Je me lance dans le Hannigram avec une petite histoire courte. J'espère que cela vous plaira. J'ai énormément pris de plaisir à regarder cette série qui ne m'avait pas attiré au premier abord. C'était avant de voir le premier épisode, bien entendu.


Le froid et la pluie avaient envahi le paysage. Profitant de mes derniers instants de solitude, je m'étais habillé le plus classe possible. Ma tenue n'avait rien d'extraordinaire mais je savais qu'il l'apprécierait. Depuis que j'étais sortie de l'asile de Baltimore, je m'employais à faire plus attention à mon style vestimentaire.J'avais finalement décidé de suivre Hannibal, après avoir longuement hésité à franchir le pas définitivement. Je ne me tenais donc plus sur ce fil instable à jouer les équilibristes. J'avais réussi à lui pardonner ses méthodes extrêmes. Elles étaient à l'image de l'homme qui les employait : passionnées, effrayantes.

Tandis que je mettais quelques-unes de mes affaires dans un sac, mon téléphone retentit. Un bruit sinistre brisant le silence agréable qui résultait de ma prise de décision. Alana était à l'autre bout de la ligne, une voix angoissée. Elle était toujours porteuse de mauvaises nouvelles et cette fois ne fit pas exception. Ils venaient m'arrêter. Mes entrailles se liquéfièrent à l'idée que finalement, la vie prenait la décision à ma place. Au loin, les gyrophares des voitures de police perçaient déjà la nuit froide. Eteignant toutes lumières, je me saisis à nouveau du téléphone pour prévenir Hannibal, lui dire de partir. J'étais résigné. Tant pis pour lui, tant pis pour nous, tant pis pour le rêve. Celui d'être compris, complet. Celui d'être enfin moi-même en accord avec ma nature. Je ne vendrais pas mon idéal sans combattre certes, mais je n'y voyais aucune issue favorable pour le moment.

Le silence d'Hannibal à l'autre bout de la ligne m'inquiéta et après m'être fondu dans les ombres, je quittais la maison, laissant le soin à mes chiens de retenir l'attention des policiers. Peut-être ne les reverrais-je jamais ? Abandonner mes amis canins me posa un léger problème mais je m'imaginais trouver une solution plus tard. Pour l'instant, j'avais plus urgent. Une fuite, un sauvetage. Qu'allais-je trouver en arrivant ? Je savais pouvoir vivre sans mes chiens tout comme je savais ne pouvoir vivre sans Hannibal. Tel un poison, il s'était glissé dans ma vie, dans mon esprit, sous ma peau, dans mon âme. J'étais désormais capable de tout abandonner pour lui. S'il était tel que je le voyais, j'avais peur qu'il ne préfère m'attendre au lieu de fuir malgré mon avertissement.

J'abandonnais la raison en courant la peur au ventre pour trouver un moyen d'atteindre le domicile du docteur Lecter avant que l'irrémédiable ne se soit produit. J'interprétais son silence comme un refus de partir et cela m'anéantissait. La neige ralentissait mes pas jusqu'à la station la plus proche. Je ne pouvais prendre le risque de me faire prendre aussi lorsqu'un taxi se trouva être bien présent, je remerciais mentalement Dieu d'être de mon côté. Mon pantalon et mes pieds étaient trempés et le tout n'aurait pas le temps de sécher. Je pressais le chauffeur pour qu'il accélère et fit valoir mon statut de consultant au FBI pour qu'il consente à dépasser les limites de vitesse autorisée. Me plongeant dans mes pensées pour imaginer ce qui m'attendait là bas, je laissais le taxi rouler à une allure dangereusement folle pour atteindre ma destination.

Jack n'irait pas là-bas pour l'arrêter. Jack allait le tuer et cette idée m'était insupportable. Je m'étais vu tuer Jack avec Hannibal et la vision ne m'avait pas déplu. Au contraire, j'avais jubilé à l'idée de le faire, c'était si libérateur. L'exaltation que j'avais ressentie à cette idée, m'avait empêché de voir les signes annonciateurs de notre perte. Jack doutait de moi, à juste titre d'ailleurs, je ne pouvais pas l'en blâmer. J'avais aimé jouer avec ce doute jusqu'à imaginer sa réaction lorsque je le tuerai en compagnie de celui qu'il rêvait d'attraper.

Si l'idée de tuer Jack avec Hannibal était une possibilité. L'inverse était impensable, je n'y survivrai pas psychologiquement. Hannibal représentait mon ancre dans le monde, ma stabilité. Et j'en voulais à Jack de m'avoir ne serait-ce que suggérer de le tromper.

Lorsque le taxi arriva enfin devant l'allée, je lui jetai une liasse de billet en le priant de bien vouloir quitter les lieux au plus vite et de m'oublier.

Avançant à grand pas, mon sang se glaça à la vue du corps d'Alana gisant par terre au milieu de morceaux de verre. Pas tant pour elle, la vue de son corps brisé ne m'inspirant rien de particulier. Ce n'était juste pas dans les habitudes d'Hannibal, il devait y avoir un problème. Un problème plus important que de faire disparaître un corps juste devant sa porte. Même avec l'envie pourtant bien présente en moi, je n'avais pas le temps de l'achever, je devais le voir, lui parler. L'aider. Me rassurer.

