Il est des histoires tellement extraordinaires qu'elles en sont incroyables. D'autre tellement banales qu'elles sembles inintéressantes. Pourtant, il est des miracles qui se renouvellent chaque jour. Il a fallut que deux êtres fondamentalement différents et dont la rencontre était plus qu'improbable, se rencontre. S'attirent. Et passent une nuit d'amour douce et tiède au creux d'un lit d'hôtel, dans un de ces plaisirs de passage voués à l'oubli.
Le destin en décida autrement. Et pendant que Lenna retournait chez elle, elle tentait de chasser de son esprit le souvenir des yeux sombres et brûlants de ce troublant jeune homme, tandis que germait en elle la promesse d'une vie nouvelle.
Quelques mois plus tard naquit un petit garçon aux yeux noirs comme la nuit, où brillaient comme des étoiles la passion de vivre de son père et l'innocence de sa mère. Il reçut en baptême le nom de son grand père : Tanios Estem.
Pour lui trouver de quoi vivre, sa mère abandonna ses études et travailla comme serveuse dans un café. C'était un de ces établissements malfamés qui pullulaient, qui pullulent et qui pullulerons toujours dans les profondeurs de Coruscant. Elle avait obtenue la permission de garder son fils auprès d'elle, dans un recoin inutilisé. Comme s'il avait compris la gravité de la situation, l'enfant se montrait d'une sagesse exemplaire. Lorsqu'il eut passé l'age de dormir à longueur de temps, il n'eut de cesse qu'on ne l'assoit dans son berceau. Et de là, il dévisageait les clients, ses immenses yeux noirs remplis d'intérêt. Il devint bientôt la coqueluche des habitués du café. Sa mère craignait que la clientèle de bas étage qui fréquentait les lieus ne porte tort à son enfant, mais elle dû reconnaître qu'elle avait tort. Les truands des bas-fonds de Coruscant avaient été charmés par les petites mines et la gentillesse du garçon. Lenna eut un jour la surprise de voir l'un d'eux, de retour d'un « voyage d'affaire », ramener à l'enfant une toupie peinte aux armes de la famille royale de Synda. Ce fut la première d'une longue liste de bricoles, friandises, … dont Lenna pensait qu'il valait mieux que la provenance resta ignorée… Ces voleurs, contrebandiers, chasseurs de primes, avaient adopté ce garçon né dans la même tourbe qu'eux et l'avait pris sous leur protection. Par une extension toute naturelle, sa mère se vit offrir aussi quelques un de ces petits présents qui n'engageait ni elle ni celui qui offrait, mais qui embellissaient sa vie. Cependant, si elle souriait à ces gens, elle ne s'en inquiétait pas moins : était-ce cela, l'avenir qui guettait son enfant ? Deviendrait-il aussi un de ces parias ? Elle se le refusait. Elle ferait tout pour lui offrir un avenir digne. Mais le temps passait et nul espoir ne s'offrait à ses yeux. C'est alors que, pour la seconde fois de sa vie, un miracle se produisit.
Ce jour là avait tout d'un jour ordinaire. Elle servait les clients peut-être un peu moins prestement que d'habitude car elle était préoccupée. Dans quelques jours, Tanios aurait un an. Que conviendrait-il de faire ? Du coin de l'œil, elle vit Kard, un habitué des lieux. Le contrebandier avait apporté à Tanios une image holographique. Il était accroupit devant le berceau et chantonnait dans sa langue aux sonorités rudes et pourtant agréables. L'hologramme scintillait dans sa main. Tanios tendait la main vers lui en gazouillant joyeusement. Soudain, l'objet quitta la main de Kard pour voler lentement vers la main tendue de l'enfant. Sa mère se figea. Elle fixait la scène extraordinaire. Le client qu'elle servait, surpris, suivit son regard. Il n'eut aucune réaction, mais son compagnon se retourna comme s'il avait crié.
« Force !… » murmura-t-il.
Tanios sembla soudain se rendre compte de l'effet qu'il avait produit. Il pris peur. L'objet tomba et l'enfant éclata en sanglots. Kard, abasourdi, ne savait que faire. Lenna voulu se dépêcher de finir de servir les deux clients pour aller rassurer son fils, mais l'homme posa une main sur son bras.
« Laissez, laissez... » dit-il « Pouvons nous voir l'enfant ? »
Lenna hésita. Elle ne savait rien de ces hommes vêtus de bures et qui n'avait pas même rabattu leurs capuches en entrant. Comme s'il avait lu dans ses pensées, l'homme découvrit son visage. Son compagnon l'imita.
