Il avait froid, il grelottait, il était trempé.

Certains diraient qu'il cherchait à attraper la mort.

Certains le penseraient très fort mais ne diraient rien, comme d'habitude.

D'autres enfin, la majorité, s'en foutraient royalement.

Il était le chat après tout. Et la pluie n'avait jamais noyé personne. Du moins pas sur un toit.

On disait de la pluie qu'elle symbolisait les larmes de Dieu, qu'elle avait des vertus purificatrices, qu'elle effaçait la salissure, qu'elle redonnait vie aux choses. Pourtant ce n'était pas la raison pour laquelle il était assis là, sur ce toit en briques, depuis bientôt une heure.

Chaque minute qui passait le faisait s'affaiblir un peu plus. Il sentait le félin en lui hérisser les poils, tourner en rond dans la cage imaginaire où il était habituellement enfermé, jusqu'à la prochaine transformation.

Qui n'allait pas tarder. S'il persistait à rester ici.

Mais était-ce si important?

Que pouvait bien encore faire l'humain que l'animal ne pouvait accomplir?

Ce n'est pas comme si leurs agissements, quelle que soit leur forme, avaient une quelconque incidence sur quoi que ce soit ou qui que ce soit. Il était le chat après tout! Egoïste, indépendant, refusant toute forme d'autorité, bagarreur, retombant toujours sur ses pattes.

Et même si lui savait tout cela être faux, même s'il essayait de le leur communiquer d'une voix sans sonorité, les mots se perdaient dans le vent, inaccessibles pour ces personnes aux oreilles fermées, ces personnes qui formaient sa famille.

Mais lui savait. C'était le plus important non? Non?

Comme ses compagnons à quatre pattes il se cachait pour souffrir en silence. Ici sur ce toit où jamais personne ne venait il dissimulait ces blessures infligées par d'autres, volontaires ou inconscientes.

Mais même ainsi il n'en perdait pas moins son côté humain, cette partie de lui qui ressentait parfois le besoin de se faire consoler, de se faire bercer, d'entendre que tout ira bien, qu'il n'est plus seul pour se battre, qu'il n'a plus à se battre.

Il se demandait ce qu'on pouvait éprouver, être aimé en lieu et place de la haine et du dégout qu'il suscitait invariablement. Il y avait eu son père, sa mère, Akito. Et les autres, qui au mieux l'ignoraient et le rejetaient. Ou le provoquaient comme Yuki et Black Haru.

Kagura ? Elle était en pleine rébellion, l'âge ingrat dira-t-on, alors forcément dans ces conditions on oriente son choix vers le bad boy, vers celui qui est loin de faire l'unanimité, un euphémisme ! Mais elle ne l'aimait pas non, de ça il en était persuadé, elle aimait l'idée de l'aimer et ainsi de se différencier, c'est tout.

Shiguré? Il l'avait recueilli oui mais l'homme derrière ses sourires et son apparente insouciance et immaturité était un manipulateur patenté vraiment malin. Il n'était pas méchant non, il avait juste comme eux tous un idéal qu'il cherchait à atteindre, un vœu inavouable à exaucer, et pour ça il était capable des pires extrémités quitte à ce que des gens soient blessés en route. Il avait cette part d'ombre qu'il portait au visage quand il ne se savait pas regardé, cette détresse que les maudits portaient tous en eux et le désir de faire bouger les choses. Alors oui il l'avait recueilli mais qui sait pour quelle motif tordu imaginé par son cerveau retord et tortueux. Mais pourtant c'était le Sôma qu'il appréciait le plus. Celui avait qui il se sentait exister, même pour de mauvaises raisons. Celui vers qui sa confiance irait, sous peu qu'il en ait encore à offrir. Qu'est-ce que ça pouvait bien dire de lui ce pseudo-attachement au chien? Le chat et le chien, une association presque aussi incongrue que le chat et le rat.

