua qu'elle avait tiqué sur l'expression « préfet préféré ». Pourtant, elles avaient toujours parlé de Lupin comme ça. D'ailleurs le terme était employé par toute les filles de l'école pour désigner Lupin le gentleman. Mary soupira ; la différence maintenant c'est que toutes deux savaient qui était vraiment le jeune garçon. Merlin, que la vie était compliquée. Le coeur lourd d'une tristesse qu'elle ne comprenait pas, elle suivit Laura vers les dortoirs de Serdaigle. Ses idées seraient plus claires demain. Après tout, la nuit porte conseil.
