Du sang sur les marguerites

Parce qu'il était minuit. Parce que Regina était seule. Parce qu'Emma était soûle.

Emma, Mary Margaret et Ruby étaient assises au bar, à se demander ce que Regina faisait toute seule dans un coin de la pièce. Assise à une table, complètement seule, elle buvait verre de whiskey après verre de whiskey. Elle semblait concentrée sur sa tâche, comme si rien d'autre n'existait à ce moment précis sauf le brûlant liquide et elle. Tout avait disparu, elle ne réalisait même plus qu'elle était dans un lieu public. Plus la bouteille se vidait, plus son visage se détendait et passait de son expression enragée habituelle à une tristesse à briser même les cœurs les plus durs. Seule Emma remarquait cette détresse indescriptible, les deux autres trouvaient seulement qu'elle était pathétique et que quelqu'un devrait la ramener chez elle avant qu'elle ne boive la goutte de trop. À un moment donné, Ruby avait eu la brillante idée de lancer un défi stupide à Emma, qui ne pouvait jamais dire non à un défi, sous peine d'être vue comme une lâche.

- J'te parie que t'es incapable de lui demander de danser avec toi!

- Arrête Ruby, regarde la un peu. C'est pas drôle.

- Lâche.

Ce simple mot fit se lever Emma de son tabouret, pour se diriger d'un air décidé vers la table de Regina. Elle était décidée à être directe et séductrice, mais plus elle s'approchait, plus sa volonté diminuait au même rythme que sa haine pour cette femme cruelle. Arrivée devant la table de la Mairesse de Storybrooke, elle avait perdue toute mauvaise intention. Elle s'était doucement assise sur la banquette aux côtés de la jolie brune, s'était penchée tranquillement devant son visage mélancolique.

- Regina? Est-ce que vous allez bien?

Mais toujours elle refusait catégoriquement de parler. Elle lançait des regards désespérés autour d'elle, comme si elle venait finalement de réaliser qu'elle n'était pas toute seule chez elle, mais bien au milieu d'une foule d'étrangers. Regina plongea ses yeux dans ceux d'Emma, les grands yeux noisettes se remplirent de panique. Ceux, d'un vert de jade, comprirent le message et la jolie blonde garda le silence. Elle prit la main de Regina sous la table et la serra tendrement au creux de la sienne, évitant de se mettre à pleurer. Que la Mairesse de Storybrooke soit à ce point déchue, c'était un bien triste spectacle; Emma aurait du se réjouir, pourtant elle n'éprouvait qu'une grande pitié et un besoin inexplicable de prendre soin de cette femme qu'elle détestait pourtant.

Alors tout doucement, comme s'il s'agissait de l'acte le plus naturel qui soit, Emma prit Regina par la taille pour l'appuyer sur elle en l'aidant à se relever. La brunette avait de la difficulté à simplement marcher, alors la Shérif la portait presque. Les deux femmes sortirent sans se soucier du regard de tous les clients outrés, particulièrement de Mary Margaret et de Ruby, pour se diriger vers la porte d'entrée. Regina failli tomber dans les escaliers à l'extérieur du bar, passant à deux doigts de s'ouvrir le front sur le ciment dur, mais Emma la rattrapa juste à temps. Les deux femmes étaient nez à nez, leurs lèvres se frôlant presque. La Mairesse détourna le regard précipitamment en fermant ses yeux, ses cheveux en bataille cachant ses paupières, ses joues rougissant légèrement en réalisant que les mains chaudes de l'affectueuse blonde reposaient sur ses hanches larges. La respiration accélérée de Regina trahissait son inconfort, mais aussi sa panique de se retrouver dans une position où elle détestait être... mais où elle mourait d'envie de rester à la fois. Elle arriva à murmurer rageusement, entre ses dents serrées:

- Reposez-moi.

Ce qu'Emma fit délicatement. Elle s'empressa quand même de passer un bras autour de la taille de la brunette pour l'empêcher de tomber une fois de plus en l'accompagnant à sa voiture. Ce n'est qu'arrivée devant sa Beetle jaune qu'elle réalisa qu'elle ne pouvait clairement pas conduire; elle avait décidemment trop bu. Quel exemple elle donnerait alors, elle, la Shérif de Storybrooke, soûle au volant... Son appartement était trop loin, il ne lui restait qu'une seule option; raccompagner Regina chez elle en espérant pouvoir dormir sur le divan. La riche maison blanche se trouvait à environ une quinzaine de minutes de marche: réalisable. Elles entamèrent donc la route sans se parler ne serait-ce qu'une seule fois, pestant toutes les deux mentalement contre leurs talons hauts qui démolissaient leurs pieds.

