Cette fiction est inspirée des livres de Stephenie Meyer, et de la série américaine True Blood.


Prologue.


Le true blood avait quelque chose d'amère, de métallique, comme du café qu'on aurait servi dans une carafe rouillée. Je me souvenais encore parfaitement du goût des aliments, de la caresse du soleil, de la sensation d'un cœur qui bat, et si tout ça ne m'avait pas manqué pendant des années, depuis l'apparition de ce sang synthétique, je retrouvais la nostalgie d'être humain.

Les cinq derniers siècles étaient comme dans un brouillard épais, mon nouveau régime alimentaire m'avait sorti d'une torpeur liée à ma condition, et je me réveillais après un long cauchemar sombre, sanguinolent, et souillé par le crime. Combien d'entre nous avaient réalisé ce que cette découverte signifiait vraiment ? Car bien au-delà de la sécurité que le true blood offrait aux êtres vivants, il était surtout un moyen de nous sevrer de notre agressivité, de notre instinct animal, de rappeler à nos corps morts les attraits de l'humanité. Il représentait l'espoir, pour nous autres, maudits à jamais. Nous n'étions plus juste des monstres assoiffés, car la réponse s'inscrivait dans une vérité à la fois terrifiante et merveilleuse; c'était le sang humain, qui faisait de nous des bêtes sauvages. Privé de lui, nous retrouvions peu à peu les émotions, les sentiments, la conscience du bien et du mal, et tout ce qui est intrinsèque à la vie des Hommes. Comment aurions-nous pu savoir ? Un vampire avait-il déjà cessé de se nourrir pour en étudier les effets ? J'en doute sincèrement. L'appel du sang est bien plus puissant que n'importe quelle addiction. Mais l'apparition du true blood marquait un nouveau tournant dans l'histoire. Bien plus qu'un substitut alimentaire, il était la seule arme assez efficace pour lutter contre l'idiosyncrasie maléfique et cruelle de toute une espèce.

Le sang restait une entrave, l'odeur suave et appétissante s'échappant d'une jugulaire serait toujours un rappel à notre malédiction, et une épreuve à surmonter. Car aucun liquide ne seraient jamais aussi enivrant et délivrant. Et même si ce n'était pas le cas de tous mes congénères, pour ma part, la seule idée de me libérer enfin des massacres et des génocides était suffisamment belle pour me donner la force de résister à la douleur d'une gorge brûlante de désir.

Le changement n'était pas immédiat, et même un an après la découverte du true blood, et aucun écart de conduite, je cohabitais toujours avec cet être vil et affamé. Il serait toujours là en vérité, et je devrais apprendre à vivre à ses côtés. J'étais comme schizophrène il y avait moi, l'humain que j'étais jadis, puis le monstre qu'il était devenu. Et ces deux aspects de ma personnalité s'affrontaient dans un combat violent et permanent.

La conséquence de ce changement fut la division net et sans appel de notre communauté. Car certains vampires n'étaient pas pour l'intégration, et le sacrifice que représentait notre sevrage ne convenait pas à tout le monde. De la même manière qu'on dit d'un humain qu'il est bon, ou mauvais, le true blood venait de donner de la profondeur à notre race nous étions capables du bien comme du mal. C'était à la fois nouveau, et désopilant. Et pas que pour nous. Les humains avaient du mal à accepter ce changement, et c'était peut-être car ils ignoraient qu'il était possible pour nous de regagner une part de notre humanité. Et c'était curieux de vivre cette nouvelle forme de ségrégation, nous étions passés d'une espèce inexistante à une espèce détestée et condamnée par tous. C'était aussi tout à fait compréhensible, car nous étions à l'origine de la mort de tellement de personnes, que ça ressemblait à un juste de retour des choses. Pour que la vengeance soit complète cependant, c'est nous, qu'il aurait fallu chasser et exterminer...

On trouvait du true blood un peu partout, surtout dans les grandes villes; supermarchés, bars, restaurants... Une petite partie de la communauté des Hommes se battait pour nos droits, souhaitant que la tolérance qu'on avait gagné au cours de l'histoire s'applique également à notre espèce. Ceux-là étaient souvent plus fascinés par notre condition surnaturelle que convaincus par les principes qu'ils prônaient... Ma capacité vampirique à lire dans leurs esprits m'en disait long, quant à leurs motivations... Beaucoup souhaitaient en vérité devenir comme nous; immortels et puissants. S'ils pouvaient imaginer une seule seconde la lutte constante que cela représente, leur avis serait bien différent.