-« Ne vous inquiétez pas, nous ne lui voulons aucun mal, juste l'examiner. »
L'examiner ? Tanios n'était pas malade ! Mais l'homme lui inspirait confiance. Elle les mena à l'enfant qui commençait à se calmer. L'homme s'accroupi près du berceau et murmura quelques mots que Lenna n'entendit pas. Tanios s'apaisa aussitôt. Il tendit ses bras vers l'homme qui le prit dans les siens. Il le berça un peu, puis lui posa la main sur le front et ferma les yeux. Il les rouvrit brusquement. Il fixait Lenna. Elle se sentit gênée sous le regard de cet homme, comme si elle était nue. Comme s'il avait deviné, il lui souri doucement puis détourna ses yeux vers le jeune homme qui l'accompagnait. Il lui tendit le garçon :
« Prends soin de lui, Padawan. J'ai à parler à sa mère. »
Lenna voulu intervenir, mais elle n'en eut pas le temps.
« S'il vous plait, où pouvons nous parler en privé ? »
La serveuse hésita. Elle ne pouvait abandonner son service. C'est alors que Kard intervint :
« Allez-y. Je m'occupe des clients. »
Un tantinet sceptique quand aux capacités de Kard en tant que garçon de café, Lenna le remercia et conduisit l'étrange homme vers la salle de plonge, pour l'instant inoccupée.
L'homme se présenta alors. Il était le Chevalier Jedi Kenaz. Le jeune homme qui l'accompagnait était son apprenti, Yeva. Ils avaient la certitude que Tanios avait les aptitudes nécessaires pour devenir, lui aussi, un Jedi. Il lui proposa de l'emmener avec lui au Temple Jedi, dans les niveaux supérieurs. Là, il serai formé pour devenir un « Padawan, » puis, peut-être un jours, un Chevalier Jedi.
Lenna se sentit inondée de fierté. Son fils, cet enfant de la misère et du hasard pourrait être un Chevalier Jedi ! Quel meilleur avenir aurait-elle pu rêver pour lui ? Même si elle ne devait plus jamais le voir plus de quelques jours par ans, comme le lui expliquait le Jedi, ce sacrifice lui semblait bien mince face à tout ce que son fils y gagnerai.
« Bien sûr, précisa maître Kenaz, si vous préférez garder votre fils à vos côtés, nous n'insisterons pas. Mais vous devez savoir que souvent, la réceptivité à la Force est mal vécue par les enfants qui ne sont pas élevés dans des conditions adaptées. Nous… »
Lenna le coupa. Elle savait à quel point c'était impoli, surtout face à un Jedi, mais elle ne voulait pas laisser trop longtemps la salle sous la seule surveillance de Kard. De plus, sa décision était déjà prise.
« - J'accepte.
- Vous êtes sûre que vous ne le regretterait pas ?
- Oui. Vous lui proposez une éducation, un avenir. Moi, je n'ai rien de tout ça à lui offrir. J'accepte sans regrets et avec gratitude. »
Le Chevalier Jedi hocha la tête. Puis il plongea ses yeux dans les siens.
« - Vous vous exprimez remarquablement bien pour…
- …pour une serveuse de café malfamé ? Oui. J'étudiais la psychologie. J'ai du arrêter mes études à la naissance de Tanios. J'ai trouvé ce travail… »
Il l'observa d'un regard plein de compassion. Elle se senti obligé de préciser :
« -Je ne me plains pas !
- Je sais. Comment s'appelle le garçon ? Tanios ?
- Oui. Tanios Estem.
- Estem est le nom de son père ?
-Non. Le mien. Je m'appelle Lenna Estem. Je… j'ignore le nom de son père. » Elle détourna les yeux puis les releva.
« -Non ! Ce n'est pas ce que vous croyez. C'était à une soirée. J'avais bu plus que de raisonnable. Rien de plus ! »
Il lui sourit. Elle comprit que cette dernière phrase était inutile. Cet homme étrange, ce Chevalier Jedi, la connaissait bien mieux qu'elle ne l'aurai cru.
Ils retournèrent dans la grande salle. Tanios riait en tentant d'attraper la longue et fine tresse qui pendait sur l'épaule de son gardien. Ce dernier leva vers eux un regard interrogateur. Le Chevalier répondit d'un hochement de tête.
Lenna réalisa alors qu'elle ne reverrai plus son fils avant de longs mois. Elle se mordit les lèvres pour ne pas pleurer et tenta de sourire en même temps. Comme s'il avait senti la souffrance de sa mère, le garçon se mit à sangloter doucement sur l'épaule de l'apprenti. Lenna refoula son chagrin au fond d'elle-même. Elle pris son enfants dans ses bras et le berça jusqu'à ce qu'il se calme. Elle lui chuchota à l'oreille d'une voix rassurante.