Aussi pénétrai-je dans la maison en prenant mes précautions. Arme au poing, prêt à tuer Jack si l'occasion se présentait, j'avais suffisamment tergiversé sur le sujet. Ma vie ne pouvait s'épanouir qu'aux côtés d'Hannibal et c'est lui que je choisissais ainsi que le destin qu'il m'avait promis. Nous étions si proche de réussir. Avais-je fait une erreur en voulant maintenir la mascarade jusqu'à ce point ? Jack me soupçonnait sans vouloir y croire et j'aimais me jouer de lui. Parfois, lorsque je doutais, je me disais que cela ferait une porte de sortie au cas où. Au cas où Hannibal n'aurait pas été sincère et que le rêve qu'il me faisait entrevoir ne se révélait être qu'une mascarade.

Dans le couloir, une vision d'Abigail se présenta à moi et m'adressa la parole. Elle semblait si fragile, si irréelle. Elle paraissait trop innocente, juste comme si elle faisait l'appât, pensais-je. Etais-je dans un rêve ? Le regard de la jeune fille vacilla, ne sachant quelle attitude adopter face à moi et à mon silence. Elle ne savait pas quel rôle jouer, comme une actrice qui attend une direction. Mes yeux s'attardèrent sur son oreille coupée et je compris que la jeune fille face à moi était bien réelle. Elle ne faisait pas partie d'un songe que je me serais créé pour me tenir compagnie comme cela m'arrivait si souvent.

Alors, elle n'était pas morte. Cette révélation claqua en moi comme un coup de fusil. La surprise. Elle était ma surprise de ce soir.

Hannibal avait un plan. Hannibal avait toujours eu un plan. J'avais eu raison de le choisir, de choisir d'être moi-même. Nous allions nous en sortir. Je devais y croire. Juste y croire. Croire que ça fonctionnerait entre nous. Que rien n'était perdu. Contre toute attente, il m'avait vraiment attendu au lieu de fuir comme je le lui avais demandé. J'avais si peur. Si peur de constater que j'avais raison. Un sourire se glissa timidement sur mes lèvres tremblantes. Irréaliste.

-Où est-il ? articulai-je silencieusement.

La jeune fille se détendit immédiatement et me serra entre ses bras. Je remarquais seulement la tension qui l'avait habité en me voyant dans le couloir, dans l'attente de mon premier mouvement. J'embrassais alors son front pour la réconforter. Doucement, elle tendit le bras pour m'indiquer la cuisine. En pénétrant dans la pièce, je constatai que cette dernière était dévastée, des traces de sang maculaient le lieu un peu partout. Des meubles étaient brisés ainsi que des ustensiles éparpillés. Tremblant d'effroi en imaginant la scène qui s'y était déroulée, je laissais tomber mon arme au sol. A cet instant, Hannibal sortit de l'ombre, majestueux et plein de grâce. Immédiatement, Abigail quitta mon giron pour se jeter dans les bras de ce magnifique prédateur tandis que je le détaillais pour être sûr qu'il n'ait pas de blessures graves. Du sang tâchait sa chemise, son visage semblait triste.

-Tu étais sensé partir, déclarais-je à deux doigts de m'effondrer, les larmes menaçant de couler.

-Pas sans toi, répondit-il doucement.

Des mots que j'avais rêvé d'entendre. Quelqu'un qui accordait plus d'importance à mon bien être qu'au sien. Je revoyais nos dîners, nos échanges, Abigail. La culpabilité envahit ma bouche quand il se rapprocha de moi pour me serrer dans une douce étreinte. J'avais douté trop souvent et trop longtemps, peu sûr de moi. Habitué à ne compter que sur moi. Et par ma faute, nous allions tous nous faire prendre et cela allait mal finir. Le sang de Jack coulait de sous la porte du cellier où il s'était réfugié. Alana agonisait sur le perron et j'entendais les sirènes des forces de l'ordre se rapprocher de notre position.

Laissant Abigail derrière lui, Hannibal vint m'enlacer alors que je m'effondrais. Il me soutenait en me maintenant de ses bras puissants, ses lèvres frôlèrent les miennes alors qu'il enfonçait une lame qu'il fit courir le long de mon ventre. Il me serra un peu plus contre lui tandis que mon sang commençait à imbiber nos chemises et à se répandre sur le sol.

Dans mon regard une lueur d'incertitude face à ses actions, se présenta. Mes mains quittèrent ses hanches et se serrèrent le long de ma blessure pour retenir le liquide carmin fuyant hors de mon corps.

Hannibal m'accompagna dans ma chute avec douceur m'ancrant à lui fermement, me murmurant des mots tendres et des promesses d'un monde qu'il avait créé juste pour nous. Les larmes brouillaient ma vue et les sanglots amères brûlaient ma gorge. La sensualité de ses gestes et de ses mots étaient en total contradiction avec la douleur qu'il venait de m'infliger.

