Fellini's
C'était une journée ordinaire au restaurant des Fellini.
Trois cents couteaux biens affutés. Trois cents fourchettes à quatre dents. Trois cents assiettes en porcelaine de Chine disposées sur soixante tables mises bout à bout, chacune d'elle drapée d'une nappe en soie noire. Trois cents verres de vin. Trois cents serviettes en lin blanches. Cinquante bouteilles de bordeaux. Cinquante saucières. Quarante bouquets de roses rouges en guise de décoration florale. Trente paniers de petits pains. Vingt-cinq salières. Vingt-cinq poivriers.
Midi sonne. Trois cents convives. Trois cents habitués. Cent nonante deux hommes. Cent nonante et un nobles et un gigolo. Cent huit femmes. Quatre-vingts trois nues sous leurs manteaux. Cinquante-quatre qui les enlèvent. Pas une vierge. Trois cents chaises qui raclent le sol. Deux cents nonante neuf verres de vin servis. Un gigolo sous la table. Toccata et fugue en D mineur en fond.
Un nuage passe. Un deuxième. Un ciel couvert. Des rideaux qui s'ouvrent. Midi trente. Trente pucelles nues resservent du vin. Septante neuf discussions détachées. Un gigolo qui change de table. Mais qui reste toujours dessous. Fellini Senior entre dans la salle aux rideaux ouverts. Silence respectueux. Septante-huit discussions détachées repartent de plus belle.
Une heure sonne. Trois cents assiettes de soupe servies. La soupe est rouge vif. Une assiette renversée sur le carrelage immaculé. Un gigolo qui lèche sa soupe à même le sol. Silence poli dans la salle. Un cri étouffé vient des cuisines. Un gigolo qui sanglote. Une heure trente. Trois cents assiettes de soupe vidées. Trente pucelles viennent desservir. Quatre pucelles violées à même les tables. Deux cent nonante neuf rires gras. Un gigolo à la bouche pleine.
Deux heures. Dix pucelles. Bâillonnées. Amenées dans d'immenses cages. Qui roulent sur le sol immaculé. Un gigolo qui vomit. Une pucelle sortie de sa cage. Une pucelle débâillonnée. Un sanglot. Une lame qui s'enfonce dans le larynx. Un bruit de cartilage qui se brise. Du sang, partout. Neuf pucelles et un gigolo qui pleurent. Dix minutes passent. Dix pucelles égorgées. Une mare de sang sur le sol immaculé. Deux cents nonante neuf convives servis. Un gigolo à la bouche pleine.
Quatre heures. Toutes les tables débarrassées. Vingt neuf femmes qui décident d'enlever leurs manteaux. Dix sept attouchements. Six bouches avides qui s'activent.
Quatre heures dix. Quarante servantes nues attachées les bras en croix au mur du fond. Quarante servantes violées. Cent trente bouches avides qui s'activent. Quarante six femmes honorées. Déjà plus de cinq cents orgasmes. Un froid glacial. Les fenêtres toujours ouvertes. Un gigolo couvert de sperme.
Cinq heures. Cinquante-deux convives endormis. Dont cinquante hommes. Quarante servantes qui pleurent. Cent onze sexes turgescents qui vont et qui viennent. Trente et une bouches avides. Cent et six femmes couvertes de sperme. Un gigolo qui vomit.
Six heures. Trois cents convives partis. Une salle immaculée. Trois cents couteaux biens affutés. Trois cents fourchettes à quatre dents. Trois cents assiettes en porcelaine de Chine disposées sur soixante tables mises bout à bout, chacune d'elle drapée d'une nappe en soie noire. Trois cents verres de vin. Trois cents serviettes en lin blanches. Cinquante bouteilles de bordeaux. Cinquante saucières. Quarante bouquets de roses rouges en guise de décoration florale. Trente paniers de petits pains. Vingt-cinq salières. Vingt-cinq poivriers. Une salle prête à servir le repas du soir.
C'était une journée ordinaire au restaurant des Fellini.