« -Tout vas bien. Ces gens vont t'emmener dans un endroit merveilleux. Tu pourras y vivre libre, dans l'honneur et en sécurité. Je suis fière de toi… Tu vas me manquer… Au revoir mon tout petit. Je serai toujours à tes côtés… Au revoir. »
Elle le tendit au Chevalier qui la regardait attentivement.
« - Quel age avez-vous, Lenna ?
- 21 ans, maître Kenaz.
- Nous nous reverrons sûrement un jour. Au revoir, Lenna Estem. Que la Force soit avec vous. »
Et Lenna regarda partir ces deux hommes dont le plus agé emportait dans ses bras ce qui avait été pendant tant de jours la seule lumière de sa vie.
Elle n'eu guerre le temps de s'apitoyer sur elle-même. Quelques jours plus tard, elle se vit offrir un poste à mi-temps de secrétaire au Sénat. Elle pu reprendre ses études et sa vie là ou elle les avait laissées. Une chance de repartir à zéro lui était offerte. Elle la saisi.
Cette fois serait la dernière. Tanios le savait. Ses maîtres avaient décidé qu'à sept ans, il n'avait plus besoin de la visite annuelle. Il partait donc chez sa mère pour la dernière fois. Il était accompagné par maître Yeva, un jeune chevalier récemment promu. Tanios observa les cheveux coupés cour et les traits encore juvéniles de son compagnon. Il y avait une semaine à peine que s'était tenue la cérémonie où sa tresse de Padawan avait été coupée. Tanios avait été invité, il ne savait pas trop pourquoi. Quoique…, il avait peut-être sa petite idée. Mais pour rien au monde il n'aurait posé la question directement. Il ne savait pas pourquoi, mais il senti que cela ne serai pas bien. Il opta donc pour des moyens détournés.
« - Maître Yeva ? » appela-t-il. Le Chevalier sourit, sans doute heureux de s'entendre appeler ainsi.
« -Oui ?
- Pourquoi est-ce toujours vous et Maître Kenaz qui m'accompagnez aux visites annuelles ?
- Parce que c'est nous qui t'avons ramené au Temple et qu'il est plus simple pour nous et ta mère qu'elle n'ait que deux interlocuteurs récurrents.
- C'est quoi des interlocuteurs récurrents ? » Le Chevalier se mordit les lèvres et sourit :
« -C'est quand les gens auxquels tu dois parler sont toujours les mêmes. Tu comprends ?
- Oui. Vous êtres les intra…intromédia…
- Intermédiaires.
- Oui …intermédiaires entre Maman et le Temple.
- Exactement.
- Et c'est pour ça que vous m'avez invité, la semaine dernière ?
Yeva fronça légèrement les sourcils et garda le silence. Tanios eut peur de l'avoir fâché et se tut aussi.
« - Non. » dit finalement le jeune homme. « Je ne pense pas que ce soit pour ça. » Il n'en dit pas plus et Tanios n'insista pas. Ils s'étaient compris à demi-mot : il y avait davantage entre eux qu'une simple camaraderie de formalité. Le silence s'installa. Le jeune élève en profita pour rassembler son courage et posa enfin une question qui lui taraudait l'esprit depuis des années.
« -Maître Yeva ? Que savez vous de mon père ? »
Le visage du Jedi se rembruni.
« - Je ne peux répondre à cette question. C'est à ta mère que tu devras la poser. Mais je doute qu'elle t'apprenne beaucoup. » Il lui jeta un regard de compassion. « Je suis désolé. »
Tanios hocha la tête, sans rien dire. Il garda le silence un moment, plongé dans ses pensées.
Tout en manoeuvrant le speeder dans la circulation complexe de Coruscant, Yeva observait le garçon à la dérobée. Il ne ressemblait pas du tout à sa mère. Ses cheveux étaient noirs, épais et un peu plus longs qu'ils n'auraient dus. Le visage n'avait ni l'ovale délicat ni la pâleur de celui de Lenna. Au contraire, ses traits étaient marqués, et sa peau légèrement foncée, un peu dorée… Les grands yeux noirs étaient toujours aussi expressifs. Le Jedi trouvait que pour Tanios plus que pour tout autre, l'expression « miroir de l'esprit » n'était pas usurpée. Il lui suffisait d'un coup d'œil pour deviner l'humeur du garçon. Pour l'instant, il ruminait des pensées mélancoliques. Mais Yeva savait que sa gaîté naturelle reprendrait bientôt le dessus. En effets, au bout de quelques minutes, Tanios lui sourit et déclara.