-Abigail, viens là, demanda-t-il en se redressant légèrement.

Docilement, la jeune fille obéit comme s'ils avaient répété ce pas de danse des millions de fois. Elle se glissa au creux de ses bras, agenouillée devant moi. Et dans mon délire, je cru un instant qu'il allait la tuer. Aussi le suppliai-je. Avec une patience infinie, sans me quitter du regard, il guida les mains d'Abigail pour qu'elle m'aide à endiguer le flot de sang qui emportait ma vie. Avec douceur, il positionna ses mains, puis les miennes. Et je sus alors, avec une certitude horrible, qu'ils s'étaient en effet entraînés tous les deux à cet exercice.

-Père, j'ai peur de ne pas y arriver, désespéra-t-elle un instant en s'appliquant du mieux qu'elle pouvait, une lueur stressée au fond de ses yeux innocents.

Hannibal lui fit un sourire rassurant. Puis, il se pencha vers moi une dernière fois pour murmurer contre mon oreille. Je savais qu'il respirait mon odeur comme il aimait le faire. Je voulais lui avouer pour Freddie. Je voulais lui faire un cadeau pour ce soir, je voulais qu'on le fasse ensemble. Après Jack. Je voulais lui dire tant de chose ce soir mais la route s'arrêtait là. J'étais si désespéré de ne pouvoir que pleurer pour m'exprimer, la douleur n'étant pas tant physique que psychique.

-Il n'y avait pas de meilleures solutions. Notre fille t'expliquera.

Notre fille. Abigail était notre fille désormais. Nous n'étions plus seulement des tuteurs. Mon esprit dérivait dangereusement et je tentais de me concentrer sur lui. Je ne comprenais rien à part qu'il nous laissait derrière. il m'avait épinglé tel un insecte pour être sûr que je ne le suive pas. Ses derniers mots me semblaient abstraits, vide de sens, aussi se perdirent-ils dans le fond de mon cerveau sans que je n'arrive à véritablement les saisir. Avec douceur, il lécha ses doigts poisseux de mon sang, c'était un au revoir.

Un dernier baiser sur la tempe et je le vis s'éloigner les mains sur la tête puis se mettre à genou devant la porte de la cuisine. Ce signe de reddition ne lui convenait pas. Pourquoi faire tout cela ? Sa chemise était couverte de mon sang et je ne parvenais toujours pas à comprendre. De plus en plus faible, je me refusais de le quitter des yeux. Tournant légèrement la tête, il nous regarda une dernière fois. Des hommes des forces spéciales arrivèrent et lui passèrent les menottes avant d'appeler les équipes médicales en urgence. Au milieu de toute cette agitation, je perçus la musique qui continuait de jouer. Je voulus me débattre et tendre la main vers lui dans l'espoir vain de le retenir. Une envie de tuer tous ceux qui se dressaient entre nous me prit mes dernières forces et je m'affaissais contre le plan de travail.

-Tout va bien se passer, me dit Abigail. Reste avec moi. On est une famille maintenant, murmurait-elle avant de brusquement changer d'attitude.

Ses cris hystériques couvrirent la musique et ses mots accusaient Hannibal, celui qu'elle appelait père quelques secondes auparavant. Je voulus la faire taire malgré mon incapacité grandissante et c'est là que je le vis. Son sourire. Plein de fierté, Hannibal souriait alors que des agents le pressaient vers la sortie tandis que des médecins arrivaient en sens inverse. Abigail était entrain de jouer pour lui. C'était le rôle qu'il lui avait assignée et je regrettais de ne pas avoir assez de force pour pouvoir apprécier son formidable jeu d'actrice. Elle attirait les sauveteurs vers moi puis lorsque je fus pris en charge, fit semblant de se rappeler de Jack dans le cellier. La musique continuait en fond sonore.

Lorsque plusieurs minutes plus tard je fus hisser sur un brancard, je perdis connaissance. L'acteur principal de ma pièce venait d'être emmener loin de moi pour une durée indéterminée.. On venait de m'arracher la vie. Il ne me restait que la voix d'un ange qui m'assurait que tout irait bien. Un ange qui pleurait en refusant de me lâcher la main. Je n'étais pas sûre qu'on la laisse rester avec moi.

En sombrant, j'espérais que le réveil serait meilleur. Les équipes médicales s'occupaient de moi et la sirène de l'ambulance raisonnait à l'intérieur de ma tête. Des sons étouffés me parvenaient par bribes. Par chance, aucun organe vitale de touché. De la chance, avec Hannibal au commande ? L'ironie m'arracha un sourire dans mon inconscient. Hannibal avait un plan. Il avait toujours un plan. C'était bien la peine d'avoir mis de si beau vêtement pour qu'ils finissent dans cet état. Le souvenir le plus marquant de cette soirée resterait son corps contre le mien et ses lèvres sur ma tempe dans un geste plus sensuel qu'affectueux.


Verdict ? à bientôt pour la suite