Voici une fiction que j'ai commencée en 2011 avec une de mes amies. Elle avait été laissée à l'abandon, mais je l'ai retrouvée depuis peu, et je la continue seule. J'essaie présentement d'améliorer un peu les chapitres du début pour changer quelques détails qui m'énervaient, alors c'est possible que vous trouviez quelques petites incohérences, mais n'en tenez pas compte! Je tenais aussi à vous dire que les 11 premiers chapitres peuvent être différents des autres, car ce sont les plus vieux. S'ils ne vous plaisent pas, je vous invite à continuer tout de même votre lecture car l'écriture a beaucoup changée à partir du chapitre 12! Bonne lecture :)


Tomas

Je referme le dernier carton et balance le scotch sur mon lit. Tout est emballé, tout beau, tout propre et je me crois enfin prêt à partir. J'ai eu énormément de mal à me faire à cette idée et à accepter le fait qu'une personne qui m'était très chère soit désormais partie, que plus jamais j'pourrais la revoir. La toucher, la sentir, la serrer dans mes bras, lui parler, rire avec elle… Mais je me console à l'idée de pouvoir enfin revoir mon père, et m'angoisse en pensant que le courant pourrait ne pas passer entre nous, qu'on se déteste, qu'on n'ait rien en commun. Ok, j'arrête. Faut arrêter. De toute façon, j'ai plus le temps de déconner avec mon subconscient.

À mon rythme, je charge uns à uns le plus possible de cartons qui ont la chance de se faire une place dans ma voiture et retourne à l'intérieur pour vérifier que je n'oublie rien de vraiment important. C'est toujours possible, avec moi. Je me sers un dernier verre d'eau et m'assois pour la dernière fois sur le plan de travail pour le boire, laissant mes pieds se balancer dans le vide et m'imaginant ma mère juste à quelques mètres de moi, qui cuisine en chantonnant. J'vois son sourire, je sens l'odeur de sa bonne cuisine, je l'entends me raconter sa journée, son rire si doux résonne à mes oreilles et je m'empresse de fermer les yeux pour savourer cet instant une dernière fois. Une seule larme roule sur ma joue et je la laisse faire sa trajectoire, voulant garder une dernière trace de cet endroit et de ce que je ressens sur ma peau.

Puis je repose brusquement le verre sur le comptoir et me laisse glisser jusqu'à ce que mes pieds touchent le plancher. La tête basse, je quitte la cuisine et descends au sous-sol pour couper l'eau et l'électricité. J'ai toujours détesté cette pièce. Vide, froide, humide. Mais pourtant, à cet instant, je m'y sens bien. À ma place, c'est mon chez moi. Je remonte à contrecœur et passe par le salon pour récupérer le cadre qui contient la photo de ma mère. Je monte dans ma chambre et la contemple une dernière fois sur le pas de la porte. Toutes les écritures de mes amis sur mes murs, salis par nos conneries, nos petites soirées passées à embellir ma chambre, et l'énorme fleur orange peinte par ma copine, trônant au-dessus de ma tête de lit. Je la regarde une dernière fois, puis referme la porte derrière moi. L'agence immobilière m'avait conseillé de tout repeindre en blanc, mais j'ai préféré tout laisser là. Même si je pars pour ne plus y revenir, c'est ma maison. Celui ou celle qui possèdera ma chambre aura alors le choix de tout repeindre pour à son tour laisser sa trace, ou de tout garder.

Dans le hall d'entrée, debout devant la porte grande ouverte, je me tâtonne pour vérifier que j'ai tout ce qu'il faut sur moi. Mon pantalon, la photo de maman, mon portefeuille, mes clés, mes… où sont mes clés ? Ok, dans tout ça, j'ai réussi à égarer mes clés. Je refais un rapide tour dans la maison pour voir où je les ai laissées, mais ne les trouves pas. Super. Comment partir, sans clés ?

- « Maman, si c'est toi, c'est super mignon, mais je dois vraiment partir d'ici avant que j'aie plus le courage de le faire » je soupire.

Une bourrasque de vent me répond et referme brusquement la porte devant moi. Définitivement, ma mère ne veut pas que je quitte la maison. J'ouvre à nouveau la porte et sors sur le perron. Mes yeux se posent immédiatement sur la voiture, et le déclic se fait dans ma tête. Les clés sont dans une boîte. Je vais me pendre, je reviens.

Je traverse la rue et vais frapper à la porte de la maison d'en face. La mère de ma copine me répond, encore en peignoir et l'air plutôt endormie. Cool, je les réveille. Elle m'indique que Carsy est dans sa chambre et se pousse lentement sur le côté pour me laisser passer, me demandant lâchement d'au moins essuyer mes chaussures si je ne les enlève pas. J'obéis et monte rapidement l'escalier pour me rendre à la chambre du fond. Je frappe quelques petits coups à la porte entrouverte et Carsy me répond que je peux entrer. Je la découvre allongée dans son lit, toujours en pyjama. Je vais m'assoir tout près d'elle sur son lit et elle me sourit, tentant d'agripper ma main.