« - Maman sera contente de vous voir. »
Yeva le regarda, troublé.
« - Vraiment ?
- Oh, oui ! J'arrive à le sentir, vous savez. Les autres gens, c'est difficile, mais elle, je sens toujours ce qu'elle pense quand elle est là. Maître Yoda dit que c'est normal. Que comme c'est ma mère,
« un lien, on a. »
Yeva s'amusa de l'imitation affectueuse du garçon. Il le réprimanda tout de même, machinalement.
« - Tu ne doit pas de moquer de tes maîtres, Tan. Ils sont là pour te guider. Tu leur dois le respect, autant que l'obéissance.
- Oui, Maître Yeva. »
Le garçon se tut quelques minutes, le temps d'assimiler la courte leçon. Puis, il se mit à jouer silencieusement avec des cailloux qu'il sortait de ses poches.
Pendant de temps, Yeva tentait de calmer le trouble qui l'avait envahit après les révélations de Tanios. Il savait que le garçon ne se vantait pas quand il affirmait sentir les émotions de sa mère. Lenna était-elle vraiment heureuse de le voir ? A quoi attribuer cette joie ? Que pensait-elle de lui ?
Ces questions le hantaient. Il savait qu'il n'aurait même pas dut se les poser. Il se morigéna intérieurement. « Je n'ai rien d'autre à faire que de tomber amoureux ? Oui, elle est belle. Oui, elle est attirante. Oui, elle est peut-être attirée par moi. Et alors ? Je suis un Jedi. Un Chevalier même. Je devrai être capable de refouler ce genre de sentiments ! Peut-être aurais-je du en parler à mon maître, à l'époque ? J'ai cru que je saurai vaincre cette attirance. J'étais si sûr de moi à l'époque… Et à présent, je me sens perdu. C'est la dernière fois que j'accompagne Tan… C'est la dernière fois que je la vois…la dernière fois… » Il se sentit soulagé à cette idée. C'était la dernière fois qu'il serai confronté au flot d'émotions qui le submergeait à chaque fois qu'il croisait le regard de Lenna.
Il tourna brusquement pour éviter un particulier visiblement pressé, talonné par deux speeder de la sécurité. Ils arrivaient chez Lenna. Yeva invoqua la force et chercha son noyau de calme. En vain. Toutes ses appréhensions, tout ses doutes et toutes ses résolutions disparurent devant le sourire éclatant de la jeune femme.
« - Bonjour Maître Yeva. Comment allez vous ? » Son cœur chavira.
Les enfants n'ont pas de cœur. C'est là le secret qu'ils oublient en grandissant.
Maître Yeva avait raccompagné Tanios jusqu'à sa chambre, au Temple. Le garçon s'était déshabillé et couché sans vraiment y penser. Il réfléchissait. Lors du départ, à la fin de la semaine, il avait été peiné. Mais c'était plus par compassion pour sa mère que par réel chagrin. C'était au Temple qu'il se sentait chez lui. C'étaient les Jedi qui étaient sa famille. Sa mère était quelqu'un de dehors. Elle faisait partie d'un autre univers. Un univers à part qui n'était pas le siens. Un univers où il n'avait pas vraiment de famille, juste une mère. Il ne lui avait pas demandé pour son père. Il avait senti qu'elle serait triste.
Il ferma les yeux et appela l'image de sa mère. Rien ne vint. Il savait qu'elle était jolie ; l'était-elle vraiment ? Oui. Etait-elle brune ou blonde ? Il ne savait plus ; il n'avait pas regardé. Il senti des larmes de dépit monter à ses yeux. Il n'avait même pas de souvenirs sûrs de sa mère.
L'eau ruisselant sur ses joues lui rappela soudain qu'il avait un cours de natation le lendemain. Il sourit dans le noir. Il aimait beaucoup les cours de natation. Il ne savait pas pourquoi. C'était comme ça. Avec un soupir d'aise à cette idée, il s'endormi.