Les émotions humaines depuis longtemps oubliées resurgissaient de sous les décombres une par une, lentement, avec prudence. Néanmoins, ce n'était pas la première fois que mon humanité refaisait surface, et je me souvenais de l'année 1996. Les Volturis m'avaient confié une course, et je devais me rendre dans un village insignifiant et minuscule, Forks, pour y trouver une enfant. Comme toujours, la dynastie Italienne régnant sur le monde des vampires s'était bien gardée de m'informer des raisons de ma mission, et j'ignorais en quoi l'enfant était à ce point importante que je devais me déplacer jusque dans l'état de Washington pour la trouver. Cependant, j'avais vite compris. Isabella Swan n'était pas une enfant comme les autres, d'ailleurs, elle n'était pas une humaine comme les autres, et je le réalisais quand ma capacité à entendre les pensées d'autrui se heurta sur elle comme sur un mur. Son esprit était insondable, parfaitement hermétique à mon pouvoir. Isabella Swan était imperméable aux aptitudes des vampires...

Ça expliquait pourquoi les Volturis s'intéressaient à elle, et j'avais entrevu le futur de cette gamine avec plus de clairvoyance que jamais. Elle allait être étudiée, analysée, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle ait l'âge d'être transformée. En temps normal, ça m'aurait peu importé, mais mon incapacité totale à la sonder l'avait rendue étrangement mystérieuse, et belle.

Je me suis introduit chez elle pendant la nuit, ses longs cheveux bruns ondulaient sur son oreiller, et elle serrait contre elle une peluche blanche, en forme de lapin. Sa respiration était calme, apaisante. Je n'avais qu'à la prendre, et partir, c'était aussi simple que ça. Mais son odeur eut sur moi un impact encore plus féroce que son étrange pouvoir. Elle sentait comme le soleil et l'écume des vagues. Ma gorge brûlait d'une soif ardente et incontrôlable. Jamais ne n'avais humé d'odeur si puissante et tous mes muscles se contractèrent, pour m'empêcher de lui sauter à la gorge. Mais c'était perdu d'avance, j'allais planter mes crocs dans son coup, et boire son sang en totalité, jusqu'à la dernière goûte. C'était inévitable, cette fillette était destinée à mourir depuis le jour de sa naissance, que ce fusse par la main des Volturis, ou par la mienne. Elle était une abomination aussi grotesque que nous, elle était délicieuse, et différente. Et elle allait mourir en réponse à sa nature. L'injustice à son état le plus brut.

Et pourtant, la fatalité se dressa fièrement entre moi et ma proie, quand elle ouvrit ses grands yeux chocolats. Je me figeais, incapable de me mouvoir d'aucune façon. Elle ne semblait pas effrayée, ni même surprise. Et pourtant, elle était réveillée, j'en étais certain. Elle m'observait dans le clair-obscure de sa chambre d'enfant, d'un regard indéchiffrable, et beau, qui me pénétra comme une lame.

Pour la toute première fois depuis l'année 1611, mon cœur mort cogna d'une drôle de façon dans ma poitrine, et je ressentais la compassion, la pitié, et même l'affection. Cette fille allait être épargnée, elle ne serait pas vidée de son sang cette nuit là. Et elle ne serait pas non plus livrée aux Volturis. Isabella Swan allait vivre, et elle allait vivre longtemps...

Ma soudaine prise de conscience humaine s'estompa rapidement, et en quittant l'état de Washington, je redevenais la bête sanguinaire et meurtrière que j'étais par nature. Toutefois je n'oubliais pas mon acte, et ma faiblesse. Je mentais aux Volturis, et leur affirmais que la petite était morte dans un accident, bien avant ma venue, et je reprenais le cours de mon abominable existence.

En mai 2013, deux ans après l'apparition du true blood, je me sentais suffisamment humain pour faire ce que je rêvais de faire depuis longtemps... retourner à Forks.