- « Salut toi… T'es matinal ce matin » bâille-t-elle.
- « J'ai besoin de la journée entière, me rendre chez mon père, et m'installer… »
- « Quoi ? » panique-t-elle en se relevant brusquement.

En voyant son air, il n'y a pas de doute. Elle avait oublié que je partais aujourd'hui. Cool.

- « C'est aujourd'hui ? »

Elle s'empare de son téléphone et regarde la date pour s'assurer que c'est bien la vérité. En voyant qu'on est bien le six septembre, elle soupire et se laisse tomber dans mes bras.

- « Ouais. J'suis prêt à partir, je venais juste te dire au revoir. »
- « Mais… mais je croyais qu'aujourd'hui on allait… on allait en ville et tout, qu'on passait la journée ensemble ! » se fâche-t-elle.
- « C'était hier, ça » dis-je en soupirant.
- « Hier j'étais avec Kat, parce que je croyais que… »
- « Je sais. Je t'ai appelé, mais tu m'as dit que tu étais occupée. Alors j'ai pas insisté. »

Elle se relève brusquement, l'air fâcheusement outrée, et m'assène une claque sur le torse. Je feins la douleur, sérieux.

- « Tu le savais ! Et tu m'as rien dit ! On voit à quel point tu tiens à moi… »

Je ne réponds rien à son semblant de reproche et détourne le regard. Elle savait déjà que le jour où je partirais, ça s'arrêterais là. Mais le problème, c'est qu'elle est vraiment trop amoureuse de moi. Genre elle croit vraiment qu'on va se marier.

- « Désolé. »

Je me défais d'elle et me relève, attendant une conclusion pour partir d'ici. Mais, super trop acharnée, elle se lève aussi et se jette à nouveau dans mes bras pour tenter de m'embrasser. Je la repousse faiblement et me recule d'elle, plaçant ma main entre nous pour m'assurer qu'elle ne se jettera pas encore sur moi comme une déchaînée.

- « C'pas si loin, chez ton père. On peut se voir les week-ends, tu sais… »

Je secoue négativement la tête.

- « Quand est-ce que tu reviens ? » demande-t-elle, piteuse.
- « J'reviens pas. »
- « Mais … même pas pour nous ? »
- « Écoute, je veux juste… repartir à zéro, ok ? Je peux pas… je peux pas continuer à vivre comme ça, c'est trop dur. On s'appellera, si tu veux, mais moi… J'reviendrai pas. »

Son regard change rapidement et devient froid, terriblement furieux. Je recule encore un peu, me dirigeant lentement vers la porte pour sortir de sa chambre.

- « T'es un putain de con d'égoïste, Tom ! » hurle-t-elle furieusement.
- « Ok » je dis simplement. « J'suis vraiment désolé. T'as juste à… à m'oublier. »
- « Mais merde, je t'aime ! » s'époumone-t-elle.

Mon cœur se serre légèrement. J'me sens terriblement mal de lui faire ça, mais j'ai pas le choix. Je veux vraiment quitter cette ville et recommencer une nouvelle vie. Oublier la mort de ma mère, et peut-être tenter d'avoir la même relation avec mon père que celle que j'avais avec elle. Rester ici ça m'étouffe, je vis complètement dans le désespoir et je dois m'en sortir pendant qu'il en est encore temps.

- « Je… j'y vais. Salut. »
- « Tomas ! »

Je l'écoute plus et sors rapidement de chez elle pour éviter d'éterniser la conversation. Je m'assure une nouvelle fois que j'ai mes clés et monte dans ma voiture. Assis comme un con devant le volant, je regarde une dernière fois l'endroit où j'ai grandi, où j'ai vécu les plus importantes parties de ma vie.

Le cadre dans lequel repose la photo de ma mère se trouve à mes côtés, sur le siège droit. Sur la photo, ma mère me sourit. Elle me tient dans ses bras, je l'entends encore me dire qu'elle m'aime. Et c'est cette image que j'apporte avec moi. Je laisse les larmes et les nuits de solitudes à m'imaginer le monde où elle se trouve, les tonnes de fois où j'ai désiré la rejoindre, et quitte définitivement cet endroit, emportant avec moi son sourire et son amour.

Je quitte Brooklyn et fonce directement à Manhattan, là où m'attends l'espoir d'une nouvelle vie.


J'ai réussi à me perdre deux fois. J'ai eu la chance que deux gays trop affirmés m'indiquent mon chemin, j'ai frappé trois fois à la mauvaise porte et en partant de Brooklyn, j'ai oublié de mettre de l'essence dans ma voiture. Maintenant, je suis devant la maison qui doit être celle de mon père, mais j'hésite à aller vérifier. Je suis courageux, mais timide. Et quand quelqu'un me regarde comme si je sortais tout droit d'un asile après que je lui ai demandé « papa, c'est toi ? », ça me fout la honte. Je bafouille, je rougis, je m'excuse, et je repars comme j'étais venu, laissant l'individu perplexe pour un p'tit moment.