Yeva était assis au bord du lac. Il méditait. L'expérience avait été probante. Il aimait Lenna. Et Lenna l'aimait. Il n'était qu'un jeune Chevalier Jedi. Il devait encore faire ses preuves. Ce serait bien mal commencer que de nouer de tels liens avec elle. Ce sentiment était-il dû à l'inaction ? En tout cas, une chose était sûre. Plus jamais il ne rencontrerait Lenna Estem. Il ferait tout pour l'éviter. Puisqu'il était incapable de se maîtriser, il ferait en sorte de ne plus se trouver dans une telle situation. Mais de prendre cette décision lui était si douloureux. Il s'allongea sur l'herbe et ferma les yeux. Ses pieds trempaient dans le lac. Cette sensation l'apaisa légèrement. Ce calme factice disparut dès que l'image de Lenna apparut dans son esprit. Son cœur se serra, Elle était si douce, si forte, si belle ! Ses cheveux blond foncé flottaient autour de son visage d'une finesse et d'une pâleur telles qu'on l'aurait dit d'ivoire. Elle cligna de ses yeux si verts à l'amande parfaite. Il posa ses mains sur sa taille. Elle lui sourit doucement. Son regard soudain se durcit. Elle le repoussa. Il lu la panique, la colère, dans ses yeux. Il eut peur. Elle cria : « Mon fils !! Qu'a-t-il fait de mon fils » Il vit deux yeux noirs se fermer. Le désespoir l'envahit. Il hurla sa souffrance et sa peine.
« Tout va bien. Tout va bien. Respire. »
Une main fraîche sur son front brûlant. La voix de Kenaz. Il ouvrit les yeux. Il était toujours allongé dans le parc, les pieds dans l'eau. Sa tête reposait sur les genoux de la silhouette penchée au dessus lui.
« - Maître ? » Il s'assit. Kenaz lui fit face.
« -Tu a eu une vision, n'est-ce pas ?
- Oui… je… c'était… troublant. » Kenaz le regarda.
« - Tu veux me la raconter ? » Yeva hésita, encore sous le choc.
« - Non…je…ça va.
- Comme tu veux. Tu es sûr que ça va ? Tu es très pâle…
- Oui, oui. » Yeva ne voulait pas se confier à Kenaz. La rupture de leur lien Maître-Padawan était trop récente pour qu'il prenne ce risque. Son ancien maître n'insista pas. Il le raccompagna jusqu'à sa chambre. Juste avant d'entrer, Yeva éternua.
« -Voilà ce que c'est que de s'endormir les pieds dans l'eau… » lança Kenaz en s'éloignant.
Yeva sourit. Il se coucha mais eut du mal à trouver le sommeil. Le lendemain, il demanderai une mission, résolut-il. Mais il savait que cela ne résoudrait rien.
Tanios était complètement absorbé par le combat. Sons esprit était divisé en trois parties. L'une d'elles analysait le terrain alentour, une autre, les mouvements de son adversaire et la dernière, la plus importante, synthétisait les deux autres et décidait de sa stratégie. Il n'y avait aucune place pour la distraction ou l'inattention. Son adversaire se lança dans une série d'attaque sur le côté. Tanios les para avec le plus grand mal. A neuf ans, il était encore petit et maigre alors que, son adversaire, Sine, une jeune Togarienne, avait déjà bien avancé sa croissance. Elle avait peut-être deux têtes de plus que lui. Tanios savait que la taille n'importait pas. Seule la maîtrise de la force comptait. Maître Yoda était bien plus petit que lui et pourtant, on disait qu'il était un des meilleurs sabreurs du Temple. La lame de Sine lui toucha le bras, lui causant une légère brûlure. Il n'était pas maître Yoda. Si le sabre avait été à sa puissance maximal, il aurait eu le bras coupé. Heureusement, le coup n'était pas compté comme mortel, et le combat continuait. Haletant, ruisselant de sueur, Tanios était ouvert à la Force. Soudain, il la sentit, douce et ferme à la fois, et puissante. Il se laissa envahir. Une partie de sa concentration étant ainsi occupée, il se contenta de parer les coup de son adversaire en reculant, jusqu'à être acculé contre une des cloisons de la salle d'entraînement. Il vit une lueur de triomphe dans les yeux de son adversaire. Elle croyait avoir gagné. Qu'il lui suffisait à présent de quelques coups pour parvenir à bout de lui. Elle se trompait. Tanios amassa toute la Force qu'il avait laissé l'envahir. Il sauta. Il savait qu'il pouvait le faire. Même si c'était la première fois qu'il s'y risquait. Il passa par-dessus Sine et, se retournant en vol, atterrit dans son dos. Surprise, elle lui lança hâtivement une attaque de horizontale à la tête. Trop haut. Il eut à peine à se pencher pour esquiver le coup et lui assena un revers dans la poitrine.
« Fin du duel. » déclara maître Raidhu. « Tanios gagne.»
Tanios s'inclina face à son adversaire pour la saluer. Elle fit de même. Lorsqu'elle se releva, ses yeux brillait d'enthousiasme.
« - Comment tu as fait ? Pour sauter comme ça ?
