Chapitre 1 : Où il est question d'un miroir, d'un fantôme, et de dettes
Théodore Nott était seul, face à son reflet. Il s'était arrêté face à un grand miroir qui se trouvait dans son manoir, et fut une nouvelle fois consterné par son apparence. Il était grand, très grand pour son âge, il avait des yeux bleu-gris et des cheveux en bataille d'une couleur terne. Il avait beau les couper court et utiliser des sorts coiffants, rien n'y faisait. Mais le pire était sans doute la couleur : un noir très pâle, pratiquement gris. Cela lui donnait un aspect négligé, et, même s'il les lavait tous les jours, ils avaient tout le temps l'air sales.
Théodore soupira. Au moins, il avait pris un peu de poids pendant les vacances, et n'était plus squelettique, comme c'était le cas l'année précédente. En effet, suite à une forte poussée de croissance dont il se serait bien passé, il était devenu le plus grand élève de sa classe, mais aussi le plus maigre. Maintenant, au moins, il avait atteint un poids en accord avec sa taille.
- Monsieur Théodore, votre cravate est très mal mise. Fit une voix venant de nulle part.
A cet instant, une forme humaine se matérialisa dans le miroir, une femme maigre au nez pointu. Théodore se maudit intérieurement : il avait complètement oublié qu'il se trouvait face au grand miroir du rez-de-chaussée, celui-là même qui était hanté par le fantôme de son arrière arrière-grand-mère Lucie Nott, qui ne manquait pas une occasion de faire des remarques au sujet de tout être vivant passant devant son miroir. Même les elfes de maison, n'y échappaient pas, et il l'avait même une fois surprise en train d'essayer de faire comprendre à la chatte noire de la famille, Nix, que des yeux jaunes seraient bien plus appropriés pour faire peur aux moldus, et que cela serait en accord avec la décoration du manoir. Théodore avait alors pris sa chatte et l'avait emmené le plus loin possible du miroir, tout en priant pour que son père n'aie pas l'idée de suivre le conseil de Lucie et de changer la couleur de ses yeux.
Comme si elle avait senti qu'il pensait à elle, Nix arriva pour se frotter affectueusement aux chevilles de son maître. Théodore la prit dans ses bras et la regarda droit dans les yeux, des yeux dont la couleur oscillait entre le bleu et le gris, tout comme les siens.
- Je continue à dire que le jaune irait bien mieux à ce chat. Dit Lucie
- C'est une chatte, précisa Théodore pour la millième fois.
- Peu importe. Répliqua Lucie. Maintenant faites moi le plaisir d'ajuster votre cravate, jeune homme.
Théodore s'exécuta, car même si Lucie était condamnée à rester prisonnière du miroir (ce que toute la famille s'accordait à considérer comme une véritable bénédiction), ses cris de colère pouvaient s'entendre dans tout le manoir. Une fois qu'il en eut terminé avec sa cravate, le fantôme du miroir parut satisfait et, comme elle ne fit plus aucun commentaire, Théodore estima qu'il pouvait partir sans risque. Il mit Nix dans sa boîte de voyage, pris sa valise et s'apprêta à quitter la demeure familiale pour passer une nouvelle année à Poudlard, l'école des sorciers.
- Théodore, chéri ?
Théodore se retourna pour faire à nouveau face au miroir.
- Qu'y a-t-il ?
- Je voudrais savoir, pourquoi est-ce que tu mets ton uniforme de Poudlard avant d'être à Poudlard ?
- Je n'aime pas me changer dans le train. Répondit Théodore en toute franchise.
- Ah… Bon. Et, une autre question, quand est-ce que Frizzy va revenir ? Si tu restes un an à Poudlard, et que personne ne fait le ménage, la couche de poussière risque d'être, disons considérable…
Théodore déglutit. Il aurait préféré que Lucie ait oublié de lui faire remarquer l'absence de l'elfe de maison, mais maintenant qu'elle avait abordé le sujet, il se devait de lui répondre.
- Frizzy ne reviendra pas. Dit-il. Je l'ai vendue.
- QUOI ?
- Nous sommes écrasés par les dettes, expliqua l'héritier des Nott, et maintenant que père est en prison, nous devons en plus donner une part considérable de nos biens à la société, notamment aux familles qui ont souffert à cause de lui.
- ET TU N'AS RIEN TROUVE DE MIEUX QUE DE VENDRE L'ELFE DE MAISON QUI SERT NOTRE FAMILLE DEPUIS PLUS DE CINQUANTE ANS ? HONTE ! HUMILIATION ! TRAITRE A TON SANG ! A TA FAMILLE ! QUE VAS-TU VENDRE D'AUTRE LA PROCHAINE FOIS ? LES BIJOUX DE FAMILLE ? LA MAISON ?
- Peut-être, oui. Annonça Théodore.
Sur ce, il quitta rapidement la maison, sous un concert d'hurlements dont seule Lucie avait le secret. A plus de vingt mètres de la maison, il pouvait toujours entendre très distinctement chaque insulte prononcée. Au bout d'un quart d'heure, il arriva enfin à la route qui bordait la propriété des Nott. Il se retourna et contempla de loin le manoir qui, pendant des siècles, avait servi de demeure à la famille Nott. Il sentit alors son cœur se resserrer. Il n'avait pas menti à Lucie, la situation était critique. Depuis que son père avait été envoyé à Azkaban, tout avait dégénéré. Pour commencer, son père avait fait des emprunts à Gringotts, et lorsque la banque avait appris qu'il était un mangemort, elle avait demandé à être remboursée avec les intérêts. Richard Nott étant en prison, et ne pouvant par conséquent plus travailler et par la même occasion rapporter de l'argent à la maison, Théodore avait dû ravaler sa fierté et se servir dans les coffres de la famille, déjà à moitié vides, Richard ayant utilisé une grande partie de sa fortune pour venir en aide au Seigneur des Ténèbres. Si les choses s'étaient arrêtées là, la situation aurait été supportable, mais le pire était à venir. Le Ministère de la Magie était venu réclamer, en plus des indemnités demandées pour les familles des gens qui avaient été torturés ou même tués par les mangemorts, une quantité absurde de fonds pour financer la lutte contre Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Le résultat était tel que les coffres de la famille étaient désormais vides, et il restait encore beaucoup à payer. Théodore n'eut alors d'autre choix que de vendre meubles, bijoux, et même l'elfe de maison. Malheureusement tout cela n'avait pas suffi et si Théodore avait réussi à obtenir un délai supplémentaire pour qu'il puisse malgré tout poursuivre ses études, s'il ne trouvait pas bien vite une solution, il devrait sans doute vendre le manoir et se retrouver à la rue, car personne ne voudrait l'héberger.
Dégoûté par ce triste constat, le jeune homme se tourna vers la route et agita sa baguette magique, priant pour que le Magicobus accepte un fils de mangemort à son bord.