Alors que je songeais à retourner à l'intérieur de ma voiture pour appeler discrètement mon père et lui demander son adresse, histoire d'être bien certain que j'suis chez lui, un homme sort de la maison et s'approche de moi, me regardant étrangement. Je lui rends son regard, un peu effrayé, et me tiens prêt à partir en courant si la bonne idée de m'attaquer lui prend.

- « J'peux vous aider, jeune homme ? »

Et là, la seule chose qui me passe par la tête, passe aussi la barrière de mes lèvres.

- « Euh… papa ? »

J'ai aussi droit au regard de fou de sa part, mais cette fois-ci, je reste planté devant lui, et ne rougis anormalement pas. Si ça se trouve, c'est lui. Soupir de soulagement.

- « Tomas ? »
- « Dieu, oui, Tomas ! » je m'exclame, heureux de l'avoir enfin trouvé.
- « Tomas ! »

Il me sourit et m'attire dans ses bras. Je me laisse prendre, un peu mal à l'aise, et lui rends légèrement son étreinte. Puis il se recule pour me contempler. Et je fais de même. Dans mes souvenirs, il était plus grand. Même si, dans ces souvenirs, je n'avais qu'environ cinq ans. Hm, voilà pourquoi je le voyais plus grand. Il passe sa main dans mes cheveux, mais ses doigts y restent coincés. Ouais… j'suis pas trop du genre à m'brosser les cheveux.

- « Tu m'fais mal. »
- « Comment tu voulais que j'devine que j'allais rester coincé? »

J'le fixe, j'sais pas quoi dire. Puis il retire sa main de mes cheveux et il m'invite à entrer. Je le suis après avoir récupérer mon sac et la photo de ma mère. Il me fait visiter rapidement la maison, sachant que j'y ai déjà passé quelques week-ends étant plus jeune, et ouvre finalement une porte, qui se trouve à être celle de ma chambre. Plus petite que celle à Brooklyn, plus meublée, un lit beaucoup plus petit et les murs sont d'une jolie couleur… rose. Perplexe, je tâte mon pantalon pour m'assurer de ma masculinité et, certain de bien être un garçon, je me retourne vers mon père, attendant une explication. Il me fait simplement un petit sourire, peu surpris de ma réaction.

- « J'ai une sœur ? » je lui demande en feignant la recherche d'une potentielle parenté féminine.
- « J'sais pas, j'connais pas tes goûts, alors… » rigole-t-il.
- « Non, sérieusement ? »

Je m'avance un peu dans la chambre, et laisse tomber mon sac au pied de mon lit. Je tire les rideaux pour voir la vue que j'ai depuis ma fenêtre et constate avec joie qu'elle donne sur le jardin.

- « C'est que… quand ta mère était enceinte de toi, on était persuadés que t'étais une fille. Mais elle est partie avant d'accoucher, alors… j'ai pas vu l'utilité de repeindre cette pièce. »
- « Ah » fis-je simplement, touché par la simple évocation de ma mère.

Un lourd silence s'installe rapidement entre nous, et je me laisse tomber sur le lit, la photo de maman entre les mains. Il toussote légèrement en me voyant la poser sur ma table de chevet et s'avance un peu pour la contempler avec moi. Je sens sa main se poser maladroitement sur mon épaule pour tenter de me faire comprendre qu'il est là si j'ai besoin de quelque chose.

- « Tu veux que je t'aide à transporter toutes tes boîtes jusqu'ici ? » me propose-t-il.

Je relève lentement la tête vers lui et lui offre un sourire.

- « Bien sûr. »

Nous faisons quelques allers-retours de ma voiture à ma nouvelle chambre, qui se voit très vite remplie par toutes mes boîtes. Il rigole sur le fait que je possède certainement plus de choses qu'une fille et je me dois d'avouer qu'en effet, il a bien raison. Je me demande juste si je vais réussir à trouver une place pour chaque chose, vu le manque d'espace.

- « Ça va aller ? » me demande-t-il alors que je me trouve au milieu de la pièce, entouré de milliers de cartons.
- « Oui, je vais m'en sortir, je crois » je lui réponds en tentant un sourire pour le rassurer.
- « D'accord, si tu as besoin de moi, je ne suis pas loin… »
- « Hm, ok. »

Il me jette un dernier regard, me sourit vaguement, puis repart, échappant un léger soupir. Il est mal à l'aise avec moi, ça se voit. Mais je ne peux m'empêcher de remarquer que notre premier échange n'était pas si mal. C'était étrange, peut-être, mais le courant passait quand même bien. Espérons que ça restera comme ça.

J'perds pas de temps et ouvre le premier carton qui se trouve à ma portée. Avec horreur, je constate que tout ce qu'il contient ne fera que me rappeler Brooklyn. En effet, la première chose sur le dessus : une photo de mes amis. Et j'peux m'empêcher de geindre en regardant toutes les autres boîtes, qui seront qu'une torture à défaire.