- La Force était avec moi.
- Tu m'apprendras ? »
Tatia et Jav, leurs amis les avaient rejoint. Ils avaient suivit le duel avec intérêt et l'exploit final de leur camarade les avait impressionné.
« -Oh oui ! » renchérit Jav « tu nous apprendras ? »
Tanios sourit ;
« -Je ne sais même pas si j'arriverais à le refaire ! » Il se tourna vers Sine « Sans ça, tu m'aurait battu, tu sais ?
- Je n'aurai eu aucun mérite, je suis plus grande et plus forte que toi. Mais toi, ce que tu as fait avec la Force est impressionnant !
- Voilà un très courtois échange que je suis navré d'interrompre ! » déclara Maître Yeva qui s'était approché sans que les enfants ne l'entendent. « Tanios, Maître Yoda voudrait que tu le rejoigne dans la salle de réception. »
L'apprenti n'en cru pas ses oreilles.
« - Moi ? Dans la salle de réception ? Mais je croyais qu'il y avait une visite du roi de San Ta ! »
Yeva fit semblant de ne pas comprendre la question implicite : « Qu'est-ce qu'il me veulent ? ». Le garçon devait apprendre à maîtriser ses émotions et son impatience. Et il ne savait trop que lui dire, ni surtout, comment. Il se contenta donc de préciser, tandis qu'ils se mettait en route :
« - Pas le roi, mais son représentant. Ann Jenda, Duc de Trey et Jaliv, Comte de Serni, Baron de Farl, Gina et Tales. »
Tanios avait compris que Yeva ne répondrai pas à sa question tacite. Il siffla.
«- Tout ça ? Il doit mettre une heure à signer ses papiers ! »
Le Chevalier sourit. Il sentait la nervosité que le garçon essayait de cacher. Il changea de sujet pour le mettre à l'aise.
« -J'ai vu la fin du duel. C'est la première fois que tu arrives à sauter comme ça ?
- Oui. Je suppose que dans quelques mois, on saura tous le faire ?
- Probablement. Etais-tu sûr que tu y arriverais ?
- Non. Je sentais beaucoup la Force, mais je ne savais pas si j'arriverai vraiment à sauter assez haut.
- En ce cas, tu as pris en trop grand risque en te laissant acculer ainsi contre la paroi. Qu'aurais-tu fait si tu n'avais pas réussi à sauter ? »
Tanios rougit
« - J'aurais perdu…
- Et dans un combat réel, tu serais mort. Tu ne dois pas baser toute ta stratégie sur un élément instable. Ou tu dois avoir un plan de rechange. Mais là, tu t'es mis en danger, sans avoir de possibilités de sortie autres que ton saut.
- Oui, Maître Yeva »
« Moi qui voulait le mettre à l'aise ! » pensait Yeva. « J'ai réussi !! Il est encore plus embarrassé qu'avant ! Enfin, j'ai réussi à lui changer les idées…Et, qui sait, peut-être qu'un jour cette leçon l'empêchera de faire une bêtise. »
Tanios l'interrompit dans ses pensées.
« - Je ne savais pas que vous étiez de retour au Temple.
- Je suis arrivé ce matin. Je pense que je vais rester quelques jours, avant de repartir… »
Ils arrivèrent devant la porte de la salle de réception. Il allait ouvrir la porte, lorsqu'il se ravisa. Le garçon à ses côtés lui lança un regard interrogateur. Il dévisageât le visage enfantin. Non, vraiment, il ne pouvait pas le laisser entrer comme ça. Mais que lui dire ? Il n'était sûr de rien. Il s'accroupi devant le garçon et pris dans ses mains les épaules encore frêles.
« -Tanios, j'ignore ce qui t'attend dans cette salle. Mais quoiqu'il arrive, rappelle toi que tu es un Jedi. Conduit toi ainsi que tes maîtres te l'ont apprit. Ainsi, tu n'auras rien à te reprocher. »
Le garçon acquiesça, impressionné par la gravité du ton du Chevalier. Il ouvrit la porte et s'avança dans la pièce.
Tous les regards se tournèrent vers lui. Il entendit la porte se refermer. Il y avait là Maître Yoda et un homme. Grand, les cheveux et les yeux d'un noir de jais, la peau foncée, un visage extrêmement mobile et fascinant. Et quelque chose, quelque chose dans ses yeux qui frappa Tanios et le bouleversa. Il resta planté là, à quelques mètres de cet inconnu qui l'était si peu. Il aurai voulu disparaître dans le sol, hurler, se jeter dans les bras de l'homme ou murmurer ce nom qu'il n'avait encore jamais dit : « Papa ». Il ne fit rien de tout ça. Il ne fit rien du tout. Il se contentait de fixer son antagoniste. Celui le dévisageait, l'observait des pieds à la tête, incapable aussi de dire un mot ou de faire un geste. Ils seraient restés ainsi longtemps si Maître Yoda n'était pas intervenu.