Puis leurs pas les ont menés tranquillement dans la rue de la Mairesse. Plus elles se rapprochaient, plus l'horrible situation devenait évidente à Emma: la riche maison avait été saccagée durant l'absence de Regina. Deux fenêtres étaient brisées en mille morceaux, une phrase était écrite en rouge écarlate sur la façade blanche et les marguerites semblaient recouvertes d'une peinture épaisse, rouge foncée et gluante. Par chance, la femme complètement soûle s'était effondrée sur l'épaule de la grande blonde et n'avait pas la visibilité nécessaire pour apercevoir les dégâts. Elle ouvrit brusquement les yeux en pénétrant dans sa cour, comme alertée du danger par son instinct. Elle tenta de se relever la tête, mais Emma la serra contre elle avec force pour la détourner du triste spectacle qu'elle pouvait lui éviter.

- Laissez-moi regarder, Miss Swan. Et relâchez-moi immédiatement.

- Vous me remercierez demain matin. Où est votre clé, vous n'avez pas de sac à main?

- Sous le paillasson.

- Quelle imagination, vraiment, bonjour l'originalité...

Emma relâcha donc son emprise physique sur la petite brune pour se pencher et ouvrir la porte qui menait à la riche demeure. Malgré le vandalisme à l'extérieur, l'intérieur semblait relativement intacte. Les deux femmes pénétrèrent ensemble dans l'entrée, refermant la lourde porte derrière elles. Regina retira ses souliers mais Emma déposa une main tendre sur sa cheville nue pour l'empêcher d'avancer quand elle voulu se mettre en marche vers les hauts escaliers, vers sa chambre et surtout vers son lit moelleux.

- Faites attention, il y a du verre partout.

Regina grogna de rage en remettant ses douloureux escarpins qui la faisaient tant souffrir, puis marcha jusqu'à la cuisine en s'appuyant sur les murs, ses belles jambes la supportant à peine.

- Vous pouvez partir, Miss Swan. Tout de suite.

- Êtes-vous folle? Pas envie d'avoir une mort sur la conscience, pas même la vôtre. Je vais préparer votre lit puis je dormirai ici pour m'assurer que vous allez bien.

Emma n'en avait pas particulièrement envie, mais c'était la seule solution pour éviter que la mère de son fils sombre dans un coma. Regina décida de ne plus répliquer, appréciant secrètement la présence d'Emma et, surtout, le fait que quelqu'un se soucie d'elle. Se préoccupe de son bien être, sans espérer y tirer quelque chose en retour.

La blonde fit le lit avec soin, prépara un pyjama confortable et de gros bas chauds. Elle eu l'idée d'aller faire chauffer une tisane à Regina alors elle descendit à la cuisine pour mettre son idée à exécution. Quelle ne fut pas sa surprise, ou plutôt son dégoût, de voir la brunette assise au comptoir, un verre de vin à la main. Elle l'avalait à grandes lampées, la bouteille à moitié vide en avant d'elle parlait d'elle-même. Emma réagit violement en lui retirant son verre des mains et en vidant son contenu, ainsi que celui de la bouteille, dans l'évier. La Mairesse n'eut même pas la force de se lever, ni de protester, mais elle laissa sortir de sa bouche un petit rire moqueur et blessé.

- Vous... vous n'avez aucune... AUCUNE idée de ce que j'endure à tous les jours.

- Nous avons tous nos problèmes, Regina. Ce n'est certainement pas une raison pour les noyer dans l'alcool! Pensez à notre fils...

- Arrêtez un peu de vous servir de lui.

- Qu'est-ce qui ne va pas? Expliquez-moi. C'est le vandalisme de la maison? Ne vous inquiétez pas, je m'en occupe demain matin. Vous êtes en sécurité, je serai ici toute la nuit.

- Vous ne comprenez rien... Vous ne comprendrez jamais.

- Alors dites-moi.

Regina avait croisée ses mains, elle faisait cliqueter ses ongles ensemble nerveusement en les regardant pour éviter de croiser les yeux d'Emma, qui s'était installée debout à côté de son tabouret, juste à côté. Elle laissa pousser un soupir, puis lança un regard perçant à la Shérif qui regretta immédiatement d'avoir demandée à la brunette de répondre à un sujet aussi privé et intime.

- Nous en reparlerons, Miss Swan.

Elle tenta d'esquisser quelques pas pour se lever, mais elle chuta misérablement... au sol cette fois ci. Sans un mot, Emma se pencha à ses côtés, l'aida à se relever et à monter les escaliers en soutenant son poids. Le corps chaud de Regina contre elle la mettait mal à l'aise, mais elle ne savait pas pourquoi. Cette femme était une nuisance, un danger, une plaie. La peste qui aurait pris forme humaine. Pourtant...

Elles arrivèrent dans la chambre dans la Mairesse dans un silence complet. Emma se retourna et quitta la chambre en refermant derrière elle la porte blanche. Elle s'appropria le divan du salon sans demander la permission, pensant au moins pouvoir profiter de quelques heures de sommeil. Elle ni arriva point. Quand elle entendit Regina pleurer dans son sommeil, Emma resta de glace.

Tellement longtemps que je n'ai pas écris, je suis assez rouillée! Étrange commencement, je vous l'accorde, mais j'essaie de sortir du simple "one night" que j'affectionne tant. Histoire à développement, donc... Qui me suit?

AB xxx