Et puis il y avait Tohru, peut être bien la seule personne pour qui son esprit acceptait de poursuivre la lutte, même si de plus en plus difficilement, avec de moins en moins de volonté.

Parfois il se réveillait le matin et la seule chose qu'il voulait était de rester étendue là, le corps dissimulé sous la couette, et faire comme si rien de tout cela était vrai, comme s'il s'agissait d'un immense songe qui avait débuté à sa naissance et qui ne s'achèverait qu'avec sa mort, et enfin là il se réveillerait réellement. Pour un monde différent. Aux antipodes. Et tout ceci n'aura été qu'un cruel cauchemar.

Souvent il se couchait le soir en se posant l'éternelle question: Akito n'avait-il pas raison de vouloir l'enfermer? Son existence ne causait que chagrin et misère. Sa mère qui avait cherché à fuir tout ça à travers la mort, Yuki qui chaque fois qu'il posait les yeux sur lui ne voyait en lui que l'ennemi, son rival dans le cœur de Tohru, cette personne programmée pour être détestée. Et Tohru, la douce Tordu. Combien de fois ne l'avait-il pas faite pleurer par des paroles trop brusques ou par son tempérament emporté?

Non, fallait croire qu'il n'était pas fait pour vivre en société. Tout ce qu'il savait faire était rabrouer, se battre, blesser et faire pleurer.

Ce que son esprit ne cessait de lui rappeler à présent, à chaque seconde de chaque minute qui passait.

Peut-être n'était-ce pas pour rien qu'à sa majorité le chat était enfermé. Peut-être n'était-ce pas une punition après tout, peut-être était-ce un lieu de réclusion et de repli indispensable pour le signe maudit. Qui sait peut-être le tout premier de la lignée avait-il proposé cette alternative à tout le reste. A la folie. A l'ostracisme d'un entourage limité dans sa vision du monde. A l'espérance d'un avenir qui n'était que chimère. Peut-être ce pavillon où il passerait le reste de sa vie était-il le remède à tout ceci, le sanctuaire pour enfin trouver la paix ? Ne plus se poser de question, ne plus chercher une quelconque acceptation qui jamais ne viendrait, être libéré de toute forme de discrimination et de superstition. Etre enfin soi-même.

Peut-être oui.

Ce qu'il savait en ce moment c'est qu'il était fatigué.

Qu'il voulait que tout cela s'arrête. D'une manière ou d'une autre.

Se laisser tenter.

Lâcher prise.

Abandonner.

Tohru pleurerait. Elle était si pure. Mais elle finirait par surmonter son absence, sa disparition. Yuki, Shiguré et les autres y veilleraient.

Et avec le temps elle finirait par presque l'oublier.

Son souvenir flotterait le temps du passage d'un chat errant. Mais rien de plus.

Les autres ?

Les autres feraient ce qu'ils faisaient toujours, vaquer à leur occupation et soigner leurs propres blessures. La vie du chat ne passait qu'en second voir en troisième plan.

Oui! Peut-être irait-il rendre visite à Akito plus tôt finalement.

Qui sait.

Là pour l'instant il était tant de rentrer.

La nuit était tombée et la pluie avait cessé.

Et il était fatigué. Il n'avait plus les idées claires.

Voila. Ici s'achève ma petite incursion dans l'univers de Fruits Basket. Il n'est pas impossible que ce petit texte somme tout sommaire ne soit que le début d'une nouvelle histoire à multiples chapitres mais là ça va dépendre de vous. Souhaitez-vous une suite ou n'y voyez-vous aucun intérêt ?

Un avertissement, si je poursuis attendez-vous à du angst et du psychologique et pas un grain de romantisme. Attendez-vous aussi à pas mal d'introspection et de scènes entières vue à travers les yeux de d'autres perso (comme Yuki, Shiguré, Hatori, j'en passe et des meilleurs).

Donc à vous de jouer. A vos claviers.