« -Tanios, Ann Jenda, je te présente. Monseigneur, voici Tanios Estem. »
Tanios s'avança et se courba devant le duc.
« - Je suis honoré de vous rencontrer, monseigneur. On m'avait dit que votre planète était très puissante. À la grandeur de son représentant, je vois que c'était vrai. »
Le duc sourit, charmé par le compliment du garçon. Il s'inclina à son tour.
« - Je suis très heureux de te voir enfin en personne, Tanios. Je n'ai entendu que du bien sur toi, par tout ceux qui te connaissent. »
Tanios sourit à son tour mais ne dit rien. Il savait tourner un compliment lors d'une présentation, mais pas soutenir une conversation mondaine. Il espérait que Maître Yoda s'en chargerai. Mais il n'en fut pas besoin. S'il avait été ému lors de l'entrée de Tanios, Sa Seigneurie n'en était pas moins un diplomate et un homme du monde. Il enchaîna donc :
« - Je suis d'autant plus heureux de te voir, Tanios Estem, que je te dois des excuses. Parfois dans la vie, il arrive que des choses que l'on croyait sans importance en prennent beaucoup, et qu'on l'ignore. Sur ma planète le lien familial est très important. Nous avons le respect de notre sang. Lorsqu'un homme et une femme ont un enfant, et que, pour une raison ou une autre, il ne peuvent pas s'épouser, ils élèvent tout de même l'enfant ensemble. Cependant, il arrive que des parents abandonnent leurs enfants. Parfois, même, qu'ils ne les reconnaissent pas. Ces gens sont mal vus par le reste de la population. Et je n'ais pas été le dernier à leur jeter la pierre. » Il s'éclairci la voix, visiblement ému. « Il y a quelques jours j'ai découvert que j'étais un des leurs. Je venait à Coruscant comme ambassadeur extraordinaire de ma planète, lorsque j'ai décidé d'aller rendre visite à une jeune fille que j'avait connu dans le passé, et dont j'avais gardé un bon souvenir : Lenna Estem. »
Là, le Duc s'interrompit. Il regarda Tanios comme s'il attendait qu'il dise quelque choses. Mais le garçon, bien trop ému pour parler, se contenta de le regarder d'un air suppliant, attendant la suite avec un mélange de crainte et d'espoir. L'homme repris donc :
« - Je suis allé voir Lenna. Et là, j'ai appris quelque chose de magnifique et terrible à la fois. J'ai un fils. Et je l'ai abandonné avant même sa naissance. J'ai tellement honte de moi, Tanios ! J'ai supplié ta mère qu'elle me pardonne, ce qu'elle a fait de bon cœur. A présent, je suis devant toi, toi à qui j'ai le plus fait de tort, et je suis à tes genoux, pour te demander pardon. »
En disant ces mots, il s'agenouilla devant son fils. Tanios resta muet quelques instants. Il sentait ses yeux se remplir de larme, il ne savait trop pourquoi. Il n'était pas triste, oh non, il était même très heureux. Mais la vue de ce duc si imposant et si tendre agenouillé devant lui le remuait doucement. L'homme qui, bien qu'à genoux lui arrivait à l'épaule leva vers lui un regard inquiet et suppliant. Il lut toute son émotion sur le visage du garçon. Il ouvrit les bras. Tanios s'y jeta en sanglotant. Il sentit les bras de son père se refermer sur lui en une étreinte si longtemps attendue. Il se balançait d'avant en arrière en murmurant sans cesse : « Mon fils, mon fils. » Finalement, Tanios se dégagea en essuyant ses yeux. Il vit son père faire de même.
« - Je vous pardonne » déclara-t-il. « Si vous aviez su que j'existait vous seriez venu me voir ?
- Je vous aurai fait venir, ta mère et toi, sur Trey, où vous n'auriez manqué de rien.
- Mais alors, Maître Kenaz et Maître Yeva ne m'aurai pas trouvé. Je n'aurai pas été au Temple et je n'aurai pas pu devenir un Jedi. Les choses étaient mieux pour moi telles qu'elles se sont passées. Et Lenna était malheureuse, mais elle dit que c'est grâce aux Jedi qu'elle a pu faire ce qu'elle rêvait de faire. Vous n'avez rien à vous reprocher. Je ne vous reproche rien. »
C'était un long discours pour un si jeune garçon, et Tanios se tut.
Le duc lui sourit. Il restait à genoux devant le garçon pour le regarder droit dans les yeux.
« -Dis-moi, Tanios, es-tu heureux ici ?
- Oh oui ! J'apprends à devenir un Jedi ! » Il allait continuer et décrire en détail son entraînement et sa vie lorsqu'il se ravisa. Bien que son père, le duc restait un inconnu. Il l'avait rencontré pour la première fois seulement quelques minutes auparavant.
Son père ne se formalisa pas de ce silence. Il changea de sujet.
« - Tu sais, Tanios, je me suis marié sur Trey. J'ai des enfants. Deux garçons et une fille. Ce sont tes frères et ta sœur. Souhaiterai tu les rencontrer ? »
Tanios recula de quelques pas. Il répondit d'un ton hésitant.
« - Je ne sais pas. Je ne suis pas sur que ce soit possible. Mes maîtres pensent que je n'ai plus besoin de visite annuelle depuis mes sept ans. C'était tard. J'étais un des derniers de ma classe à partir. »
C'est alors que Maître Yoda intervint.
« - Que tu ailles sur Trey, hors de question, en effet, il est. Mais s'il le souhaite, te visiter avec ses enfants, Sa Seigneurie peut. De toi seul, cela dépend. »
Le duc se tourna vers lui avec avidité. « Le veux-tu ? » insista-t-il.
Tanios hésita. De toute évidence, cela ravirai son père. Mais était-ce une bonne chose ? Les Jedi étaient sa famille. Il s'y sentait heureux. Avait-il vraiment besoin d'une autre famille ? Les yeux de son père brillaient. Il allait accepter lorsqu'il sentit quelque chose. Une onde dans la Force. Ça ne le prévenait pas d'un danger précis, non, juste un malaise. Quelque chose de pas très agréable. Il voulu refuser, mais il devina la peine que cela ferait à son père. Il lâcha donc :
« - D'accord. Mais juste une fois. Ils sont de mon sang, mais ils ne sont pas ma famille, vous comprenez ? Ma famille, c'est les Jedi. Vous me comprenez ? »
Il ne voulait pas que son père croie qu'il le refusait.
« -Oui, Tanios Estem, je te comprends. M'autorise-tu à te présenter ma femme aussi ? »
Cette fois, le sentiment de danger se fit plus pressant. Mais Tanios ne pouvait plus refuser, il le sentait. Il acquiesça, sûr qu'il le regretterai.
Yeva faisait les cents pas derrière la porte. Il avait vu le duc arriver et en avait aussitôt pris ombrage. Il ressemblait trop à Tanios pour qu'il ne le reconnaisse pas comme son père. Il avait senti monter en lui un sentiment qu'il ne reconnu pas tout de suite. Puis il l'identifia, horrifié. Il était jaloux. Lena avait aimé cet homme, et cette idée le mettait en colère. Il s'empressa de refouler ce sentiment, de s'en débarrasser. Puis Maître Yoda lui avait demandé d'aller chercher Tanios. Et depuis bientôt une heure, il faisait le pied de grue devant la porte de la salle de réception. Que s'y disait-il ? Que racontait cet homme à Tanios ? Il savait que le garçon ne se laisserai pas abuser facilement. Mais il n'avait que neuf ans. A la fin, n'y tenant plus, il colla son oreille contre la porte et en appela à la Force pour entendre ce qui se disait. Il savait que maître Yoda le remarquerai, mais cela lui semblai minime en comparaison de son angoisse. Il entendit le duc demander à Tanios l'autorisation de venir lui rendre visite avec sa femme. Un immense soulagement s'empara de lui : le duc était marié. Il ne venait pas pour reprendre Lenna. L'intensité de son émotion le surpris. Il se croyait guérit de son attachement pour Lenna, mais il n'en n'était rien.
Las, son soulagement fut de courte duré. Il senti un onde dans la Force, très faible. Un danger. Mais il était lointain, diffus, il ne le concernait pas. Mais qui ? Il remarqua le trouble du garçon qui ne répondit pas immédiatement à la question de son père. C'est alors qu'il compris. C'était Tanios qui était en danger et le garçon l'avait senti aussi. Néanmoins, il accepta la proposition. Etrange. Pourquoi ne se fiait-il pas à la Force ?
Prenant brusquement conscience de ce qu'il faisait, il s'éloigna vivement de la porte et rougit. Heureusement, personne ne l'avait vu. Il s'éloigna et s'assit sur un siège en attendant que l'entretien prenne fin.
